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Honorer ses héros.

Une pause, j'en avais foutrement bien besoin. M'éloigner de cette ville vicieuse et viciée, prendre un peu de recul sur ma situation actuelle. Cinq années passées au sein de la famille Bambana, à servir les intérêts du Padre et de ses collaborateurs. Pour un ancien soldat formé à défendre la veuve et l'orphelin, beaucoup pourraient dire que je suis tombé bien bas. Que j'ai perdu l'esprit après ma désertion,  et que j'ai vendu mon âme au diable, et ils n'auraient pas tort. Car c'est un peu la sensation que j’éprouve en me regardant dans un miroir et en songeant à tout ce que j'ai accompli depuis. Autrefois, bien avant de m'engager dans la Marine, on me reprochait d'être trop gentil, trop discret, trop effacé. Enfermé dans ma bulle, ma carapace contre la dureté d'un monde qui ne semblait pas vouloir de moi, je subissais en baissant la tête, espérant la fin de ce cauchemar. Je me suis finalement réveillé, révolté, et pourtant les dégâts psychiques restent similaires. Si je ne suis plus la victime, je suis devenu l'agresseur et mes victimes ne méritent pas toutes leur sort.

Est-ce que je m'en sors mieux au final ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Pendant un moment, souvent en fait, j’essaie de me convaincre qu'il vaut mieux être le bourreau. Appliquer la loi du plus fort ou du plus cruel, et préserver sa propre vie au détriment de celles des autres, qui eux ne vous feront de toute façon pas de cadeau. Chacun étant pourri de l'intérieur à sa manière, cette part sombre que tous abritent n'attend que le moment propice pour resurgir et vous faire mal. Finalement, ce n'est que de la survie, encore et toujours. Si j'ai accepté de servir le boss, c'était également pour m'épargner une mort brutale à l'époque. Et si je ne lui ai pas encore tourné le dos, c'est uniquement pour cette raison. Trahir un homme de son envergure est trop dangereux en l'état, il ne ferait qu'une bouchée d'un type comme moi. La protection qu'il offre de par son influence et l'argent qu'il donne sont autant de raisons pour motiver à rester. Et pour les perturbés qui ont du mal, se défoncer à l'opium est une bonne alternative pour ne pas trop y penser.

Orange, je n'aurai pas pu espérer mieux pour me retirer sans craindre d'être dérangé. J'ai profité d'un travail qui m'a été confié pour allonger de quelques jours mon absence de Manshon.  Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi ce morceau de terre en particulier, ni si il conviendra réellement, mais il en a tout l'air. Je déambule dans les rues de la ville, paisible, habitée mais pas surchargée comme l'est Manshon, où toutes les minutes une personne maladroite vous bouscule sans même s'excuser. Les habitants sont tous très respectueux, vous saluant tandis que vous passez devant eux, ou leur commerce. Il fait beau, un grand soleil illuminant la vue sans que ses rayons ne soient trop dérangeants. Personnellement, j'ai en horreur de transpirer, c'est sale et l'odeur me donne envie de gerber. Pour palier à ça, je m'asperge de parfum, de sacrées doses, autant que je l'estime nécessaire. Pour autant je peux rien faire quand il s'agit de l'odeur corporel des autres... L'envie de les tabasser à mort me titille à chaque fois, mais trop radicale comme solution.

Bonjour...
Bien le bonjour jeune homme !
Un rhum ambré s'il vous plaît, mettez-en une double dose tiens.
Je vous fais ça tout de suite !


Le remontant arrive, ça va me faire du bien en attendant de pouvoir fumer, j'ai pas envie de vriller ici et de causer des problèmes. Je suis pas censé être là, pour info. Alors ouais, c'est pas très passionnant comme histoire, un blasé de la vie qui picole, mais ça a le mérite d'être vrai. Je m'enfile mon verre, le regard perdu à l'intérieur, calcule pas ce qu'il se passe autour de moi, plongé dans mes pensées que je suis. J'ai horreur de faire ça, et ça m'arrive tout le temps, je réfléchis trop. Beaucoup trop. Alors je bois et je fume pour inonder et étouffer mes peurs, mes craintes, mes appréhensions et mes regrets...

Je reprends encore un verre, il pourra pas me faire de mal.

Et puis, je suis venu ici pour me détendre.

Une main aussi large que mon genou et robuste que le bois se pose sur mon épaule, me tire de ma torpeur.

Dis l'ami, je veux pas te foutre à la porte mais c'est l'heure d'y aller, je ferme pour aujourd'hui...

J'lui lance un regard paumé, mes neurones connectent pas, il ferme déjà ? Je viens d'arriver. Il capte ma question sans que j'ai à ouvrir la bouche, me fait signe de la tête de mirer sur ma droite à la fenêtre. La nuit est tombée...  Si vite ? J'suis sur l'cul, commence à vouloir me lever, ma main droite balaie maladroitement la table et renverse plusieurs verres vides...

Plusieurs ?! Je pensais en avoir bu que deux... Figé, les yeux fatigués bloquent sur la table, y'en a au moins une dizaine là...

Forcé de foutre le camp, je remercie à peine le barman et me tire avant de chercher à comprendre si j'ai juste picolé comme un soiffard ou si on a glissé un petit quelque chose dans mon verre qui m'a foutu dans le coaltar. L'air frais me fera du bien. Y'a l'air d'avoir de l'agitation en ville, la foule s'est amassée en un même point. Et ça ne fini pas d'arriver, ça ne doit pas avoir encore débuté.  Curieux comme je le suis, forcément que je cherche à me rapprocher, aller voir ce qu'il se passe.  Sur le chemin, je croise un trio de soldats en patrouille que je peux pas m'empêcher d'observer. C'est pas de la provocation, loin de là, même si je cache pas ma haine pour la Marine et le gouvernement, simplement un réflexe, un besoin. Les fixer, les analyser, m'imaginer à leur place, me souvenir plus exactement. Et rire intérieurement, content d'avoir échappé à ces chaînes qu'il ont tenté de me mettre, de cette autonomie qu'ils ont voulu m'enlever, de cette personnalité qu'ils ont essayé d'effacer. Bon courage à vous les gars.

Et allez tous vous faire foutre.  

Dites, il se passe quoi ici ?

J'ai atteint le rideau humains que l’événement semblait avoir créé, mais la foule m'empêche de voir correctement de quoi il s'agit vraiment. Qui aurait cru qu'une petite ville attirerait autant de monde en un seul lieu ?  Je suis à deux doigts de répéter ma phrase, sur un ton plus agacé cette fois, lorsqu'une femme me répond enfin.

C'est le jour de la célébration !
La quoi ?


Cette grognasse me calcule plus, je crois l'avoir vu grimacer quand j'ai ouvert la bouche, avant qu'elle mette de la distance entre nous.  Quoi, je pue à ce point de la gueule ?


