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FUN WAR

Dans l'épisode précédent
Ils vécurent heureux
Ma nuit de noces avec Karla est finie maintenant. On RETOURNE au travail.

CHAPITRE 4605
FUN WAR

Tous les contes de fée finissent bien. Sinon ce sont pas des contes de fée, mais la réalité, bah ouais ma vieille. A une exception près : celle du Fun. Quand le Fun s'incruste dans ta Réalité, alors elle devient un Conte peuplé d'un fantastique qui rend baba. Les larmes te voilent les mirettes et tu vois le monde tel qu'il est réellement : aussi cruel que merveilleux, un champ infini de souffrance délicieuse.

Si tu crois que tu vas dans le mur, alors tu peux bifurquer vers le Fun Club. On a de quoi amortir les âmes trop véloces tels que la tienne. Les âmes trop conscientes qu'elles sont bonnes pour la poubelle, mais qui rêvent de trouver quelqu'un capable de les recycler.

Parce que c'est pas biodégradable une putain d'âme, si t'en fais n'importe quoi sa pourriture pourrait en contaminer d'autres, prudence !

Je suis donc à bord de mon camion-poubelle et je ramasse les âmes que la société jette sur les trottoirs. Ma petite moisson d'amour qui me rend fier d'être né deux fois.

La première fois, je suis né en tant que Craig Kamina le bourbier oubliable qui gravait les cris de son esprit torturé sur son corps. Il a remplacé sa palme gauche par une main humaine ! Un sacré artiste, mais il est mort. Mort dans le noir, le silence et l'isolement le plus total. C'est ce à quoi sont voués la plupart des gentils animaux qui gambadent dans ce joli monde coloré.

La deuxième fois, je suis né Doppio, croqueur de songes, cultivateur de douleurs, dresseur de peurs, magnat de la violence, chevalier du Fun, saviez-vous que j'étais aussi un zombie qui fait le fifou avec les règles les plus basiques de la nature ?

"Si tu meurs, tu arrêtes de bouger"
Ouais mais t'as pas dis "s'il te plaît" avant de buter Craig, alors voilà Doppio qui s'est relevé, redresseur de torts, venu foutre la fessée à une Faucheuse bien impolie. Tu crois que parce que tu régules la Vie depuis des milliards de milliards de milliards d'années tu peux te permettre d'oublier la sympathie ? Alors là ma vieille je te l'affirme : tu te trompes lourdement.

Et ce, parce que je nique les mères des gens impolis. Bah oui vieille catin. J'ose le dire : la Mort, c'est de la merde.

Et la Souffrance c'est cool.
Et la Souffrance c'est Fun.
Et le Fun c'est moi.
Tu en déduis quoi ?
Tu en déduis que je suis cool bien sûr.
Tu as bien compris ?

-Vous êtes si subversif ! Je peux vous arracher une molaire à la cisaille m'sieur Doppio ?
Je t'ai déjà laissé ramasser les crocs que Karla m'avait fait cracher hier.
-Oui, mais c'est quand même bien plus drôle à la cisaille.
Hihihi tu marques un point, mon drôle de petit copain. Comment tu t'appelles déjà ?
-On m'appelle Kilocalories parce que je suis gros.
Cet après-midi je vais essayer de recruter des collègues de mon écurie de gladiateurs. Pendant ce temps, vous, vous commencerez à donner des coups de hache dans le tronc de l'univers.

Tchac, tchac, tchac. Tu vois ?

-On est prêts !

Tchac.
Tchac.
Tchac.
Cette semaine, le Fun Club va faire un peu de jardinage car il a quelques mauvaises herbes à arracher.
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FRED
Jeune géant plein d'entrain

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Mais dis moi Jamy, comment on concocte une vengeance instructive ?


JAMY
Tontatta malin comme un singe, dieu sait comme c'est malin un singe
FUN WAR 552490latete

Jette un oeil à ma maquette, Fred !

Voix off suave a écrit:Les croyants fidèles suivant les péripéties du Fun Club auront noté que Fred et Jamy sont devenus membres de cet adorable troupeau de moutons dégénérés. Preuve est faite que Doppio, dans son infinie miséricorde, sait pardonner même aux plus véhéments d'entre nous.

Mais alors, vous vous dîtes : "qu'est-ce qui a bien pu provoquer son courroux, qu'est-ce qui a bien pu titiller un esprit si patient ? Doppio qui est d'habitude d'une ultraviolence si paisible, le voici qui s'emporte et lâche les chiens ! Allons donc !"

C'est ce que vous vous dîtes, c'est légitime.

Eh bien il existe en cet univers des choses impardonnables. Dont l'infamie dépasse le cadre de la compréhension, et échappe à tout espoir d'absolution.

Revenons à la maquette de Jamy.

Voici donc l'arène du Crack. Nous la connaissons bien, Fred. Elle a longtemps été à la fois ta cour de récréation, et mon terrain d'expérimentation.
Tout ces beaux moments qu'on y a passé !


Une maquette finement réalisée, à l'échelle bien sûr, de l'édifice. Y sont répartis des petits bonhommes sculptés en cire représentant la masse prolétaire du public assoiffé de sang, dans les gradins sont répartis quelques petits den den audios qui dispensent un léger brouhaha simulant leur agitation. Au milieu de la maquette, de petits bonhommes armés arrosés de sauce tomate se livrent un féroce combat factice.

On s'y croit !
N'est-ce pas ? J'ai passé trois jours sur cette maquette, pour te permettre de bien assimiler le plan. Ces gentils gladiateurs sont "Gary le truculent", "Road Rage", et "Blue Hawaii". Au jour et à l'heure de l'exécution du programme, ces trois-là se battront dans un deathmatch.
Je parie sur Gary !
Inutile, Fred, il n'y aura pas de vainqueur. Baisse-toi. Tu peux te baisser ?

Fred se baisse. Mais se baisser quand on mesure 6 mètres, c'est pisser dans un violon, voire dans une contrebasse.

Bah, pas grave. Ce que tu devais voir, c'est 654g de pétards dissimulés dans les fondations de la maquette. Ce qui correspondra à 320 kg de dynamite, ramené à notre taille.
Ouah ! Ça va briller dans la nuit !

