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Le verre de trop!

Permission. Vacances. En voilà des mots qui sonnaient bien curieusement aux oreilles du vieillard. Ca faisait une éternité qu’il n’en avait plus entendu parler. Faut dire aussi que, dans la Marine d’Elite, les vacances se bornent généralement à la visite du cimetière local dans une petite tombe proprette. Ou bien ça voulait dire que l’heure de la retraite avait sonné. Pourtant, parfois, y’a quelques increvables qui survivent assez longtemps et qui rendent assez de services que pour se voir offrir, comme Fosco, deux semaines de congé. Et c’est sûr que des bons et loyaux services, il en avait rendu le vieux. Après une carrière comme la sienne, on ne peut certainement pas dire le contraire. D’ailleurs, quand il le lui avait annoncé, le Capitaine lui avait très bien fait comprendre toute la joie et la fierté qui l’emplissaient à cette nouvelle.

- Sergent Fosco ! On en a marre de vous ! Cassez-vous deux semaines ! qu’il avait dit.

Et Fosco s’était cassé. Loin de Grandline, très loin. Dans un coin paumé d’East Blue, à Fuschia. Faut dire aussi que, pour un type dont les globules rouges étaient beurrées dès la naissance, la Fête de la Bière était un rendez-vous incontournable. N’ayant jamais mis les pieds dans le coin, il s’était attendu à un petit village tranquille sans le moindre dérangement. Une fois débarqué, il s’était rendu compte à quel point cette fête devait être renommée de par le monde. Une foule de gens s’amassaient entre les quelques bicoques du coin. Il reconnut même des têtes primées parmi les pirates et révolutionnaires, même s’il s’en tamponnait le coquillard. Lui, tant qu’il n’avait pas d’objectif clairement défini, de cible précise, il ne frappait pas, dussiez-vous lui mettre sous le nez la plus belle ribambelle de forbans sur terre. Le crime, il avait rien contre, sauf en cas de crime le touchant personnellement.

Du coup, il profitait des dégustations gratuites dans chaque échoppe pour siphonner quelques litres de bibine. Ca passait toujours mieux quand fallait pas allonger la monnaie, étrange. Et en plus les gens étaient aimables dans le coin. On lui souriait, on lui offrait des verres quand les échantillons gratis venaient à manquer, on lui racontait de bonnes blagues. Au vu de sa sale gueule d’homme-poisson, qu’était clairement pas celle d’un porte-bonheur, ça devait être « l’effet Marine » qui agissait. Certes, le règlement disait qu’un Marine n’étant pas un service devait porter des habits civils mais bon… Pour Fosco, son uniforme constituait ses seuls et uniques habits civils. Ses seuls et uniques habits tout court, en fait. Son engagement, il l’avait pas pris pour sauver le monde, réduire le taux de criminalité ou pareille connerie. C’était pour ça, pour ce superbe pantalon bleu sans le moindre faux pli, cette chemise d’un blanc immaculé au col en V, cette casquette éternellement vissée sur son crâne et, touche un peu plus personnelle, ce vieil imper brun rongé par le temps, tout comme son propriétaire.

Le Loup de Mer n’aurait su dire combien de personnes pouvaient bien être réunies à Fuschia en ce jour, tant les gens affluaient au fur et à mesure que l’ouverture du concours approchait. Quelque chose lui disait que ça allait mal tourner. Pas parce qu’une sorte de sixième sens s’était forgée en lui tout au long de plus de septante années à côtoyer le danger dans les rangs de l’Elite. Simplement parce qu’il était en permission. Et il se sentait tellement bien, tellement détendu, tellement en vacances que, forcément, il devait se passer un truc.

Un truc qui lui ferait pas plaisir.

    - Colonel O'Brian ! J'en ai marre de vous ! J'me casse deux semaines !


    Blam ! Et une porte qui méritera d'être revu par l'intendance de la marine, une !

    Nom d'une moule avariée... J'ten foutrais moi des blâmes de mauvaise conduite... Ma faute à moi aussi si la bourgeoise apprécie pas les gnons à leurs juste valeur ?! Non. Moi j'en ai bouffé plus d'une trentaine pour ses miches sans mouf'ter, et elle un seul pôv' revers du poing maladroit et v'là qu'elle râle. Prochaine fois j'la laiss'rai aux mains des pirates tiens. Le pire c'est que j'me fais engueuler en plus ! Putain mais vous l'croyez ça ?! Ça repousse en plus les dents quoi merde. Ah ? Pas chez vous autres humains ? Bon c'pas faux... j'avais zappé c'détail... 'Fin bref, dans tous les cas j'sentais bien qu'j'allais partir pour deux semaines de congés forcés, alors autant qu'ça soit moi qui prenne les devants et qui claque la porte. Ça l'fait mieux pour les rumeurs de couloir et pour l'amour propre que d'se faire jarter à coup d'pieds au cul par son foutre-dieux de supérieur. Tsss... Supérieur... Rien qu'ce mot. Vous m'direz en quoi il m'est supérieur l'vieux colonel O'Brian. L'élève aura bientôt dépasser le maitre, et là j'vous jure qu'il paiera son zèle l'enfoiré. Bref...


    Du coup on m'a fortement convié à choisir pour lieu de vacance : Les mines de sel de Kashakar. Une ile hivernale ou une raclette semble rassembler les neufs-dixième du QI autochtone... et Fushia. A une autre époque j'aurais encore préféré les mines de sel à c'repaire de péquenots et de gueule d'amour, mais pas là. Davy Jones m'a à la bonne, vu les tous derniers jours de ma "permission" se calqueront par les plus grand des hasards sur la célébrissime fête de la bière de Fushia. Bon faudra que je gratte le dernier jour pour voir le final, mais ça j'en fais mon affaire, au risque de voir s'rappliquer O'brian et toute une clique de la police militaire. Peut importe, pouvoir mater et gouter à la fameuse Bière XxX Gubman vaut bien c'risque.

    J'ai donc poireauté pendant une semaine et demi dans ce repaire de... de rien du tout d'Fushia, avant qu'enfin les festivités se lancent. Putain qu'c'était long et pénible, mais ça en valait la peine ! Huhuhu, là par exemple, j'en étais à mon deux-cents-dix-huitième stands de dégustation d'bière d'affilé, et sans la moindre vindicte xénophobe en prime. Un foutu record auquel j'avais pas voulu croire les premiers jours. Pas d'baston... pas d'regard en coin... pas même une réflexion à voix basse... Presque décevant l'truc. Puis après, j'ai appris à faire avec cette coutume étrange d'être sympa avec les autres, et j'me suis mis à vraiment profiter du moment. Me v'là donc en chemise hawaïenne, tongs et chapeau de paille pour m'pousser à m'dire en vacance, car faut bien ça pour que j'résiste à dégainer ma lame afin d'trancher quelques primés d'passage. Que voulez-vous, on n'se r'fait pas huhuhu. L'dernier jour en fin d'soirée à la limite, c'qui d'vrait pas tarder vu qu'on annonce à grand coups d'crieur public le début de l’ultime concours de brasserie,clou final du festival.


    Hop, juste le temps d'prendre une dernière bouteille pour la route, et j'vais aller mater ça au premier rang avant que les emmerdes ne viennent me ramener à la base par la peau du slibard. Ma main se tend donc sans que j'regarde en arrière, heurtant alors légèrement une autre paluche à la place de la bouteille convoitée. Réflexe parano, mes yeux se braquent direct sur mon voleur d'houblon, qui a eu l'idée d'saisir la bibine libre une fraction d'seconde avant moi. On s'regarde. Le temps s’arrête... Sa vieille gueule... ses branchies... son uniforme doublé d'un imper' plus vieux qu'le monde... J'veux bien m'faire bouffer les burnes par des palourdes si c'est pas l'vieux Fosco ! Des Homme poissons marines à East Blue ça nagent pas les rues, alors de cet âge là on peut difficil'ment s'panter. L'avantage d'être peu nombreux, même si en c'moment on peut pas dire que l'vieux fosco soit au top niveau célébrité.




    -Hey mais ça s'rait pas c'vieux Fosco d'mes trois couilles ?!

    SBAF !
    Et une claque tonitruante dans l'dos pour célébrer des "retrouvailles" poissonnesques, une !

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    - Eh, mecton ! C’est gratuit pour tout l’monde, mais surtout pour moi !

    Fit Fosco sur un ton sec tout en se retournant vers l’importuné qui mettait la main sur la bouteille qu’il convoitait tandis que son autre main frappa le dos du vieillard avec la douceur du marteau envers l'enclume. Ses yeux tombèrent sur une chemise hawaïenne avec un tronc d’arbre en guise de torse à l’intérieur. Il fit remonter son regard pour le poser sur une gueule de cauchemar couvertes de cicatrices et avec un large trait horizontal en lieu et place d’une bouche.

