Une mouche prenant son envol jusqu'à un pissenlit parmi les autres, une herbe marron et des arbres sans feuilles étaient les seuls spectacles que voyait Véra en regardant par la fenêtre de sa chambre toujours close. Cela faisait maintenant plusieurs années qu'on laissait enfermée la jeune peintre dans cette pièce et qu'on ne l'autorisait que très rarement à en sortir. Elle se demandait comment on pouvait faire ça à un cas si peu grave, elle ne savait même pas pourquoi elle se trouvait à cet endroit, n'étant toujours pas au courant du fait que c'était elle qui avait tué son frère. De plus, son occupation préférée, à savoir la peinture était restreinte, elle ne faisait presque plus de tableaux, car les paysages qu'elle voyait sur cette île était bien ennuyeux. En effet, Véra n'avait plus d'hallucinations, des médecins passaient chaque matin lui administrer un médicament contre, dont elle ne connaissait même pas le sens.
Il était d'ailleurs temps de le prendre. Le médecin Joël ouvrit la porte, juste le temps d'entendre encore plus fort les cris de folie qui sillonnaient les couloirs. L'homme en blouse blanche tenait dans sa main un verre d'eau et le fameux bonbon rose qui calmait les hallucinations. Les quelques fois où elle avait pu sortir, elle s'était débrouillé pour écouter telle une taupe les discussions de certains autres patients. Apparemment, le médecin Joël s'occupait des cas les plus graves. Véra n'en revenait pas à quel point les gens pouvaient affirmer des choses fausses et dont ils ignoraient tout. Mais à vrai dire elle se trouvait dans un hôpital psychiatrique, ici tous étaient des fous mis à part elle. Finalement, après s'être assis sur le lit aux côtés de la femme aux pinceaux, il lui annonça une chose, peut-être une chose de trop, tout en lui administrant le médicament.
« Aujourd'hui, nous allons t'endormir pour pouvoir regarder gentiment ton cerveau. »
« Vous voulez me le voler ? Non ! Je refuse. »
« Ne t'en fais pas, il restera à sa place. »
Cinq petites secondes passèrent dans un silence des plus totales, cinq secondes qui permirent à Véra de réfléchir. Que voulaient-ils faire avec son cerveau s'ils ne voulaient pas le lui enlever ? Elle en vint très rapidement à la conclusion qu'ils allaient le lui transpercer pour la tuer dans son sommeil et faire de son corps un cobaye pour ensuite le transformer en hippocampe et tenter de remplir un aquarium géant dans le but de pouvoir faire des bénéfices tout en faisant en sorte que cette île si moche serve à autre chose qu'à soigner des fous. Oui, les médicaments ne faisaient rien contre son imagination intérieure. Joël n'avait pas fermé la porte puisqu'il allait bientôt repartir pour laisser de nouveau la jeune femme dans la solitude la plus complète. Prise de panique, Véra se leva et partit en courant dans le couloir tout en se bouchant les oreilles à causes des cris de plus en plus infernales qu'elle était obligée d'entendre, mais transperçant tout cela, elle surpris surtout la voix du médecin Joël.
« Alerte ! Un patient s'échappe ! »
Très vite, deux hommes de la sécurité, en costard et munis de lunettes noires avec les cheveux autant rasés l'un que l'autre prirent en sandwich Véra. L'attrapant par le bras, ils la ramenèrent sous le propre nez du médecin qui était d'ailleurs bien poilu et sale. Avec son sourire mesquin et narquois, il dicta à ses hommes d'amener la folle dans la salle d'opération. Toujours portée par les deux hommes telle une déesse égyptienne, elle se dirigea vers une porte jaune.