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Welcome on board ... sir ? {Alh'}

L'océan filait sous la coque étincelante du Léviathan. Face au Soleil couchant, un homme restait là, les yeux perdus dans l'horizon. Les couleurs chatoyantes annonçant le crépuscule jouaient sur ses habits, les teintant d'or et de carmin. Le vent du grand large faisait voler sa longue écharpe derrière lui, claquant au gré des ses caprices. Les voiles du navire en étaient gonflées, et nulle terre n'était visible à l'horizon : Little Garden était loin derrière eux. L'homme au visage masqué baissa les yeux vers son gantelet d'arme, aux griffes effilées. Un frisson lui parcourut l'échine, alors qu'il revoyait le sang maculer ses articulations, glisser sur le métal et tomber en gouttes désordonnées à ses pieds. Il referma le poing, chassant cette image de son crâne. Il avait laissé sa colère l'emporter, prendre le dessus sur ses convictions, écœuré par son adversaire. Certains méritaient de mourir, et d'autres, de souffrir. Mais ce plaisir qu'il avait ressenti en prenant la vie de la donzelle. Un bien-être qu'il n'avait pas éprouvé depuis qu'il avait troqué son habit noir contre celui-ci. Un frisson lui parcouru l'échine, mais il n'aurait su dire si c'était d'extase ou de crainte. Son âme était damnée, il ne le savait que trop bien. Mais alors il tuait pour le bien du peuple, éliminant ceux qui le mettaient au pas et abusaient de lui. Hormis ça, il n'avait jamais pris conscience que ces meurtres avaient une telle importance pour lui, lui étaient nécessaires. Un râle profond s'exhala de sa gorge, alors que son regard se posait sur l'un des Marines qui s'activait sur le pont. Etait-ce ainsi qu'il était sensé juguler ses envies meurtrières ? Une sombre envie lui dictait de dégainer sa rapière et de lui passer en travers de la gorge. De sentir ce doux liquide carmin lui glisser entre les doigts. Les gouttes ricocher sur ses vêtements et s'épancher à terre. Une légère fumée s'en exhaler. Puis voir les hommes se rassembler autour du corps, céder à la peur. La voir s'instiller dans le coeur de ses ennemis, les envahir et les contrôler. Contempler cette fange se perdre, s'égarer au milieu de tout ce carnage. Et les tuer un à un.

Rafael posa doucement la main sur le pommeau de son arme, un léger rire naissant du fond de sa gorge. Ce soir, le pont du Léviathan se teinterait du même rouge que le crépuscule. Il n'y aurait aucune dorure autour des cadavres de ses ennemis, aucun ornement sinon le tranchant effilé de sa lame. La lame coulissa légèrement dans sou fourreau, s'élevant de quelques millimètres. Juste assez pour que le son cristallin du métal de lui chatouille l'oreille, atténuant une fraction de seconde ses pulsions. Il lâcha son épée et recula d'un pas, faisant face à l'horizon. Si l'on ne pouvait voir son expression, ses yeux trahissaient sa panique. Il secoua la tête pour chasser ces sombres idées de son crâne. Depuis quand était-il devenu ainsi ? Depuis quand avait-il ce besoin de tuer ? Et si ... et si ce qu'il ressentait lorsqu'il mettait à mort n'était pas le soulagement de mettre fin à une mauvaise vie, ce sentiment d'euphorie qui lui dictait que son acte était juste ? Non, il était le glaive de la justice, la vraie justice. Il tuait ceux qui le méritaient, ceux qui abusaient du peuple. Et ceux qui se mettaient en travers de sa route. Son combat ne pouvait souffrir sa propre mort alors il endossait diverses personnalité, comme celle qu'il arborait en cette soirée, sur le Léviathan. Reprenant son aplomb, l'assassin s'avança jusqu'à la figure de proue et posa sa main dessus. Le Granit Marin ne remontait pas jusque là alors il n'y avait aucune crainte. D'un petit bond, il se projeta sur le sommet de la sculpture et s'y assit, exposé aux vents du funeste océan. Il vivait au milieu de ceux qu'il avait juré d'anéantir, il était normal que par moment il puisse se concéder quelques instants de faiblesse. Ce n'était pas le sang en général qu'il désirait voir couler, mais celui de ces vermines, qui usaient et abusaient des hommes bons. Etait-ce vraiment ça ? Oui, bien sûr. C'était même certain ...

L'assassin inspira profondément et se mit en tailleur, puis posa les poignets sur ses genoux, les paumes vers le ciel. C'était un exercice de relaxation qu'il avait appris lors de sa dernière visite à Whisky Peaks. Il souffla tout aussi intensément, puis concentra la majeure partie de sa psyché sur les ressacs de la marée et le vent qui l'entourait. Il y avait encore tant de leçons qu'il devait apprendre. Tant de mystères à éclaircir et de nouveaux mondes à explorer, à commencer par celui des fruits du démon. Ou encore même le haki. Un de ses anciens confrères de l'Union lui avait aussi parlé du siècle perdu et des ponéglyphes. Combien de choses le Gouvernement avait mis sous scellé depuis ce temps ? Peu importait. En cet instant, il n'y avait plus que lui et l'océan. L'assassin ouvrit son esprit aux contraintes du navire, écoutant chaque poulie grincer, chaque corde se tendre. Il percevait ainsi les bottes des Marines qui tapaient sur le pont au rythme de leurs allées et venues. Une sorte de mélodie propre qui ne lui appartenait qu'à lui. Il aimait à penser qu'il était le seul à la percevoir, mais il suffisait d'écouter pour en ressentir la rumeur. La Volpe lui avait appris à entendre et voir, une leçon qui lui avait été profitable tout au long de sa vie. Et il ne cessait de s'étonner de voir que l'ensemble des hommes passaient ainsi à côté de nombreuses choses. Un son intriguant vint alors perturber l'oreille paisible de Rafael, un pas lourd et cadencé. Un pas qu'il avait appris à reconnaître en premier. Ainsi, sans se retourner, il garda les yeux fermés, percevant la rumeur de plus en plus forte de la venue d'un autre homme en ces lieux de quiétude. Un sourire se dessina sous son étole.


"Que puis-je pour vous, Colonel ?" lâcha-t-il sans bouger.
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    - Bien. Au vu de tes actions, tu es maintenant promu au grade de contre-amiral ! Mes félicitations, Salem. Recontacte-moi dès que tu t’approcheras de la prochaine ile. Sur ce, je vous laisse.