Jamy tire une allumette de sa veste.

Monsieur Doppio attend de nous un feu d'artifice inoubliable. Il me l'a dit, mot pour mot : "je veux en pisser dans mon froc". Tu sais que Monsieur Doppio a une vessie solide qui ne se dilate pas facilement.
Mais dis moi Jamy, comment faire faire pipi à m'sieur Doppio ?

M'sieur Doppio est très exigeant quand il s'agit de spectacle. Ce n'est pas qu'il est blasé, juste qu'il aime ne pas mobiliser ses sens pour rien. Les explosions, il n'a pas l'habitude, mais il sait que c'est jouissif si c'est bien foutu. Et il sait que Jamy est un connaisseur en la matière et un esthète de renom. Alors il a investi en lui toute sa confiance et son Amour. Quand un coeur pur comme celui de Doppio mise en toi Confiance et Amour, tu n'as pas intérêt à le décevoir.

Existe-t-il plus tragique de décevoir celui qui t'aime ?
Non, non, pire encore : décevoir Doppio ? As-tu envie de voir la grise mine de Doppio s'affaisser de tristesse, son museau se ramollir dans une grimace dépressive, et des larmes acides gicler de ses yeux globuleux ?

Un feu d'artifice inoubliable. Un feu d'artifice inoubliable.
Tu as l'air stressé Jamy !
Bien sûr que je le suis. C'est la Première fois que je porte un projet si ambitieux, j'espère que m'sieur Doppio et son Fun Club adhéreront.

Jamy gratte son allumette sur sa veste. Une timide flammèche vient au monde.

Depuis tout petit, j'ai cette passion du feu, des explosions et de la mort. Je passais mes étés à faire sauter des fourmilières. Ensuite, je suis passé aux cabanes de jardin. Puis aux animaux. Puis aux humains.
Mais dis moi Jamy, quel est l'animal qui explose le mieux ?
Tu te rends compte, Fred ? Si j'offre une vengeance atomique au Fun Club, ils me permettront de vivre de mes passions. Inespéré !
Mes passions !
MES PASSIONS !
MES PASSIONS !


L'amulette embrasse une mèche. La mèche embrase le nid de pétards. Alors la maquette explose, dans une explosion de joie, propulsant une pluie de bonhommes démembrés à travers la pièce.

LONGUE VIE AU FUN CLUB !
Longue vie au Fun Club !

Maître/Elève ? Grand frère/Petit frère ? Amis ? La relation qui connecte Fred et Jamy est assez vague. Ils se connaissent depuis très longtemps et ont affronté ensemble de monstrueuses épreuves.

Tout deux ont toujours été traités comme des monstres mais ne s'en sont jamais plaints.  
Fred est un jeune géant adolescent simplet à l'étroit dans sa grande peau.
Jamy est un sociopathe consanguin aux loisirs morbides.

Tout deux se sont trouvés à l'occasion de leurs recrutements plus ou moins forcés dans l'Inquiétant Cirque Du Professeur Müller. Vous n'en avez pas entendu parler ? C'était une foire aux monstres, on les exposait dans des cages pour que les coquins aux corps mieux faits mais aux esprits tout autant pervers puissent les pointer du doigt en s'esclaffant. Ça a duré quelques semaines puis ils se sont échappés. Après leur escapade, ils ont gagné une prime et perdu à jamais la paix.

Désormais ils avaient à se battre pour rester en vie. D'accord ! Pas de souci. Les muscles de Fred sont d'inarrêtables catapultes propulsant des mandales riches en énergie cinétique. Le cerveau de Jamy est une arme de destruction massive convertissant son imagination perverse en énergie.

Leur plus grand point commun est sans conteste leur insatiable curiosité. Tout deux sont affamés de savoir. Attention, ce n'est pas une simple fringale : ils ont la dalle. Tous les jours, au moins UNE nouvelle connaissance à s'enfoncer dans les neurones, sinon, ils sont en manque. Cette curiosité, cette curiosité innocente, presque enfantine, ce désir de tout comprendre, concerne absolument tous les domaines : depuis les rouages du vivant aux ficelles de l'espace profond en passant par les labyrinthes inextricables de l'esprit humain.

Ils ont rapidement compris le potentiel qui découlait de leur union et décidèrent de dédier leur vie à Dead End et ses frivolités. Partenaires d'arène depuis trois ans, dans leur sillage ils ont répandu de multiples saveurs : odeurs de souffre, de chair calcinée, de marmelade organique dans un plateau de carnage gratuit.

Tout deux ont vu dans le Fun Club une source intarissable de bonheur.
Confortablement blottis auprès de gens qui leur ressemblent...
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Le problème de Nadia c'est que son esprit est construit sur des préjugés, et que les préjugés c'est super glissant, eh oui. Le jour où ses illusions glisseront elle se cassera la gueule, et je serai là pour la ramasser et recoller les morceaux, c'est mon rôle en tant que gentil maçon du Fun Club.

Le prochain dérapage sera ton dernier, Doppio.

Les menaces rentrent dans l'oreille gauche, se perdent en route puis ressortent par les narines. Dans mes narines il y a cette morve mêlée à des caillots de sang. La morve des vainqueurs !

Qui te nourrit ? Qui te donne un logis ? Qui a donné un sens à ta sale existence ?

Au fond de moi le feu s'éteint et je médite dans l'obscurité. De sale existence, je suis passé à la plus noble de toutes. Mais c'est pas spécifiquement grâce à Nadia la singularité gravitationnelle qui attire vers elle tous les rêves froids.

Je suis l'épicentre d'une nouvelle ère qui va faire trembler l'univers.
Je suis ta patronne grâce à qui tu as cessé d'être un Craig Kamina conchié. Tes palabres cosmiques ne m'intéressent pas, ducon. Mon regard est concentré sur les dérapages que tu empiles en arène. Embrigader des gladiateurs rivaux ? Les pousser à la révolte en plein combat ? Terroriser des spectateurs ? Te présenter quand tu en as envie ?
Et surtout, foutre des claques à l'honneur de cette maison ?