    - Major Benson ! s’exclama-t-il sur un ton de colère. Espèce de fils de…

    Mais il s’interrompit, se rendant compte de son erreur et resta planté là comme un con pendant un petit moment. Des décennies de souvenirs se bousculèrent alors dans sa tête, faisant défiler d’innombrables images d’hommes-poissons en uniforme de Marine. Faut dire qu’avec tout l’alcool ingurgité depuis ce matin, sa vieille mémoire flanchait plus que d’habitude. L’adjudant Vilgrim, peut-être ? Ah mais non, il était mort. C’est marrant comme on peut oublier ce genre de détails.

    - Toji ! finit-il par dire. Sacré nomdidjalle ! J’t’ai confondu avec le major Benson, cette raclure. Mais y’avait pas d’quoi, en fait, c’était un petit maigrichon blond. Humain, en plus. Y’a vingt ans de ça, ce pâle type m’a envoyé croupir à Impel Down pendant trois mois. Soi-disant que j’pouvais pas détruire la Base G26, que j’devais pas détruire ci, ni ça, et bla bla bla. Le pauvre con de base, quoi. En plus il buvait pas d’alcool ! T’imagines, il buvait pas d’alcool ! répéta-t-il en détachant bien chaque syllabe sur un ton grave, comme si l’Apocalypse était aux portes du village. Alors j’y ai dit au mecton qu’i’ r’viendrait m’chercher en pleurant, ouaip, j’y ai dit. Et pis…

    Raconter des histoires qui n’intéressent personne, ça donnait soif. Du coup, Fosco s’arrêta au beau milieu de sa phrase pour prendre à la volée une choppe qu’on lui tendait gracieusement. Quoiqu’à entendre les protestations, c’était p’t’êt’ bien au type d’à côté qu’on la tendait. Il ignora les mécontents et but goulument avant de reprendre la parole.

    - Euh… Où est-ce que j’en étais, moi ? Ah ouais ! Touche pas à ma bière !

    Comme pour appuyer ses dires, il vida le reste de son verre d’une traite, histoire de ne pas tenter les intéressés. Il émergea quelque peu de son hébétude lorsqu’il entendit une voix au loin qui se rapprochait peu à peu. Un homme finit par arriver non-loin d’eux. Equipé d’un porte-voix, il indiquait aux visiteurs que le concours allait commencer incessamment et que tout le monde était invité à se rejoindre sur la place du village où se dérouleraient les festivités. A voir le vide qui, en cinq secondes à peine, s’était installé autour des deux Marines, Fosco se serait cru revenu au temps des grandes ruées vers l’or.

    - Allez on y va, j’me suis pas tapé tout l’chemin jusqu’à ce trou paumé pour rater ça.

    Dit-il à l’adresse de Toji tout en se retournant. Fushia étant à mille lieues du titre de centre urbain, il était beaucoup plus difficile de s’y perdre que d’y retrouver son chemin. Et à voir la foultitude de personnes agglutinées au bout de la rue, le concours semblait immanquable.

    - Et sinon, toi, comment va ? Toujours avec c’t’empoté d’O’Brian agrippé à tes grolles?
      Après mon ptit voyage sur West Blue, j’mettais rendu sur East Blue. On peut alors se demander ce que je foutais là-bas si je voulais être connu. Parce qu’aller sur la mer la faible n’était pas très malin pour parvenir à cet objectif. Mais en fait c’était tout simple, à cette période de l’année, il y avait un des festivals les plus magnifique du monde :

      LA FÊTE DE LA BIÈRE !


      Et qui dit alcool gratos, dit Val’ pas loin ! Oui j’viens de l’inventer et alors ! Donc même si la binouze ce n’était pas l’alcool préféré de Val’, aucun homme ne peut résister à une dégustation gratuite ! Shahaha ! Alors direction Fushia ! D’après mes calculs, j’devais arriver dans ce lieu de grosse beuverie, pile pour le début du festival cependant, une emmerde en cour de route me fit rater presque tout le festival… Halala… Les hommes sont toujours en retard à cause des femmes ! Elles sont toujours là pour nous emmerder ! Mais bon on s’en fou vu que je venais d’arriver sur l’île et que la dernière journée n’était pas terminée ! Je n’avais donc pas raté le bouquet final et c’était ça l’important !

      En arrivant en ville, j’ai pu constater l’ampleur de l’évènement. Il y avait énormément de monde ! Des pirates, des marines, il y en avait pour tous les goûts ! Mais bon le plus intéressant avec le fait qu’il y ai de l’alcool coulant à flot, c’est qu’il y avait vraiment beaucoup de bonnasses ! Oui des bonnasses ! Des bonnasses ivres ! Shahaha ! C’était vraiment le pied cette fête. Alors pour me mettre vite dans l’ambiance, j’ai bu tout ce que je pouvais en un minimum de temps, néanmoins, le problème avec la bière, c’est que ça fait gonfler le bidon… Et en quelques secondes je m’étais transformé en femme enceinte… Mais bon, ce n’est pas un bidon gonflé à bloc qui va faire peur au requin ! Alors j’ai engloutie encore plus de binouze. Maintenant j’étais vraiment bien car j’étais ivre. C’est là qu’un type avec un micro s’est approché de moi et me parlais beaucoup. Ouais il parlait même trop ! On aurait dit qu’il présentait un jeu mais je ne pigeais rien à ce qu’il disait… En tout cas, le public semblait m’encourager. C’est là que je suis aperçu qu’il m’avait placé devant des chiottes géantes. Et c’est surtout à ce moment-là que je me suis rendu compte que ma vessie allait exploser si je n’lâchais pas tout de suite la sauce ! Alors, bin j’ai fait ce que je devais faire devant ces milliers de gens braquant leurs yeux de poisson frit sur mon engin, shahaha. Ensuite, il y eu un instant de suspense, ou ptete deux j’sais pas j’ai pas trop fait gaffe. En tout cas, les gens semblaient compter quelque chose puis, ils ont commencé à clamer :

      LE REQUIN ! LE REQUIN ! LE REQUIIIIIIIIIN !


      Des femmes m’envoyèrent leurs soutifs et leurs culottes, j’étais au paradis ! On m’acclamait pour faire pipi ! Et ensuite j’étais couvert de sous-vêtement… Mais attends… Y a un blème ! J’reçois aussi des vieux caleçons dégueulasses ! Haaaaaaaaaaa ! Puis là, avant que j’ai eu le temps de piquer ma crise, ou ptete bien après, j’me souvient plus bien… Le même type qui avait eu la gentillesse de m’emmener jusqu’aux toilettes, a crié tout en levant mon bras :

      NOUS AVONS UN VAINQUEUR ! VOICI L’HOMME (enfin le requin plutôt) QUI A LA PLUS GRANDE VESSIE DU FESTIVAL ! AVEC SES 2,3L DE CONTENANCE ! C'EST DIRE QU'IL PEUT EN BOIRE DES BIÈRES ! HAHAHA !


      Ensuite, une charmante jeune femme est venue me remettre mon prix : une ceinture énorme ceinture qu’elle plaça à ma taille. J’ressemblais maintenant à un boxeur, sauf qu’à la place d’avoir le nom du concours que je venais de gagner inscrit dessus, j’avais une énorme bite dessiné dessus… La classe ! Ou pas. Bon je n’vous cache pas que je n’avais pas bien compris ce qu’il venait de se passer, mais ce dont j’étais sûr, c’est que j’me suis donné sur cette jeune récompensatrice à la fin ! Shahaha !

      A cause de tout ce temps perdu à faire du « sport », je ne ressentais plus très bien les effets de l’alcool. Puis, j’ai entendu parler de la fameuse bière XxX Gubman et d’après les dires des poivrots du coin, c’était une bière géante, aussi grande qu’un immeuble et surtout la plus délicieuse de toute ! Il n’en fallut pas plus pour attirer les papilles déjà bien humectées de l’homme-poisson.

      PROCHAIN RENDEZ-VOUS : LA XxX GUBMAN !


      C’est là qu’il a aperçu deux homme-poisson, enfin plutôt un homme-poisson accompagné d’une sorte de mort-vivant… J’les avais directement remarqué à travers la foula parce qu’en même temps, à part des humains ici, bin y avait pas beaucoup de choses. En même temps moi ça m’arrangeais, au moins je n’aurais pas trop de problèmes à me débarrasser de ces êtres inférieurs s’ils viennent me chercher des noises. J’ai ensuite remarquée que le mort-vivant était fringué avec l’uniforme de la marine. Et comme il semblait être pote avec l’autre, il devait aussi être un marin. Saleté de soumis !

