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Fanatisme ardent

Fanatisme ardent Dce2b210
Koneashima, East Blue, 1628

Certains la connaissent pour sa célèbre université, d’autres pour son activité volcanique et ses mystères archéologiques, d’autres encore pour son exploitation de la fameuse « Grixendre » qui a fait son surnom : le pays des artificiers. Koneashima est un archipel prodigieux, notamment en raison du Jifu-san sur l’île principale qui se dresse jusqu’aux cieux et dont le sommet est masqué par les nuages. Érigé au rang de monument, véritable richesse naturelle, ce mont culminant à trois mille mètres d’altitude est aujourd’hui exploité par les Hommes, souvent pour le meilleur, parfois pour le pire.

Près de la zone portuaire, une embarcation fend les eaux calmes. A son bord, Ned et Jayce, tous deux stupéfaits devant ce spectacle grandiose. La coque de noix progresse en direction du port chargé de vie et d’animation. D’innombrables bateaux mouillent aux quais qui s’étendent à perte de vue. Des bâtiments de la marine et des navires de commerce vont et viennent, causant remous et agitation. D’autres bateaux participent à ce brouhaha ambiant, portant un même blason sur leurs voiles où figure le nom réputé de « Yusuké », la Maison responsable du port. Tout le monde est attelé à une tâche : ouvriers chargent et déchargent cargaisons sur cargaisons, marines et miliciens veillent à la sécurité, touristes s’émerveillent devant la beauté du paysage, bercés par l’ambiance d’activité et de productivité humaine. A Koneashima, il semble faire bon vivre, pense Ned, occupé à donner les derniers coups de rames en direction des quais. Après avoir attaché l’embarcation à un pilotis, les deux amis s’immiscent dans la foule tourbillonnante.

- Halte, messieurs ! interpelle quelqu’un dans le dos du duo.

Les deux pirates font volte-face et découvrent un homme à la carrure imposante et à la hauteur rivalisant avec les deux mètres cinquante de Jayce. La trentaine, les yeux cernés par le manque sommeil, il arbore le blason de la Maison Yusuké, brodé sur ce qui semble être un uniforme. Hallebarde en main en guise d’avertissement, le milicien se racle la gorge avant de reprendre la parole.

- Quel est l’objet de votre venue à Koneashima ?
- Nous sommes deux archéologues, nous venons participer à une expédition au mont Jifu-san organisée par le Consortium Bear Voyages, répond Ned.
- Hm…Vous me paraissez être bien lourdement armés pour de simples archéologues.
- Eh bien, c’est-à dire que nous sommes des archéologues indépendants. Nous voyageons depuis pas mal d’années sur les mers et nous avons une fois été attaqués par des pirates. Depuis ce jour, nous avons décidé d’apprendre à nous défendre, je pense que vous comprendrez.
- Vous n’avez pas tort, c’est malheureux, les mers ne sont plus aussi calmes qu’avant… Dans ce cas, je vous souhaite un agréable séjour en nos terres, bienvenue à Koneashima messieurs.

Ned et Jayce le remercient d’un geste de la main et s’engouffrent dans l’activité portuaire. L’avantage d’être des pirates sans grande notoriété c’est qu’ils peuvent aisément passer entre les mailles du filet. Néanmoins, Ned n’a pas menti au milicien, les deux compères ne sont pas ici en tant que pirates, mais bien en tant qu’explorateurs. Quelques semaines plus tôt, une mouette messagère leur avait remis le journal quotidien alors qu’ils voguaient sur East Blue, et ils avaient découverts dans celui-ci une annonce du Consortium Bear Voyages, la compagnie ayant la main mise sur le tourisme à Koneashima. Un groupe d’explorateurs du CBV était à la recherche d’archéologues suffisamment expérimentés pour participer à une expédition dans les plus hauts sommets du mont Jifu-san. Ils mentionnaient une certaine excavation naturelle qui, a priori, regorgerait de minéraux rares. Avides de découvertes, les deux pirates n’eurent même pas à se concerter qu’ils avaient déjà pris la route vers Koneashima sans perdre une seconde.

Progressant dans le port depuis un certain temps, les deux amis constatent que la matinée à laissé place à une journée ensoleillée. A mesure qu’ils avancent dans les terres de Koneashima, le mont Jifu-san se rapproche et n’est désormais qu’un extraordinaire pilier naturel que le duo admire depuis sa base, ébahi, la tête relevée. Et tandis qu’ils sont abasourdis devant ce spectacle, ils ne se rendent pas même compte qu’ils viennent de quitter le port et de pénétrer dans la ville principale. Abaissant leur regard, ils découvrent d’immenses bâtiments et fortifications à l’architecture orientale. Une végétation luxuriante décore le paysage, lui donnant un cachet à la fois coloré et naturel. La ville semble aussi animée que le port. On y croise toutes sortes de gens, des marchands ambulants, des familles, des personnes âgées, des marines… L’œil toujours habile, Ned remarque que beaucoup de bâtiments arborent différents blasons, sans doute symbolisant les grandes maisons nobles de l’île.