Devinez qui rentre dans le bureau de Nadia, jardin où éclosent tous les dramas ?
Tonio, l'idole des jeunes fous, resplendissante, fière d'être ce qu'elle est, pénètre joyeusement le sanctuaire de la grande patronne.

Pour Tonio, l'arène, c'est la Vie. Coeur de Guerrier, coeur de Lion, coeur bouffi d'Honneur, il existe à travers sa gloire, à travers tous ces spectateurs hystériques qui se pressent dans les gradins dès qu'ils annoncent l'un de ses combats. L'argent lui est égal, c'est la GLOIRE qui résonne à travers les époques, par delà la mort. Crever lui est égal, s'il est assuré que sa renommée subsistera en ce bas monde.

C'est sa vision de la vie après la mort. Il croit que la gloire est le passeport pour l'éternité, une façon un peu pataude d'exorciser sa peur du néant.

Nadia, c'est moi qui l'ait fait rentrer chez nous. Je l'ai parrainé, je croyais en lui, il a démontré un potentiel, je l'ai considéré comme un ami. Mais s'il jette l'opprobre sur ma famille, je veux que ça soit moi qui lui botte l'arrière-train.

Voilà oui, me botter mon tendre fessier, voilà c'est ça, là il se passe quelque chose, là on a envie de connaître la suite.

Ça lui ferait trop plaisir.

Nadia Nadia Nadia.

Bon sang, tu as même retourné le cerveau de Karla.
Le cerveau est une boussole et le sien pointait une direction qui n'était pas la sienne. C'est magnétique tout ça, tu peux pas comprendre.

Les âmes sont des magnets que je colle sur mon frigo. Ma collection prend tant d'ampleur que Nadia semble en crever de jalousie.

Et Tonio ? Gros et brave Tonio, lion dément chassant la gloire dans l'arène, me prend par le col, des cascades de salive colportent un agacement que je comprends.

Karla était l'une des meilleures d'entre nous, brave, guerrière et honorable !
Tonio !
Tu en as fais un zombie !

Oui je comprends, la réalité te rattrape et c'est toujours compliqué de l'accueillir.

Elle était une soeur pour moi !

Ah oui bah ah bah la famille c'est sacré.

Tu me l'as prise COMME TU VAS NOUS VOLER L'AVENIR RADIEUX QUE NOUS RÉSERVAIT CETTE ÉCURIE ?

Pauvre Tonio...
Gros ours naïf qui ne sent pas le canon du chasseur pointé sur sa tempe.

TONIO !

C'est du vent tout ça, Tonio. Nadia te trait comme une vache laitière. Une vache laitière qui pond des oeufs d'or.
Non attends je me suis trompé...

Tssssk !

Il me lâche le col. Je retombe sur le plancher des vaches et des oeufs d'or.

Mais je le sais, ça, abruti.
Je le sais ça.

Ta gloire, ton bébé, n'est que le rejeton que Nadia a engendré avec l'appétit du public. Un peu grossier et difforme. On a pas envie d'élever un gosse pareil. Beurk.
Si tu étais un vrai gladiateur, tu le saurais aussi bien que moi. La gloire se bâtit au combat, par les faits d'armes, les légendes, les émotions offertes au public. Le reste n'a aucune importance...
C'est de la branlette. Et toi t'es un maître-branleur.
Tu te souviens de notre première bagarre ? Tu m'avais envoyé valdinguer dans les ordures. Et transformé mon museau en accordéon.
Tu veux m'attendrir avec la nostalgie ?
Je veux te proposer de réitérer l'expérience. Dans d'autres circonstances.
Dans l'arène ?
Dans une arène qui est pas la tienne. Ça se passerait dans deux jours, dans un dépotoir.

Poétiques dépotoirs ! J'adore m'y jeter. Ça me fait sentir déchet organique. Un peu comme la grosse veille escalope d'un boeuf qu'on a tué pour rien parce qu'une petite tête blonde a pas voulu finir son assiette. Sinistre !

Parfait.
Quoi, "parfait" ? Je vais laisser deux de mes gladiateurs organiser leur fiesta pour s'entretuer joyeusement en privé ?
C'est un défi, Nadia. Privé ou pas, je peux pas laisser ce fumier piétiner ma fierté impunément. Ne t'inquiètes pas, j'éviterai de le tuer.
Comprenez bien que si l'un de vous crève hors de l'arène, je le bute.
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-Karla, on doit t'appeler comment ?
Pardon ?
-Parce que tu es copine de Doppio et-
C'est faux, fermes-là ?

Karla, malgré les nombreux bienfaits apportés par la proximité de Doppio, n'était pas encore vraiment transie d'amour.

Elle avait toujours un petit démon quelque part qui lui murmurait que Doppio lui avait volé sa vie, mais elle n'arrivait pas à pleinement lui en vouloir pour le larcin, comme si il lui avait chipé une babiole sans importance, un détritus un peu lourdingue qui ne rentre pas dans la poubelle. Elle restait aigrie, mais pas mécontente. Elle se prélassait tranquille dans son paradoxe et s'était persuadée que sa situation était meilleure et pire qu'auparavant, en même temps, qu'il faut juste accueillir le changement comme il vient et éviter de s'empoisonner le cerveau avec des broutilles.

Le meilleur était qu'elle avait brisé les chaînes qui l'attachaient à l'arène de Dead End. Elle se sentait encore responsable des autres combattants, mais se sentait sortie d'un système contre lequel elle pourrait désormais lutter sans interférence.
Le pire était qu'elle était beaucoup trop assimilée à Doppio et que l'imagination des Clubistes dégénérés semblait fourmiller de fanfictions.

L'idéal étant que ça continue ainsi, mais que Doppio disparaisse de son paysage. Elle n'en pouvait plus de cette personnalité hypnotique qui avait transformé une cinquantaine de tarés en tarés illuminés. Elle qui s'est toujours battue pour ses droits et ceux de ses camarades, sans résultats tangibles, voilà qu'un tordu imbibé de charisme déboule, chamboule ses acquis, et se construit une secte en abusant de sa malveillante influence. L'esprit de cette créature mi morte mi vivante semble être un marais insondable, qui avale tout ce qui a le malheur de le frôler. Combien d'âmes en peine a-t-il embarqué dans sa dangereuse virée ?