    L’escargophone vidéo se coupa et l’image de l’émérite amiral Shiro s’évanouit on n’sait où. Le silence dans la salle de réunion du Léviathan fut de courte durée, puisque le reste des hommes commencèrent à s’exclamer joyeusement. Leur capitane était enfin un contre-amiral. Il rejoignait la crème des crèmes de tous les officiers de la marine. Un exploit à fêter dignement. Alors que Ketsuno et Marone dansaient de manière amusante, je me levai doucement, la mine complètement serrée, avant de dépasser tout l’monde sans piper le moindre mot. Etre promu dans ces circonstances n’était pas chose plaisante. En tout cas pas pour moi. Je le méritais, certes, mais à quel prix ? Plus d’une trentaine de marines avaient péri dans cette affaire, sans compter que le Léviathan, bien que rafistolé, avait pris gros dans cette histoire. Il restait encore quelques parties à réparer, peaufiner… Bref, encore du travail pour ces pauvres charpentiers qui semblaient ne pas en voir le bout. Mais alors que je me perdais en pensées, Sarkozyzy posa une main sur mon épaule droite et me félicita avec un sourire radieux, ce qui était rare de sa part vu qu’il arborait sans cesse une mine grincheuse pour qui le connaissait bien. Le pauvre n’eut pour réponse qu’un pale sourire et un hochement de tête de ma part. Si j’étais plutôt fier d’avoir réussi à prendre du galon, il n’en demeurait pas moins que j’étais triste, surtout pour les morts qui auraient pu, avec nous, fêter ma nouvelle réussite. Réussite qui m’avait également couté de grandes blessures autant physiques que morale. Somme toute, l’on pouvait dire que j’avais une sale mine. Le moral n’était pas du tout au beau fixe depuis que le Léviathan avait recommencé à progresser…

    - SALEM ! FAIS UN EFFORT, MERDE !

    La voix de Ketsuno ébranla soudainement toute la pièce. Celle-ci semblait être fatiguée de me voir complètement chagriné, surtout que n’importe quel marine aurait sauté de joie à l’annonce d’une telle promotion. Il était plus que clair qu’être haut-officier n’était pas un privilège et un honneur donnés à tout le monde. J’aurais pu me retourner et remettre ma cousine à sa place, mais je continuai ma route sans rien dire au lieu de cela. La jeune femme péta un câble, voulut me suivre pour me dire ce qu’elle avait sur le cœur, mais fut stoppée par une multitude de marines qui craignaient un violent clash entre nous eux. Tout le monde savait pertinemment qu’un Salem irrité pouvait être capable du pire, et pas qu’un peu. Les plus anciens m’avaient déjà vu à l’œuvre, et Ketsuno elle-même semblait oublier ce fait. Bien avant de sortir de la salle, je jetai un regard à Oswald, qui dans son coin, semblait très serein, avant d’ouvrir la porte et m’en aller. Il me fallait de la solitude… Recharger mes batteries dans le calme le plus complet, avant de redevenir le Salem qu’on connaissait. Mais combien de temps allais-je pouvoir tenir comme ça ? Bonne question qui méritait pure réflexion. Car moi plus que quiconque avait perdu beaucoup, beaucoup trop d’êtres chers. La preuve que la beauté, l’argent et la force ne suffisaient pas pour rendre heureux. Il m’arrivait parfois, comme ça, de pleurer ma première femme… Et les jumeaux que j’aurai pu avoir. Mais ces temps-ci, mes pleurs étaient plutôt destinés à mes hommes qui avaient péri à Little Garden ; preuve de ma grande sensibilité et de mon affection pour ces gens que je considérais comme étant des membres de ma famille. Elle était dure finalement, la vie de marine…

    Nonobstant, il y avait une once de fierté qui subsistait dans ce cœur chagriné. La fierté d’avoir pu se hisser enfin dans la cour des grands. C’était tout à mon honneur, et intérieurement, je dédiais ce succès aux morts de Little Garden. J’eus une affectueuse pensée pour les plus jeunes, à savoir Rain et Taiten, mais je n’oubliais pas non plus les éclaireurs qui avaient été les premiers à mourir, et l’équipage du commodore Swan. Ils devaient être fiers de moi, depuis là-haut, et je n’en doutais pas une seule seconde. Et je puis vous dire que cette seule pensée avait suffi à me faire sourire. Reprenant doucement ma marche, je dépassai quelques hommes qui me saluèrent respectueusement, avant de gravir plusieurs marches d’un escalier qui menait tout droit au pont du gigantesque navire, qui, lui, continuait toujours de braver les eaux tumultueuses de Grand Line. Après avoir passé le cap Morvak et bien qu’encore vulnérable, surtout avec mon bras gauche plâtré, je me demandais si nous n’avions déjà pas bravés le pire. Il est bien vrai que les eaux de cette région grouillaient de pirates plus infâmes les uns que les autres, mais Morvak était un spécimen de force unique en son genre. Il ne fallait cependant pas que je dorme sur mes lauriers ou que je passe mon temps à me lamenter. Ces eaux n’étaient pas réputées dangereuses pour rien, bien qu’elles ne valaient pas tellement le degré de dangerosité du nouveau monde. On parlait là d’une tout autre ligue. La brise maritime me berçait presque et me caressait le visage. Des sensations que j’avais complètement oubliées. Un bien fou. Mais alors que je pensais seul sur cette partie du pont que je foulais de mes pieds, je vis Gabriel, mon bienfaiteur, assis tout seul sur le canon pacifista. Une occasion d’échanger avec ce drôle d’énergumène que je commençai dès lors à approcher…

    - Contre-Amiral Fenyang, maintenant. Mais tu devrais arrêter de me vouvoyer, à présent…