Dernière édition par Peeter G. Dicross le Ven 28 Juin 2019 - 3:52, édité 1 fois
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« Debout l’Homme Poisson ! Bouge-toi et vite ! Le Lieutenant-colonel Winter te fait demander et dieu seul sait si elle est patiente… Enfin bon, magnes-toi je n’ai pas envie qu’elle me foute un blâme parce que tu mets du temps à émerger la Bête ! »

Bordel ! C’est quoi encore ce réveil… Comme d’habitude, il a fallu qu’elle m’appelle le jour où je me suis tapé la garde de nuit. J’ai dû dormir une heure… Peut-être deux ? Enfin je ne sais pas, mais je suis vraiment crevé. Je n’ai pas le choix. Je récupère mes habits, enfin ma belle cape et ma couronne. Oui, j’ai la chance qu’elle ait acceptée que je porte ça. Je ne sais pas pourquoi, j’ai trouvé cet accoutrement dans une brocante humaine et c’est vrai que je trouve ça magnifique. Le seul hic, c’est que bien souvent les autres soldats se foutent de ma gueule. Plus j’apprends à les connaitre ces humains, moins j’ai l’impression de les cerner, surtout les autres militaires. Enfin bon, là n’est pas la question, il faut que je me grouille.

Je remonte donc très vite sur le pont et je me dirige vers la cabine du Lieutenant-colonel. Sur le pont, j’en profite pour sourire aux camarades et les saluer. J’ai peu de réponse, j’ai l’habitude. Je rentre dans le bureau, je me mets au garde à vous, le même rituel à chaque fois, mais ça me plait. Le Lieutenant-Colonel ne m’aime pas trop, je le sais, mais à chaque fois elle prend un air de dégout quand elle me voit et ça c'est bien déstabilisant. Je prends sur moi, cache mes émotions et fait mine de n’avoir rien vu. Elle parait frêle, elle est petite, mais il ne faut pas se méprendre, elle reste une combattante redoutable.  Pour être franc, la fatigue me submerge, je ne sais pas de quoi elle va me parler, mais il faut que je me concentre. Ça va être dur…

« Repos soldat ! Vous auriez pu au moins prendre le temps de faire votre toilette, vous empestez la poiscaille ! »

« Je vous prie d’accepter mes excuses Lieutenant-Colonel, j’ai été pris par le temps. » En même temps la nuit a été infernale et je n’ai pas eu le temps de me préparer correctement ce matin. Fallait pas espérer mieux…

« Passons, ce n’est pas le sujet de votre visite… Si je vous ai fait venir c’est parce que j’ai une mission pour vous, quelque chose d’urgent à vrai dire. Depuis quelques temps une garnison est en poste sur l’île d’orange. Elle a, à de nombreuse reprise, réussie à sauver l’île d’attaques pirates. Pour les remercier, le village fait une grande fête pour honorer la mémoire de ces héros… La fête va rassembler un grand nombre de personne au même endroit. La garnison sur place n’est pas suffisante pour assurer la surveillance des festivités. »

« Je suppose que le risque d’attaque Pirate va augmenter durant l’événement ? »

« C’est exact ! Les navires proches de l’île ont reçu un ordre de participation à la défense de l’île. Sauf que…J’ai oublié que la fête commence ce soir et nous n’avons pas pris le cap de l’Île. Nous sommes à plus d’un jour de navigation, c’est pourquoi je vous ai fait venir. J’ai réquisitionné neuf soldats et je vous demande de les conduire, avant ce soir, sur l’île d’Orange. Il ne vous sera pas compliqué de tracter rapidement une petite embarcation je suppose ? »

« C’est exacte Madame, il me faudra deux bonnes heures pour rallier les cotes de l’île. Je n’aurais pas de … »


« C’est très bien ! Vous partez sur le champ, la chaloupe avec les hommes est déjà sur l’eau. Vous prenez le commandement de la petite délégation, ne me décevez pas. Nous arriverons demain avec le navire. Je ne descendrai pas sur terre, j’ai beaucoup trop d’administratif à faire. Je compte donc sur vous pour nous représenter ! »


Sur ces mots, je comprends que c’est le moment pour moi de partir. Je la salue et quitte son bureau. Je passe rapidement en cuisine récupérer un bout de viande sèche, j’ai besoin d’énergie, je suis complétement épuisé, mais je n’ai pas le choix. Je plonge en mer et dès l’instant où je me retrouve immergé je me sens mieux. J’attrape les boutes que les soldats ont installé pour tracter la chaloupe, je demande la direction et je fonce. J’aime bien cet exercice, il me permet d’améliorer mon endurance, surtout quand je le pratique dans ces conditions. Les premières minutes me permettent de me réveiller complétement. Le trajet passe vite, je croise quelques bancs de poissons, des baleines et d’autres créatures marines inoffensives.   J’ai fait une seule pause pour demander une nouvel fois quelque chose à manger, la nage sa creuse. Arriver à trente minutes de la côte, je remonte dans la chaloupe pour me reposer avant de mettre pieds à terre, j’en ai besoin.

On est donc arrivé dans le petit port de la ville d’orange. C’est vraiment petit, mais en revanche, il est surchargé de navires. La fête semble avoir ramené de nombreuses personnes extérieures à Orange, je comprends mieux maintenant pourquoi ils ont demandé du renfort. Un petit groupe de soldat semble en poste dans le port, les hommes de la chaloupe et moi-même descendons et nous les rejoignons. Je m’avance devant eux, je les salut et je me présente. Le soldat me souhaite la bienvenue et m’explique ma mission. Au début je ne comprends pas exactement, les quelques secondes qu’il faut a l’information pour monter jusqu’au cerveau passe et la… Je m’attendais à tout sauf à ça, on me demande de jouer dans une pièce de théâtre !

Abasourdie, je me tourne vers mes hommes et eux non plus ne s’attendaient pas à ça. Il s’avère que la surveillance de la fête a été entièrement assurée par la milice en place sur l’île. En revanche, le Maire du village à demandé aux soldats de rejouer une scène de bataille et c’est là que les renforts vont intervenir. L’homme qui nous a expliqué la situation nous donne à chacun un papier avec un rôle. Bien évidement tous mes hommes obtiennent des rôles de soldat de la Marine et moi… Je tombe sur un pirate. Je ne pense pas que le rôle soit dur, je me bat, je casse tout et puis voilà, le tour est joué. Je m’apprête à rejoindre la place centrale du village quand le soldat de la Marine m’interpelle une dernière fois :

« Hey, j’ai un autre problème au fait. Normalement vous étiez sensé être les derniers et arriver beaucoup plus nombreux. J’ai encore une dizaine de rôle à donner, mais je dois aussi aller surveiller l’entrée Sud de la ville. Ça vous dirait d’aller en ville et recruter des gars avec des salles gueules ? Il reste les rôles des pirates et ils vont se faire botter le cul ! Je ne pense pas que vous allez avoir grand monde de volontaire, mais dite qu’il y aura une récompense à la clef ! Aller, dépêchez-vous, il y a réunion de préparation dans deux heures ! Merci en tout cas »

D’accord, en gros je n’ai pas le choix. Je préfère aller en ville seul et demander à mes hommes de rejoindre le lieu de réunion, je ne veux en aucun cas qu’ils soient en retard. Je me rends donc en ville, je n’ai jamais vu ça c’est extraordinaire ! Il y a une foule de monde incroyable, de la musique partout et des bars distribuant des bières. Je suis entièrement fasciné, c’est bien la première fois que je vais assister à une fête humaine. Bon, il faut que je me reconcentre, j’ai encore une mission à effectuer. Je dois trouver des hommes avec des « salles gueules », mais… C’est quoi en fait ça ? Je sais pas du tout différencier un homme beau d’un laideron moi ! Chez nous les homme-poissons, on n’a pas les mêmes critères et bien sûr, je ne connais pas les critères humains. Je vais faire un effort, il y a là-bas un groupe d’homme assis en retrait de la foule, ils ont des bières à la main et semblent ivre. Chez moi, la plupart de ces gens son moches, je suppose que ça doit être pareil pour eux… Enfin bon, je vais essayer :