Avec une ville aussi belle et animée, les deux hommes ne voient pas le temps passer pendant leur marche. Suivant conformément les informations de l’annonce, ils se rendent sur une place publique se trouvant au pied de Jifu-san. Sirotant une spécialité locale, un thé noir qu’ils viennent tout juste de payer à un marchand, Ned et Jayce progressent avec nonchalance, traversant les quartiers pavés. Au détour d’une rue, ils atteignent la fameuse place publique, encore plus vivante que les autres coins de la ville. Une foule à perte de vue s’adonne à un carnaval. Des personnes vêtues de costumes extravagants, des cracheurs de feu, des danseurs et des musiciens. Un attroupement loufoque et jovial qui fait vivre l’endroit. Amusés par cette fête haute en couleur, les pirates dégustent leur thé brûlant - qui n’a d’ailleurs pas très bon goût - le sourire pendu aux lèvres comme deux gamins. Près de l’entrée de la place, un peu à l’écart de la foule, un petit groupe de personnes ne semble pas prendre part au carnaval. Ils se trouvent devant un stand surplombé d’un panneau portant le logo du Consortium Bear Voyages. Ned interpelle son ami d’une tape sur l’épaule, pointe du doigt le petit rassemblement et lui indique qu’il doit sans nul doute s’agir de l’équipe d’expédition. Leur objectif atteint, le duo s’avance vers le stand, ô combien excité à l’idée de se lancer dans une nouvelle aventure.

- Mezieurs, mezieurs ! Bienvenue, approzez ! Vous z’êtes des archéo…euh…
- Oui, nous sommes bien des archéologues, ne vous fiez pas à nos armes, répond Ned.
- Alors z’est génial ! Vous venez pour l’annonze, n’est-ze pas ? s’exclama l’homme avec un zozotement à couper au couteau.
- Tout à fait.
- Parfait ! Tout d’abord, ze tiens à me présenter. Ze m’appelle Heska Bô, archéologue attitré du Conzortium Bears Voyazes, z’ai pour mission de vous guider vous et zette petite équipe ici présente zusqu’au zommet du mont Zifu-san.

Jayce, aussi droit soit-il, n’arrive pas à contenir ses rires et laisse s’échapper un gloussement étouffé indéchiffrable.

- Skrrrrrrr…
- Eh bien mon zer monsieur, vous ne vous zentez pas bien ? Z’ai un verre d’eau fraîze pour vous, zi vous voulez. Ze comprends que vous zoyez un peu ztrezé à l’idée de faire zette azenzion.
- Hahaha, ne faites pas attention à lui, il est un peu barbouillé mais ça va passer. Alors dites-moi, cette ascension…
- Oui, excusez-moi ! Alors, z’est très zimple.

Heska replace ses petites lunettes rondes du bout de l’index, puis reprend la parole.

- L’obzectif est d’atteindre le zommet du mont Zifu-san, pour zela, nous allons zev…zevauz…che-vau-cher les lamas zéants qui nous zerviront à grimper zusqu’à environ deux mille mètres d’altitude. Zette première partie zera plutôt zimple et rapide parze que le zemin est pavé et les zones zont habitées. Les derniers villazes ze trouvent à deux milles mètres, nous y déposeront nos montures pour entamer la deuxième partie de l’azenzion, qui zera la plus dangereuze. D’ailleurs, ze vous demanderait de bien vouloir me zigner ces papiers qui indiquent qui vous conzenter à participer à zette expédition et que le CBV n’est en aucun cas rezponzable zi zamais vous êtes blessé ou que vous mourrez.

Ned et Jayce s’exécutent et gribouillent leur signature sans même regarder le document.

- Au-delà de deux milles mètres, les terrains zont rudes et il faudra bien zouvent ezcalader pour pouvoir grimper. Vous l’avez vu zur l’annonce, notre obzectif est d’atteindre une excavation naturelle au zommet où nous trouverons zans doute zertains minéraux de haute valeur.
- Vous êtes sûr qu’il n’y a pas de risque pour que le volcan entre en éruption lorsque nous serons au sommet ? interroge un des membres du groupe, un tantinet inquiet.
- Alors, ze ne contrôle pas le volcan mon bon monzieur, mais zazer que la dernière éruption remonte à plusieurs années et que les vulcanologues ne prévoient pas de nouvelle éruption avant au moins une dizaine d’années ! Le risque est inzignifiant, ne vous z’en faites pas. Bon sur ze, ze me charge de boucler les derniers préparatifs et nous pourrons partir, l’horaire vient d’être dépazée, nous n’attendons plus perzonne.

Ned frétille à l’idée de commencer cette expédition. Il se tourne alors vers les autres membres de l’équipe pour découvrir ceux qui vont les accompagner, lui et Jayce, dans cette aventure. Le pirate compte une quinzaine de personnes et au regard du matériel que ses équipiers emportent, ils semblent tous être des explorateurs et des archéologues qualifiés. Cependant, cinq types ont l’air un peu paumés et n’ont aucun équipement sur eux. Crânes rasés, une mine renfermée et des vêtements de moines, il est difficile de croire que ces énergumènes soient des aventuriers chevronnés. L’un deux, à la peau cendrée, semble d’ailleurs bien étrange. L’équipe est composée exclusivement d’hommes, à l’exception d’une personne. Une jeune femme aux cheveux blancs et au regard assez sévère.
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Comme vous devez bien le savoir, tout ce qui touche à l'archéologie je serais toujours là la première. Enfin la première, pas vraiment pour le coup, malgré le fait que je me promène maintenant sur les mers avec mon nouveau bateau, je dois bien dire que les intempéries restent un problème. Et un climat-tact ne peut malheureusement rien régler, du moins pas à mon niveau. C'est donc avec un léger retard que je me pointe sur Koneashima. Cette île semble receler de nombreux mystères et le fait qu'il y ait eu une éruption volcanique il y a quelques années a attiré de nombreux archéologues qui ont voulu enquêter sur cette éruption et potentiellement en détecter une nouvelle. C'est la raison pour laquelle je suis ici aujourd'hui, depuis ce jour, des expéditions sont organisées au sommet du volcan de l'île.