    Comment avait-il su que c’était moi ? Mystère et boule de gomme. Mais j’ne voulais pas me torturer l’esprit à essayer de comprendre. Ou tout du moins, pas aujourd’hui. Je m’approchai du bastingage et m’y accoudai tranquillement en regardant l’horizon qui semblait augurer des jours meilleurs pour les Rhino. « Merci… Pour tout. Pour l’aide que tu m’as apporté depuis cette cabane pourrie. Et aussi pour les soins que tu m’as prodigué ces derniers jours. Oui oui, Ketsuno m’en a parlé… » Cet homme aussi respectable que mystérieux était comme un ange. Un ange venu du ciel pour me porter assistance, et m’aider à concrétiser le destin que les dieux avaient tracé pour mon humble personne. Un sourire s’afficha sur mes lèvres, tandis que j’essayai tant bien que mal d’aplatir ma chevelure totalement ébouriffée par le vent. Plus les secondes s’égrenaient et plus mes cheveux devenaient un véritable champ de bataille… « Ceci dit, j’ai quand même des interrogations à ton sujet, et j’aimerais que tu répondes à quelques-unes de mes questions… Dans tous les cas, ce n’est nullement une obligation. Après tout, je viens te déranger en pleine méditation… » Des questions le concernant ? J’en avais à la pelle, même s’il fallait que j’en fasse le tri, histoire de ne pas trop l’importuner. Un blanc s’installa par la suite. Blanc pendant lequel je m’amusais à le contempler. Il était plus propre, plus présentable… Moins misérable dans tous les cas. « Pourquoi nous cacher ton visage après tout ce que tu as fait pour nous ? La question est un peu déplacée, mais je préfère me faire une raison, plutôt que de ruminer et me questionner sans cesse sur le sujet… » Il avait peut-être ses raisons, mais j’étais en droit de savoir. Même si au lieu de penser à un fugitif, je m’imaginais plutôt un homme totalement défiguré, qui nous cachait sa laideur, un truc du genre…

    - Et pour finir… Qui es-tu, quelles sont tes intentions et plus important… Pourquoi m’avoir sauvé ?
    Nous y voilà. L'instant fatidique qui suivait la tombée de la nuit. L'instant des questions et des mises en garde, le moment crucial où le masque prenait son envergure et son stratagème était mis à l'épreuve. Comment justifier de se masquer si l'on avait rien à se reprocher ? Car nous nous étions déjà rencontré, mon cher, et je t'avais alors menacé de ma lame, prêt à t'ôter la vie en échange de celle d'un enfant. Oh, ce jour, jamais Rafael ne pourrait l'oublier. Le ... Contre-Amiral Fenyang s'était montré bien sage de pousser le Révolutionnaire jusqu'au bout, jouant de sa superbe. Et il n'y avait vu que du feu. Mais les choses avaient bien changées de puis. L'homme de métal qu'il était s'était transformé en nuage incendiaire, implacable tant au propre qu'au figuré. À nouveau, un sourire se tissa sous son étole, moqueur et irrévérencieux. Mais il était seul à le savoir. Le Léviathan accusa un violent ressac, qui fit vibrer le bastingage. Rafael ne moufta pas, accusant le coup avec les épaules. Une bruine salée vint lui chatouiller le visage. Un léger frisson secoua son échine. Il était cerné par les éléments qui lui étaient les plus hostiles en ce monde. L'océan, le kairouseki et ... Fenyang. Il ne se retourna pas, laissant quelques secondes pour que les questions de son interlocuteur planent. Duperie et mise en scène étaient des armes d'une puissance rare. Et les assassins l'avaient compris depuis longtemps.

    "Mes félicitations, Contre-Amiral."
    répondit-il, simplement, gardant son regard fixé vers l'astre qui disparaissait derrière les flots.

    Sincère ou non, ce n'était qu'une manière de déguiser son amertume. Ne l'avait-il point aidé ? Il prenait conscience que son voyage lui demanderait de tels sacrifices à l'avenir, mais il était prêt à tout. Là étaient les lois de la filature, mais une chose était certaine : jamais il ne lèverait la main sur un camarade. Les pirates étaient le fléau de ce monde, des criminels. Les tuer n'était que chose nécessaire. De nouveau, Rafael inspira. Il s'était montré beaucoup plus chaleureux dans ces geôles, plus avenant même. Mais c'était une erreur qu'il se devrait de rectifier petit à petit. La suspicion d'Alheiri le prenait à rebrousse poil. Il était évident qu'il ne lui ferait pas confiance aussi rapidement. Lui même n'aurait jamais accordé sa confiance à un pareil individu. Là était la beauté du jeu, mais à voler trop près du Soleil, on s'en brûlait souvent les ailes. Sauf lorsqu'elles étaient faites de fumée. Intangibles, inaltérables. Il ne pouvait échouer, pas ici.

    "Tuer ne devrait pas procurer un tel sentiment de bien-être. La vengeance est un feu corrupteur." continua l'assassin, sans démordre de l'horizon.

    "Et j'ai depuis cette île le sang d'une femme sur les mains." poursuivit Rafael, oscillant entre semi-vérités et constations éloquentes.

    Sans crier gare, il se leva, s'appuyant sur sa main gauche. Il passa les pieds par dessus le bastingage et se rattrapa à hauteur du Contre-Amiral. Il le regarda droit dans les yeux, ne cherchant pas à se dérober à ses questions. S'il étudiait chacun de ses propres gestes, il ne voulait pas laisser de doutes dans l'esprit de Fenyang. Il mourrait d'envie de lui balancer la vérité, de voir sa mine déconfite, de savoir qu'il devait une partie de sa victoire à un homme qui s'était juré être son ennemi le plus détestable, mais son esprit de rouages tua dans l'oeuf cette idée puérile. Plus tard, se promit-il.

    "Une femme qui a eu sa part dans ce qui est arrivé à mon frère. Peut-être qu'un jour je te parlerais de lui."
    expliqua-t-il, optant soudainement pour le tutoiement.

    Il le mettait sur un pied d'égalité, parfait. L'assassin n'envisageait pas de toute manière de montrer un quelconque respect à cet homme. Il pouvait admirer certains de ses qualités, mais l'étendard qu'il arborait n'était pas pour lui plaire. Il n'était pas du genre à respecter ses ennemis, prenant un trop malin plaisir à les traîner dans la fange avant de leur enfoncer son poignard dans sa gorge. Leur sang goutter hors de leur jugulaire, sa lame s'enfoncer si profondément ... Encore ces satanées pulsions. Il effleura doucement l'ocarina qui pendait à sa ceinture. Doux souvenir de ce qu'il était autrefois.

    "Il y a différentes façon d'aborder la question. Et la réponse est que je ne vous cache pas mon visage." fit-il, détournant le regard de celui de son interlocuteur.

    Ce faisant, il se tourna et se mit à ses côtés. Le vent fit claque les pans de son écharpe, mettant encore plus en relief son physique asséché, comparé à celui du Contre-Amiral, tout en puissance. Le pouce du gantelet métallique de l'assassin vint se glisser sous sa ceinture, à un demi-centimètre de sa rapière. Détail ?