      En tout cas, le concours de « la plus grande bière au monde » allait commencer et fallait que j’mette la patte sur la XxX avant qu’elle ne soit montrée au bout du jour. Donc pas le temps de perdre du temps à observer ces deux enfoirés. En plus, si j’arrive à me glisser dans la chope et que je la déguste au moment où elle est présentée, y a des chances pour que je sois connu ! Enfin peut-être hué et détesté mais connu ! Shahaha ! Espérons que mes infos n’étaient pas que des racontars de poivrots et qu’elle soit à la hauteur de mes espérances !
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      • https://www.onepiece-requiem.net/t4096-valentino-de-la-rose

      - [...] Sacré nomdidjalle ! J’t’ai confondu avec le major Benson, cette raclure. Mais y’avait pas d’quoi, en fait, c’était un petit maigrichon blond. Humain, en plus. [...]

      Grrrr... Nan mais vas-y insultes moi tant qu't'y es ! Foutre bleu, un humain ?... Pour un peu j'aurais bien envie d'te claquer une beigne version maousse tiens ! Et là qu'on m'parle pas de solidarité marine ou d'la marine hein ! Y a des trucs avec lesquels faut pas rigoler.
      Mais bon, j'étais parti pour profiter d'mes vacances, alors c'est pas en commençant à s'foutre sur la gueule que j'vais pouvoir profiter d'mes dernières heures de "liberté". Les organisateurs des festivals s'inquiétant pour un rien, j'voudrais pas qu'on dévaste leurs estrades pour une mémoire qui fuit par les trous de la conn'rie. Bref, j'note ça dans mon p'tit carnet noir interne et j'me détourne une seconde de mon interlocuteur, juste le temps de garder mon self control et d'chourrer une bière à un pôv' type de passage. Même pas j'ferai attention à ses timides récriminations tandis que j'me retourne à nouveau vers ce Fosco.

      - Et sinon, toi, comment va ? Toujours avec c’t’empoté d’O’Brian agrippé à tes grolles?

      - Mouais... Plus pour longtemps.

      Ah bravo. M'a pété ma bonne humeur ce couillon. Va m'falloir mon lot d'bibine et d'défoul'ment si j'veux pas finir la journée en pétard, c'que j'refuse de-suite j'vous préviens. J'tiens à être jovial et souriant alors le monde a intérêt à pas m'chier dans les rango' ou ça va ventiler du sang bordel de m*... Hum... bref...


      On commence à marcher. Tranquilles, peinards... Et c'est pas ces crétins d'péquenot qui vont nous bloquer l'passage. Surtout depuis que j'ai pris ma mine des lundis matin. Un humain... nan mais j'vous jure... Un humain... alors que j'appartiens à la plus forte et fière race des océans. Un humain. Tin ' mais suffit d'nous mater pour comprendre que c'est pas une bande de perméables qui peut rivaliser avec notre prestance et notre*....


      NOUS AVONS UN VAINQUEUR ! VOICI L’HOMME (enfin le requin plutôt) QUI A LA PLUS GRANDE VESSIE DU FESTIVAL !
      AVEC SES 2,3L DE CONTENANCE ! C'EST DIRE QU'IL PEUT EN BOIRE DES BIÈRES !
      HAHAHA !

      Oh putainnnnn... Nan mais ne m'ditent pas que c'est une... sur sa ceinture... siii ?... Et bim, cinq milles ans d'histoire et d’héroïsme sous-marin qui sont foulés au pied par un jeune poisson sans cervelle ni bon gout. Et le pire c'est qu'il en est fier visiblement. Tout le monde rit. Tout le monde s'amuse. Et chaque éclat de rire de ces humains moqueurs m'arrache des lambeaux d'amour propre. Toujours ces rires... Et l'autre singe marin qui en est content ! Tu vois pas qu'on se moque de toi ?! Tu vois pas que tu t'exhibes mieux qu'ils ne te l'feraient eux-même ?! Raaaah ça m'prend les tripes ça ! Mes phalanges blanchissent tandis que je serre des poings... mes dents crissent... et une petite veine coutumière de la situation réélit domicile sur une tempe.

      - Tu m'escuz'ra deux s'condes Fosco, j'ai un ou deux mots à dire à un certain têtard.

      Et sans quitter du regard le jeune requin qui traverse une foule hilare, je la fend à grands pas tel la lame chauffée à blanc traverse une motte de beurre. Salé le beurre évidemment.

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      Tou vois, ye suis en cloisade contre l'alcoool. Ça être stoupide boisson qui faire peldle la tête. Tou peux perdre des êtres chers. Si !

      Mon papa, il aime bien boire. C'est pour ça qu'il m'emmène à la fête de la bière. Mais j'aime pas la bière. Je préfère les jus de fruits.

      C'est ça ! C'est ça !! Tou as tout à fait laison ! Il faut supplimer la bière ! Regalde mon comflère, Agua-mano !


      L'interpellé se retourne à la mention de son nom. El Sobro le regarde fixement tandis que le jeune garçon continue de manger sa sucette, ses grands yeux regardant Agua-mano avec l'attente du spectateur habitué à voir des shows de qualité.

      Agua-mano ! Agua-mano ! Montle lui !

      Agua mano commence à faire le fier. Puis il prend une bouteille d'eau qu'il commence à vider au travers de la grille pour accéder à son gosier. Il vide la bouteille d'une traite sans prendre la peine de respirer. Une fois abreuvé d'eau, il jette la bouteille et se met à soulever un rocher devant lui avec une facilité déconcertante. El Sobro revient à l'enfant, le regard fiévreux de ceux qui sont convaincus d'avoir convaincu.

      Tou vlois ?! Tou vlois ! Agua-mano t'as montlé le pouvoir de l'eau ! Agua-mano être blave de m'accompagner, moi, El Sobro ! Oui ! Moi ! El Sobro ! Dans ma cloisade !

      Yamais ye n'abandonnerez ! Yamais !


      Le jeune garçon semble peu convaincu. Son regard va d'El Sobro à Agua-mano qui s'est désintéressé de la séance de propagande pour ouvrir une deuxième bouteille d'eau. El Sobro se frappe la poitrine et se met à regarder au loin, le visage dur, comme transi par une inspiration lyrique.

      Ye souis le combattant de l'ombre. Hombre ! Y'est moi qui ai saboter les standes des bièles fortes ! Y'est moi qui perce les tonneaux. Y'est moi qui met du laxatif dans les bièles. Y'est moi qui ai deplacer l'évacuation des toilettes ! Dilection d'autles tonneaux ! Les gens doivent complendre ! Ye fait ça pour leur bien ! Ye suis El Sobro ! Yusticier !


      Son envolée lyrique s'éteint. Son regard retourne vers l'emplacement vide laissé par un gamin qui vient de finir sa sucette et qui est parti en chercher une autre auprès de son alcoolique de père. El Sobro se caresse négligemment la moustache, pensif.

      Ye souis incomplis. Agua-mano.

      Celui-ci approuve et propose de l'eau à son ami. Celui-ci décline.

      Pas tout de souite, Agua-mano. Aplès le clou dou spectacle. Notle ennemi est ploche. La bièle démoniaque. La Gubman. Yamais ! Yamais ye ne la laisserais blesser d'autres innocents. Yamais ! Tou es avec moi, Agua-mano ?

      Agua-mano approuve d'un mouvement de tête. Le visage d'El Sobro semble s'illuminer. Il se relève et gratifie son ami d'une tape sur l'épaule. Son regard ardent fixe celui masqué de son ami aqueux.

      Si ! Si ! Nous y allivelons ! Moi : El Sobro ! Toi : Agua-mano ! Allons y !

      C'est ainsi que les deux individus partirent vers leur but final. Aussi discret que des tubes néon dans l'obscurité, ils avancèrent fièrement dans la foule. El Sobro en premier. Agua-mano derrière lui. Les heures de la Gubman étaient comptées.
        L’était énervé, le Toji, pour sûr. Ca se sentait à des kilomètres à la ronde. Tous les muscles de son corps semblaient tendus comme un string. Fosco put même lire une envie meurtrière à son encontre dans les yeux de son interlocuteur. Il l’avait toujours connu plein de rage et d’amertume, à vrai dire, capable de s’enflammer en un temps record. Pour autant, le vieillard ne voyait pas vraiment ce qui pouvait l’avoir ainsi changé d’humeur en quelques secondes. Peut-être le fait qu’il l’ait confondu avec un humain. On n’aimait pas trop ça, chez les natifs de l’île des Hommes-Poissons. Mais Fosco était un peu à part. Pour lui, ça n’avait rien d’insultant. Il avait vu, au fil d’un siècle de pérégrinations, à quel point les humains s’avéraient tenaces et puissants. La preuve la plus accablante et évidente était sous les yeux de tous, à tout instant : Les humains gouvernaient le monde, et non les Hommes-Poissons. Dame-Nature avait beau les avoir affublé d’une force démentielle et de la capacité de pouvoir vivre aussi bien sur terre que sous l’eau, ils ne pouvaient rien face à la plus grande arme humaine : sa capacité d’adaptation.