Karla tuera Doppio, c'est certain. Mais elle a encore besoin de lui pour purifier l'oligarchie oppressante enroulant des chaines autour des mollets des gladiateurs pouilleux. Une cause pouilleuse, mais c'est la sienne. Au moins il lui reste quelque chose que Doppio ne lui volera pas.

Rappelle moi ton nom ?
On m'appelle Kilocalories parce que je suis gros.
Tu n'es pas si gros que ça.

FUN WAR Fatman_by_randis

J'aurais tendance à plutôt te considérer "costaud" que "gros".
-C'est très gentil m'dame.
Après, je m'explique pas vraiment pourquoi tu te promènes en slip de cuir.
-Ça absorbe la sueur, je sue beaucoup.

La sueur est un liquide biologique secrété par les glandes sudoripares lors du phénomène de transpiration qui joue un rôle important pour le contrôle de la température du corps (évacuation de 580 Kcal par litre de sueur évaporée).

Dis moi, tu sais de quoi Doppio veut se venger exactement ?
-J'allais te le demander. Je sais paaas... mais il a l'air d'y teniiir... alors je vais pas le décevoooir !

Karla reçut en pleine poire une nouvelle preuve frappante que le Fun Club est une affaire de langues coupées et de tympans percés.

Il vise particulièrement l'un des gladiateurs de notre écurie. Mais il se comporte comme s'il en voulait à l'île entière.

Turo, le caméléon. C'est lui, sa cible. Le jour où l'arène doit sauter, le reptile lézardera dans les coulisses. Karla fut très surprise de découvrir que Doppio lui en voulait, lui en voulait à mort. Parce que jusque là, ils semblaient très bons amis, elle croyait même que Turo finirait par rejoindre le Club.

Et puis il faut avouer que raser une jungle pour y tuer un lézard, c'est un petit peu extrême.

-Si m'sieur Doppio veut, moi je fais. Et puis cette horrible arène manquera à personne. M'sieur Doppio trouve qu'elle s'insère mal dans le paysage. "Sa laideur fait mal à la montagne".
... Il veut la détruire parce qu'il la trouve... moche ?
-M'sieur Doppio a vraiment un très fort sens de l'esthétique. Il veut "doppioformer" la région, en imprimer le Fun dans sa géographie.

Karla hausse les épaules puis s'accroupit. Ho hisse les caisses de dynamite ne sont pas lourdes, mais encombrantes, on est pas trop de deux pour les transporter.

Notre syndicaliste déchue préférée n'est pas convaincue par l'interprétation de Kilocal. Même pour Doppio, c'est une motivation qui semble trop "simpliste".

Mais bon...
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La vengeance est un plat qui se mange froid. Mais tu vois j'aime pas les surgelés. On va passer le lézard au four, hop, le réchauffer un coup puis il redeviendra aussi croustillant qu'antan. Turo dans ma ligne de mire ! J'ai l'impression qu'il me suffirait de me crisper autour de sa gorge pour que ce conte de fée trouve sa morale. "Maître Caméléon fut bien atterré, de découvrir qu'à force de déféquer dans les bottes du Gentil Requin, elles finiraient par déborder"

Il est mignon quand il dort. Je détesterai crever dans mon sommeil moi. C'est une expérience à vivre pleinement conscient. Le genre d'expérience qu'on traverse pas souvent dans une existence hein ? Moi je suis déjà mort une fois, et franchement j'ai trouvé ça décevant. J'étais peut-être trop gros pour passer le tunnel de lumière.

Hum... Hum hum. Doppio ?
Oui. Ça va ?
Bah, grasse mat'. Mais je me demande ce que tu fais au pied de mon lit.
Je te regardais dormir.

La tentation de l'exécuter tout de suite est immense. Comme une énorme tempête qui menace d'emporter le Fun. Heureusement le Fun est solidement fixé au plancher des agneaux. Je déraille pas facilement bah oui mon pote. Mais j'écrabouille tout ce qui traîne sur mes rails, splotch.

Il est quelle heure ?
5h du matin.
Ah... Faut que je me rendorme.

L'avenir appartient à ceux qui dorment pas.

Qui aurait cru que Turo venait du CP6 oh oui,
Qui l'aurait cru...

***
Quand Craig a compris qu'une balle viendrait bientôt visiter sa cervelle de clown, il a sûrement dû se demander si son âme allait être transvasée dans un genre de purgatoire où il serait jugé pour ses actes, et tout et tout, ça a dû lui effleurer l'esprit, même un gros athée sans attaches aura ce doute au seuil de sa fin.

J'imagine que je suis son purgatoire. Il doit encore m'habiter, là, quelque part, bien sûr il faut pas le dire à haute voix, je veux pas le réveiller. Mais après tout on doit être collocs de cette carcasse de viande puante. Et il est hors de question que je paye solo son loyer. Il faudra que je réfléchisse à un moyen d'exploiter la notoriété de Craig. Que je la convertisse en une saine énergie qui viendra nourrir le Fun Club.

Coucou Craigou, alors toi aussi, de gré ou de force, tu vas participer à la fête !
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Il y a très longtemps sur une île sans nom, un enfant naquit dans le creux d'un utérus noble. Promis à un avenir radieux et paisible, la famille Palmada voyait en lui le prochain maillon d'une glorieuse chaîne de juristes. Pourtant aujourd'hui gladiateur dans les hémorroïdes du trou du cul du monde. Longue, longue histoire.

Tonio n'a jamais été très malin. Il en avait conscience et, le fait d'en avoir conscience, ça le déprimait, il se sentait handicapé, maudit d'un esprit lent qui alourdira son envol vers la gloire dont il rêvait.

Le petit Tonio eut ses premiers rêves de gloire très tôt. Un passage sur cette planète se doit d'être le plus retentissant possible. La célébrité ancre l'âme des défunts au monde des vivants. La gloire est le socle de l'immortalité. Et Tonio recherche cette immortalité. Bien qu'il sache qu'une Vie ne brille que dans l'ombre de la Mort, il ne peut se résoudre à embrasser l'obscurité.