    "Il y a des symboles plus puissants que la destinée d'un seul homme. Il y a des choix qui nécessitent l'implication de toute une génération, ne penses-tu pas ? Et ce voile en est un. Un choix, un symbole. Celui de mon combat. Je suis un tueur, le sang d'une femme est sur mes mains." développa Rafael, choisissant ses mots avec malice.

    "Un jour, vous verrez mon visage, je te le promets. Mais pas encore, pas tant que mes erreurs seront encore des erreurs, non pas des leçons du passé. Et oui, tout cela a un lien avec mon frère. Et avec ma vengeance." répondit-il, sur un ton sibyllin.

    "Quant à la raison pour laquelle je t'ai aidé, elle fut tout d'abord égoïste. Tu étais là, et j'avais besoin d'aide. Egoïste. Puis j'ai vu tes hommes. Ton navire, ta cause. L'ennemi de mon ennemi est mon ami, dit-on. J'ai voulu vérifier l'adage, je ne pensais pas qu'il existait encore des hommes capables d'œuvrer pour une juste cause." reprit l'assassin, marquant une légère pause avant de poursuivre.

    "Tes questions sont justifiées, je n'accorderais moi aussi que peu de foi en la parole d'un homme aussi peu entreprenant que je le suis. J'ai tenté d'aider de mon mieux, avec mes quelques capacités. Mais je te demanderais d'être patient, je dois moi aussi apprendre à vous faire confiance pour me permettre ces réponses. Accepte mon bras dans ta quête, et je suis sûr que nous trouverons comment en faire bon usage. Pour l'heure, je ne peux t'offrir que mon épée, et mon savoir, en dédommagement de l'accueil que tu me fais sur ton navire." termina-t-il.

    S'il savait lire entre les lignes, Alheiri n'aurait pas besoin de se demander quelles étaient les intentions réelles de l'assassin. Le ton froid, presque détaché de Rafael en disait long. Sa vengeance primait sur le reste, bien qu'il put admettre qu'elle soit néfaste. Mais ses propos étaient enrobés de belles paroles qui n'étaient là que pour appuyer ses tournures de phrase. Pas de propos vains, mais des demi-vérités qui en disaient long, surtout lorsqu'on connaissait la vérité. L'assassin passa une main distraite sur l'étole qui masquait son visage. Le Contre-Amiral accepterait-il cette proposition ou lui demanderait-il d'aller plus loin ? Ce n'était pas que l'assassin était à court d'arguments ou d'histoires fantasques, mais son rôle rendait nécessaire cette réserve. Après tout, il y avait assez de vérités dans cette comédie pour la rendre on ne pouvait plus réelle. Gabriel n'était qu'un ersatz de Rafael, une copie tout à fait plausible, un homme qu'il aurait pu devenir. Mais le destin avait choisi de faire de lui une âme damnée qui vouait son combat au sang et au châtiment. Tout n'était qu'une question de point de vue, mais au moins il avait été totalement honnête sur une chose : il était un tueur.
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      - Tes réponses sont satisfaisantes, vu que tu n’étais obligé de répondre à mes questions. Tu as aussi le mérite d’être franc sur certains points, et c’est déjà un bon début…

      Satisfaisantes ? Pas tout à fait. Mais étant donné que je ne l’avais point obligé à répondre à mes questions, j’pouvais dire que c’était mieux que rien. Mon sourire s’effaça légèrement. J’avais ainsi donc affaire à un tueur. Cette seule réponse aurait pu me suffire pour que je me jette à son cou, mais il n’en fut rien ; car en me délivrant précédemment, il avait sauvé ma vie, pour ne pas dire celle de tout mon équipage entier. Rien que pour cela, je lui étais totalement reconnaissant. Il fallait cependant avouer qu’à l’instar des autres marines qui se trouvaient sur le navire, cet homme m’intriguait et pas qu’un peu. Il avait un charme indéniable malgré son apparence, et il dégageait une espèce de froideur qui ne sentait pas que vengeance. Cet homme avait l’âme même d’un bon samaritain. Un homme éprit de justice, comme on en trouvait plus. Je reportai mon regard à l’horizon, avant de recommencer à sourire. Avec un peu de chance, j’allais peut être le convaincre de rejoindre officiellement nos rangs, comme je l’avais fait pour tant d’autres personnes. Après tout, mon grade dans la hiérarchie me permettait de recruter et de former des nouvelles recrues, même si j’me doutais bien que je n’avais rien à apprendre à un assassin. Un assassin hein… ? Décidément, je n’arrivais pas à digérer ce statut qu’il avait, quand bien même je me doutais qu’il ne tuait pas de pauvres innocents. Le fait qu’il m’ait épargné la vie, fut pour moi une raison amplement suffisante pour que je croie dur comme fer, qu’il était un homme bon et exceptionnel. Peu d’inconnus pouvaient se targuer de faire la même chose que lui…

      J’avais par la suite laissé un blanc entre nous, me contentant de poser mon bras droit sur le bastingage, l’autre étant encore un peu touché. J’aimais bien contempler l’horizon, pour m’évader et oublier tous mes soucis. Je voulais par-dessus tout oublier la mort de mes chers camarades. Il était temps de tourner la page et de passer à autre chose, ce que j’allais sans doute faire une fois à la prochaine ile. Mais pour l’heure, nous n’y étions pas encore, sans compter que le voyage promettait d’être plus ou moins long. Il y avait autre chose, qui m’intriguait beaucoup : Le fait que Drum soit sous possession révolutionnaire. L’amiral Shiro m’avait principalement contacté pour cette raison, tout en me demandant de rester sur le qui-vive. Encore des problèmes en perspectives… De ce fait, il fallait aussi que je me rétablisse vite, puisque j’étais toujours un peu mal en point. Difficile pour un bretteur comme moi de me défendre avec le bras gauche fracturé et recouvert de plâtre. Mais en parlant de bras, il y avait le gantelet en fer de Gabriel qui m’interpellait. Je n’en avais jamais prêté trop grande attention, mais de près, difficile de l’ignorer. On aurait presque dit une coquille… Une coquille vide, et mon impression ne faisait que s’accentuer au fil des secondes qui passaient. Etait-il manchot ? Ça en avait presque tout l’air, même si une question de ce genre et de ma part, aurait été carrément déplacée. C’est de ce fait que je détournai une nouvelle fois mes yeux vers l’horizon. Impossible d’observer et d’analyser les expressions de Gabriel, vu qu’il avait camouflé les traits de son visage…

      - Drum sera le lieu de nouveaux remous. Un amiral vient de me confirmer une forte présence révolutionnaire sur cette île. Et vu qu’on y sera certainement dans quelques jours, je veux bien emprunter ta lame pour la suite de notre périple. D’ailleurs, je te remercie pour cette perpétuelle aide. Tu es d’un grand soutien.


