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[Suite de Teiko, Aurore et Marine : ménage à trois à Boréa. Bonne lecture !]
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« Deviens plus fort »
Alrahyr se réveilla en sursaut, il ne savait plus où il était. Ses sens étaient endormis, le sol bougeait, un bruit ambiant constant bourdonnait dans ses oreilles. Le soleil était en train de se lever au vu de la teinte du ciel.
*Euh... le ciel ?*
Il se redressa violemment et fut immédiatement aveuglé par la douleur qui prit le contrôle de tous ses sens. Sa vue se brouilla, son ouïe fut assourdie par un violent acouphène suraigu, et le goût comme l'odorat furent concentrés sur la présence du sang séché dans sa bouche et sur son visage. La douleur était telle que son corps n'en supporta pas d'avantage et abandonna provisoirement tout contrôle, le portant à l'évanouissement.
Lorsqu'il revint à lui, le soleil avait entrepris sa course folle vers le zénith, le plaçant à mi-hauteur dans le ciel.
*Pourquoi je vois le ciel, moi ?*
Petit à petit, il commença à prendre conscience de ce qui l'entourait. Il sentit le contact du bois contre la peau de sa main et en vit l'aspect tout autour de lui. Puis il se rendit compte que le support sur lequel il reposait suivait un mouvement oscillant complexe, composé d'une trame régulière et de variations chaotiques. C'est alors qu'il détermina point par point la nature du bruit ambiant : le son typique du grand air, les vents d'altitude qui se disputaient le contrôle de la direction et de la force, le clapotis de l'eau proche de lui. Il reconnu alors cette ambiance propre à la mer, ces bruits de vagues incessantes, ces alizées aléatoires et l'interminable bataille entre la coque d'une embarcation et la surface de l'eau. Il huma délicatement l'air iodé que seul le grand large apportait, particularité qui le différenciait de l'atmosphère côtière qui, même si elle était riche en iode, l'était nettement moins que celle de la haute mer.
Ainsi ses sens se réveillaient chacun à leur rythme, lui offrant une perception partielle de son environnement. Il entendit également des cris de mouettes, brisant le calme marin.
*Des mouettes en pleine mer ?*
Son corps ne répondait pas encore, mais sa capacité à réfléchir entamait de reconquérir le domaine qui était le sien. Si des mouettes il y avait, deux solutions se présentaient. La première était la proximité d'une côte, mais dans ce cas le bruit ambiant n'aurait pas été le même. Son ouïe partit à la recherche d'un bruit de vagues attaquant le littoral, mais sans succès. Et quand bien même, cet air fortement iodé témoignait de sa présence au large de toute terre. La seconde solution était la proximité d'une source de nourriture pour ces volatiles, comme un bateau de pêche rejetant des poissons trop petits pour son commerce. Mais là encore, le jeune homme aurait remarqué le bruit particulier de l'équipage au travail, de la coque fendant la mer, ou encore des voiles combattant la brise.
Une source de nourriture...
*Merde, ça piiiique*
Il commençait à retrouver ses sensations physiques. Un mal de dos atroce, dont il se souvint l'origine, causé par le second coup réussi du Colonel Earl Grey, l'empêchait de bouger sans être tiraillé par la douleur. C'était ce qui avait causé son évanouissement lorsque le soleil se levait. Il ressentit ensuite un élancement au niveau des côtes, localisation de la blessure due au premier coup de l'officier, ainsi que de nombreuses autres plaies plus ou moins refermées, occasionnées par divers adversaires lors de la nuit de Bocande. Virent enfin les courbatures aux muscles et aux articulations, qui apparurent une fois que les maux les plus forts avaient été reconnus par le système nerveux.
Mais quelque chose d'inconnu lui provoquait une douleur supplémentaire à la cuisse. Il avait beau chercher, il ne trouvait pas d'où pouvait provenir cela. Son armure l'avait protégé pendant la bataille à cet endroit, probablement mieux qu'à tout autre. Mais cette sensation de picotement sur le dessus de la cuisse le troublait. Il entrepris d'ouvrir les yeux, seconde fois depuis son retour du monde des songes.
Il était aveuglé, dans un premier temps par le mal causé par ses blessures, et dans un second temps par la puissante lumière du jour. Tout s'était déroulé extrêmement vite, mais il avait eu l'impression qu'il lui avait fallu une éternité pour analyser la situation. Il redressa sa nuque tant bien que mal pour voir sa cuisse.
*Mais ! C'est MOI la nourriture !*
Une mouette était posée sur lui et tentait de tirer des bouts de chair à travers le pantalon du jeune homme. Lorsqu'il prit totalement conscience de cela, il fut parcouru d'une nouvelle douleur intense provenant de cette blessure plus récente que les autres. Il se débattit autant que possible, dans un état partagé entre l'évanouissement et la volonté de faire déguerpir ce volatile charognard.
Depuis combien de temps l'avaient-elles dégusté ? Allait-il découvrir encore et encore de nouvelles blessures sur son corps endolori ? En tout cas, maintenant qu'il avait le contrôle de son corps, il pouvait s'assurer que ces mouettes ne viendraient plus se servir en viande sur lui...
Il s'assit contre le rebord de sa barque et attaqua sa mémoire à la recherche de souvenirs, afin de reconstituer les événements qui l'avaient amenés jusqu'ici.
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