Une pause, j'en avais foutrement bien besoin. M'éloigner de cette ville vicieuse et viciée, prendre un peu de recul sur ma situation actuelle. Cinq années passées au sein de la famille Bambana, à servir les intérêts du Padre et de ses collaborateurs. Pour un ancien soldat formé à défendre la veuve et l'orphelin, beaucoup pourraient dire que je suis tombé bien bas. Que j'ai perdu l'esprit après ma désertion, et que j'ai vendu mon âme au diable, et ils n'auraient pas tort. Car c'est un peu la sensation que j’éprouve en me regardant dans un miroir et en songeant à tout ce que j'ai accompli depuis. Autrefois, bien avant de m'engager dans la Marine, on me reprochait d'être trop gentil, trop discret, trop effacé. Enfermé dans ma bulle, ma carapace contre la dureté d'un monde qui ne semblait pas vouloir de moi, je subissais en baissant la tête, espérant la fin de ce cauchemar. Je me suis finalement réveillé, révolté, et pourtant les dégâts psychiques restent similaires. Si je ne suis plus la victime, je suis devenu l'agresseur et mes victimes ne méritent pas toutes leur sort.
Est-ce que je m'en sors mieux au final ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Pendant un moment, souvent en fait, j’essaie de me convaincre qu'il vaut mieux être le bourreau. Appliquer la loi du plus fort ou du plus cruel, et préserver sa propre vie au détriment de celles des autres, qui eux ne vous feront de toute façon pas de cadeau. Chacun étant pourri de l'intérieur à sa manière, cette part sombre que tous abritent n'attend que le moment propice pour resurgir et vous faire mal. Finalement, ce n'est que de la survie, encore et toujours. Si j'ai accepté de servir le boss, c'était également pour m'épargner une mort brutale à l'époque. Et si je ne lui ai pas encore tourné le dos, c'est uniquement pour cette raison. Trahir un homme de son envergure est trop dangereux en l'état, il ne ferait qu'une bouchée d'un type comme moi. La protection qu'il offre de par son influence et l'argent qu'il donne sont autant de raisons pour motiver à rester. Et pour les perturbés qui ont du mal, se défoncer à l'opium est une bonne alternative pour ne pas trop y penser.
Orange, je n'aurai pas pu espérer mieux pour me retirer sans craindre d'être dérangé. J'ai profité d'un travail qui m'a été confié pour allonger de quelques jours mon absence de Manshon. Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi ce morceau de terre en particulier, ni si il conviendra réellement, mais il en a tout l'air. Je déambule dans les rues de la ville, paisible, habitée mais pas surchargée comme l'est Manshon, où toutes les minutes une personne maladroite vous bouscule sans même s'excuser. Les habitants sont tous très respectueux, vous saluant tandis que vous passez devant eux, ou leur commerce. Il fait beau, un grand soleil illuminant la vue sans que ses rayons ne soient trop dérangeants. Personnellement, j'ai en horreur de transpirer, c'est sale et l'odeur me donne envie de gerber. Pour palier à ça, je m'asperge de parfum, de sacrées doses, autant que je l'estime nécessaire. Pour autant je peux rien faire quand il s'agit de l'odeur corporel des autres... L'envie de les tabasser à mort me titille à chaque fois, mais trop radicale comme solution.
Bonjour...
Bien le bonjour jeune homme !
Un rhum ambré s'il vous plaît, mettez-en une double dose tiens.
Je vous fais ça tout de suite !
Le remontant arrive, ça va me faire du bien en attendant de pouvoir fumer, j'ai pas envie de vriller ici et de causer des problèmes. Je suis pas censé être là, pour info. Alors ouais, c'est pas très passionnant comme histoire, un blasé de la vie qui picole, mais ça a le mérite d'être vrai. Je m'enfile mon verre, le regard perdu à l'intérieur, calcule pas ce qu'il se passe autour de moi, plongé dans mes pensées que je suis. J'ai horreur de faire ça, et ça m'arrive tout le temps, je réfléchis trop. Beaucoup trop. Alors je bois et je fume pour inonder et étouffer mes peurs, mes craintes, mes appréhensions et mes regrets...
Je reprends encore un verre, il pourra pas me faire de mal.
Et puis, je suis venu ici pour me détendre.