      Mes mots étaient emprunts d’une vraie sincérité, et d’une touche d’optimisme. Un tueur pouvait toujours se reconvertir en honnête marine. Mais encore fallait-il d’abord qu’il réussisse à assouvir sa vengeance. Une vengeance personnelle qui j’espérais, ne touchait en aucun cas les miens, ce qui ne devrait pas être le cas. J’aurais pu essayer d’atténuer cet élan dévastateur par les mots, mais je n’en avais pas la foi, ayant moi-même gouté à la vengeance à plusieurs reprises. Je n’en avais pas non plus le courage, car la froideur dont faisait preuve le masqué était à tout épreuve. On aurait dit un voile ténébreux qu’on n’pouvait pénétrer. Là encore, je me gardai de ne pas l’interroger. Tout compte fait, cette histoire de vengeance n’était en aucun cas mon problème, sans compter qu’il m’aurait certainement sorti une réponse assez évasive qui ne ferait qu’approfondir le mystère qui entourait déjà sa personne. Et puis, j’étais assez mal en point pour trop réfléchir. Autant physiquement que moralement et les ondes négatives que j’émanais se faisaient cruellement sentir autour de moi, malgré des sourires apparents que je pouvais arborer. Le vent se levait, plus fort, et la voute céleste prit une teinte des plus sombres. Une tempête se préparait tout près, mais ce n’était pas ce qui pouvait ébranler le Léviathan, qui lui, continuait sa course folle vers Drum. D’ailleurs, l’air se faisait de plus en plus frais, preuve qu’on était à la bonne direction. La neige et les temps d’hiver, c’était pas ce qui manquait sur cette ile. Mais alors que je comptais me retourner à ma cabine, un phénomène se reproduisit une nouvelle fois au point que je soupire de lassitude, et que j’agrippe ma tête, le temps que ça passe…

      - Encore ces voix qui me fatiguent… D’ailleurs, je sens un monstre marin qui se promène aux côtés du bateau… Il va bientôt surgir devant nous…

      Je développais sans le savoir un grand pouvoir. Un pouvoir immense que beaucoup de guerriers aimeraient avoir. Mais je n’en avais toujours pas conscience. Les voix devenaient de plus en plus claires et de plus en plus ordonnées. On était bien loin du capharnaüm qui régnait dans ma tête, la nuit où cela m’était arrivé la première fois. Je sentais clairement que l’animal -Un roi des mers à n’en point douter- voulait venir flirter avec le bateau. Il n’avait aucune mauvaise intention apparente, mais risquait d’obstruer le passage à ses risques et périls. J’entendais aussi les voix des autres membres de l’équipage qui étaient pourtant à l’autre bout du Léviathan, et je devinais même leurs futurs mouvements, sans trop de peine. Une espèce d’intuition fortement accrue. Puis l’effet s’estompa peu à peu, avant que je ne m’accoude complètement au bastingage, comme si je souffrais intensément. Je n’avais plus de fortes migraines, mais des semblants de vertiges qui me décontenançaient un peu, d’autant plus que j’étais toujours convalescent, il ne fallait pas l’oublier. J’eus un autre soupir, mais à peine voulais-je me redresser qu’un rideau d’eau s’éleva droit devant nous, faisant légèrement tanguer le bateau. Comme je l’avais prédit un roi des mers fit son apparition. Non mais j’vous jure ! Et contrairement aux autres monstres, il semblait tout joyeux de nous voir. J’en venais même à me demander s’il ne voulait pas plus nous dévorer que jouer avec nous. Ses yeux semblaient pétiller. Sur le pont, c’était une légère alerte. Certains marines s’armaient, tandis que d’autres rigolaient en voyant la bête qui n’avait vraiment rien de menaçant…

      - J’pense bien que j’vais me convertir en médium à ce rythme,
      avais-je fini par dire, pour rigoler un peu…
      Bon début. Une chose qui pouvait autant signifier l'un que l'autre. Rafael ne pipa pas un mot, laissant le silence se creuser entre eux. Le Contre Amiral ne l'avait pas menacé, accueillait sans broncher ses paroles. Ce ne pouvait être qu'un bon signe, mais la gêne qui s'instilla augurait presque du contraire. Evidemment, il aurait aimé en savoir plus, mais Rafael n'était pas dupe au point de se livrer sur l'instant. Une bonne histoire se devait de mettre son public en attente de la suite, après tout. De son côté, il savait que son apparition mystérieuse, ses initiatives douteuses et ses méthodes implacables avaient de quoi choquer. Il avait mis à bas une femme cotée à quatre-vingt millions, chose dont peu seraient capables. Fort heureusement pour lui, elle ne maîtrisait pas le haki et ne possédait pas de granit marin. Substance dont la coque de ce navire était maculée, et qu'il prenait garde à ne pas toucher. Il n'imita pas le Marine qui s'appuyait sur le bastingage, ses bras étant nus. Le moindre contact avec la matière lui provoquait de graves crises de faiblesse. La contrepartie d'un pouvoir si conséquent. Il lui serait ardu de cacher ses capacités, et surtout ses faiblesses. Encore, s'il était assez exercé pour manœuvrer ses pouvoir, il ne pouvait échapper aux affres de l'océan. Mais il n'était pas venu le temps de se préoccuper de cela, se projeter trop loin dans le futur était inutile, aucun plan sur la comète.

      L'assassin remarqua du coin de l'oeil que le regard du Marine s'attardait sur son bras. Il jugula la fumée comprimée à l'intérieur pour en faire bouger les doigts et passa le pouce de son bras mutilé derrière sa ceinture. Un manchot n'aurait pu le faire. Rafael n'aurait pu le faire ... mais il avait comme un pressentiment, comme s'il essayait de mentir à un homme qui pouvait scruter son âme. Le regard de ce type le mettait profondément mal à l'aise, non pas qu'il le pensât perfide et mauvais, à son grand regret, mais il était à la fois bienveillant et implacable. Il se sentait souillé rien que par le fait qu'un tel homme puisse le regarder ainsi, semblant fouiller le fond de son regard et le deviner. Il lui faudrait redoubler de vigilance face à lui, encore plus qu'il ne l'avait prévu. Hors de question qu'ils voient son visage, hors de question qu'ils deviennent proches. Le malaise devrait rester assez longtemps pour que le Marine en vienne à ne pas aller plus loin, il le fallait. Il ne pouvait percer son stratagème rien qu'en observant son regard, surtout avec les talents de l'assassin. Mais lorsqu'Alheïri se détourna une nouvelle fois, Rafael pressentit le pire à la mention de Drum. Il savait que c'était là leur prochaine destination, il savait que l'endroit était sous forte influence des siens et il redoutait cette confrontation. Jamais il ne laisserait les Marines mettre à mal ceux qui se battaient pour la vraie justice, mais il ne pouvait non plus se révéler sans signer son arrêt de mort. C'était là un cruel dilemme. Quant à la suite des paroles du Contre-Amiral, heureusement que l'étole sur le visage de l'assassin était épaisse.