        ‘Fin bref, il allait pas s’casser la tête longtemps à s’demander pourquoi le Toji était énervé, aujourd’hui c’était la fête. Et rien ne pourrait changer cela. Le vieillard avait déjà tout prévu. Il allait boire, puis boire, et après boire encore, pour finalement aller dormir dans un luxueux hôtel cinq étoiles que l’on nommait préalablement le caniveau. Curieux comme on retrouvait cette chaîne d’établissements partout à travers le monde. Pour les poivrots imbibés jusqu’à la déraison, c’était le confort suprême, avec un p’tit trottoir en guise d’oreiller et le ciel étoilé pour couverture.

        Alors qu’ils rejoignaient la place où se déroulerait le concours de bières, une autre sorte de compétition semblait s’y dérouler. Celui de la plus grosse vessie, apparemment. Et remporté par un homme-requin apparemment ivre mort qui arborait fièrement une ceinture des plus grotesques, affublée d’un pénis géant. La moutarde monta bien vite au nez du vieux Marine. Ce jeune freluquet s’humiliait en public et, par la même, rabaissait tous ceux partageant ses origines. Que les hybrides aient une réputation de brutes sanguinaires, passe encore, mais qu’ils se fassent voir comme de grotesques bouffons tout juste bon à amuser la foule, ça, ça n’passait plus. Et Toji avait l’air bien d’accord avec lui. Y’avait d’l’orage dans l’air et le jeune requin allait en faire les frais. Ni une ni deux, Toji fendit la foule pour aller dire deux mots à la bête de foire.

        Fosco n’avait pas l’intention de le suivre, même si l’envie d’en découdre martelait son crâne. Déjà que les duels, il n’appréciait pas des masses, mais si en plus ils se retrouvaient à deux contre un, alors là ça valait même pas la peine. En échange, son attention fut accaparée par deux drôles de zigotos qui, eux aussi, se dirigeaient vers le centre de la place. En l’occurrence, là où se trouvait la fameuse Gubman. A voir leurs dégaines, ils avaient l’air tout droit sorti d’un bal costumé où il fallait s’habiller le plus kitsch possible. L’homme en tête portait un énorme chapeau à larges bords et d’amples vêtements flashy qui grossissaient sa silhouette tandis que celui qui le suivait portait un costume classe qui jurait totalement avec le masque blanc et bleu qui recouvrait sa tête. Du coup, l’alerte aux emmerdes résonna dans sa tête. Nul besoin d’un sixième sens aiguisé à l’extrême pour savoir que ces deux-là venaient ici pour gâcher la fête. Ou p’t’êt que c’était une paranoïa aigue qui l’assaillait suite à l’inondation complète de sa boîte crânienne par toutes les bières ingurgitées depuis ce matin.
        Quoiqu’il en fut, Fosco se jeta à leurs trousses dans la foule et leur coupa la trajectoire.

        - Hep, hep, hep, là, les zouaves ! On vous a d’jà dit que vous aviez les gueules de types qui préparent un sale coup ? Alors, moi, j’vous l’dis d’office, que vous soyez là pour assassiner un gonze du coin ou pour dévaliser les recettes d’un pov’ commerçant, j’m’en tamponne le coquillard. Mais j’vous préviens, si jamais vous vous avisez de gâcher la fête, y’aura un massacre qui s’profilera dans l’coin ! Ouaip ! Sûr, les potes ! Un massacre ! Allez, dégagez !
          J’commençais tranquillement à avancer vers le lieu de la nouvelle compet’ en arborant fièrement ma super ceinture, quand j’ai commencé à entendre des plaintes derrières moi. En fait, à cause de mon état j’entendais plutôt des bruits bizarres. C’est vrai que quand chui dans cette état j’entends souvent des bruits bizarres mais là, ces bruits l’étaient encore plus ! J’me suis alors retourné et c’est là que j’ai aperçu le putin d’homme-poisson de tout à l’heure… Vous savez, pas celui qui n’allait pas tarder à décéder mais celui qui semblait super costaud et maintenant super en rogne. Il me regardait ?! Il se dirigeait vers moi ?! Pourquoi moi ? J’ai rien fait moi ! Peut-être qu’il n’aime pas les personnes de sa race… Ha non ça c’est pas possible vu qu’il traine avec l’autre momie. Mais alors c’est quoi son problème à ce bargeot de marine ?! Peut-être qu’il me connait… Peut-être qu’il connait certains de mes méfaits… Bon en tout cas, j’reste pas ici une seconde de plus ! J’ai donc commençait à m’enfoncer dans la foule pour me dissimuler. Puis j’me suis dit que pour les hommes normaux, passe-partout, bin cette cachette c’est le top. Mais pour un homme-poisson avec un gabarit tel que le mien ça n’allait pas se passer de cette manière. Fallait que je trouve un déguisement ou que j’me barre loin de cet endroit pour m’en sortir indemne. En tout cas, j’aurais réagi de cette manière si j’avais été sobre enfin peut-être. Mais là, j’étais bourré et surtout j’étais captivé par la Gubman ! Et même si j’étais apeuré (longtemps que ça ne m’étais pas arrivé d’ailleurs) l’appel de la boisson quand je suis dans cet état est bien plus fort !

          L’enfoiré se rapprochait de plus en plus de moi, alors que je tentais tout pour le ralentir : faire tomber des gens par terre pour lui créer un petit parcours du combattant humain, balancer un peu d’argent pour créer une foule plus dense, verser de la bière par terre pour qu’il glisse… Il passé au travers et rien ne semblait avoir raison de lui. Fallait trouver un truc ! Un truc dont même lui ne pourrait se dépêtrer ! Femme ? Non ! Il n’a pas une tête à aimer les femmes plus que ça. Des balafres de partout et une tête de killer… Une tête à faire fuir toutes les donzelles. Un bandit ? Non ! En plus, j’en voyais pas… A par peut-être ces deux rigolos qui semblaient préparer un truc. Mais bon, j’pense qu’il y a un truc qui devrait vraiment marcher : lui offrir une mousse ! Ça devrait le faire ça ! Tout le monde sait que l’alcool apaise les esprits… Enfin y en a aussi qui disent qu’il peut l’empirer mais bon, ce n’est que des rabats joies ! J’me suis donc retourné et avant même qu’il ai le temps de me dire un truc (ou me coller un truc en pleine face… J’crois que c’était plutôt ça son intention quand même), je lui ai dit à l’oreille (parce que c’est dur de se faire entendre dans ce genre de fiesta) :

          « Dis ! Ça te dirait une mousse ? Tu vois, chui pas quelqu’un de méchant. Je veux juste faire ami-ami avec toi pour pouvoir boire sans avoir peur de me faire massacrer par les marines alors que je n’ai rien fait… Alors ? Blonde ou brune ? Ou alors rousse… Mais fait attention, il parait qu’elles ont une odeur bizarre. Et j’parle bien de bières frérot, ne va pas te faire d’illusion. Je suis un homme bien moi… »

          J’crois que ma longue tirade lui déplu… En tout cas, j’espérais qu’il n’était pas aussi costaud qu’il en avait l’air parce que sinon j’allais passer un sal quart d’heure moi.
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          [...] Et j’parle bien de bières frérot, ne va pas te faire d’illusion. Je suis un homme bien moi… »
          Qu'il me susurre à l'oreille ce corniaud...

          Alors je me recule d'un demi pas. Juste de quoi avoir son visage en face du mien. Pour bien pouvoir le mater et enregistrer sa trogne dans ma cervelle retorse. J'vois alors dans ses yeux et dans le p'tits blanc d'attente qui précède une réponse espérée, que notre comique du jour a compris qu'il y a des jours où faut savoir rester discret ; et que lui fait plutôt office d'un phare la nuit faisant face à l'océan des emmerdes.
          Alors je souris. Pas méchamment remarquez, mais avec suffisamment de dentelures effilées pour pousser une scie à bois à la dépression. Jolie façade qui s'veut amicale du moins en apparence. Et derrière mois j'ai une demi douzaine d'autochtones à moitiés piétinés qui gémissent. La magie du timing nous pond pile au bon moment un blanc comme on les aime dans l'bordel de la musique du festival, et le temps suspend son vol.Une mouche passe lentement entre nos quatre z'yeux... avant de s'embraser d'un seul coup !

          Et tandis que son minuscule corps carbonisé fini de poser l'ambiance en retombant en vrille, ma main droite se détend d'un bloc ! Rapide, elle va cueillir la joue de ce "frère" de sang décidément bien trop en deçà des critères de sélection naturelle qu'il faudrait imposer au reste des hommes-poissons. Le visage se déforme au ralentit sous mes yeux, la salive volette en fines gouttelettes... puis son cou se tord sous le choc soudain, avant d'emporter le reste du corps avec lui. La masse de l'hybride vole alors à travers la foule avec sa foutue ceinture, avant de s'encastrer dans l'estrade principale, où déjà la célèbre Gubman était prête à être dévoilée.