Tonio est un gladiateur fourbu d'une peur bleue de la Mort.
S'il s'est hissé si haut, s'il trône au sommet de ce tas d'or et d'ossements,
C'est parce qu'il fuit la Mort mieux que personne
En combat il n'est qu'une machine hantée par un effroyable instinct de survie.
Son carburant, les ovations du public, attise un brasier qui l'a rendu fameux.

Tonio l'Allumeur aujourd'hui désire terminer d'écrire ce chapitre de sa légende.
Pour cela il s'apprête à exécuter l'antagoniste principal de cet arc : Doppio.

DOPPIO ! MONTRES TOI !

Il a l'impression que Doppio le considère comme un espèce de mort-vivant relevé par la gloiromancie, et que mis à part cette volonté d'escalader les coeurs des gens, Tonio, le grand Tonio, n'est qu'un amas de muscles vide, une statue sympathique à regarder, sculpté par les années de sévices, mais creuse à l'intérieur, comme un oeuf de pâques sans bonbons.

Tonio est persuadé d'être rempli de bonbons sucrés.

On peut pas lui donner tort car il a été touché, il y a quelques mois, par la flèche empoisonnée d'un chérubin exhibisitionniste. Cupidon, ce jeune porcin, lui a rendu visite, le laissant avec une plaie béante au coeur.

Je le tuerai pour toi Nadia. C'est notre cancer...
Il ronge le prestige de l'écurie à petit feu.

Autrefois intéressé et compatissant envers Doppio, puis méfiant, aujourd'hui une haine froide. Tentant de chercher un responsable unique à une déchéance douloureuse, Doppio est le coupable idéal. Il faut avouer qu'il a grand rôle à jouer dans la comédie dramatique qui secoue sa petite famille. C'est "lui", c'est Doppio qui, en disjonctant, a plongé dans un black-out ses amis les plus chers.

Il faut l'abattre, au même titre qu'il faut abattre un chien enragé dans un chenil avant qu'il ne commence à mordre les jarrets de ses potos. Pomme pourrie dans un panier, tout ça.

Tout ça fait trop de métaphores pour l'esprit rudimentaire de Tonio.

Bon. Qu'est-ce qu'il fiche ?

Solo au milieu du cimetière de toutes ces petites choses si utiles à notre quotidien, Tonio poireaute. Il a de nombreuses qualités mais la patience n'en fait pas partie.

FUN WAR 01

DOPPIO ! VIENS LA QUE J'TE BUTE ENCULÉ !

Ne fais pas l'enfant, Doppio, un vrai homme transporte ses responsabilités jusqu'au bout de la route, quelque soit leur poids.

Mais Tonio doute que Doppio soit un lâche. Un timbré masochiste et manifestement manipulateur. Mais un lâche ? Non, cette poiscaille assume la pourriture qui lui dégouline de l'âme. C'est ce détail qui permet la distinction entre les fils de catins et les très gros fils de catins.

Notre bouillant Toto a vu juste, il y a du Doppio dans l'air, ou bien il y a de l'air dans le Doppio, sur Dead End on ne sait plus trop dans quel sens tout cela se goupille.

Surgit de sous un vieux canapé un homme balafré fourbu d'une cravate à tête de mort et d'un costard blanc-rouge maculé de tissus organiques d'une ignoble élégance.

-Huhu.

Derrière lui, un tas de porcelaine brisé s'anime et se disloque, laissant s'extirper de son ventre une blondasse écorchée sur 87% de son corps.

-88%.

Une créature raccourcie est crachée par une canalisation. Cul-de-jatte grognant, bave abondamment sur la machette qu'il porte entre ses dents noirâtres.

-Grrr.

Et enfin, une masse informe glaireuse suppurée par un gros et vieux nounours borgne spectateur de son propre désespoir. Elle se modèle en glougloutant sous les mirettes répugnées de Tonio. Puis une bouche s'y creuse : une bouche dont gicle une voix toute douce dans laquelle on voudrait se blottir.

Désolé pour le retard Tonio, on a fignolé la mise en scène. Il fallait que tu foutes le pied pile ici pour que ça rende joli.

Une embuscade. Tu me déçois.

Ah non, tu te trompes. Il s'agit d'une cérémonie !
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Cool Tonio te voilà à l'heure pour ton cours particulier. Tu le sais pas encore mais parmi tous les univers possibles et imaginables, seulement trois découleront de notre petite escamourche !

1/ Tu meurs. Dommage mais ça sera de ma faute, l'échec d'un élève est à imputer au prof !
2/ Je meurs. Faudrait vraiment que je glisse sur une peau de banane pour que ça arrive, mais c'est pas impossible...
3/ Nous vivons et tu me rejoins, nous descendrons ensemble au pays des merveilles.

Voilà le trio de futurs possibles. Je délimite ce dépotoir, là, comme une bulle de néant autonome, isolée du reste de l'espace-temps. Un annexe du royaume du Destin. Ne sont admis ici que les acteurs du Destin de TOTO. Je ne permettrai à rien de venir interférer. Pas le moindre brave clodo, pas le moindre moustique curieux. Ce lieu est sanctifié.

C'est une cérémonie, une cérémonie sacrée, Tonio. De passage à l'âge adulte. A l'âge de VÉRITÉ.

Il a pas l'air heureux de rencontrer le groom qui l'accompagnera dans l'ascenseur. L'ascenseur de la TRANSCENDANCE.

Je vais tous vous purifier par les flammes, bande de dingues.
Ok ! Tu vois que tu peux être mélodramatique quand tu veux aussi.
-M'sieur Doppio ! Sa chair semble si tendre !

Costard rouge-blanc alias Jean-Claude est cannibale. Une précision qui aide à cerner à quel point sa personnalité atypique est précieuse. Dévorer la viande d'un copain pour la faire glisser jusqu'à son estomac, jusqu'à l'intimité même de ses organes chauds, faire nôtre ses protéines et ses acides désoxybonucléiques, c'est la quintessence de l'Amour fusionnel.