      Il lui parla de la domination Révolutionnaire. Un frisson glacé parcourut l'échine de Rafael et son estomac se noua une fraction de seconde. Son esprit lui souffla qu'il était découvert. De frapper le Contre-Amiral tant qu'il était affaibli, de le faire taire avant qu'il n'ordonne qu'on le saisisse. Mais il garda son sang-froid, ses lèvres se pinçant et son visage perdant un peu de sa couleur. Il sentit son coeur s'emporter légèrement et dut faire à tout son sang-froid pour se calmer et rester maître de la situation. Tout cela ne dura qu'une fraction de seconde, mais ce fut suffisant à l'assassin pour voir sa vie défiler devant ses yeux, connaissant le potentiel de combat de Fenyang et de son équipage. Ce dernier lui demanda pourtant son aide, ce qui soulagea grandement Rafael. Si en temps normal il se serait gaussé des désirs de cet homme, la peur qu'il venait de lui flanquer venait de faire s'envoler toute sa morgue. Il resta silencieux quelques secondes puis se relâcha quelque peu avant de prendre la parole.

      "Je n'ai fait que me rendre utile. Je n'ai pas à être remercié de quelque chose qui m'est naturel. Mon talent est à votre service, bien entendu. Mon épée sert ceux qui protègent et endurent, comme elle l'a toujours fait." répondit-il, sur le même ton neutre et un poil glacial.

      Encore une fois, il ne mentait pas en soumettant sa véritable allégeance, seulement ils ne parlaient pas forcément des mêmes personnes. Il n'aimait pas mentir en permanence, on finissait bien souvent par s'emmêler dans les propres fils de la nasse qu'on essayait de tisser et cela en devenait vite invivable. Mieux valait se montrer compatissant.

      "Le vent commence à se rafraîchir, Alheïri. Sauf ton respect, tu es encore en bien sale état, mes compétences sont assez limitées, je m'en excuse. Mieux vaudrait que tu rentres avant de prendre froid. Je t'apporterai un bon grog pour que nous puissions continuer cette conversation, du moins quand cela te chantera." proposa-t-il, posant sa main sur son épaule avant de se détourner de lui.

      Puis, contre toute attente, le Marine se prit soudainement la tête entre les mains, chancelant. Rafael le soutint alors de son gantelet métallique, répondant plus à un réflexe qu'à sa volonté propre. Il l'aida à se redresser, sans prêter réellement foi à ses propos. Il posa sa main libre sur son front, brûlant. L'homme était solide, mais il fallait le garder en vie pour arriver à son but. Il devait donc se ménager et rester à se reposer. L'assassin souffla de dépit.

      "Tu es brûlant, tu ferais mieux de ..." commença-t-il, avant que le son du monstre marin sortant de l'eau ne l'interrompe.

      Il se retourna, ouvrant grand les yeux face à cette colossale créature et lâcha le Marine, reculant de deux pas. Il le regarda, revint à la créature, le regarda de nouveau. Non ! Ce n'était pas ... Impossible ! C'était lui qui devait ... Non !! C'était ...

      "... le mantra ..."
      murmura-t-il, incrédule.

      Les hommes se dirigèrent vers la créature, affolés, mais l'assassin ne bougea pas, figé sur place. Comment était seulement possible ?! Alheiri n'était qu'un vulgaire bretteur, tout en force et en destruction, il n'était pas un de ces élus ! Yusuf Tazim. Ce nom lui vint en tête, attisant sa rage. Un léger volute de fumée commença à s'exhaler du gant. Avisant cela, Rafael se calma sur le champ. Il avait failli perdre le contrôle et cela lui avait fait l'effet d'une douche froide. Ce n'était pas ainsi que le mantra se concevait, non. Lui aussi commençait à l'avoir, non ? Il était capable d'anticiper les actes d'un adversaire en fonction de sa posture, de son regard, de sa manière de se battre. Ce n'était pas intuitif, c'était un talent qui naissait de la maîtrise, l'art de l'assassin à son paroxysme. Un rustre tel que ce Marine ne pouvait le posséder ! À moins que ... aurait-il pu, lui, le dernier héritier de la dynastie Auditore, faire fausse route ? Aurait-il pu se méprendre sur cette capacité si réputée ? Il frissonna devant l'étendue de sa faiblesse. Son arrogance le perdrait. Même s'il avait du mal à l'accepter, le Contre-Amiral venait de prédire un évènement improbable, de sentir une chose impossible à deviner. C'était ça, le mantra. Tazim ne cessait de le devancer, de l'attraper dans les brumes, d'être là où il surgissait. Improbable, même lui n'aurait pu agir comme Tazim. Et si ce n'était pas une maîtrise extrême de ses capacités martiales, mais quelque chose d'autre ? Il lui fallait creuser, savoir, à tout prix ! Et de toute évidence, Alheïri n'avait aucune idée de ses talents. C'était là une expérience qu'il fallait saisir à la racine. Finalement, ce Marine pourrait l'aider, de développer ses connaissances, et par là même ses talents.

      "Tu es un détenteur du mantra ..."
      répéta-t-il, pour se l'imprimer dans le crâne.