Comme une vraie archéologue, j'ai donc décidé de m'inscrire. Je jette l'ancre sur le grand port de la ville principale avant d'enfiler ma cape et mon sac à dos, je vérifie que mon couteau et mes climat-tact sont bien à leur emplacement tout en levant la tête pour observer le magnifique paysage qui s'offre à moi. Plusieurs bruits me font afficher un léger sourire, il y a des marchands de poissons, de tapis, de babioles en tout genres. C'est magnifique et en même temps je préfère rester sur mes gardes, mes agissements aux côtés des Intrépides Libres se sont fait savoir, je ne suis pas activement recherchée comme certains mais bon, mieux vaut prévenir que guérir comme on dit.


« Bonjour. Je suis archéologue, je souhaiterais rejoindre le groupe. Merci. »

Le garde à l'entrée de la ville s'interpose et demande à voir l'inscription, je lève les yeux avant de tendre un papier qui semble lui convenir, il va pour me le rendre, mais je préfère lui laisser, sans savoir que ce papier pourrait me nuire. Il porte mon nom ... je ne sais pas de quelle manière il pourrait être utilisée. Je ne calcule pas mon erreur pour l'instant et je me contente d'avancer jusqu'au groupe qui s'est formé sur la place centrale, tiens, il y a plusieurs archéologues et des personnes qui n'en ont pas l'air, mais bon je vais devoir les garder à l'oeil. Un duo vient de nous rejoindre et voilà que nous sommes au complet. Je croise les bras sous ma poitrine en prenant une longue inspiration, ce que nous expliques le guide zozotant ... tout ça c'est écrit sur la brochure, donc abrège et on monte vite là-haut. Je n'aime pas être au centre d'un tas de personnes inconnues avec potentiellement la Marine qui nous épie.

« C'est comprit. Arrêtons de poser des questions aussi simplettes. Peut-on y aller ? »

« Bien zur ma bonne dame, vous êtes prêts pour y aller ? Allez zy zuivez moi. »

Les derniers préparatifs bouclés, nous commençons à suivre le guide. Nous sommes d'ailleurs ma foi bien organisés et professionnels, pas un mot plus haut que l'autre. D'ailleurs en regardant tout autour de moi je détecte être la seule femme, ce qui attire l'oeil d'un homme que je regarde de haut en bas avant de hausser les sourcils, là il devrait comprendre qu'il n'a aucune chance. Je préfère me rapprocher de deux autres hommes, qui semblent être alliés.

« Vous avez pas une tête d'archéologues. Comme les mecs là-bas. »

Dis-je en pointant discrètement du doigts les mecs en tenues de moine. Nous continuons de monter et ma cape dévoile légèrement mon climat-tact, l'un des moines me pointe à son tour du doigt, sans forcément être discret. Les hommes à mes côtés l'ont-ils remarqués eux aussi ? Ils cachent quelque chose ou alors ils sont juste bizarres de nature.
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Ned et Jayce, interpellés, se retournent en direction de la jeune femme aux cheveux blancs. Préférant rester un peu en retrait du groupe en raison de leur statut, l’interpellation de cette fille sonne comme un avertissement pour eux. Perchés sur leurs lamas respectifs, les deux compagnons l’observent avec méfiance. Jayce est non seulement méfiant, mais il est aussi étonné de la réaction de cette inconnue. Rares sont les personnes qui daignent faire le premier pas à l’égard de la race des hommes-poissons.

- Ne vous fiez pas à nos armes et à nos accoutrements, très chère. Nous sommes bien des archéologues, répond le colosse par courtoisie, dans sa grandiloquence qui le caractérise si bien.

Le fait que cette jeune fille mentionne les sortes de moines intrigue une nouvelle fois Ned qui tourne la tête en leur direction. Les deux pirates ont beau ne pas ressembler à des archéologues, ces hommes-là semblent encore moins l’être. Ils ferment la marche bien à l’écart du groupe de tête et, au regard des visages fermés qu’ils affichent, ils n’ont pas l’air d’être enclins à la discussion. Qui peuvent-ils bien être ? Ned a fréquenté archéologues, aventuriers et explorateurs toute sa vie, il sait aisément les reconnaître mais aussi démasquer ceux qui ne le sont pas. Sa méfiance est désormais proche d’atteindre son paroxysme. Cette expédition ne présage rien de bon.

L’ascension a déjà débuté. Le groupe, formant désormais une file indienne, emprunte d’étroits sentiers rocailleux qui mènent la vie dure aux lamas. Le terrain est rude et les pentes sont proches de la verticalité, les aventuriers peinent à rester stables à cause de leurs montures qui se balancent de droite à gauche et des paquetages qui pèsent sur leur dos et qui ruinent leurs épaules. Là où la plupart se seraient écroulés à mi-parcours, l’expérience les fait tenir malgré les muscles qui crampent et le souffle qui se fait de plus en plus court. A la tête du groupe, Heska mène la danse. En dépit de sa petitesse physique, l’ascension est pour lui un jeu d’enfant. Les routes lui sont familières et sa fidèle monture est bien plus vigoureuse que les autres.

Après avoir crapahuté à dos de lamas à travers des chemins sinueux durant plusieurs heures, le groupe s’arrête dans ce qui semble être le dernier village des hauteurs de Jifu-san. Cet arrêt marque la fin de la première étape de l’ascension, celle qui, selon les dires d’Heska, était la plus simple. Les lamas sont récupérés et pris en charge par un éleveur qui a la gentillesse d’offrir des repas aux aventuriers affamés. Eprouvé, le dos en compote, Ned en profite pour se restaurer tout en s’interrogeant sur la suite du parcours. Adossé contre un rocher avec Jayce à ses côtés, il sirote un thé brûlant, les deux mains serrées contre sa tasse pour se réchauffer. A cette altitude, le froid commence à se faire sentir et les flocons de neige montrent lentement le bout de leur nez. Nul doute que des températures glaciales attendent les explorateurs dans les plus hautes strates de Jifu-san.