« Bonjour messieurs, j’espère que vous allez bien ! Je viens vers vous car j’ai un petit souci. Je fais partie de la Marine et nous avons besoin d’hommes supplémentaires pour jouer un rôle dans le spectacle que nous allons vous offrir. Bien entendu vous serrez dédommagé. Êtes-vous partant »

« BEURP… Euh ouais la Marine… Ils recrutent des poissons dans leur rang maintenant ??! BHAHAHAHA ! Aller file nous ces papiers, si c’est payé on est partant, ça nous permettra d’acheter de la bière supplémentaire ! »

Je ne sais pas trop comment réagir. Il vient quasiment de se vomir dessus, mais bon, il doit jouer un pirate, il sera peut-être parfait dans le rôle ! Je lui donne à lui et à ses camarades les papiers des rôles.  Tout sourire, je retourne vers la foule pour trouver un dernier acteur, il ne reste plus qu’un seul pirate à jouer ! J’ai eu de la chance de tomber sur ce groupe juste avant, je vais pouvoir vite retourner sur la place centrale pour préparer mon rôle. Je marche au milieu de la foule, mais je ne vois personne avec une « sale gueule ». Je marche et plus j’avance, plus je me laisse le plaisir de perdre quelques minutes à observer les humains. Ils sont incroyables, tout sourire, ils rigolent, mangent, boivent, tout à fait similaire au hommes-poissons, bien entendu sans la violence. Les objets qu’ils ont et qu’ils utilisent sont fantastiques, j’ai pu apercevoir des ustensiles de cuisines que je n’avais encore jamais vu. Je me perds et je continue à les observer. Je suis comme hypnotisé, je perds la notion du temps. À un coin de rue, je regarde une horloge ! Oh ! Ça fait déjà une heure et demi que je suis parti ! Il faut que je fasse vite, il manque une personne, à qui vais-je demander… ? Lui peut être ? Non, trop vieux… Arf, l’autre à côté est trop jeune ! Lui peut être, il a une sacrée odeur, il sent l’alcool ! Je crois qu’ici certains appel ça du « parfum »... Enfin, il sent aussi l’alcool que l’on boit, je vais lui demander :

« Euh… bonjour monsieur, je suis le Sous-Lieutenant Descart de la Marine. Je viens vers vous pour vous faire une proposition, nous avons besoin d’un acteur supplémentaire pour… pour maintenant à vrai dire. Nous cherchons quelqu’un qui pourrait jouer le rôle d’un pirate dans la reconstitution de la bataille, est ce que cela vous dirait ? Bien entendu vous serait rémunéré pour ça »

J’attends sa réponse impatiemment, mais il semble terriblement touché, en fait il semble complétement ivre. Je ne vais pas pouvoir rester longtemps, qu’il se décide vite. S’il ne se dépêche pas je lui donne le rôle et je file à la place centrale. Au moins j’aurais essayé...
    « Sergent d’élite Alexandre Kosma je présume ? »

    La jeune femme qui se présente devant moi m’accueille avec un large sourire et une main tendue que j’lui serre avec empressement. Elle se présente, Jane Kaplan, lieutenante de la Garnison d’Orange. Je m’en doutais, ma hiérarchie m’avait prévenu que ce serait probablement à elle que j’aurai à faire, et non pas au lieutenant-colonel Gallagher, qui lui déléguait beaucoup le côté social. On discute quelques minutes et j’la suis en direction de la caserne.

    Le jour de la célébration. Une nouvelle fête organisée par un mécène en l’honneur des légions de Marines ayant défendu l’île contre les assauts répétés de pirates de ces dernières années. Et j’ai été désigné pour remettre des médailles. Et faire un discours. Drôle. Pour une fois que j’suis appelé pour ce que je sais faire de mieux, à savoir le baratin, je suis plutôt content.

    Cette fête a un objectif bien particulier me confie la lieutenante ; donner une belle image de la Marine auprès de la population, qui malgré les actions pour sauver l’île de divers assauts pirates n’est toujours pas considérée d’un bon œil par une grande partie des locaux. Ça m’déclenche un sourire. Toujours cette volonté de plaire au public en faisant des fêtes. J’pense qu’on serait plus efficaces en changeant parfois nos politiques, en évitant d’occuper des endroits du monde qui ne désirent pas notre présence et en n’intervenant que lorsqu’on nous le demande.

    « Vous êtes dans les rangs depuis longtemps sergent ?
    -Un peu plus longtemps que vous je pense bien lieutenante.
    -J’ai un peu plus de dix ans de carrière, j’ai commencé tôt.
    -Oui mais tout de même, j’ai intégré les rangs de l’élite en 1600.
    -EN 1600 ? Mais vous avez quel âge ??
    -J’approche doucement de la cinquantaine.
    -Eh bien, je dois dire que je ne l’aurais pas crû, vous faites beaucoup plus jeune que ça…
    -Vous dites ça pour me faire plaisir…
    -Mais non voyons. Ah, nous sommes arrivés ! »

    On s’approche en effet d’un petit bâtiment qui ne paye pas de mine, une simple mouette en enseigne qui indique la nature du lieu. J’ai connu des endroits où le gouvernement s’affichait bien plus, absolument pas honteux d’être présent. Je ne pense pas que ce soit la honte qui dicte la conduite de notre armée sur Orange, plutôt une excessive prudence face à une population pas totalement acquise à la cause. Se pourrait bien que la sécurité de l’événement ait quelques petites affaires à gérer aujourd’hui. J’emboîte le pas de la jeune lieutenante, qui fait figure d’autorité dans l’enceinte de ces murs. Le moindre soldat sur son chemin s’arrête et dans une position de garde-à-vous, salue l’officière jusqu’à ce qu’un mouvement de tête de cette dernière ne l’invite à reprendre ses activités. C’est plutôt rare, ce respect de l’armée pour les femmes, je connais des endroits où les soldats rechigneraient à obéir aux ordres d’une demoiselle ; machisme primaire.

    « Je vais vous mener au lieutenant-colonel Gallagher.
    -Il participera à la cérémonie ?
    -Je… Disons qu’il sera obligé de se montrer un moment, mais le lieutenant-colonel est un homme assez peu disposé à s’afficher en public, il préfère s’occuper de gérer son travail plutôt que de se montrer à la population.
    -Son travail ne consiste pas uniquement à repousser les menaces…
    -C’est ce que je me tue à lui dire, mais bon… Je m’en sors bien sans lui, et je crois que son côté un peu rustre n’aiderait pas à une bonne communication avec la population d’Orange, déjà réticente à notre présence ici.
    -Ça, je crois que c’est plutôt clair. »

    Côté rustre, c’est vite dit. Le bonhomme m’accueille avec un fort potentiel sympathie, on bavarde cinq minutes, échange d’amabilités. Je retiens de la conversation qu’il participera à la cérémonie, mais juste histoire de montrer sa bobine. Il me raconte un moment comment Jane et lui en sont venus à demander un gars qui présente bien pour faire un discours de célébration ainsi que la remise de médaille. Mes supérieurs en sont donc venus à m’demander. Drôle. En tout cas, moi ça m’fait marrer.