-Je suis sûr que tu serais un régal mijoté au pot-au-feu, avec quelques tomates cerises et un soupçon de poivre.
Tu as rassemblé une belle bande de macaques dégénérés.
Leurs esprits de lumière sont des fleurs éclosant dans la souffrance. Tu sens leur parfum ?
Dégueulasse.
Exactement.
Tu n'es pas si différent d'eux Tonio. Juste un peu mieux portant peut-être ?


Parler de santé est un déclencheur pour le pote cul-de-jatte, Géolithe. Un bon élément dont la faiblesse du corps délabré est compensée par une haine à toute épreuve ! Regardez-le bondir sur Tonio, affamé d'une jugulaire bien dodue, brave machette en avant, il était charcutier avant son petit accident et ma foi il fait bon couple avec le cannibale, on les croirait faits pour bosser ensemble.

La dernière, l'écorchée, Amanda, dégaine sa pétoire artisanale tout en mâchant sa propre bouche. Une jolie fille passée à l'éplucheur, le béotien se lamentera d'un si terrible gâchis, moi je déclare que son calvaire l'a sublimée. 88% de son merveilleux corps est une plaine de nerfs à vif perpétuellement hurlants. 88% de son être charnel est une chaotique chorale de DOULEUR.

Vous devinerez que j'ai choisi ici trois de mes plus nobles créatures. Une sélection sur-mesure pour Tonio qui méritait sans nul doute d'être confronté au haut du panier.

Tonio réagit à l'agression par le mollard d'un de ces bon vieux lance-flammes fixé à ses avants-bras, ce crachat enflammé vient secouer la trajectoire de Géolithe. Attention, zone de turbulences ! Le pote cul-de-jatte traverse l'enfer en gémissant. Nous autres, adeptes du Fun, connaissons le Feu comme un camarade chaleureux et sensuel, qui te caresse la peau dans une étreinte rugueuse et passionnée.

Dommage ! Géo, flambant, devenu torche effrayant les ténèbres, se fait ensuite enchaîner par l'instinct de survie de Tonio, qui vient lui enfoncer la machette qu'il tient entre les dents, lui agrandissant les lèvres, lui dessinant des lèvres de clown rieur, le maquillant de son propre sang.

Suite à cela Géo s'effondre dans une flaque de jus d'ordures. Notons l'heure du décès ? Mais non voyons, nous sommes plus cotons que ça à évincer. Géo adore jouer au Mort. Il aime se sentir cadavre. Il dort dans un cercueil. Chacun ses péchés mignons, celui de Géo est de simuler sa propre fin.

Et de un...

Tu enterres mon copinou trop vite, Toto.
Fin de la pause mortuaire pour Géo. Il saute aux pieds du grand dadais et commence à lui mordiller les mollets.

Merde !

Amanda tire une salve de plomb, puis deux, puis trois.
Elle lui vise les fesses, la coquine. Lui colle trois fessées de plomb. C'est putain d'hilarant. Jean-Claude en rit tant qu'il nous fait un hoquet, d'ailleurs, à moins que ça ne soit son dernier repas qui le ballonne un petit peu.

LÂCHE ! LÂCHE ! DOPPIO, SALE PORC !
Gruik gruik.

Jean-Claude me montre son outil de travail : une batte bardée de clous qui attendrit la viande.

-M'sieur Doppio, il vous a traité de porc. Il dépasse les bornes, permettez-moi de lui inculquer quelques bonnes manières.
Mais c'était gentillet comme insulte, il ne faut pas être tendu du slip comme ça. Relax et respires donc moi cet air bien frais.

Cet air frais qui te fait des guilis sur le cuir. La journée est ensoleillée mais plutôt froide. C'est typiquement une de ces journées "guilis", douce et brillante, qui transforme les entrailles putrides de Dead End en utérus chaleureux. Oui, c'est un peu là-dedans que baigne Tonio actuellement. Le Fun Club est enceinte d'un nouvel enfant.

Tonio s'apprête à renaître.
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Toto, arrogant comme un lion, le roi de la savane, n'est qu'un têtard une fois plongé dans mon marais. C'est impossible d'écraser un orgueil : la fierté est le matériau le plus solide de l'univers. Tu as beau le piétiner, le scier, lui cracher d'acides mollards dessus ou encore le propulser dans l'espace, l'orgueil il tient bon, il reste intact, aussi brillant qu'au premier jour.

Tonio, forteresse imprenable tenant tête aux vaillants templiers du Fun qui l'encerclent, ricanent, lui jettent des cailloux, tirent en l'air et se payent du bon temps en barquette. Assiégé par ses propres sentiments aussi, il bout de colère, dommage car il aurait besoin d'une tête froide ! Ses lance-flammes bavent leur combustible à travers les nombreux troutrous qu'Amanda a creusé dans son bras, c'était donc en fait un cyborg. Le pauvre Toto, si obsédé par son désir de camper au sommet du podium, en est arrivé à métamorphoser son propre corps en machine de guerre.

Tu sais qui d'autre je connais qui était capable d'un tel degré de mépris et de dinguerie Toto ? Craig Kamina. Quand on en arrive à avoir un point commun avec ce dégénéré, c'est qu'un Mal bien enraciné pullule dans notre jardin intérieur. Pas de panique : je suis botaniste des âmes.

Alors que Jean-Claude vient de lui caler sa batte dans le creux de son genou, pliant brutalement sa jambe et le forçant à s'étaler, à se détendre dans le monticule d'ordures qui ressemble à s'y méprendre à son univers de soumission et de gloire factice, le gros lion rugit d'une mélodieuse folie.

T'AS PASSÉ L'POINT DE NON-RETOUR DOPPIO !

Arrache sa chemise, dévoile un énorme chronomètre incrusté dans sa poitrine.

10 : 00 : 00

-Ouah ! C'est une bombe ?
-Grrr. Gnnn.
-Tout cela va quand même très loin. Comment pourrai-je dévorer un tel tas de ferraille ?
Tu as dix putain de minutes pour arrêter mon coeur, Doppio, ou bien je te grille toi et tes potes.

Toto. Si mon estime pour toi était une étoile, elle viendrait de finir ses jours en une merveilleuse supernova.