Pendant ce temps de repos, Ned observe les moines, toujours à l’écart du groupe. Ils ont l’air toujours un peu perdus et durant toute la traversée, le sabreur a bien constaté qu’ils ne sont clairement pas expérimentés. Vêtus d’amples tissus, le froid attaque leurs muscles et ils semblent geler sur place. Leur expérience de la haute altitude est elle aussi, quasi inexistante.

- Alors, mezieurs, pas trop dur zette première montée ? lance Heska en posant une main amicale sur l’épaule du jeune homme.

Ned relève la tête et jette un coup d’œil à la main indésirable. Heska, la retire aussitôt et s’assied à ses côtés en replaçant instinctivement ses lunettes.

- D’où venez-vous ?
- De West Blue.
- Oh ! West Blue et zes merveilleuses contrées ! Kage Berg ! Kanokuni ! Hinu Town ! Zela fait tellement d’années que je n’y zuis pas retourné…

Ned grince des dents en entendant « Hinu Town ».

- Vous avez raison, c’est une région magnifique, répond Ned en portant sa tasse à sa bouche.

Le pirate et le guide se mettent à discuter de tout et de rien. Jayce, durant ce laps de temps, observe la jeune fille aux cheveux blancs, elle aussi adossée contre un rocher un peu plus loin. Il décide de se lever et de la rejoindre. Lui tendant un morceau de viande bien trop gros, il prend place à ses côtés en souriant, dévoilant ses dents effilées comme des lames de rasoir.

- Excusez-moi, m’accorderiez-vous un moment ? J’ai omis les présentations tout à l’heure, je dois vous avouer que j’étais un peu surpris de votre réaction à notre égard. Je n’ai pas l’habitude que l’on me considère, vous comprendrez ma méfiance. Je m’appelle Jayce, mon ami là-bas se prénomme Edward, mais appelez-le Ned. Et vous êtes ?
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La montée continue un bon moment avant que nous quittions nos montures, et là le froid s'empare littéralement de nous. Je m'emmitoufle du mieux possible dans ma longue cape en buvant une boisson chaude proposée par notre guide qui semble vouloir faire ami-ami avec les deux hommes, dont l'homme poisson que j'ai interpellé tout à l'heure. Ils n'avaient pas l'air bizarres, c'est ce que je m'étais dit durant tout le trajet, à contrario des moines intrigants qui font partis de notre groupe, ceux-là j'ai du mal à les cerner.

Tandis que je buvais tranquillement, l'homme poisson s'approche de moi pour discuter un peu. J'affiche un léger sourire, ce qu'il me dit me ferait presque de la peine, si je le connaissais un peu plus j'aurais ressenti de la tristesse. Mais je ne pu que le regarder avec un air d'empathie pour ne pas paraître froide. Tout en m'exprimant d'une voix claire mais basse, je n'ai pas envie que tout le monde entende mon prénom, ma tête est mise à prix, pas assez pour me rendre reconnue sur toutes les Blues, mais tout de même, il en suffirait d'un bien renseigné.


« Enchantée. Je m'appelle Lise. Ne vous inquiétez pas je ne juge pas à l'apparence et je ne vous veut aucun mal, tant que vous ne me cherchez pas. »

Dis-je en riant légèrement, tout en ponctuant cela d'un léger clin d'oeil. C'est donc dix minutes que nous passons avec ce Jayce, à discuter de tout et de rien, uniquement en rapport avec l'archéologie et les potentielles trouvailles que nous pourrions faire dans cet endroit. Tout en plaisantant sur le fait que le volcan pourrait entrer en éruption lorsque nous y serons. Bien qu'avec le froid ambiant, cela n'était pas à prévoir. Notre chef de groupe rassemble tout le monde et nous explique avec toujours le même zozotement qui me force à me mordre l'intérieur de la joue pour ne pas rire, que nous allons devoir nous montrer endurants. L'étape la plus dure s'offre à présent à nous, en face, une montagne de neige, le froid mordant vous agrippe la moindre parcelle dénudée de votre corps. Sans même les contrôler, mes dents se mettent à claquer toute seule. Une idée me traverse soudain l'esprit, je me met un peu en retrait, non loin de Jayce et Ned.

« Là ça devrait être bien. »

Et je sors mon climat-tact que je fais tournoyer pour libérer quelques bulles chaudes, concentrées sous ma cape elles me permettent de garder une chaleur constante et ainsi au moins ne plus claquer des dents. Jayce apercevant une petite lueur sous ma cape s'approche respectueusement de moi et penche la tête. Je me doute qu'il ne vient pas demander ce que je pense du temps, je lui montre alors mon arme climatique qui me permets de ne pas trop ressentir le froid.

« Ingénieux, je ne connaissais pas. »

« C'est un Climat-tact, une arme climatique qui me permet de contrôler le temps et certains éléments. »

« Eh bien, vaux mieux être votre allié que votre ennemi je suppose. »

« En effet, certains s'en sont mordus les doigts, mais je ne ressens aucune animosité envers vous et votre ami, ça devrait donc bien se passer. »

Dis-je avec un sourire à nouveau sincère. Ned n'est pas très loin, il peut entendre ce que nous sommes en train d'échanger. Tandis que tous les autres sont en train d'avancer, je garde mon arme bien cachée, un membre des moines bizarres me regarde du coin de l'oeil, lui je ne le sens pas. Je me rapproche un peu de Jayce et Ned pour échanger un peu plus avec eux.