    « Y aura également un spectacle, en l’honneur de nos soldats, intervient Jane.
    -Ah, j’espère que les comédiens sont prêts dans ce cas.
    -Eh bien… Nous n’en savons rien, nous avions embauché une troupe de troubadours pour nous simuler une bataille, mais nous avons reçu un message de leur part nous signifiant qu’ils étaient bien arrivés, et qu’ils attendaient que nous venions les chercher.
    -Et alors ?
    -Eh bien… Ce n’était pas à Orange qu’ils étaient arrivés, ils se sont trompés de destination. On a dû demander à l’équipe de renfort qui nous a été envoyée pour la sécurité de les remplacer au pied levé, on va voir ce que ça va donner. Ils sont allés recruter des personnes supplémentaires sur l’île.
    -Hahahahaha. J’ai vraiment hâte de voir ce que ça va donner. C’est possible de rencontrer ces joyeux drilles ?
    -Eh bien, ils ne sont pas encore revenus, mais je peux vous faire une petite visite des lieux de la fête, les festivités ont déjà commencé, dès qu’ils rentrent, je vous les présente.
    -J’ai hâte. »

    On quitte ainsi le lieutenant-colonel pour gambader dans les rues de la ville et voir un peu ce qui a été prévu pour cette petite célébration. Je dois dire que j’adore ce genre d’ambiance, je me sens tout à fait dans mon élément. J’espère que rien ne pourra venir troubler mon petit plaisir. Mais bon, je n’y crois plus vraiment à la chance, à quarante-sept ans, après vingt-cinq ans de carrière et tout juste remis d’un petit accident cardiaque...


    Dernière édition par Alexandre Kosma le Sam 28 Mar 2020 - 14:31, édité 1 fois
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    Mec, j'ai une gueule d'acteur ?

    Je bloque sur le machin qui est venu me causer, me proposer une idée assez stupide que j'ai d'ailleurs du mal à prendre au sérieux. Il me faut un temps pour résumer la situation qui m'a l'air un peu absurde. Y'a une bête, une espèce de bestiole qui ressemble à un piranha géant croisé avec un chat sauvage, capable de parler et surtout, de respirer à l'air libre. Je pensais que la poiscaille devait vivre sous la flotte moi. Le bordel mesure plus de deux mètres, il me force à lever les yeux pour le mirer. Ce qu'il est laid. S'il s'était pas annoncé comme un type de la Marine, j'aurai tenté de lui mettre une balle dans le crâne. Par instinct de survie seulement, c'est évident qu'un truc dans son genre cherchera à me gober tôt ou tard, c'est juste une question de temps. Puis je suis bourré, ça aide pas à jauger correctement la situation.

    C'est payé, tu dis ?

    Oui. Je viens de capter la présence de berrys dans l'affaire. Chez moi, le fric a suffisamment de poids pour me faire changer d'avis, surtout quand j'ai trop bu. Il acquiesce, l'air très sérieux mais aussi un peu pressé, comme si ça le brûle de foutre le camp d'ici. Méfiance. Je le dévisage un moment, voir si l'histoire pue pas trop et que je peux lui faire confiance. 'Faut pas oublier que dans l'histoire, je suis un ancien marine moi aussi. Je connais pas sa position morale sur les déserteurs, mais j'ai une idée sur ce que lui impose ses fonctions à ce niveau-là. Un piège ? Non, je pense pas. Mes yeux se plissent, il doit se sentir foutrement passer au crible. J'ai quand même jamais vu un zigue pareil au sein des rangs des mouettes, même pendant que je servais sous la bannière. Hm. On est quand même dans un monde assez dingue, y'a des types qui bouffent des fruits et gagnent des pouvoirs surnaturels, donc...

    Et combien je gagne dans l'histoire ?
    Les détails de votre rémunérations seront à voir avec l'officier à qui la supervision de la mission a été confié.
    Tss. Ok, j'en suis.


    Putain de jargon militaire à la con, il m'avait pas manqué celui-là. Il a l'air content en tout cas, il  me file des feuilles concernant les détails de mon rôle dans cette fameuse pièce de théâtre, et quelques instructions concernant le déroulement du merdier. J'esquisse un sourire, je vais devoir jouer un pirate. Moi qui n'aime pas particulièrement les hors-la-loi, 'va falloir faire un effort pour me comporter comme eux. J'ai pu en croiser quelques-uns durant mon temps chez les bleus, ça devrait pas trop poser de soucis. L'avantage d'avoir bu avant est que je réunis déjà l'une des conditions essentielles pour se mettre dans la peau d'un forban, être torché. Avant de sortir le grand numéro, je dois me pointer au rassemblement pour qu'on me répète la même chose écrite sur le papier, mais de vive voix et d'une façon plus autoritaire.

    Répéter cent fois la même chose, pure style Marine ça. Y'avait un vieil officier un peu con qui arrêtait pas de rabâcher cette phrase ''La marteau-thérapie, méthode simple et efficace qui perce même les crânes les plus récalcitrants.'' Pour ceux qui étaient équipés d'un blindage spécial, son conseil était de frapper plus fort.

    Une bière s'il vous plaît.

    Arrêt au stand forcé, je suis à sec depuis trop longtemps, je commence à être lucide. Il va me falloir de quoi tenir le trajet aussi, marcher déshydrate affreusement. Quand on faisait les marches de nuit avec les autres trouducs des classes, si t'avais pas tes gourdes pleines de flottes, tu tenais pas les vingt premiers kilomètres. Et si t'avais l'audace de mettre autre chose que de l'eau dedans, cinq sous-officiers, énervés comme si tu leur avais piqué leur bols de céréales au petit matin, te tombais dessus et faisaient pleuvoir sur toi la colère de Dieu. Les foudres de l'Enfer. Un jour un petit malin s'est fait prendre, ça a calmé tout le monde sur des générations entières. Son petit-fils osera pas toucher autre chose que de l'eau avant sa majorité, je vous le dis moi.

    Moi ? Je leur chie à la face, mais c'est un secret.

    Le temps passe, la notion me dépasse, j'arrive sur place. Je me sens pas spécialement en retard, mais y'a rien qui me dit que je suis en avance non plus. Un œil au bâtiment de la Marine me fait comprendre pourquoi ils en sont rendu à demander à des civils de jouer dans une pièce initialement prévue pour eux. Ils m'ont tout l'air d'être un peu à l'arrache sur tout, par ici. Un peu plus ou un peu moins de ridicule ne les tuera pas, 'fait bien longtemps que la Marine n'existerait plus si c'était le cas. Y'a un groupe de poivrots qui poireautent pas loin, ça s'enfile les pintes de bière comme un toxico avale ses pilules, ça braille et pousse quelques couplets de chansons de soiffards, ça oublie pas de se marrer, c'est convivial.

    Ils sont doués  dans la Marine, embaucher de vrais pirates pour le spectacle, ils lésinent pas sur les moyens.

    Eh les terreurs des Mers, je peux en avoir une ?!
    Les terreurs  *BEUURP* des quoi ?!!
    Des mers. C'est d'naviguer sur les flots qui t'as rendu sourd comme ça ?
    Qui ça ? Moi ?! J'ai jamais foutu les pieds sur un navire ! BAHAHAHAHAAH !
    Héhéhé, sacré comique ! J'avoue que j'imaginais pas que ça pouvait donner ça, un équipage de pirates.
    Pirates ? *BEUURP* Mais on est pas des pirates mon petit, *BEUUURP*t'es torché ou quoi ?!
    Arrête ?!
    Bah ouais... On est là pour le spectacle.
    Alors vous faites pas exprès d'être comme ça ? Ouaah, vachement impressionnant les gars !
    Euh... ça veut dire quoi ça ?
    Bon alors, tu me la files cette pinte ou faut que je pisse dans mon verre pour me le remplir ?!
    Fais pas ça t'es chtarbé...*BEURP* c'est complètement dégueulasse ! FRIKS ! Fais en couler une pour l'p'tiot !
    Ah bah voilà! Bien brave le Friks !