Hihi. Ce truc devait t'offrir un dernier coup d'éclat en arène ?

Irrécupérable.

C'est fini entre nous Tonio, même moi je ne peux pas repêcher une âme qui a dégringolé si bas. Ta carcasse est entièrement vendue à la gloire, regarde, ta gloire gicle par chaque plaie que mes farfadets ont dessiné dans ton cuir pour te purifier. Cet affreux cambouis.
-C'est de l'essence ça je crois, m'sieur Dopp...
Neuf minutes, foutu serpent. Je ne veux plus parler avec toi, mais te combattre.

J'avais cru décerner un potentiel Fun chez ce pauvre chameau assoiffé. Mais c'est une coquille creuse, un personnage secondaire sans relief. Un figurant qui ne méritait pas plus d'un paragraphe dans l'évangile que je rédige. Un gâchis d'encre, de sueur et de sang.

Né et mort en pantin, Toto. Tu n'as jamais osé relevé la tête pour regarder qui tirait tes ficelles par peur de nous faire un torticolis, tu préférais ta vie simple de marionnette désarticulée. Aujourd'hui tu vas crever totalement seul, aucun public ne viendra jouir de tes derniers instants.
SEPT MINUTES, CONNARD !
Des débilos de ton acabit, on en compte des centaines de millions sur notre pauvre petite planète, la pauvre, tout ces débilos sur ses plaques tectoniques, ça doit peser bien lourd.
Je vais la soulager personnellement d'un de ces encombrants débilos.


Tu courais après une gloire que tu méritais pas, grand lion dodu. Tu es un pantin qui fait semblant de vivre, et qui ne rêve même pas de devenir un vrai petit garçon.

Une dizaine de tentacules inquisitrices giclent de mon dos et s'apprêtent à rendre un jugement.
Des flaques de boue mutent en voraces abominations, mues par un ersatz de ma volonté.
Je prête vie au marais. Je prête vie au Fun Club. Je leur confère un droit d'existence, j'invite les morts sur le plan des vivants, je suis sculpteur : je modèle la gadoue et la chair pour fabriquer mon éco-système personnel.

Tu ne connaîtras jamais ça, Tonio, cette jouissance à trancher les fils au-dessus de nos gueules de pantin.
Tu ne connaîtras jamais cette sensation d'immerger d'un long cauchemar. Un atroce cauchemar où ton âme ne t'appartenait pas vraiment.
Tu ne connaîtras jamais le bonheur de donner la vie Tonio. De la distribuer aux mendiants inanimés. Aux monstres fangeux grondant sous la terre.

A ta décadente et mortelle gloire j'oppose la rayonnante beauté de la Vie.
-M'sieur Doppio...
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Il y a la saine folie et la malsaine folie.
La saine folie est porteuse, inspirante, tu t'en sers de catapulte pour apprécier ta hauteur, pour voir ta maison de là-haut puis quand tu redescends sur terre tu as encore les mirettes imprégnées du bleu du ciel.
La malsaine folie est un cancer, qui mange une à une tes cellules, qui se régale de ton essence. Un peu comme un gros alien qui se débat dans ton bide.

Doppio vs Tonio (Doppio c'est moi) est un duel entre ces deux formes de folie. Un combat sacré entre deux configurations d'esprit, chacune d'elle trop entêtée pour abandonner sa version des faits. Je marche en titubant sur le sentier emprunté par les animaux les plus JUSTES de cette planète, Toto. Sacralisation de la douleur et acceptation de la Mort. Les saines valeurs d'un requin droit dans ses bottes.

La bombe dans ta poitrine n'est que la matérialisation du gâchis de ton existence !

Mes nobles fantassins de boue se pressent à leur rythme à ses pieds, avides de lui offrir de réconfortants câlins. Je leur ai légués les dons de la ténacité, et de la détermination.

Des limaces rampent lentement, avides de venir lui sucer la tête comme un sorbet goût chair.
De grandes figurines boueuses arborant mon doux faciès se précipitent vers lui à la recherche d'un câlin.
Des tentacules s'extirpent de mes abysses pour lui lécher délicatement les plaies.
Tonio ne réagit quasiment pas dans un premier temps. Il se fige dans une posture ridiculement digne, compte tenu de la pourriture qui lui stagne dans la boîte crânienne.

Ça va se passer comme à notre première fois, Doppio.

La première fois, il m'a initié à la douleur. Je lui en serai reconnaissant pour ça, éternellement.
Même s'il reste un salopiaud !

Offrons-nous les six minutes les plus intenses de nos pitoyables existences.

Parles pour toi.

Il écarte les bras, paumes en avant. De ces mains dont la peau synthétique dégouline en une pâte rosâtre à l'odeur de fraise, giclent de grandes gerbes de flammes. Un mur qui tourmente mes pauvres compagnons de boue et d'amour !

Le feu, ma grande faiblesse ! Cependant il faut admettre que l'odeur de fèces calcinées que dégage ma boue cramée ne m'est pas désagréable.

Il faudrait que je parvienne à boucher ses lances-flammes, un truc comme ça !

Mes compagnons l'encerclent. Amanda lui projette quelques bastos amicales. Deux parviennent à bon port parmi elles, lui trouent son bras droit. Deux petits geysers d'essence flambées lui poussent dessus. C'est bien taquin, mais Tonio n'apprécie pas.

QU'EST-CE QUE TU PANES PAS DANS LA NOTION DE "DUEL" ?

Ma peau boursoufle, mon cuir se liéquéfie, gonfle, suppure, je m'enferme sous des kilos de ma dévouée gadoue. C'est qu'il ne me reste plus que cinq minutes avant que ce grand dadais ne conclue sa vie sur un feu d'artifice d'entrailles et de mauvais goût, idée qui je dois l'avouer me provoque quelques sensations naissantes sous le caleçon, mais qui risquerait trop de conduire à nos morts.

Et mourir desservirait mes ambitions !

Fourbu de mon épaisse armure de boue, je m'avance tranquillou vers Toto. Voyons voir si ce brasier que crache ses grosses paluches sales fera fondre ma détermination.