« Regardez la neige, nous sommes bientôt au sommet, elle est presque fondue. Les entrailles de ce volcan ne sont plus très loin. Il va falloir garder ces moines à l'œil vous ne pensez pas ? »
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- Il est vrai qu’ils ne m’inspirent pas confiance non plus… répond Jayce en observant du coin de l’œil le groupe de rasés.

Ned, quant à lui, préfère garder le silence. Il porte lui aussi son regard vers ces étranges énergumènes qui ferment la marche du groupe, à l’écart. Des murmures se font entendre et leurs gestes sont de moins en moins naturels, bizarrement, ils sont à la fois excités et stressés. Contrairement à la jeune fille aux cheveux blancs prénommée Lise et à Jayce qui sont sur le qui-vive, Ned juge bon de continuer sa marche paisiblement et de ne pas s’attarder à tort sur ces hommes qui, selon lui, semblent être simplement des autochtones peu familiarisés avec la civilisation.

La dernière et redoutable ascension a été extrêmement éprouvante pour l’expédition. A travers un blizzard couvrant d’un voile de neige l’horizon, le groupe est parvenu, au prix de plusieurs heures de crapahutage, jusqu’au sommet du mont Jifu-san. Un silence de plomb règne au sein de l’équipe d’explorateurs, les corps tirent, les souffles sont coupés et les gorges sont assoiffées.

- J’espère que nous n’avons pas fait tout ça pour rien…

A peine a-t-il terminé sa phrase que Jayce entend le zozotement d’Heska résonner dans ses oreilles. Le petit bonhomme emmitouflé dans un manteau de laine et le nez rouge sang à cause du froid est en pleine forme. Il replace ses lunettes sur son nez et sourit à Jayce.

- Mon zer monsieur ! Ze peux vous assurer que vous n’allez pas être déçu ! Zela fait plusieurs années que des travaux de rezerze sont dédiés à zes rares excavations naturelles que l’on peut trouver au zommet de la montagne. Zi mes calculs zont bons, il ne nous reste qu’une petite trotte à faire avant de trouver zelle que nous rezerzons.

Sur ces mots, Heska reprend la tête du groupe, carte en main, et guide les aventuriers vers leur destination. La neige a effectivement perdu en densité, à mesure que l’équipe progresse, la température remonte peu à peu. Les blousons et manteaux se défont, les cols se desserrent et les muscles perdent enfin de leur raideur. Toutefois, la visibilité reste toujours aussi mauvaise, le blizzard a laissé place à un épais brouillard nuageux. Ned a du mal à voir à un mètre devant lui, si bien qu’il contrôle chacun de ses pas pour ne pas tomber dans un ravin ou quelconque gouffre naturel qui lui ôterait la vie. Soudain, Heska lève sa main, le poing serré en signe d’arrêt. Le groupe s’exécute et la marche prend fin. Le bonhomme, couvert désormais d’un léger gilet en cuir, fait les cent pas, la mine plus renfrognée que d’habitude. Il tourne en rond, les yeux plongés dans la carte qu’il tient fermement en main.

- Raaah ! Ze ne comprend pas, za devrait pourtant être ici. A cause de zette zaleté de brouillard, on y voit rien !
- Suffit de s’éloigner un peu et on va la trouver cette grotte, regardez.
- Non, attendez !

L’homme n’écoute pas les avertissements du guide et s’éloigne de quelques mètres, en pensant découvrir l’entrée de l’excavation avant tout le monde. Soudain, un craquement se fait entendre et les pierres roulent sous ses bottes tandis qu’il perd l’équilibre et bascule en arrière. Dans un cri sourd, l’aventurier chute et disparaît, emportant avec lui l’écho de son hurlement de détresse qui se dissipe, happé par de sombres profondeurs. Surpris, le groupe s’avance rapidement mais prudemment. Heska, en tête, s’arrête de justesse devant l’entrée du gigantesque trou et se penche délicatement vers l’avant pour y voir plus clair. Les membres du groupe s’observent mutuellement, ils le savent, ils sont arrivés à leur destination. Le guide replace ses lunettes sur son nez, cette fois-ci, non pas comme un geste instinctif mais pour aiguiser sa vue. Le gouffre est sombre mais à son bout, il perçoit une fine lueur bleue qui illumine la cavité.

- Regardez, ze zont les minéraux et les criztaux que nous rezerzons !

Heska conclut sa phrase par un soupir en apercevant au fond de la grotte le corps sans vie de leur camarade explorateur. Le guide, tire ensuite une fiche et un stylo de sa sacoche et se met à la remplir, sans doute pour notifier le décès d’un membre du groupe. Une fois cela fait, comme si de rien était, il range le document et se tourne vers son groupe.

- Bien, zortez les cordages, nous allons descendre en rappel.

Sans un mot, l’équipe s’exécute, l’accident qui vient de survenir ne semble être déjà qu’un lointain souvenir. Les premiers explorateurs débutent leur descente avec précaution. Les mouvements sont lents et assurés, la vue du corps sans vie qui git au fond de la caverne est là pour les rappeler à l’ordre en cas d’imprudence. Les minutes s’écoulent et la quasi-totalité de l’expédition est engagée sur le flanc de la cavité rocheuse et humide. A son entrée, il ne reste plus qu’Heska qui veille au grain, Lise, Jayce et Ned qui préparent leurs cordages et le groupe de moines énigmatiques qui n’ont clairement pas l’air de savoir comment s’équiper pour une descente en rappel. Agacé par leur inexpérience, Heska commence à perdre patience.