          Au travers de la tranchée que je viens de créer dans le public encore sous le choc, je m'avance alors d'un pas lent mais décidé, jouant des doigts et du cou dans une avalanche de craquements inquiétants. Et déjà je commence à serrer du poing. Car là c'était l'apéro... Les présentations pour ainsi dire. Et l'tétard a intérêt à être sacrement éloquent pour échapper à l'avalanche de phalanges que ma fierté d'hybride blessé lui réserve.


          Derrière moi, la situation dérape. Mais de ça, j'en ai pas la moindre idée.
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          El Sobro se retourna du fait qu'on venait de l'interpeller. Ses yeux détaillèrent le nouveau venu. Le profil d'un alcoolique notoire ayant entièrement succombé au vice de l'alcool. Un ennemi de la croisade. Un apôtre de la bière. Un ennemi. Celui se mit à parler. Son haleine fétide et alcoolique assaillit les narines d'El Sobro qui accusèrent le coup. L'expérience de ces nombreux combats contre l'alcool lui servit. Il résista à l'attaque sournoise. À ces côtés, Agua-mano ne fit rien. Il avait confiance en son ami. Il prit une bouteille, l'ouvrit et la tendis vers El Sobro qui la but d'un trait : il se sentit tout de suite mieux. D'un hochement de tête, il remercia Agua-mano. Il revint vers son agresseur. Assurément, celui-ci se doutait de ses projets. Il n'allait pas le laisser échouer dans sa noble entreprise !

          Ye souis El Sobro ! Et c'est Agua-mano ! Nous ye sommes pas des Youaves ! Ye résisterais à tes attaques, être décadent !
          Agua-mano. Continue sans moi. Ye te souis tout de souite.


          Agua-mano hocha à son tour de la tête et se retourna sans un mot. Il s'en alla bien vite dans la foule. El Sobro darda un regard plein de compassion vers l'homme poisson, esclave de la boisson. Il allait dire quelque chose de très méchant quand une agitation soudaine perturba la foule. Une rumeur de bagarre se propagea comme une trainée de poudre. Des gens fuyèrent dans la direction opposée à celle qu'avait pris le compère de Fosco. Certains virent ce dernier et prirent peur. De la bière coula à flot sur le sol. Des verres furent brisés. Des tonneaux éventrés. El Sobro se surprit de cette agitation. D'autres fidèles de la sobriété agissaient-ils sur place ? Il se fendit d'un sourire.

          Ye crois que y'est pas moi qui gâche yette … « fête ». Tou devrais t'occuper d'eux au lieu d'embêter les yonnetes gens ! Ye souis El Sobro ! Et y'est à faire de très important ! Hombre !
          Yegarde ! Y'est la panique !


          Plusieurs personnes bousculèrent Fosco : un gros paquet de gens allaient tout droit avec la ferme conviction de lui passer dessus sans savoir que c'était un homme poisson comme les deux autres. Le chaos gagna l'endroit quelques instants et, quand l'homme poisson en eut fini avec les civils, il s'aperçut qu'El Sobro avait pris la poudre d'escampette. Dans la foule, un oeil avisé pouvait voir un haut de chapeau se déplaçant rapidement vers la scène principale.

            Vache de mandale que j'ai du lui mettre à l'autre zig' ! Vu comme ça danse devant ses yeux, faut croire que j'ai assez avoiné pour transformer trente-six chandelles en tout autant d'autodafés envers la connerie. Regard hagard, le mec semble absent...limite mort. Pas d'bol, moi pas. Alors ni une ni deux j'lui dégrafe l'honteux instrument de l'ignominie, que je bazarde sans un regard en arrière ; avant de lui jouer la mélodie des cinq doigts version revers, le coté recto ayant apprécié le geste et poussant le verso à s'y essayer. Une grande claque pour un p'tit con, tu viendras t'y plaindre entre deux convalescences si un jour tu repasses dans l'coin.



            Tin' c'que c'est bon d'extérioriser ces démons... Pfiuuu y a pas à dire un moment j'ai failli devenir désagréable à cause de lui. Sans rire pour un peu j'plombais l'ambiance en reprenant mes habitudes professionnalo-hobbiesque. Et non je ne m'moque pas des hommes de p'tites tailles aux pieds trop poilus.

            Du coup, tout sourire de faux-cul qui a déjà réussi à s'convaincre lui même qu'il était redev'nue de bon poil -ce qui est déjà pas mal vous en conviendrez- me voilà qui m'retourne et capte enfin les ondes de radio-débandades. Et non je n'me moque pas des révolutionnaires et de leurs problèmes intimes.

            Foule qui panique donc, sans raison qui plus est... Toji, t'es un fin limier alors tu devines qu'il y a anguille sous roche et que c'est pas monsieur saint esprit qui a mis son bordel. Un gars veut jouer les emmerdeurs, et il de ton devoir de faire en sorte que le calme revienne au plus vite. De un c'est ton taff... bon ok là je m'en fous en vrai, mais symboliquement j'me dois de l'dire, c'est dans ma charte. De deux donc, faudra pas qu'la fête prenne du retard et que du coup j'rate la fin faute d'un timing trop serré et d'un supérieur un brin relou ces derniers temps.

            Un sombrero ! Là !
            "Pas de sombrero sans feu" comme on dit ; Je fonce !
            Comment ça on l'dit pas ? Moi SI, vu ! Et dans le doute, on reconnait les protagonistes à l'exubérance de leurs costumes. D'où l'accord tacite qui dit qu'on n'doit jamais se battre lors d'un carnaval, sinon j'vous raconte pas les bavures. Sombrero donc, qui a là son deuxième rendez-vous d'la journée prévu avec un poisson vindicatif.



            L'homme n'est pas loin de la scène lorsque je fauche plus que je ne fends la foule qui nous sépare pour mieux apparaitre comme par magie devant lui, dos à un stand de bière qui hurle sa joie d'avoir un sauveur si rapide et clinquant. Chemise fleurie à moitié déboutonnée que le vent n'agite que pour mieux faire ressortir l’héroïsme de la scène ; torse bombé en dessous ; chapeau de paille contre sombrero... je laisse le temps suspendre son vol. Puis d'une voix rehaussée par plusieurs millénaires d'histoire de brassage et de savoir faire alcoolique, mes paroles se laissent alors porter jusqu'aux oreilles de celui qui a n'en pas douter nourrit d'horribles desseins, là où je voudrais plutôt qu'on nourrisse mon foie :

            - Holà mon gars ! Tu vas m'dire c'que tu comptes faire là histoire que j'tire ça au clair.
            Et attention à n'pas brasser du vent ou à n'pas m'donner d'explications tire-bouchonnées, parc'que j'te l'dis direct ça va m'saouler.
            Alors si tu n'veux pas que j'te colle une étiquette de parfait corniaud et que je n'te décapsule pas la tête, le mieux reste encore que tu t'tires en douceur et sans t'faire mousser je te prie.

            Car j'aime autant t'prév'nir,  même si avant tu fus d'chêne, tu vaux pas mieux qu'un p'tit mousse face à moi, et encore un demi.


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            L’homme poisson l’avait attrapé par le col et lui parlait à quelques centimètres seulement du visage. Je vous laisse le plaisir d’imaginer l’haleine d’un mec qui bouffe de la chaire crue avec un peu de gnôle pour faire passer le tout. El Sobre eut un haut le cœur et se dégagea de l’emprise pour prendre une bonne bouffée d’air frais. Il toussa pendant un moment, devant poser un genou au sol. Lorsqu’il se sentit mieux, il ramassa son sombrero, l’épousseta et le remit sur son chef. Il fit un alors un petit saut ridicule pour se redresser et un banjo tomba du ciel pour lui atterrir pile poil entre les mains. De nombreux badauds levèrent les yeux au ciel pour voir sa provenance, mais il n’y avait rien. Bizarre. Les doigts filèrent, les cordes vibrèrent, les notes fusèrent.

            -Aïe aïe, aïe aïe, aïe aïe aïe !
            Regardez moi ces poiscailles !
            Aïe Pépito !
            Ils devraient boire de l’eau !
            Aïe Topépi !
            Plutôt que du whisky !
            Aïe Pitopé !
            C’est pas bien d’se saouler !
            Si vous avez envie,
            Prenez donc un jus de fruit !
            Pour le corps, la tête,
            Ou juste pour faire la fête !
            Pas de gin, de bière, de vodka,
            De whisky, de rhum, ou même de téquila !
            Pour être en bonne santé, arrêtez de picoler !


            Les doigts filèrent, les cordes vibrèrent, les notes fusèrent. Le silence s’installa. Le banjo se mit à monter, sortit des bras du justicier et finit par disparaître dans les nuages. Le paladin de la sobriété se remit face à son agresseur de sens et de corps.