    Et surtout bien fendard, le gusse. C'est quand même sacrément pas de chance de s'appeler Friks est d'avoir la dégaine d'un vrai clochard.
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    Et c’est parti, le clairon retentit, une petite troupe de la Marine parade devant l’œil circonspect des habitants d’Orange. J’dois avouer que si j’devais taper dans l’coefficient sympathie pour regagner la confiance d’un peuple traumatisé, c’est pas nécessairement par des parades militaires que je commencerais. Enfin, on m’a pas vraiment demandé mon avis. Cela dit, j’ai pas l’impression que la Kazan soit plus ravie que moi de ces simagrées à en voir la tête qu’elle tire. Quant au lieutenant-colonel, je comprends ce qu’avait voulu dire la jeune femme en parlant de son côté rustre. Face à tant de monde, il s’est complètement refermé sur lui même, c’est à peine s’il regarde ce qui est en train de se passer. Il n’a plus rien à voir avec le type sympa avec qui j’ai pu discuter plus tôt dans la journée.

    Petit à petit, la cohorte de soldats se positionne sur l’estrade qui servira de scène à la pièce de théâtre. Face à eux, en contrebas, la population d’Orange est venue en nombre. La publicité et les promesses relatives à la fête faites par Gallagher et sa garnison ont porté leurs fruits. Pour l’instant l’enthousiasme est mesuré, mais les gens sont là, ils attendent que les festivités commencent. D’abord mon discours, puis la remise des médailles. Ensuite aura lieu ce petit intermède théâtral avant de lancer le bal. D’autres activités sont organisées en marge de cette cérémonie d’ouverture, vraiment c’est du beau boulot.

    La lieutenante se retourne vers moi, d’un air de dire qu’il faut que j’me mette en mouvement. Pigé, cheffe, je vais balancer la sauce. J’espère juste pas être attendu par les tomates, j’ai mis une chemise neuve.

    De mon pas bonhomme, je m’dirige jusqu’à la scène. J’ai droit à quelques regards curieux pendant le trajet, mais c’est surtout une fois que je me hisse sur mon petit perchoir que l’attention se tourne vers moi. Un gars me tend un escarghautparleur, et m’adresse dans le même temps un petit pouce vers le haut. Un raclement de gorge plus tard, je suis prêt à parler. Un peu seul face au monde. Impressionnant. J’sors mes notes de ma poche et j’commence par ce que j’sais faire de mieux ; j’souris.

    « Habitantes et habitants d’Orange, et tous les autres rapiats venus profiter du buffet. »

    Premier rire dans l’assemblée, ça m’décontracte un peu, le public est réactif, j’vais pouvoir me lâcher.

    « Pour commencer, juste avant de me présenter parce qu’il paraît que ça se fait, je vais vous dire que tout ce que je pourrai dire dans ce message public pourra être retenu contre vous. Alors mouftez pas, j’suis armé. »

    J’tend le papelard que j’ai en main.

    « Ceci est le discours sérieux que j’ai préparé : si y en a un de vous qui m’embête, je le lis. »

    Nouvelle vague de rire. J’suis en confiance, j’vais balancer. Je jette un p’tit coup d’oeil à la Kaplan qui semble amusée de mon numéro. Le lieutenant-colonel à côté d’elle moufte pas, j’suis pas bien sûr qu’il écoute ni que son cerveau soit activé. Le mur social qu’il se crée, impressionnant…

    « Donc je me présente, je suis le sergent d’élite Alexandre Kosma, délégué ici, non pas pour la particule d’élite qui suit mon grade, qui, avouons le, est plus décorative qu’autre chose, mais bien pour faire le pitre en déclamant quelques banalités. Aussi, n’allez pas croire que les autres Marines sont aussi sympathiques que moi, je suis bel et bien le Marine de façade, celui qu’on envoie en vitrine pour ne pas faire peur aux gens. Les autres sont des monstres, la preuve, le lieutenant-colonel Gallagher, qui dirige votre garnison, m’a avoué ce matin qu’il adorait la pizza à l’ananas. Si c’est pas une preuve de monstruosité…

    Bref, passons. Alors, que dit ce fameux discours ? Si nous sommes réunis en ce jour mémorable, blablabla… célébrer les héros de la garnison blablabla… tenter d’unir le peuple d’Orange et ses protecteurs, blablabla... C’est bien ce que je disais, c’est très chiant. Qui a écrit un torchon pareil ?

    Ah, oui, c’est moi. Je devais pas être frais. Faut dire que la bière me réussit pas en ce moment. Eh oui, mes amis, je bois un peu, mais je tiens à vous rassurer, uniquement pendant le service ! »

    J’continue un peu, je brode, sur tout et n’importe quoi. D’abord parce que je me prends à aimer ça, et parce que côté public ça en redemande. Je glisse un petit regard régulier en direction des officiers. Tant que la lieutenante me fait pas des signes d’arrêter mon numéro, j’continue. Et une petite vanne par-ci, et un bon mot par-là. L’sergent Kosma en roue libre pour le plaisir de l’audience. Quand enfin, j’me décide à arrêter, ça proteste, alors je procède à deux trois fausses sorties, j’en rajoute un peu, puis j’remarque que les soldats positionnés sur scène au garde à vous depuis le début de la cérémonie semblent un peu contrariés d’attendre aussi longtemps. Ils sont venus pour recevoir leurs médailles ces p’tits gars.

    « Bon, messieurs dames, il va être l’heure pour moi de clore ce discours peu conventionnel, j’en conviens, parce que j’ai des obligations d’horaire. Vous comprenez, j’ai payé une babysitter pour mon bébé hamster et elle doit m’attendre à l’heure qu’il est. J’ai donc l’honneur, avant d’aller remettre leurs médailles à ces fiers militaires pour que nous embrayions sur le spectacle préparé pour l’occasion, de déclarer ouverte la première fête de la célébration ! »

    Ovation, avec arrivée progressive de plusieurs autres personnes sur scène. Gallagher et Kaplan en tant qu’officiers de la garnison, ainsi qu’un type un peu âgé avec sa boite de médailles.

    Les noms des Marines médaillés sont cités un par un par Gallagher, tandis que je leur agrafe l’ustensile à l’uniforme, en accompagnant mon geste des félicitations d’usage ainsi que d’une poignée de main. J’évite de faire le show pendant tout cet instant. Pour la plupart de ces soldats, c’est la première médaille qu’ils reçoivent, et je sais qu’il est important de ne pas désacraliser ça. Pour eux.

    La cérémonie de remise de médailles se termine, et je quitte la scène en compagnie des officiers sous les hourras du public. J’ai pas trop tendance à m’jeter des fleurs, mais j’pense qu’on peut dire que j’ai assuré.

    Peu après, les soldats décorés quittent à leur tour la scène de théâtre, le spectacle va pouvoir commencer.
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    Rappelez-moi qui a écrit le script déjà ?
    Pour la dernière fois monsieur Dicross, la pièce a entièrement été rédigée par le très grand dramaturge Janbatist Poclin, dit la Molle du Lierre, qui nous fait l'immense honneur de réécrire l'histoire de notre île de part sa plume somptueuse et son sens de la mise en scène.
    Bof. Moi j'aime pas les dramaqueens.