      "... et je suppose que tu n'as aucune idée de ce que cela signifie ?"
      le questionna-t-il, amer.
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        En l’espace d’une seconde, j’avais cru voir une volute de fumée sortir du gantelet de mon bienfaiteur, mais comme d’habitude, j’avais dû rêver. Faut dire avec toutes ces voix qui se bousculaient dans ma tête que j’n’étais pas en bon état, et pas qu’un peu. Les hommes se mirent à charger les canons, pendant que je récupérais doucement. Il fallait dégager la voie, sans quoi le Léviathan en plus de blesser cet animal, pourrait s’endommager, c’qui ne me ferait pas du tout plaisir, ça j’peux vous l’affirmer ! J’me redressai alors lentement, tout juste avant d’entendre Gabriel murmurer quelque chose. Ce quelque chose eut alors un fort écho dans ma tête, un peu comme si mon esprit faisait office d’amplificateur : Il venait de murmurer « le mantra ». Sur le coup, j’n’avais pas bien compris ce qu’il voulait me dire. Parlait-il du monstre marin qui se trouvait devant nous ? Si c’était vrai, était-ce une espèce effrayante ? D’ailleurs, est-ce que ça se mangeait le mantra ? On pourrait peut-être en faire des réserves de viandes, même si finalement, l’idée de tuer ce monstre et d’en faire de la nourriture me rebutait un peu, vu comment il était mignon et presque inoffensif. Je crois que même mes hommes pensaient la même chose, puisqu’ils n’avaient pas encore tiré le moindre boulet. Ils agitaient leurs mains dans tous les sens, et criaient à la bête de dégager le passage. J’ne sais pas s’il avait compris, mais à quelques mètres de nous, le monstre replongea dans l’eau, faisant légèrement tanguer le navire. Et c’est à ce moment-là que Gabriel me posa une question. Sans doute celle qu’il fallait…

        - Détenteur du mantra ? Mais je pensais que tu parlais de…

        Blanc. Ma bouche ouverte ponctuait bien la mine pantoise que j’affichais devant mon interlocuteur. Gros blanc. J’avais arrêté mon doigt qui partait pointer l’horizon pour désigner la précédente présence du monstre, quand soudain j’eus une illumination : J’me ressassais automatiquement d’un souvenir d’enfance. Lorsque j’faisais encore mes classes au sein de la marine. Je revoyais mon père en train de me parler des différents autres pouvoirs qui existaient dans ce vaste monde. Ce jour-là, il avait décidé de m’en apprendre un peu plus sur les autres sujets, que celui de l’art de l’escrime. Ça avait commencé par le rokushiki, avant de terminer par les fruits du démon. Bien avant d’aborder lesdits fruits démoniaques, il était passé par une autre case. Un pouvoir que j’oubliais bien souvent. Un pouvoir que Morvak lui-même avait usé contre moi… « C’est pas vrai… » Les yeux écarquillés de surprise, j’avais baissé mon doigt et fermé ma bouche, non sans fermer mes yeux qui étaient toujours écarquillés sur la silhouette de mon vis-à-vis. Il m’avait parlé des trois couleurs : Le haki royal, le haki de l’armement et celui de l’observation. J’me rappelais même qu’il me disait que le dernier avait plusieurs dénominations possibles : Mis à part le haki couleur de l’observation, il était aussi appelé empathie… Ou encore sur les iles célestes : « Mantra… » Mon souvenir disparut tout doucement de mon esprit, avant que j’ne revienne définitivement sur Terre. Là encore, j’me rappelai immédiatement des symptômes de ce pouvoir : Perception des voix, et ce malgré la distance. Possibilité d’anticipation, comme ma démonstration avec la bête qui avait fini par surgir du fond de l’eau. Bref, un truc de dingues…

        - Impossible…

        C’est à partir de cet instant que je commençai à réaliser ce qui m’arrivait. Toutes ces voix qui résonnaient dans ma tête… Cette faculté de prévision et d’anticipation… Cette grâce qui m’avait été offerte d’éviter certaines attaques de Morvak… Toutes ces choses que je croyais être l’amalgame d’hallucinations et d’intuitions, n’étaient autres que le haki de l’observation ?! On aurait dit que le ciel venait de me tomber sur la tête. De peur de fléchir et de tomber devant Gabriel, j’avais agrippé le bastingage avant de soupirer chaudement. L’homme n’avait pas tort. Ma fièvre n’était pas totalement descendue, et la brise maritime n’arrangeait rien à mon état. Mon corps chauffait comme du magma. J’avais de terribles frissons et j’avais même commencé à trembler horriblement. Nonobstant, ce n’était pas tant mon état qui me préoccupait le plus, mais cette découverte assez déconcertante. Non pas que je n’en étais pas heureux, non… C’est juste que l’acquisition d’un tel potentiel m’avait semblé impossible jusqu’ici… Qui aurait cru que je développerais un tel don à l’orée de la quarantaine ? « Alors, je ne me trompais quand je disais que tu es d’un grand soutien… Dire que je pensais qu’il s’agissait d’un malaise persistant depuis l’ile de Little Garden… Tu es vraiment un ange, Gabriel… » Lorsque je m’étais redressé convenablement grâce au garde-fou du bateau, je lui avais souri sincèrement tout en rougissant fortement. Non non non… J’ne tombais pas sous son charme ! Manquerait plus que ça d’ailleurs… C’est juste que j’avais tout d’un coup horriblement froid. Ma fièvre remontait violemment. De façon inquiétante même… Et vu comment je commençais à tituber, il me fallait m’éloigner du rebord du navire…

        - Je crois que je vais suivre ton conseil. Je commence à me sentir lourd…


        Si les voix avaient complètement disparu, mon corps lui, était devenu brulant et pas qu’un peu. Mes paupières s’alourdissaient et mon souffle était plus chaud que jamais. Un état assez peu reluisant en tout cas. Alors que j’aurais dû faire la fête étant donné que j’étais doublement récompensé aujourd’hui (Entre la montée en grade et le haki de l’observation, il y avait de quoi se réjouir !), je souffrais plutôt le martyr. Soudain, mon ventre commença à me démanger. Fort. A un tel point que je dus soulever ma chemise pour gratter la partie, histoire de me soulager rapidement. Sur cette partie, on pouvait remarquer -Pour tout œil avisé en tout cas- une piqure d’insecte qui avait formé un bouton que je n’avais même pas remarqué auparavant. Et par la faute de cet insecte, j’étais en train de contracter une maladie tropicale assez rare, mais pas incurable. Mon corps se mit à débiter de la sueur avec abondance, pendant que je perdais peu à peu le fil de la réalité. J’essayai de résister, mais mes jambes ne soutenaient plus mon corps d’un poids complètement infernal. Je fléchis un genou avant d’essayer de me relever, mais je titubai encore une fois, jusqu’à glisser et tomber sur l’épaule droite de mon interlocuteur. « Désolé… Tu dois être las de me voir dans de tels états. » Ce qui était clair. Mes moments de faiblesses étaient toujours en compagnie de ce mystérieux personnage qui était là pour me prêter main forte. Ça faisait un peu trop, mais que pouvais-je faire d’autre ? Lutter contre la maladie sans assistance médicale ? Impossible. Même l’homme le plus fort ne le pourrait pas…