            -Hey, toi ! T’es qui là, sombre héros ? Tu te prends pour le señor Dézano ? Si tu veux qu’on se tape à cinq, t’as qu’à le dire. Ca tombe bien, je suis spécialiste du tapas nocturne ! Bon, là il fait jour, mais il n’y as pas d’heure pour combattre l’alcool !

            Un regard de défi. Et un petit trémolo en sol majeure pour clore le débat.


              Clore le débat ? Que nenni !
              Car si un instant la vision d’une guitare miraculée m’a fait vaciller, il n’est pas dit que le grand Toji –même en vacance- tombera pour si peu. Qui plus est, vaciller c’est un peu un mode de vie ici ; à croire que c’est pas nous qui n’marchons pas droit, c’est le monde qui va de travers.

              Sauf qu’il faut reconnaître que sous mes allures de vachard sans honneur, j’en ai un. Ou du moins je sais en reconnaître un lorsque je l’ai sous le pif, surtout avec un panneau indicateur mis sous forme de sombrero king-size. Et des fois, bah ça vous touche. Ca vous attendrit pas attention ! Mais ça vous ôte les envies de s’contenter d’ouvrir en deux par le bas. Ce cavaliero pédestre à des corones, il faut le reconnaître. Pour être là devant moi. Pour brandir sa foi de la sorte. On le sent dans sa voix, on le lit dans ses yeux. Una mano, un vrai.

              Et dans ma poitrine alors qu’à moitié imbibé d’alcool, une flamme naît. Et c’est donc d’un geste théâtral que je retire mon chapeau de paille pour saluer mon adversaire si éloquent, avant de bomber un torse que je frappe d’un poing empli d’une fièvre toute légitime. Je serai le bouclier de Gubman ! No pasara !


              - Holà holà holà !
              Regardez moi c’parasol !
              Put’borgne mes aieux !
              Il ferait mieux d’boire de l’alcool !
              Ca l’frait sur’mment vivre plus vieux !

              Car l’eau t’a rendu aigri et rabat-joie,
              Trop avide de mettre ici ton boxon !
              Apprends que l’bonheur n’est pas dans la badoie,
              Mais dans d’autres bulles plus riches en houblon !

              Prends donc une peinte, lève ton godet,
              Oublie tes menaces et tes vaines rancoeurs !
              Mes tongs m’exhortent à vouloir la paix,
              Trinquons avant que je n’t’arrache le cœur !

              Blondes, brunes, triples ou fruitées,
              Trouvons ainsi le calme dans des reflets ambrés.
              Là où la transparence d’une eau insipide,
              Pourrait me pousser à certains homicides.

              Déguster et profiter d‘un savoir faire,
              Mis en pratique et parfait depuis des centenaires !
              Voilà les raisons qui m’ont poussé,
              A faire tant de brasses dans cette eau si salée !

              En vacance de zèle aujourd’hui je ne ferai donc guère.
              Bien que ton allure tes manies et ton accent,
              Peu communs il faut le dire en demeurant,
              Poussent mes poings sans cesse à vouloir la guerre.

              Et si tu n’es pas prêt à oublier,
              Jusqu’à tes plus intimes motivations !
              Je suis prêt devant toi à parier,
              Ce qui sera l’objet de nos déglutitions !

              Misons le contenu de nos verres futurs !
              Rime, verre, ruse ou poings !
              Dans tout je te serai souverain !
              Choisis donc ton arme, compagnero d’aventure !

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              La réplique était tombée. Un harmonica jouait lentement à l’autre bout de la place. Une botte de paille roula sur la tête des spectateurs, ce qui posa de menus désagrément, notamment à la gente féminine. L’homme poisson vantait les vertus de l’alcool de manière outrancière ! Cet affront n’allait pas rester impuni, foi de tortilla ! Les yeux dans les yeux, les deux hommes dont un mi-poisson et un mi-gusta ne cillaient pas. Tout le monde les observait, attendant avec impatience que la première avoine parte.

              Le marin avait laissé le choix des armes au chicanos. Sûrement un moyen de montrer qu’il avait des corones et qu’il ne craignait rien. C’était une grave erreur. L’homme à la moustache fine avait une mission : libérer le monde de l’alcool. Montrer à tout le puebo unido que cette drogue était dangereuse et qu’elle te niquait le corps et l’esprit. Et s’il devait utiliser des coups bas pour cela, il le ferait sans hésiter. Il se souvenait bien des dernières paroles de la petite tirade poétique de l’autre pochtron.


              Et si tu n’es pas prêt à oublier,
              Jusqu’à tes plus intimes motivations !
              Je suis prêt devant toi à parier,
              Ce qui sera l’objet de nos déglutitions !

              Misons le contenu de nos verres futurs !
              Rime, verre, ruse ou poings !
              Dans tout je te serai souverain !
              Choisis donc ton arme, compagnero d’aventure !


              Il allait être pris au mot. C’était très simple.

              -Comme il est étonnant que l’poisson que tu es
              Ne sache pas apprécier toutes les vertus de l’eau
              Ce poison que tu bois ne te f’ra pas d’cadeaux.
              Plutôt que d’te saouler, tu devrais t’hydrater

              Tu prônes la boisson comme on prêche une foi
              Je m’abreuverai d’eau et toi autant de bière
              Et sera dit vaincu, le premier fesses à terre
              On verra ainsi bien les dégâts sur ton foie.

              Si tu as tant confiance en ce sombre breuvage
              Tu n’devrais pas souffrir d’autant de cerveza
              Admets maintenant ton vice ou bien il t’en cuira
              Et laisse moi à présent répandre mon message.


              C’était sans équivoque. Chacun allait défendre sa boisson préférée dans un concours de boisson. El Sobro boirait de l’eau et Toji de la bière. M. El s’empara d’un grand verre d’eau et le descendit cul-sec avant de s’essuyer les lèvres d’un revers de manche. On déposa alors une grande choppe de bière devant le poisson.

                C’était sans équivoque. Chacun allait défendre sa boisson préférée dans un concours de boisson. El Sobro boirait de l’eau et moi de la bière. Parfait !

                L'homme descend un verre d'eau comme d'autre trinquerait un shooter de liqueur à 90°, avec conviction, force et courage. Dans ses yeux brule la flamme de la conviction, véritable incendie porté au plus haut par le souffle de mon animosité. C'est tout juste si devant ce portrait glorieux de l'homme qui se sait investit d'une mission divine j'en oublie presque que derrière tout cela se cache un esprit retord et fourbe, visiblement pret à jouer de toutes les ruses et les vilénies pour accomplir sa mission. Fou que tu es ! Si tu veux jouer de roublardise avec moi, accroche toi à tes moustaches compagnero, Toji apporte les ciseaux !

                Je tends donc une main impérieuse en arrière sans même lâcher du regard mon opposant ; et c'est un tavernier plus courbé que l'dos de l'ex-amiral Pludbus qui s'en vien tventre à terre me glisser entre les doigts une chope avant de repartir sans se retourner et en mirant ses lacets. Tous ont compris qu'ici ce n'était plus deux hommes qui se faisaient face, mais bien plus.

                Une gorgée, avalant la pinte comme un roi des mers goberait un galion ; l'affaire réglée sans grimace ni fierté.


                Mais tandis qu'un autre verre d'insipide transparence est tendu par un encagoulé diligent, j’arrête mon adversaire d'un doigt et d'une pose que tout auteur de pièce de théâtre se dépêcherait de rajouter à sa prochaine œuvre.

                -Minute homme de si grande conviction !
                De ce mouvement vif d'une extrémité carpienne,
                qui n'a pourtant nul rapport avec ce même poisson,
                j'attire ton attention sur une règle qui sera mienne !

                Il serait si facile d'abuser de l'avantage,
                dont une mère nature a daigné me doter,
                par le truchement d'un estomac plus large,
                sur ta condition humaine si limitée.

                Je pourrais te prendre au plus strict des mots,
                Et d'une blonde légère faire alors mon lot.
                Mais notre duel si prometteur se limiterait ainsi,
                A savoir qui de nous deux le premier sera rempli.

                Je t'invite donc à corser le défi,
                en choisissant nous même le breuvage,
                dont notre adversaire devra faire gavage,
                Sans pourtant jamais s'écarter de sa catégorie.

                Propose donc ta bière au degré le plus haut !
                Je la boirai sans crainte ni la plus infime des gènes !
                Tandis que de ton côté, en hommage à mes gènes,
                Je ne te demanderai de boire que de l'eau...
                ... de mer.

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                El Sobro pensait avoir gagné grâce au superbe atout qu’il avait déployé. Mais la fourberie du poisson humain n’était  pas en reste. Obliger quelqu’un à boire de l’eau de mer, quelle idée stupide. Si seulement il avait eu un fruit du démon, il aurait pu s’en servir comme excuse, mais ce n’était pas le cas. Il devait absolument montrer les bienfaits de l’eau. Si celle-ci devait être salée, il le supporterait. Coûte que coûte. Agua-mano, son fidèle bras droit, sortit de la foule et s’approcha de son boss.