- Mezieurs, zette expédition est faite pour des zens aguerris, vous étiez zensés le zavoir avant de zign…

Soudain, avant qu’Heska ne puisse terminer sa phrase, un vacarme assourdissant retentit à travers la montagne et le sol se met à trembler violemment. La terre vacille si vivement que des roches se mettent à dévaler la montagne et ses flancs. Heska et le petit groupe restant perdent l’équilibre et se retiennent à ce qu’ils peuvent. Les cordes des explorateurs engagés dans la descente se balancent de gauche à droite et se mettent à céder les unes après les autres. La majeure partie de l’équipe disparaît à son tour dans la grotte sombre. A la surface, l’apocalypse ne fait que commencer. Ned parvient à s’agripper à un rocher et se place derrière lui afin de se protéger des pierres qui dévalent la montagne à toute vitesse. Non loin de lui, Jayce s’est couvert de la même manière et de sa main gauche, il retient Lise qui semble avoir manqué de glisser et de se faire emporter par l’avalanche rocheuse. Heska quant à lui, a trouvé une position stable, mais s’est recroquevillé en boule, les mains sur la tête pour se protéger comme il le peut. Enfin, les moines, toujours aussi étranges, sont debout et immobiles, les bras levés vers le ciel. Ils chantent en chœur ce qui ressemble à une prière ou à une bénédiction.

- Loué sois-tu Ô Jifu-san ! Nous attendions ton appel ! s’exclame celui qui semble être le chef.

Le vacarme et le tremblement de terre dure encore quelques minutes avant de perdre lentement en intensité, puis tout à coup, une explosion retentit et fait siffler les oreilles du groupe. Un gigantesque nuage de cendres s’élève au-dessus de la montagne et fend les cieux. Le tremblement de terre reprend de plus belle.

- Bon zang ! Le volcan est entré en éruption ! hurle Heska, tremblotant.
- Il faut se tirer d’ici tout de suite, on est trop bien trop proches du sommet, on va s’asphyxier avec le nuage de cendres.

Ned, Lise, Jayce et Heska se relèvent aussitôt et se délestent de leurs affaires. Les moines eux, se rapprochent dangereusement du sommet. Aucune émotion ne semble les traverser, ils sont impassibles et d’un calme olympien. Sans hésitation, ils pénètrent dans le nuage de cendres.

- Mais que font ces cinglés ?!

Ned observe la scène, abasourdi par le comportement de ces hommes. Il comprend que ce qui semble se présager n’a rien de bon.

- Ô Jifu-san, permets-moi d’user de ton sang pour assouvir ta volonté… BARRIERES INFERNALES !

D’immenses parois transparentes apparaissent subitement, recouvrant l’ensemble du sommet volcanique d’un voile. Le chef des moines se met à les manipuler et fait prendre aux parois des formes différentes. La lave, qui a commencé à s’écouler sur le versant oriental se fait rattraper par les étranges formes transparentes. Le chef, concentré et haletant, use de son pouvoir jusqu’à son paroxysme, multipliant les formes pour ramener lentement et inexorablement la lave de son côté…sur le versant occidental.

- Ne…ne me dites pas que… FUYEZ !!!
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Ce qui devait être une simple expédition entre archéologue s'est vite transformé en un véritable cauchemar. Les moines se sont rassemblés pour user d'une force mystérieuse et prendre le contrôle de la lave. Cela dit je pense que l'homme à l'origine de ça, ne pourra pas maîtriser la totalité de l'éruption, de là où nous sommes tombés, je n'arrive pas à le distinguer convenablement. L'éruption nous a fait chuter de quelques mètres bien plus bas, d'ici nous sommes proches de là où nous avons commencé notre expédition. Et ce n'est pas plus mal, mon cerveau ne cesse de cogiter depuis que la montagne s'est mise à cracher sa lave infernale. D'autant plus depuis que cette lave menace de tomber sur le village touristique de l'île.

« La lave menace de ravager le village. On doit les faire évacuer, c'est pas encore trop tard. Je l'espère ... »

Jayce comprends ma requête et tente de motiver son partenaire, bien silencieux depuis l'éruption. En plus de cela, à nos côtés nous avons le capitaine de l'expédition qui semble complètement perdu. Il ne devait pas s'attendre à ce qu'une menace de ce genre fasse irruption dans son groupe. Il ne cessait de se lamenter sur son sort, qu'il n'allait plus pouvoir faire d'expéditions pour avoir perdu des membres et pour avoir guidé des traitres jusqu'au sommet du mont. Ses réflexions commencèrent à me faire vriller les oreilles, c'est la raison pour laquelle je l'attrape par le poignet et le force à avancer, puis à courir jusqu'au village.

« Cessez de vous lamenter, qui aurait pu se douter que notre expédition prendrait une tournure comme celle-ci. Suivez nous jusqu'au village, si mes compagnons se décident à me suivre, on ne sera pas trop de quatre pour venir en aide à un maximum de personnes. »

La décision semblait être prise du côté de Ned et Jayce qui décidèrent de me suivre jusqu'au village, la course pour rejoindre notre objectif ne fut pas de tout repos et il nous fallut trente bonnes minutes pour l'atteindre. Certes, la chute nous avait facilité l'avancée, mais le chemin restait escarpé et derrière nous, la lave menaçait de frapper le village d'un moment à un autre. Les cris des habitants se faisait déjà entendre depuis une bonne vingtaine de minutes, certains s'étaient rassurés car ils savaient que la lave se déverserait sur le flanc opposé au leur. Mais d'autres analysèrent mieux la situation et en voyant une coulée s'étendre dans leur direction, comprirent que tout n'irait pas comme d'habitude. À partir de cet instant, un léger stress commença à émerger en moi. Que devais-je faire ? Venir en aide, oui, mais à qui ? Et plus que ça, j'ai envie de découvrir qui sont ces types et leur faire payer ça. Sans réfléchir, je commence à sortir mon climat-tact.