Une main aussi large que mon genou et robuste que le bois se pose sur mon épaule, me tire de ma torpeur.
Dis l'ami, je veux pas te foutre à la porte mais c'est l'heure d'y aller, je ferme pour aujourd'hui...
J'lui lance un regard paumé, mes neurones connectent pas, il ferme déjà ? Je viens d'arriver. Il capte ma question sans que j'ai à ouvrir la bouche, me fait signe de la tête de mirer sur ma droite à la fenêtre. La nuit est tombée... Si vite ? J'suis sur l'cul, commence à vouloir me lever, ma main droite balaie maladroitement la table et renverse plusieurs verres vides...
Plusieurs ?! Je pensais en avoir bu que deux... Figé, les yeux fatigués bloquent sur la table, y'en a au moins une dizaine là...
Forcé de foutre le camp, je remercie à peine le barman et me tire avant de chercher à comprendre si j'ai juste picolé comme un soiffard ou si on a glissé un petit quelque chose dans mon verre qui m'a foutu dans le coaltar. L'air frais me fera du bien. Y'a l'air d'avoir de l'agitation en ville, la foule s'est amassée en un même point. Et ça ne fini pas d'arriver, ça ne doit pas avoir encore débuté. Curieux comme je le suis, forcément que je cherche à me rapprocher, aller voir ce qu'il se passe. Sur le chemin, je croise un trio de soldats en patrouille que je peux pas m'empêcher d'observer. C'est pas de la provocation, loin de là, même si je cache pas ma haine pour la Marine et le gouvernement, simplement un réflexe, un besoin. Les fixer, les analyser, m'imaginer à leur place, me souvenir plus exactement. Et rire intérieurement, content d'avoir échappé à ces chaînes qu'il ont tenté de me mettre, de cette autonomie qu'ils ont voulu m'enlever, de cette personnalité qu'ils ont essayé d'effacer. Bon courage à vous les gars.
Et allez tous vous faire foutre.
Dites, il se passe quoi ici ?
J'ai atteint le rideau humains que l’événement semblait avoir créé, mais la foule m'empêche de voir correctement de quoi il s'agit vraiment. Qui aurait cru qu'une petite ville attirerait autant de monde en un seul lieu ? Je suis à deux doigts de répéter ma phrase, sur un ton plus agacé cette fois, lorsqu'une femme me répond enfin.
C'est le jour de la célébration !
La quoi ?
Cette grognasse me calcule plus, je crois l'avoir vu grimacer quand j'ai ouvert la bouche, avant qu'elle mette de la distance entre nous. Quoi, je pue à ce point de la gueule ?
Est-ce que je m'en sors mieux au final ? Je ne sais pas, je ne sais plus. Pendant un moment, souvent en fait, j’essaie de me convaincre qu'il vaut mieux être le bourreau. Appliquer la loi du plus fort ou du plus cruel, et préserver sa propre vie au détriment de celles des autres, qui eux ne vous feront de toute façon pas de cadeau. Chacun étant pourri de l'intérieur à sa manière, cette part sombre que tous abritent n'attend que le moment propice pour resurgir et vous faire mal. Finalement, ce n'est que de la survie, encore et toujours. Si j'ai accepté de servir le boss, c'était également pour m'épargner une mort brutale à l'époque. Et si je ne lui ai pas encore tourné le dos, c'est uniquement pour cette raison. Trahir un homme de son envergure est trop dangereux en l'état, il ne ferait qu'une bouchée d'un type comme moi. La protection qu'il offre de par son influence et l'argent qu'il donne sont autant de raisons pour motiver à rester. Et pour les perturbés qui ont du mal, se défoncer à l'opium est une bonne alternative pour ne pas trop y penser.