                -Hé chef ! El pueblo te regarde. Tu ne dois pas lâcher !
                -Né t’inquiète pas, mon pétit. El Sobro en a vu d’autres.

                Comment justifier auprès de toute la population qu’un peu de sel pouvait rendre absolument immonde quelque chose d’aussi délicieux que l’eau ? Mais il pouvait aussi faire craquer l’autre avant lui. Après tout, boire de l’eau de mer, c’était dégueulasse, mais ça ne tuait pas. Il fallait juste de la force de conviction.

                Les règles avaient changées et il ne pouvait pas se retirer du jeu sans perdre la face. Heureusement, un enfoiré comme El Sobro, ça ne se trouvait pas en secouant un cocotier. Non, en faisant, vous risquez seulement de trouver des noix de coco. La nouvelle règle était claire.

                Je t'invite donc à corser le défi,
                en choisissant nous même le breuvage,
                dont notre adversaire devra faire gavage,
                Sans pourtant jamais s'écarter de sa catégorie.


                Sa foi en l’eau était sans limite. Jamais l’alcool ne triomphera sur l’eau. Un air de cucaracha passa dans l’assemblée, reprit par les badauds qui se mirent à la fredonner. Le messie aquatique attrapa la choppe, la porta à ses lèvres et goba le tout sans se laisser le temps de réfléchir. Il fallait l’admettre, c’était dégueulasse… Mais c’était supportable, il en faudrait plus pour faire flancher un homme avec autant de convictions.

                -En buvant l’eau salée, je bois toutes les larmes
                De ces femmes désoeuvrées aux maris imbibés
                Qui rentre tard le soir, sans même savoir marcher
                Qui par dépit choisissent de déposer les armes  

                Ton vice t’a poussé à saler ma boisson
                Ce signe de faiblesse venant d’toi m’a surpris
                Mais puisque j’ai le choix, voilà c’que j’ai choisi
                La célèbre Kamikaze, véritable poison.


                Le tavernier arriva alors avec une choppe entière de la bière "Kamikaze". Celle qui ferait hurler un géant de douleur si on lui déposait sur une plaie. De la bière à 99,99% d'alcool ! Hahaha ! A peine une goutte de malt et de houblon pour toute la bouteille. Enfin on commençait à se marrer ! C’était maintenant que commençait le véritable combat de l’eau contre l’alcool !



                  Ahahah misérable humain. Comme si j’étais du genre à m’inquiéter pour si peu ! Ta veulerie n’a donc d’égale que ta capacité à sous-estimer le fossé qui sépare ta race de la mienne ? Ton combat du mien ? Regarde donc, et contemple. Ouvre donc ton esprit aveugle au miracle Tojiesque.

                  La kamikaze vient à moi ; et d’une main assurée et surtout qui se refuserait à trembler devant son ennemi elle s’approche lentement de mes lèvres. J’ai connu pire. Des souvenirs d’une beuverie perdue et à moitié effacée, où pire alcool m’avait été une fois de plus présenté. Sans trembler j’avais bu ; et sans trembler je boirai encore. Une mousse dont les bulles semblent former un visage cornu et ricanant me défie une seconde, tandis que mes narines se refusent à inhaler ne serait-ce qu’une seule fragrance de ce poison mortel. Kamikaze, la seule bière suffisamment forte en alcool brut pour servir de combustible à lampe en cas de besoin. Des levures si agressives qu’elles se battent entre elles à ce qu’il parait.
                  Dernier sourire suffisant, je bois. Les gorgées coulent une à une sans interruption dans ma gorge, dont les vas et viens bruyant captent l’attention de la foule plus facil’ment encore qu’un terroriste agitant sa dernière ceinture à la mode.


                  ‘culé…


                  Des mots veulent sortir ; mais nul ne passera le seuil d’une gorge alors en  guerre totale.
                  Des idées d’homicide de destruction et de suicide viennent ; mais aucune d’entre elles sera tolérée.
                  Des saccades tentent de prendre le contrôle de mon corps à l’agonie, mais pas une seule seconde je ne leur en laisserais le pouvoir.

                  Je tiens.

                  Inébranlable, je fais face et ne cesse une seule seconde de sourire. Et le fait que je serre des dents pour éviter un retour de flamme n’a rien à voir là dedans. Les meilleurs alliages sont fait dans les flammes et la lave ; et je suis de ceux là. ‘Culé-bis cela dit ; ça dépote grave cette merde.

                  D’une main je fais ainsi signe à mon adversaire de poursuivre son tour, ce qu’il s’empresse de faire comme pour montrer que lui non plus ne se laissera pas abattre pour si peu. Héhéhé, si l’alcool me brûle l’œsophage, lui c’est l’estomac et le cerveau qui paieront le prix fort de son impudence. Tout marin se devrait de savoir que l’eau de mer n’a pas seulement mauvais goût, mais est surtout un poison tout ce qu’il y a de plus fatal. Mieux vaut mourir de soif en pleine mer que de subir les incroyables crampes d’estomac, vomissements, folie et mort qui suivent ceux qui ont le malheur d’accepter les baisers salés de notre mère la Mer. En plus l’eau de mer c’est dégueulasse, les poissons baisent dedans. Bois l’ami, bois… Huhuhu.

                  Comme pour profiter du spectacle, je m’allume alors un bon cigare que je coince alors aussitôt entre deux rangées de dents blanchies par la Kamikaze à la limite de la fluorescence ; ce qui a aussi le mérite de m’occuper les mains dont certains doigts semblent vouloir danser la salsa du démon. L’épaisse fumée tapisse ainsi ma gorge endolorie, atténuant quelque peu le feu qui l’habite.

                  Cela dit... Si j’dois attendre que l’autre zig’ vomisse du sang et devienne plus maboule encore qu’il ne l’est déjà… ça va m’prendre une sacrée paye. Et de un je n’compte pas attendre assez longtemps pour voir mon estomac percé de plus d’ulcère que si j’avais avalé un hérisson. De deux j’ai toujours ma bière Gubman à déguster avant que la police militaire ne vienne me tirer les oreilles.



                  El Sobro finit son verre sans mal apparent, et c’est un nouveau tour de Kamikaze qui vient à ma rencontre. Coup d’œil au tonneau de Gubman qui attend patiemment son heure… Puis mon attention et ma main reviennent à la choppe qu’on me tend. Je m’approche alors lentement de mon moustachu belligérant, jusqu’à ce que son sombrero me touche presque la poitrine et ne fasse rempart. Nous nous défions alors encore un peu plus du regard… Puis je jette d’un seul trait toute la choppe dans mon gosier avant que ne se referme comme un four mon immense mâchoire !

                  Un sourire… mais nulle gorgée cependant. Et avant qu’El Sobro ne se décide à comprendre, j’aligne la fraise de mon cigare devant mes lèvres avant de recracher en fines gouttelettes l’ensemble de la chope vers lui ! Au contact de la braise, le terrible alcool -dont les plus inflammables des Cognacs s’écarteraient avec respect- devient une boule de feu ardente au nez et surtout à la moustache de notre casse bonbon héroïque.

                  Champignon de flamme pour emmerdeur flambé,
                  Recette artisanale sur le tas inventée.



                  Et tandis qu’un épais volute de fumé noir s’élève dans le ciel, je ricane autant que faire ce peut sans pour autant lâcher ni cigare ni chopine.

                  Sec en accompagnement ou flambé,
                  L’alcool me sert toujours à temps complet.
                  Et si tu n’vois en lui qu’un ennemi,
                  Je te donnerais raison sans dénis !

                  Retour de flamme pourtant si évident,
                  Pour celui qui par le feu a voulu nuire.
                  Et si je souris ainsi de toutes mes dents,
                  Ce n’est qu’au plaisir que j’ai de te faire cuire !

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                  La félonie de l’homme poisson semblait sans limite. Voyant qu’il ne gagnerait pas le duel qu’il avait instauré et dont il avait déjà essayé de détourner les règles à son avantage, le marin se leva et profita du haut degré alcoolique de sa boisson pour cracher une gerbe de flammes au visage de son adversaire.

                  Toute la foule retint son souffle pendant que la flamme embrasait le visage d’El Sobro. Agua-mano réagit immédiatement et flanqua un énorme coup de boule à El Sobro. Le visage d’Agua-Mano explosa en petites gouttes d’eau qui éteignirent immédiatement le feu. Du moins, c’est l’impression que cela donna. En fait, Agua-mano avait craché toute l’eau qu’il avait avalée depuis le début de l’affaire. Mais se faire vomir dessus était bien moins classe donc c’est la première version qui fut gardée. El Sobro se leva lentement et se plaça face à la foule. Une petite flammèche finissait de consumer la pointe de sa moustache. Il l’écrasa entre son pouce et son index en plissant les yeux.