« La lave devrait attendre le village dans quelques minutes, on doit faire évacuer par bateau un maximum de personnes, si en même temps on peut découvrir qui sont les types derrière tout ça, je ne dirais pas non à leur rendre visite. Qu'en pensez-vous ? Nous pourrions nous retrouver tous au port avec, je l'espère, des informations utiles. »

Dis-je tout en attachant mes cheveux en queue de cheval haute, mon climat-tact sous le bras, prête à ne pas user la manière douce pour vider ce village au maximum. Cet endroit est immense, il y aura des victimes c'est sûr, mais des innocents ! Qui pensaient passer une journée correcte, pas finir sous une marée de lave. Les hommes qui sont venus commanditer ça savaient ce qu'ils faisaient, ils avaient l'air de connaître l'endroit, ce n'est sûrement pas la première fois qu'ils viennent, nous n'auront peut-être pas trop de mal à connaître leur identité ou du moins à trouver une piste pour les retrouver. J'ai toujours aimé faire payer les injustices que je juge utile à régler, là s'en est une trop grande pour la laisser passer. J'attends la décision de Ned et Jayce pour partir de mon côté.
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Le reste de l’expédition n’est plus, chaque archéologue et explorateur s’est vu absorbé par le géant de lave et de cendres qui a dévalé les pentes abruptes du sommet de Jifu-san, si bien qu’il ne reste que quatre survivants, épuisés par la course effrénée qu’ils ont menée, Lise, Heska, Jayce et Ned.

La jeune fille aux cheveux blancs semble avoir fait son choix et son altruisme place Ned dans une situation délicate. Tout bonnement parce que Jayce semble partager la volonté de Lise et est bien décidé à lui prêter main-forte.

- On a littéralement le feu au cul et la première chose à laquelle tu penses c’est de faire évacuer les villageois ? s’écrie Ned, encore sur les nerfs après ce qu’il vient d’endurer.
- Vous préférez fuir lâchement en abandonnant ces gens à leur sort ? tranche Lise d’un ton empli de détermination.
- Ned, Lise a raison. Quel honneur y a-t-il à prendre ses jambes à son cou, sans daigner se soucier de cette situation dramatique ?

Ned se triture les méninges, partagé entre les options qui se présentent à lui. Mais plus le temps passe, plus les risques sont grands. Relevant la tête comme pour tenter d’y voir plus clair, le jeune archéologue croise le regard serein de son ami et c’est en l’observant, qu’intérieurement, il prend sa décision. Il le sait, il doit lui faire confiance. Et au fond, sa curiosité et sa rancune le poussent à tirer toute cette situation au clair. Après tout, ces moines ont attenté à sa vie et à celle de Jayce et les ont privés des cristaux qui les attendaient à la fin de l’expédition. Le jeune homme réajuste ses sabres à la ceinture et soupire un grand coup, comme pour se préparer aux événements à venir.

- Soit. Dans ce cas, le mieux à faire reste de nous séparer pour gagner du temps. Vu que tu sembles plus douée pour faire du social, tu n’as qu’à te charger de faire évacuer les villageois, reprend Ned en s’adressant à la jeune fille.
- Je vais lui apporter mon aide, à deux nous irons plus vite, poursuit Jayce en adressant un sourire à Lise.
- Parfait, répond-elle en rendant son sourire à l’homme-poisson. Pendant ce temps, vous et Heska, vous faites en sorte de dénicher des informations sur les responsables. En route, nous n’avons pas une seconde à perdre !
- Euh…Mais ze n’est pas eu mon mot à d…
- Rendez-vous au port dès que possible. Fais attention à toi Jayce, conclut le jeune homme en emportant le capitaine de l’expédition par le bras.

Une nouvelle fois, les deux hommes dévalent le mont Jifu-san, chevauchant les lamas géants qu’ils avaient délaissés et empruntant les chemins gravis quelques heures plus tôt. Les deux aventuriers se dirigent vers les hauteurs de la ville principale avec un objectif en tête : faire le plein de renseignements sur les auteurs de cette catastrophe.

- Heska, dis-moi que tu as une idée en tête, parce que c’est toi qui dirigeais cette expédition.
- Eh bien, à vrai dire, oui, z’en ai une. Il faut qu’on mette la main zur le registre des inscriptions aux expéditions.
- Et ça se trouve où ?
- Il est à mon bureau, aux locaux annexes de la CBV.

Ned acquiesce d’un signe de tête et fait jouer la bride de sa monture pour la faire accélérer. Les deux hommes dévalent à toute vitesse la montagne, traversant villages et terrains abruptes avec une vélocité telle que la moindre perte d’équilibre signerait leur arrêt de mort.

Les deux compagnons de fortune parviennent finalement aux premières hauteurs de la ville de Koneashima, bien plus vivantes que les villages du sommet. Ned quitte sa monture d’un bond et fait un rapide tour d’horizon. La ville semble agitée, les séismes dus à l’éruption volcanique semblent avoir alerté tout le monde sur la situation. Mais, malgré l’agitation, les discussions vives et les autorités qui débarquent ici et là, il n’y a aucune réelle panique. A cette hauteur du mont, personne n’est encore au courant que l’éruption volcanique se déverse en ce moment de leur côté. Désormais concerné par l’enjeu de la situation, Ned se retient d’alerter les habitants du drame qui se profile et préfère s’en tenir au plan. Au lieu de créer une panique générale, le jeune homme suit son compagnon de route jusqu’aux fameux locaux de la CBV. Sans jamais ralentir leur rythme, les deux compères progressent cette fois-ci à pied, à travers les boulevards et les ruelles de Koneashima.