    Ce qui est chiant avec ce genre de phénomènes, c'est qu'ils sont tellement perchés qu'ils se rendent pas compte à quel point ils sont ridicules. Je veux dire, pas besoin d'être un virtuose de la plume molle pour écrire une pièce. C'est vrai que j'y connais rien au théâtre, la dernière pièce que j'ai regardé c'était si loin que je m'en souviens pas. Puis l'alcool aide pas en fait, entre le rhum et la bière, j'ai les idées embrouillées. On me traitera d'amateur, que je sais pas apprécier le talent et que je suis qu'un vieux con d'alcoolique, et on aura pas totalement tort. N'empêche que c'est une belle bouse son papier. Je me torcherai bien avec, tiens. Cette façon de faire passer les mouettes pour des héros, c'est honteux. Honteux je vous dis. L'autre tarlouze habillé comme un plouc m'en dira pas plus, alors j'ai juste à fermer ma gueule et finir ma bière avant que le spectacle commence. Ils sont sympas ici, j'ai été autorisé à passer les coulisses avec ma chope, ils disaient que ça apportait du réalisme au scénario.

    Parce que c'est bien connu que tous les pirates ne sont que des putains de clodos, soiffards et attardés, qui courent après la liberté et le sang comme un clébard après son os.

    La remise des médailles est terminée, les héros décorés retournent se foutre dans un coin pour assister à la suite. On va pas tarder à entrer en scène. C'est quand même marrant comme situation. Un déserteur qui retrouve les rangs de la marine pour se mettre dans la peau d'un forban pour aller se faire latter la fiole devant une foule d'ahuris qui ont besoin qu'on leur rappelle annuellement à quel point les forces de l'ordre sont importante dans leurs vies. Je veux dire sans ça, y'en a qui vont aller leur cracher au visage, ou leur balancer de la rocaille à travers le museau. Les mystères de la société. « Eh, c'est quand qu'on doit rentrer déjà nous ? »  Je pousse un soupir qui témoigne que j'en ai déjà plein le fion de cette histoire. Lui, il arrange pas les choses. « Bordel Haleint, je t'ai déjà dit qu'il fallait attendre le signal, merde. » Haleint Passiloin, c'est lui qui est censé diriger le groupe pirates de la pièce, mais il est complètement à l'ouest le type.

    C'est un gars sympa je dis pas, mais de loin. Quand on l'entend pas, quoi.

    Bien, je vous remercie encore une fois de m'avoir écouté et d'avoir été si patient. Maintenant, si vous le voulez bien, laissez-moi vous présenter l’œuvre qui va être joué sous vos yeux. Entièrement écrite et mise en œuvre par le très grand Monsieur Janbatist Poclin, qui ne pouvait malheureusement pas être présent ce soir, en hommage à l'une des plus grandes batailles qui a eu lieu ici-même et dont l'histoire se souviendra toujours, je vous présente l'une de ses plus belles œuvres ''Ze veux être ton zoizillon'' !

    Il aurait pas pu faire plus absurde comme nom sans déconner ? Je sais même pas si le rapport au piaf dans tout ça est volontaire. Le spectacle commence enfin, le silence s'installe et seule une voix s'élève dont ne sais où, relayée par le biais d'escargophone dans toute la zone, assez claire et audible pour que personne ne rate un mot de ce qu'elle raconte.

    Nous sommes en 1623, l'histoire prend place sur cette île, ce merveilleux lopin de terre que l'on nomme Orange. Une île, une ville que l'on dit sans histoire, où les habitants coulent des jours paisibles, heureux et loin de toute agitation. A Orange, on ne voit pas d'un bon œil la présence de la Marine, et encore moins celle de la piraterie. Tous deux sont des indésirables et on vit bien mieux sans eux. Jusqu'ici, on se débrouillait très bien sans la présence de soldats pour surveiller le secteur, mais tout cela allait malheureusement très vite changé, lorsque deux grosses têtes montantes de la piraterie se retrouvèrent en ville au même moment...

    Le rideau se leva enfin, dévoilant les deux premiers acteurs assis à une table, à boire un verre que l'on devinait être du whisky. Le décor derrière eux était celui d'une habitation, semblable à un bureau d'une personne d'importance. Le narrateur reprit la parole, les acteurs prenant vie sous les mots de ce dernier.

    Fort heureusement pour la population, le Colonel Alheiri Salemn Fenyang avait anticipé la catastrophe, et avait demandé une entrevue avec le maire de la ville, monsieur Charles, afin d'entreprendre des négociations sur la sécurité d'Orange.

    Rien n'avait été négligé, le moindre accessoire était présent pour assurer l’authenticité de la scène, le déguisement du Colonel comme celui du maire, correspondait presque avec exactitude avec ce que les originaux portaient se jour-à. Un travail de recherche et de prise d'informations de plusieurs moi qui prenait forme aujourd'hui. Fenyang et le maire Charles échangèrent une poignée de mains et affichèrent des sourires satisfaits, laissant devenir l'issue de leur discussion. Le rideau commença alors lentement à se refermer sur les acteurs tandis que le narrateur prenait le relais.

    Le Colonel Fenyang venait d'obtenir la permission du maire pour mettre en place son projet visant à renforcer les défenses de l'île. Il ne lui restait plus qu'à s'entretenir avec ses supérieurs pour finaliser ses desseins. Il reprit alors le chemin jusqu'à son navire, quant au détour d'une rue, un vacarme de tous les diables se fit entendre en provenance d'une taverne...

    Bah voyons, une putain d'auberge, comme c'est original comme histoire. C'est pas foutu de rédiger un texte sans aller faire un tour dans un bar et ça vient nous sortir que c'est un génie dans sa catégorie. Je vous la met dans le mile que ça va finir en baston cette histoire. Et qu'on vienne pas me sortir que l'histoire se base sur les faits réels, des clous. V'là qu'on nous fait signe de nous activer, que ça va bientôt être notre tour. Ils veulent tout le paquet de forbans. Je remarque que j'ai un costume différent des autres moi, Haleint aussi d'ailleurs. On nous a attribué des rôles un poil plus vivants, comme nous a dit. On m'a refilé une long manteau noir avec une capuche sous laquelle j'ai dissimulé mon visage. Le nom de mon personnage sonne bizarre, je me demande où qu'il a été le chercher celui-ci. « Alucard, Sutero, c'est à vous dans deux minutes, on s'active ! » On se bouge les miches pour se pointer sur l'estrade, les gens en coulisse s'activent pour mettre en place le nouveau décors, le Narrateur redonne de la voix.

    Sous les applaudissements, le rideau se lève pour la seconde fois.

    A l'intérieur de cette taverne, les terribles et immondes pirates Yukiji Alucard et Mizukawa Sutero, des fléaux de leur génération maudite, se disputaient avec une rare violence. Les chaises volaient, allant s'écraser sur les tables, certaines passèrent à travers les vitres de l'établissement, sous les yeux d'un tavernier désemparé et des clients apeurés. Tous deux braillaient à la face de l'autre moult insultes et menaces de mort, prêts à en venir aux poings.