                  -L’alcool est dangereux pour la santé… Buvez de l’eau et mangez équilibré !

                  S’il avait choisit de céder en passant à l’offensive, cela signifiait pour lui que son adversaire avait abandonner. C’était une grande victoire pour la sobriété aujourd’hui et rien, non rien, ne pourrait lui gâcher ce plaisir. Par contre, quelque chose pourrait la lui accroître encore d’avantage. Il venait de planter un clou dans l’esprit des gens en leur montrant les méfaits de l’alcool. Il s’agissait à présent de l’enfoncer en montrant les vertus de l’eau.

                  -Mesdames et messieurs, laissez moi vous présenter Agua-mano. Cet homme ne se nourrit que d’eau. Il vient tout juste de me sauver la vie et va à présenter botter le gros cul de ce sournois alcoolique notoire.

                  Cela pouvait sembler absurde d’utiliser l’eau comme arme face à un homme-poisson. Stupide même. Incohérent, illogique… Et bien, en effet, ça l’était. Mais bon, quand on a une cause à défendre, on ne fait pas toujours ce que l’on veut. Agua-mano leva le bras pour saluer la foule et attrapa deux grandes bouteilles d’eau avant de les engloutir en quelques secondes. Profitant du fait que tout le monde regardait la performance de l’homme aquatique, El Sobro sortit une bouteille de Tabasco et en aspergea l’homme au cigare. Le piment lui pénétra dans les yeux, lui arrachant un cri de douleur.

                  L’instant d’après, Agua-mano fonçait vers lui, de toute sa masse, tel El Toro Fuerte qui charge lé troupeau dé lé pétits moutons tout mignons. L’impact allait être… mouillé.

                    Aouch !

                    J'sais pas c'que tu bois comme flotte mon gars, mais quelque chose me dit qu'ça doit être de l'eau lourde. Bien lourde ouais, du genre qui t'écrase. Ou alors de l'eau minéral enrichie en granit avec des vrais bouts d'ciment d'dans. Cogne dure le loustic... A moins que ce n'soit au contraire de l'eau plate, un peu comme ma gueule qui se répand dans la terre battue tandis que j’atterris de tout mon plat avec la grasse d'un fer à repasser unijambiste au mondial de gymnastique.

                    Keuf  ! J'crache de la terre et j'me relève d'un bloc, bien décider à presser notre invité mystère pour qu'il prenne moins d'place dans ma poubelle de recyclage : déchets casse-burnes. Je profite donc du fait que monsieur costard-cagoule s'envoie une énième bouteille d'eau derrière sa cravate bleu pour jeter un oeil au tonneau de Gubman, puis je m'attèle à trouver une vengeance digne de ce nom. Même dans la mesquinerie, restons thématique.

                    Et hop, voilà que l'idée me vient et que l'acte suit le pas ! En deux enjambées me voilà qui me jette sur un touriste un peu moins prudent et un peu plus charitable que les autres, qui s'est approché de moi pour me proposer son aide et voir si je vais bien. Moi ? J'vais impec' dugland ; l'en faut plus pour me liquéfier. Mais toi par contre... huhuhu.

                    -Vous avez bu  ?
                    -Hein que ? Quoi ?
                    -De la bière bordel ! Vous en avez bu ?
                    -Ben euh... oui. Pourquoi ?
                    -Beaucoup ?
                    -Assez oui... mais pourquoi ces questions ?
                    -T'occupes.

                    Combat bière contre eau c'est ça hein ? Et ben comme t'as invité ton arme semi-aqua-tique, moi j'vais m'en trouver mes propres munitions et alliés. Et j'peux t'dire que dans la place t'es pas en surnombre crois moi.
                    Hop sans une once d’explication je saisis donc à bras le corps notre malheureuse future victime, que je commence à faire tournoyer entre mes mains expertes tel un nunchaku alcoolisé. Puis, avant que Agua-man n'ai le temps de se mettre à l'abri, me voilà qui fond vers lui en brandissant dans un cri sauvage mon fléau improvisé ! Yahaaaa !

                    Et tandis que l'homme esquive tant bien que mal les attaques amples que je lui porte avec une cadence frénétique, voilà notre touriste qui forcement apprécie peu les joies de la force centrifuge ni du sang qui lui monte à la tête, quoi que là on parlera plus de l'estomac qui lui monte à la gorge. C'est donc dans de superbes arcs de vomi mal retenus que notre combat se prolonge. Pour ma part, je serais heureusement au cœur de l’œil du cyclone, bien à l'abri du liquide infâme. Alors les gars, gouttez aux joies de la bière et de ses effets, huhuhu. Nunchaku-humain-vomitif ! Ultimate combo powa !!


                    Mais comme Agua-man ne semble pas être la moitié d'un branque, c'est à grands coups d'une eau limpide et claire qu'il ripostera, balayant la souillure vomitive avant de nettoyer au passage le visage du touriste d'une linguette à l'eau parfumée ! Me voilà donc avec mon arme nettoyée et confortablement bloquée contre le torse de mon adversaire, maitrisée et par la même devenue inutile...
                    Inutile ? Pauvres fous que nenni !

                    Toi qui vante tant les bienfaits de l'eau,
                    Et qui n'a de cesse de le clamer si haut.
                    Sache que ton liquide tant adoré,
                    Possède bien d'autres propriétés !


                    Celle de la conductivité par exemple. Loi de la physique que je m'applique alors non sans une pointe de sadisme à lui démontrer d'une "décharge électrique" qui transitera sans mal au travers du touriste imbibé d'eau jusqu'à lui. Et le poing tout ce qu'il a de plus solide qui filera vers sa gueule sera aussi pour lui prouver que le liquide c'est bien, mais que manger un peu d'solide aide aussi à mieux tenir l'alcool.
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                    Agua-mano ne put contrer cette double attaque. Dans un geste ayant clairement pour but d'arrêter le manège infernal du pauvre touriste, le protecteur de l'Eau l'attrapa des deux mains. C'est avec surprise qu'il se fit électrocuter par la décharge passant au travers du malheureux buveur de bière tandis que ce dernier était sur le point de s'évanouir. On ne devient pas un fil électrique, on nait fil électrique. L'eau conduit, oui, et Agua-mano en fit l'amère expérience. Comme si cela ne suffisait pas, son adversaire en profita pour le puncher bien comme il faut.

                    Et c'est là qu'il fit une erreur. Par un deuxième contact, l'homme poisson venait de créer une pile. Il était le générateur. Il donnait par le touriste et reprenait par son poing. Au milieu de tout ça, Agua-mano, certes, mais surtout de l'eau. De l'eau qui se décomposa. Et avec de l'eau, on pouvait faire de l'hydrogène. Agua-mano encaissa quelques instants tandis qu'une importante quantité d'hydrogène sortait par tout les pores de sa peau. Il y'en avait beaucoup, car Agua-mano boit beaucoup d'eau, pour ceux qui ne le savaient pas encore.

                    Les gens prudents savent que ce gaz est très facilement inflammable. Et il est donc très peu recommandé de se ballader à côté d'une importante quantité de ce gaz avec un cigare. Évidemment, un homme-poisson n'était pas obligé de connaître cette règle pas si élémentaire de sécurité. La combustion du gaz entraina une explosion assez impressionnante. Les différents protagonistes furent repoussés sur plusieurs mètres dans des états plus ou moins graves. La foule s'éparpilla, criant à l'attentat et la panique gagna toute la communauté de soiffard. Plusieurs étalages furent en feu et une réserve de Kamikaze explosa à son tour, augmentant le chaos.

                    C'était suffisant pour que la section sécurité de la fête de la bière intervienne. Une vingtaine de piliers de bar aux mines patibulaires se déployèrent, canalisant les fêtards et s'occupant des quelques touristes en proie aux flammes. Le chef de groupe arriva en premier sur les lieux de l'explosion, bien désireux d'attraper l'enfoirée qui venait de faire ça. La fumée obscurcissait leur vision, mais on découvrit bien vite un Agua-mano brulé, mais conscient, à essayer d'éteindre des flammes en recrachant le peu d'eau qui lui restait dans le corps. On ordonna à des médecins sobres de s'occuper de lui.

                    Agua-mano avait été abandonné par son collègue El Sobro ? Que nenni. Celui-ci s'employait à sa sainte mission. Et tandis que le chaos naissait, El Sobro profitait de la distraction explosive pour s'infiltrer près de la Gubman. Aussi proche de l'objet démoniaque, il ne put s'empêcher de reprendre son timbre de voix fanatique.

                    Melci ! Melci Agua-mano ! Tou sacrifice ne sela pas inoutile ! Bois de l'eau. Et tu vellas le fluit de ma quête... non … notle quête ! Yamais ye ne faillerais ! Yamais !


                    Si un témoin l'avait fixé à cet instant, il aurait alors vu El Sobro disparaître. Comme par magie.
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