Je continue dans le même temps à générer de curieuses créatures tout autour de moi. Ça en devient presque un processus inconscient. Tu vois ? Comme les mamans araignées qui pondent, pondent, pondent, sans jamais interrompre leur travail, sans ternir d'une raison enlaidissant la pureté de leur instinct.

Je suis donc une maman araignée qui tisse sa gigantesque toile dans le grenier de la civilisation, tout en y semant des milliards de milliards d'oeufs pouvant éclore à tout moment. Dans ce scénario, Toto, tu n'es qu'un tout petit papillon de nuit qui vient se griller sur ma lumière.

Percevant ma gracieuse silhouette déambulant lentement mais sûrement vers toi, tu fulmines, ah ça oui, je lis la joie dans tes pupilles, tu prends conscience que moi non plus, je n'ai plus rien à perdre, et qu'on va pouvoir fébrilement danser, accordés à l'unisson sur l'harmonie du désespoir !

La différence majeure entre nous, Toto le papillon, c'est que la perspective de la Mort injecte de la FORCE dans mes organes. Contrairement à toi qu'elle rend tout guignolo m-as-tu-vu capricieux regardez-comme-je-boude-en-menaçant-d'exploser gnagna. Ouais bravo, super mature, ouais, débile va.

Il concentre ses deux chalumeaux vers ma direction, laissant mon zoo vaseux tranquille.
Il commence à faire chaud sous cette carapace.
Une croûte solide se forme à sa surface.
Je maintiens la production de vase pour régénérer au mieux possible ce que ses flammes dévorent.
Je sue !
Ouh je sue !
Et puis je me pisse dessus aussi.
Et mon esprit menace d'évacuer de ma cervelle par siège éjectable.
Pas le moment de faire un malaise !
Pas le moment du tout !

Je...
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Dis donc j'explose souvent depuis quelques chapitres, ça devient mon nouveau son de cloche, la percussion affolante de mon orchestre Fun.

J'ai encore fais un drôle de rêve durant mon escalade de douleur, j'ai regardé le paysage et ait contemplé un monde formidable. Je me sens tout vieux et décrépit de l'intérieur, comme si je venais de goûter à une éternité compressée dans une poussière de seconde. Mon âme s'est tellement étendue qu'elle a débordée de la réalité, et j'ai aperçu ce qui se tenait dehors. C'est pas joli mais intéressant. Un monstre terrible devant un clavier, qui gribouille des insanités sur son écran ridicule. Il ressemble à un poisson avec ses gros globes occulaires globuleux, mais c'en est pas un.

J'ai rencontré Dieu. Et Seigneur ! Ce qu'il est laid hihi !

Cerveau, cerveau, il a encore pris des coups, de nouveau il a été cuit à point. C'est le prix du Fun, il faut savoir donner en offrande sa personne aux grandes causes voraces et gourmandes qui réclament leur tribut de sang et de douleur.

Je reprends donc connaissance.
Comme ça, peinard.
Et là devinez ce que je vois ?
Du feu, partout. Un dépotoir en proie aux flammes, des nuages noirs au fumet d'oeufs pourris.
Quelle ne fut pas ma surprise !

Tonio, t'es encore là ?

J'espère qu'il a pas explosé pendant ma sieste ce grand dadais.

L'ingratitude des enfants.

Je crois que ce chewing-gum rosé collé à mon museau est un fragment de mon cerveau. Je l'attrape d'une palme curieuse et l'offre en pâture à mes crocs, dans une leste mâchouille. Non, ça, c'est pas mon cerveau. Ça ne goûte pas la Transcendance. Il doit être à quelqu'un d'autre...

Jean-Claude ? Amanda ? Geo ?

Les copains ?

Pas de pot. Ils seraient morts aussi ? C'est chiant, quelle poisse. Les rituels sacrés se déroulent jamais comme ils le devraient. Le sang a dû couler, mais mon subtil odorat n'en détecte pas la moindre goutte. Et ça ça me froisse, j'adore le parfum du sang au petit matin, celui qui perle aux côtés de la rosée.

Pas terrible terrible, il s'en est passé de sales choses durant mon coma. On se paye une sieste et voilà qu'à notre réveil, la civilisation en a profité pour s'écrouler. C'est lâche de sa part avouons-le.

Néanmoins il faut faire quelque chose, donc je vais faire quelque chose. Je vais marcher jusqu'à dénicher un indice qui caftera quelles manigances se sont tramées dans les parages.

Et ça sent comme Tonio, partout, Tonio en plus grillé, Tonio sa chair consumée !

T-T'es vivant ?

Ah !

Tonio ? T'es où...
Sous tes pieds.
Oups.

J'aurais eu aucune chance de le reconnaître sans son petit râle hihi. Il n'est plus qu'un squelette de fer calciné avec quelques tranches de bacon. Hmmm, bacon...

Tu as explosé ? Et tu as tué mes amis...
Tous.
Ils t'avaient rien fait...
J'aurais voulu te tuer toi aussi.

Tonio ! Tonio... Toi qui avait tant la trouille de crever dans le silence et l'indifférence.

Tu t'es fait violence, Tonio. Bravo !
...
Tu as accepté de traverser la dernière frontière seul. Comme un grand.

Un caillot de sang me coupe la respiration ! L'une de mes mirettes tente de s'échapper de son orbite, mais restes chez toi voyons, grande coquine ! Et, oooooh ! Tellement grillé que mes terminaisons nerveuses font grève, j'entends plus la saine danse de la souffrance. Je hais ce silence.

C'est plus grave que je croyais. Peut-être que je vais mourir moi aussi. Encore ! Faut pas que ça devienne une habitude.

Je pose ma grande botte déchirée sur la petite caboche polluée de Tonio. Polluée d'idées nocives qui l'ont rendu complètement gaga.

Humff !
J'aurais aimé te montrer la lumière avant ton décollage vers un monde plus calme.

Tu vas sûrement te perdre en route. Tant pis pour toi.


Sploutch !
Ma semelle dégouline de la toniocervelle. C'est dans cette cervelle qu'a germée l'obsession de la gloire qui l'a conduit à périr solo et méprisé par Doppio le plus gentil des hommes-poissons.
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