    Putain mais qu'est-ce que je fous la ? Pourquoi je me suis embarqué dans cette galère ? C'est gênant. Je connais même pas mon rôle, j'ai pas lu mes dialogues, que dalle. Ça va partir en improvisation totale à ce niveau. Mais je dois quand même jouer le jeu, faire l'effort et pas attirer l'attention sur moi. Puis surtout, penser à la thune au bout. Et aussi, il se trouve que j'ai une furieuse envie de gueule. D'un geste théâtral digne de Robber D. Nyro, je retire ma cape qui plane un moment au-dessus de nous, avant de retomber, attirer par les lois de la pesanteur. Je m'exclame alors d'une façon bien trop surjouée. « JE SUIS LE GRAND YUKIJI ALUCARD ! TERRIBLE PIRATE DES MERS BLEUES, QUI TUE A TOUR DE BRAS ! SANS FOI NI LOI ! JE BOIS LE SANG DE MES VICTIMES ET DÉVORE LES NOUVEAUX-NÉS DE MES CROCS ACÉRÉS ! TREMBLEZ DEVANT MA PUISSANCE ! GIAH-AH-AH-AH-AH ! »
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    J’explose de rire. J’crois que j’ai jamais vu quelqu’un jouer aussi mal. Visiblement je suis pas le seul à trouver la performance drôlatique étant donné que la foule de badauds venue assister à la cérémonie et donc à la représentation est secouée d’un rire bruyant. Le gars qui joue Alucard est tellement pathétique que ça m’donne envie de lui filer un pourboire en fin de représentation. Mais on n’a pas le temps de reprendre notre souffle que débarque un type un peu barré qui articule avec empressement qu’il est Mizukawa B. Sutero, le pirate le plus dangereux des mers avant de s’écraser lourdement au sol, faute d’une marche manquée.

    Bizarrement le narrateur continue sa description toujours aussi sérieuse, et ça crée un contraste entre ce qui s’passe sur scène et ce qui est raconté.

    « Le Colonel Fenyang, faisant irruption auprès de ces deux redoutables adversaires, réunis par on ne sait quel hasard, dégaina alors son terrible Meitou et défia les malfrats. La dangerosité de ces horribles pirates n’était plus à démontrer, mais fort heureusement, le courage n’avait jamais quitté le cœur de ce fier défenseur du monde. »

    Le collègue de la Marine qui joue le rôle de Fenyang tente d’être le plus sérieux du monde. Il exécute quelques pas d’une chorégraphie qu’on lui a sans doute enseigné en dix secondes montre en main, et qui selon toute probabilité a pour but d’engager le combat. Le pauvre loustic. Ses deux vis-à-vis ne le regardent pas, l’un est occupé à ramper au sol en jurant dans sa barbe parce qu’il s’est fait drôlement mal en tombant, et l’autre en train de faire de grands gestes avec son bâton, comme pour prouver qu’il ne sait absolument pas quoi faire avec.

    « Afin de désorienter notre fier soldat, l’un des deux pirates, le fier Mizukawa, fuit le lieu du combat pour aller détruire des bâtiments non loin de là, ni une ni deux, le Contre Amiral le suit vaillamment, persuadé d’avoir le dessus sur lui en cas de un contre un. Mais alors que le Marine combat férocement le pirate fou, Yukiji Alucard en profite pour mettre le feu à la ville. »

    Fenyang tente un peu vainement de relever Mizukawa pour pouvoir faire un peu mieux semblant de l’affronter. Pour l’instant, les exploits du Colonel ressemblent un peu à un spectacle de clown, chacun des participants opérant dans son coin avec plus ou moins de brio. J’imagine bien la troupe de comédiens originelle qui devait remplir ces rôles se rendre compte que leur œuvre avait été attribuée à des branquignoles complets. On ne s’improvise pas comédiens, j’vous l’dit. C’est un métier, ça s’apprend. Et j’crois que l’type qui joue Alucard aurait bien besoin de l’apprendre. Le voilà qui sort un zippo de sa poche et commence à allumer un feu. Il doit se dire que ça fait plus réaliste. Le con. J’espère qu’ils ont prévu les extincteurs.

    Pendant que la voix du narrateur explique comment d’une lame d’air le Colonel Fenyang a brillamment éteint le feu, son alter-ego narratif tente vainement de secouer sa lame factice sur les flammes qui montent, en même temps que le rire des spectateurs, le mien et les gémissements de la Kazan qui contemple le fiasco de sa si belle cérémonie. Je rêve de voir comment l’incendie qui est en train de prendre de l’ampleur à mesure que le pauvre Marine le ventile.

    « Allez détendez vous lieutenante, ça peut pas être pire de toute façon. »
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    Les gens se foutent de ma gueule, de ma prestation, ça me troue le cul. Je suis là, à donner tout ce que j'ai dans le rôle de ma vie et ils sont plié en deux. L'impression d'être l'acteur malheureux d'un film qui manque de moyen, dirigé par un réalisateur à coté de la plaque et tiré d'une histoire vraie à la con comme on nous en sort souvent. J'ai beaucoup bu aujourd'hui, ce qui rend mes appuis incertains, et mon humeur sensible aux critiques. Je m'attendais pas à une ovation, un tonnerre d’applaudissement et que tous lèvent leurs gros derches des sièges, mais un fou rire général, là ils sont durs. J'ai accepté ce rôle pour l'argent, mais c'est mon honneur que je vais perdre au final. Je me demande comment ils font ce qui acceptent de tourner dans n'importe quoi tant qu'ils sont payés, sans se soucier des dégâts que ça peut causer à leur carrière. Je suis même pas célèbre que j'ai déjà envie de pleurer de la réaction du public.

    De pleurer, ou de tous les envoyer chier. Après tout, je suis un terrible pirate non ? L'un des plus craints des blues à son époque ? Alors pourquoi pas en profiter ? Pendant que les deux guignols font semblant de vouloir se trancher la rondelle, je me prépare à entrer dans la légende. Ce jour ne sera pas retenu comme la pire représentation que le monde ai connu, mais comme la plus désastreuse. Partout dans les journaux du monde entier on relatera l'incroyable interprétation du rôle du terrible Yukiji Alucard, par cet homme au charisme naturel et à la prestance sur scène égale aux grands de ce milieu. Ici, pas question d'effets spéciaux, pour que la pièce marque les esprits, qu'elle devienne mémorable, il fallait qu'on y croit. Qu'on ressente la peur qu'avait ressenti les pauvres malheureux habitants d'Orange lors de combat titanesque.

    Brûle jusqu'aux cendres, Orange ! MUAH-AH-AH-AH-AH-AH !

    Je me suis retourné vers les spectateurs, briquet encore en main, les bras levés au ciel, dévorant l'air d'un rire tonitruant et ô combien machiavélique. C'est là, à cet instant, sous les réactions stupéfaites des observateurs, que je comprends ce dont parle tous les artistes. S'imprégner du personnage, ne faire plus qu'un avec pour le rendre vivant. Oui, cette sensation, cette impression... Je peux le sentir à travers tous les fibres de mon corps, Alucard, il vit en moi. Il est moi. Je suis lui. Nous ne sommes plus qu'un. Derrière-moi, en coulisses, c'est en train de se demander si on ferait pas venir un tireur d’élite pour venir me coller une bastos entre les yeux pour arrêter le massacre. Les flammes se propagent vite, le faux Colonel Fenyang bien incapable de jouer les soldats du feu pour éteindre l'incendie, si certains gardent encore espoir que les choses ne pourraient pas aller plus mal, le clou du spectacle ne tarderait pas à mettre tout le monde d'accord.