        - Pardon de te demander ça, mais pourrais-tu me ramener en chambre s’il te plait ? Il semblerait que mes forces me quittent encore une fois…
        Le mantra n'était pas donné à qui le cherchait. Voilà quelle était l'amère vérité, voilà ce que Fenyang venait de lui enseigner. Peu importait combien il forçait le destin, il ne restait qu'un homme. Mais un homme avec un talent certain. Si ce n'était pas le mantra que possédait Rafael, alors c'était quelque chose d'autre. Il ne pouvait tout avoir, il avait des limites lui aussi. Il se mordit la lèvre, inspirant profondément. Une meilleure connaissance du phénomène lui permettrait de mieux l'appréhender c'était certain, et vu la réaction de Fenyang, il se doutait que celui-ci ait recherché à obtenir, à développer ce don par la méditation et les exercices mentaux. Donc ce 'don' de prescience que Rafael possédait était autre, c'était chose logique que d'arriver à cette conclusion. Chose ... logique. Etudier les combats, refaire les situations dans sa tête, anticiper. Agir en conséquence, placer ses pions, prévoir ses sorties. En un instant la lumière se fit dans l'esprit de l'assassin. Toutes ces 'visions', ces images emmagasinées, cette mémoire qu'il mettait à bon escient. Ce n'était que ses talents, rien de plus. Il comprit alors que son don inné pour le combat stratégique, pour ce que les profanes nommaient Bartitsu. Ce n'était, en somme, qu'une étude de toutes les possibilités existantes menant à un but bien précis. Alors tout cela n'avait rien à voir avec le mantra ? En un sens, cette nouvelle donnée confortait Rafael. Il avait pu rivaliser un temps avec Tazim lors des premiers coups, avant de se faire prendre de court. Et si une étude poussée du mantra lui permettait d'en cerner les avantages et d'apprendre à mieux lutter contre ? Oui. S'il ne pouvait faire sienne cette force, autant faire siens les moyens de la contrecarrer !

        Il aida le Contre-Amiral à rester debout, tentant de prendre mesure de la capacité qu'il développait. Cet homme venait de gagner un tout autre intérêt aux yeux de l'assassin. Il lui reconnaissait ses capacités de leader, admettait sa force morale et des qualités indéniables mais ne pouvait s'empêcher de penser qu'il oeuvrait du mauvais côté. Et les acharnés de la mauvaise cause ne faisaient que se retrouver sous le fil de sa lame, tôt ou tard. Tout n'était qu'un question de point de vue au final, ou presque. Sa politique changea alors du tout au tout. Il envisagea pour la première fois une relation plus aboutie que celle qui aurait du lui servir à masquer son identité. Une relation qui consoliderait sa couverture et le mènerait plus loin qu'il ne l'aurait cru. Rien n'était encore joué pour l'instant, mais qu'est ce qui l'empêchait d'utiliser cet homme pour accroître ses propres connaissances ? De développer ses talents à un niveau jamais envisagé, de surpasser ceux qui se targuaient être l'élite. Oui, son entraînement d'assassin se parachèverait d'une connaissance accrue des rouages des combats épiques de Grand Line. Aucun avant lui n'avait surgi de l'ombre pour apprendre à se battre au grand jour. Ceux là, il les mettrait à bas et profiterait du grand jour pour devenir l'assassin ultime, celui que tous les tyrans et autres tortionnaires craindraient. Il se taillerait une part de lion dans le monde, son nom deviendrait légende. Pour la gloire de sa famille, il rendrait le monde meilleur.

        "La fièvre te fait parler, un peu trop. Ce n'est que le hasard, c'est au seuil de la mort que nous voyons de quel bois nous sommes fait. Tu n'échappes pas à la règle, il se trouve seulement que j'ai connaissance de bien des choses que les belles gens ne côtoient pas." répondit Rafael, ne sachant s'il devait apprécier la sincérité de cet homme ou être rebuté par ses comparaisons.

        Un ange, certes. Mais certainement pas aux ailes immaculées. Les siennes étaient souillées, par des chaînes faites d'hémoglobine. Ces entraves le maintenaient à terre, l'empêchaient de s'élever. Son âme était le sacrifice qu'il offrait au nom de la justice. Il savait que sans sa cause, il n'était qu'un monstre aux armes aiguisées. Un assassin, avec foi et loi. Qu'adviendrait-il de lui si jamais tout cela lui était retiré ? Un meurtrier. C'était là la mince limite entre son besoin criminel et ses idéaux révolutionnaires. Il posa une main gantée sur la poitrine du Marine fiévreux et lui apporta son épaule en soutien. Il n'avait aucune conscience des efforts que son corps déployait, et l'utilisation hasardeuse de son mantra l'épuisait grandement. Ceci dit, sa résistance était impressionnante. Et le côtoyer amenait l'assassin à reconsidérer bien des choses. Le contact rapproché avec cet individu lui donnait des hauts le corps mais jamais il n'avait autant à la fois haï et admiré une personne. C'était perturbant. De là à le considérer comme un allié, il y avait tout un monde, tout un univers. Lui était pareil à un torrent, insaisissable, implacable. Alors que l'autre n'était qu'un roc qui se prenait pour un barrage. Un jour où l'autre, Rafael y trouverait une faille, jusqu'au point de rupture où Fenyang volerait en éclat. Ce jour là, le sang coulerait à flot, mais l'heure était venue de faire taire ses pulsions assassines, et de faire profil bas. Le monde n'avait plus besoin du pathétique assassin qu'il était devenu. Le monde avait besoin d'espoir et de changement, chose que Rafael n'était pas encore assez puissant pour lui donner. Jusqu'à ce moment là, il resterait caché de tous, rassemblant ses forces, les faisant croître. Par le pouvoir de la vérité, de son vivant, il conquerrait le monde.

        "Le mantra consume tes forces. Nous parlerons de cela une autre fois, lorsque tu auras bien dormi et que tes sutures ne risqueront pas de craquer à chaque pas. Respecte un peu le travail que j'ai fait, et offre moi un verre à ton réveil, c'est la moindre des choses." plaisanta-t-il, tentant d'endiguer ses dernières paroles sur un ton plus sympathique.

        Il n'y a pas de certitudes, il n'y a que des opportunités.
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