Orange, je n'aurai pas pu espérer mieux pour me retirer sans craindre d'être dérangé. J'ai profité d'un travail qui m'a été confié pour allonger de quelques jours mon absence de Manshon. Je ne sais pas pourquoi j'ai choisi ce morceau de terre en particulier, ni si il conviendra réellement, mais il en a tout l'air. Je déambule dans les rues de la ville, paisible, habitée mais pas surchargée comme l'est Manshon, où toutes les minutes une personne maladroite vous bouscule sans même s'excuser. Les habitants sont tous très respectueux, vous saluant tandis que vous passez devant eux, ou leur commerce. Il fait beau, un grand soleil illuminant la vue sans que ses rayons ne soient trop dérangeants. Personnellement, j'ai en horreur de transpirer, c'est sale et l'odeur me donne envie de gerber. Pour palier à ça, je m'asperge de parfum, de sacrées doses, autant que je l'estime nécessaire. Pour autant je peux rien faire quand il s'agit de l'odeur corporel des autres... L'envie de les tabasser à mort me titille à chaque fois, mais trop radicale comme solution.
Bonjour...
Bien le bonjour jeune homme !
Un rhum ambré s'il vous plaît, mettez-en une double dose tiens.
Je vous fais ça tout de suite !
Le remontant arrive, ça va me faire du bien en attendant de pouvoir fumer, j'ai pas envie de vriller ici et de causer des problèmes. Je suis pas censé être là, pour info. Alors ouais, c'est pas très passionnant comme histoire, un blasé de la vie qui picole, mais ça a le mérite d'être vrai. Je m'enfile mon verre, le regard perdu à l'intérieur, calcule pas ce qu'il se passe autour de moi, plongé dans mes pensées que je suis. J'ai horreur de faire ça, et ça m'arrive tout le temps, je réfléchis trop. Beaucoup trop. Alors je bois et je fume pour inonder et étouffer mes peurs, mes craintes, mes appréhensions et mes regrets...
Je reprends encore un verre, il pourra pas me faire de mal.
Et puis, je suis venu ici pour me détendre.
Une main aussi large que mon genou et robuste que le bois se pose sur mon épaule, me tire de ma torpeur.
Dis l'ami, je veux pas te foutre à la porte mais c'est l'heure d'y aller, je ferme pour aujourd'hui...
J'lui lance un regard paumé, mes neurones connectent pas, il ferme déjà ? Je viens d'arriver. Il capte ma question sans que j'ai à ouvrir la bouche, me fait signe de la tête de mirer sur ma droite à la fenêtre. La nuit est tombée... Si vite ? J'suis sur l'cul, commence à vouloir me lever, ma main droite balaie maladroitement la table et renverse plusieurs verres vides...
Plusieurs ?! Je pensais en avoir bu que deux... Figé, les yeux fatigués bloquent sur la table, y'en a au moins une dizaine là...
Forcé de foutre le camp, je remercie à peine le barman et me tire avant de chercher à comprendre si j'ai juste picolé comme un soiffard ou si on a glissé un petit quelque chose dans mon verre qui m'a foutu dans le coaltar. L'air frais me fera du bien. Y'a l'air d'avoir de l'agitation en ville, la foule s'est amassée en un même point. Et ça ne fini pas d'arriver, ça ne doit pas avoir encore débuté. Curieux comme je le suis, forcément que je cherche à me rapprocher, aller voir ce qu'il se passe. Sur le chemin, je croise un trio de soldats en patrouille que je peux pas m'empêcher d'observer. C'est pas de la provocation, loin de là, même si je cache pas ma haine pour la Marine et le gouvernement, simplement un réflexe, un besoin. Les fixer, les analyser, m'imaginer à leur place, me souvenir plus exactement. Et rire intérieurement, content d'avoir échappé à ces chaînes qu'il ont tenté de me mettre, de cette autonomie qu'ils ont voulu m'enlever, de cette personnalité qu'ils ont essayé d'effacer. Bon courage à vous les gars.
Et allez tous vous faire foutre.
Dites, il se passe quoi ici ?
J'ai atteint le rideau humains que l’événement semblait avoir créé, mais la foule m'empêche de voir correctement de quoi il s'agit vraiment. Qui aurait cru qu'une petite ville attirerait autant de monde en un seul lieu ? Je suis à deux doigts de répéter ma phrase, sur un ton plus agacé cette fois, lorsqu'une femme me répond enfin.
C'est le jour de la célébration !
La quoi ?
Cette grognasse me calcule plus, je crois l'avoir vu grimacer quand j'ai ouvert la bouche, avant qu'elle mette de la distance entre nous. Quoi, je pue à ce point de la gueule ?
Dernière édition par Peeter G. Dicross le Ven 28 Juin 2019 - 3:52, édité 1 fois