    La Compagnie des Branquignols, car tel serait le nom que l'on retiendrait pour cette troupe, n'était pas du genre à abuser des effets spéciaux comme le ferait monsieur Michel Beill, qui s'il avait été un ninja du pays de Wano aurait eu pour nindo « toujours plus gros, toujours plus explosif ». Ici, on faisait dans le concret, si une balle venait à être tiré sur scène, vous n'aviez plus qu'à prier dans le public pour ne pas être victime du ricochet. Mais comment réagiriez-vous si on lâchait un taureau sur scène ? Ou mieux encore, si pour coller au plus près avec le réalisme de l'histoire de base, on était aller chercher un troupeau au complet ? Impossible ? Ne sous-estimez pas la capacité de conneries profondes dont peut faire preuve un ivrogne, surtout lorsqu'il agit en groupe. Car de pirates, le Sous-Lieutenant Hohem en avait engagé plusieurs. Des faux, naturellement, mais de vrais poivrots. Alors quand en lisant le script et leurs rôles, ils avaient lu ''Les pirates surgiront à dos de taureaux et fonceront sur le Colonel Fenyang.'', c'est tout naturellement qu'ils étaient parti en libérer des vrais, de taureaux...

    Cela ne pouvait pas être pire, hein ?

    Oh putain de bordel de merde.

    Je jette un œil au directeur artistique histoire de savoir ce que je suis censé foutre dans une merde pareille. 'Faut savoir que la voix qui dictait nos gestes est pas prête de se faire entendre de nouveau. Y'a un de ces gros bestiaux qui a chargé droit dans un cabanon, la voix qui s'est mise à grimper dans les aigus, puis le taureau est sorti de l'autre côté du cabanon, un type coincé entre les cornes et le museau. « Oh le Colonel, arrête un peu de balancer des Tatsumaki dans tous les sens et occupes-toi plutôt de ces trucs, tu veux pas ? » Fin je sais pas, je dis ça au hasard, mais il me semble que que de base c'est quand même une mouette, non ? Peut-être pas le héro sabreur qu'il prétend être pour les besoins du spectacle, mais il a un semblant de formation non ? Protéger et servir, ou une connerie du genre de ce que je me souviens de mes années chez eux. Moi, je mire le foutoir sans nom qui est en train de s'installer en bas.

    Y'a pas à chier quand même, les spectacles d'action interactifs, on fait pas mieux.

    Y'a une dizaine de taureaux en train de remuer les lieux, d'envoyer valdinguer les tables, les chaises, les bancs, la bouffe, l'alcool. « Ah les enfoirés, pas l'alcool ! » Tout le monde qui hurle, qui court dans tous les sens, ça se planque sous des tables avant de se faire renverser dans la foulée par un animal beuglant énervé. T'as quelques cons plus cons que la moyenne qui en sont encore à se demander si ça fait partie du show, qui applaudissent la mise en scène époustouflante et incroyable de réalisme. Les soldats, les vrais cette fois, ont pris le relais et tentent de contrôler les dommages tandis que le groupe de faux pirates, les vrais buveurs clochards eux, festoient au milieu du bordel. Je pourrais aller les aider si j'avais encore une âme patriotique, si seulement. Le problème quand je bois trop c'est que ça me rend égoïste, en plus qu'ils se sont tous foutu de ma prestation les enflures. Je suis bien là, le cul posé sur les planches, les jambes pliés en tailleur, à profiter en avant-première du grand final.

    Je vous le dis, ce truc va devenir légendaire.
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    Légendaire. Franchement, ces gars-là sont légendaires. Si le bordel ambiant ne nécessitait pas que j’y mette mon grain de sel, en tant qu’agent du gouvernement et garant de la sécurité des habitants, j’aurais pris une chaise longue, foutu mes doigts de pied en éventail, choppé un cocktail bien rafraîchissant, et contemplé le spectacle. Mais bon, les collègues s’efforcent d’établir un retour au calme, autant que je les aide.

    Alors, je prend le taureau par les cornes. Celui qui passe à ma portée bien sûr. Et j’le renverse sur le côté, profitant de la puissance de la charge pour le faire basculer. D’un geste, j’attrape par le col le type qui enfourchait l’animal. Il est tellement bourré qu’il a même pas la force de protester. Pas des gars bien dangereux de prime abord, mais la bêtise peut engendrer des catastrophes. Je le ramène à un soldat Marine qui vient de s’extirper du bordel ambiant ; il a l’air d’avoir assez peur du feu, et les bovins le font frémir, un bon élément de la Marine régulière, qui terminera très certainement sa carrière haut gradé derrière un bureau.

    « Tiens mon gars, tu t’occupes de celui-là, j’imagine que le Colonel voudra les garder au chaud un instant. Je sais bien que t’aimerais être au cœur de l’action, mais là, il est urgent que certains d’entre nous s’occupent de certaines choses. On te remerciera plus tard. »

    Le gars n’a rien compris de ce qui vient de lui arriver. Il attrape le titubant prisonnier que je lui ai confié avec un air ahuri sur le visage. Je sais pas s’il a compris que j’viens de lui trouver une excuse toute faite pour pas qu’il ait à risquer sa peau au milieu du tumulte. Enfin, c’est pas mon affaire. Moi je m’y replonge dans le tumulte. Nos soldats ont encadré la place, ils contiennent l’émeute, évitent que cela parte en affrontements hasardeux de tous côtés. Et en même temps, ça s’occupe des taureaux. Faut à tout prix que ces bestioles soient rapidement maîtrisées.

    Mais j’crois que les collègues ont pas besoin de moi.

    Nan, moi ma cible est toute trouvée. J’ai pas eu à chercher longtemps. Y a un guignol sur la scène en train de joujouter avec un briquet, et j’ai justement besoin de me griller une tige. Petit jeu d’épaules, on s’fraie un passage, on évite les gens, ça hurle encore. Plus j’approche, et moins y a de gens. Restent que les derniers arrivants, venus avec leurs aquadials pour tenter de contenir le feu, et de l’éteindre petit à petit. Ça a l’air de marcher pas trop mal.

    « EH, TOI, VIENS PAR LÀ ! Que j’hurle à l’autre cinglé au milieu. »

    Il se retourne dans ma direction. Le gars est assis en tailleur au milieu du désordre. Soit c’est un sacré abruti, soit c’est un sacré fouteur de merde. Et en même temps, à le voir observer son œuvre, je repense à mon plaisir initial de voir tout partir en couilles. Et je comprends ce qu’il se dit.

    Il me regarde.

    Je le regarde.

    Y a comme quelque-chose qui passe à travers ce regard. La sensation d’être deux spectateurs d’une histoire qui n’est pas la notre. Je m’approche tranquillement. Il me regarde approcher. Je m’assied à côté de lui, j’lui propose une clope qu’il accepte sans broncher. Pas même besoin de lui demander le briquet, il me le file sans mot dire. Paisiblement, on attend que tout s’arrête autour de nous.

    Quand les gens se sont totalement dispersés, que les flammes sont éteintes et qu’il ne reste plus que quelques soldats en train de nettoyer un peu la place, j’me dis qu’il serait peut-être temps d’aller faire un rapport au Colonel, lui inventer une cavalcade à travers la ville pour retrouver un des brigands ayant causé ce bordel. Brigand qui m’a malheureusement échappé. Mon bobard est pas crédible si on m’a vu glander au milieu du brasier. Mais j’crois pas que les gens étaient occupés à ça. Je me relève et je me retourne vers le type au briquet.

    « Bon, on s’casse ? »
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