Leur course interminable les conduit finalement jusqu’aux bureaux d’Heska, où trône sur la devanture le symbole de la CBV. Haletant, se tenant les genoux, les deux aventuriers s’accordent un bref moment de répit avant de pénétrer à l’intérieur des locaux et de rejoindre le bureau. Une fois dans celui-ci, le capitaine de l’expédition, suant de la tête aux pieds et légèrement en état de panique, se met à ouvrir tous les tiroirs des meubles, à la recherche du registre. Ned lui prête main-forte avec bien moins de délicatesse et renverse quelques armoires pour en vider le contenu, sous les yeux ébahis d’Heska.

- Ca ira plus vite comme ça.

Ne pouvant qu’acquiescer, Heska se met à fouiller dans les documents qui jonchent le sol et après avoir éparpillé au milieu de la pièce une centaine de papiers et de bouquins en tout genre, il finit par trouver le saint graal. Réajustant ses lunettes, le bonhomme fait défiler ses yeux le long des pages interminables où sont inscrits des noms à n’en plus finir.

- Qu’est-ce qu’on cherche au juste ?
- Les inzcriptions d’auzourd’hui.

Défilant le registre, feuille après feuille, les yeux myopes d’Heska finissent par s’arrêter au milieu d’une page. Silencieux et les yeux écarquillés, le capitaine de l’expédition fixe le document durant de longues minutes.

- Alors ? s’impatiente Ned, qui imagine la lave s’écouler un peu plus à chaque seconde qui passe.
- Lee… Deuplazz… Lee Deuplazz…
- Hm ?
- Ze nom me dit quelque zoze...Mais…mais bien zûr ! Bon zang ! s’écria Heska, soudainement illuminé.
- Qu’est-ce qu’il y a ? Accouche !
- Eh bien… Depuis quelques temps dézà, aux quatre coins de Koneazhima zirculent des rumeurs sur un groupe de Maîtres du feu qui ze feraient appeler « les Purificateurs » et qui prozetteraient de commettre plusieurs attentats à Koneazhima, au nom de Zifu-san.
- Les Maîtres du feu ? questionne Ned, perdu par ce que raconte le capitaine d’expédition.
- Z’est une communauté de moines qui vit sur le verzant oriental du mont Zifu-san, ils zont là depuis des zentaines d’années.
- « Qui vit sur le versant oriental » ? Mais ce n’est pas là que se déverse la lave habituellement lors des éruptions ? C’est du suicide !
- Oh mais ils ne z’en plaignent pas, bien au contraire. Pour eux Zifu-san est un dieu, ils le louent comme tel et zes éruptions zont pour eux une vraie bénédiction. Les Maîtres du Feu zont discrets, on entend rarement parler d’eux. Mais rézemment, il zemblerait qu’un groupe violent ait vu le jour au sein de leur communauté. Leurs intentions zont clairement mauvaises mais elles n’ont pas encore été pleinement identifiées. Ze ne zont que des rumeurs…
- Et laisse-moi deviner, le chef de ce groupe s’appelle…
- Lee Deuplazz, tout à fait.
- Alors ce sont les Maîtres du feu les responsables, on va leur rendre une petite visite de courtoisie.
- Non ! Non ! Les Maîtres du feu zont pazifistes, ils ne zont pas rezponzables de ce qui z’est pazzé auzourd’hui ! Zeulement Lee Deuplazz et zon groupe de fanatiques zont derrière tout ça !
- Ca on ne peut pas en être sûr, tu l’as dit toi-même, c’est qu’un lot de rumeurs. Des illuminés, j’en ai connu dans ma vie, crois-moi on ne peut pas leur faire confiance. A aucun d’entre eux.
- Pourtant les Maîtres du feu ne nous ont zamais cauzé de problèmes, z’est bien la première fois. On peut effectivement leur rendre visite pour tirer zette hiztoire au clair, mais ze te demande d’azir avec intelligence !
- Soit, nous verrons bien quand nous y serons. Tu penses que les moines qui ont détourné l’éruption sont toujours en vie ?
- Z’est zertain, ils zont habitués à rézizter aux éruptions volcaniques. Ils doivent ze terrer zur le versant oriental.
- L’homme qui a détourné la lave avait de sacrés pouvoirs… ce qui nous attend est loin d’être une partie de plaisir. Tu me suis toujours?
- Et comment ! Ze doit connaître la vérité zur zette affaire, les relations entre les habitants du verzant oriental et occidental ne doivent pas ze détériorer...
- Alors, en route, il faut d’abord qu’on retrouve les autres au port. En espérant que leur évacuation se passe bien…
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Enfourchant nos animaux de transport bien trop délaissés et sûrement apeurés par la situation, c'est aux côtés de Jayce que je descends cette montagne enflammée en direction du village aux proies de la lave. Je reste fixée sur mon objectif, ma main droite appuyée sur mon Climat-Tact. Qu'est-il en train de se passer ? Ce n'est pas dans mon intérêt de venir en aide au peuple, je suis même tout le contraire en temps normal, mais voir un tel désastre arriver, tout ça à cause d'un fou furieux dont je ne saisis pas bien les ambitions ... c'est inconcevable. Je me désigne comme folle par moment, mais là, ça dépasse l'entendement, il s'agit de manipuler un élément de la nature pour le retourner contre une terre totalement innocente. Les lamas sont au summum de leur vitesse, nous pouvons apercevoir le haut du village, avec à notre gauche la lave qui lave qui continue de s'écouler lentement, mais encore trop vite à mon goût.

« Jayce c'est bien ça ? Tâchons d'agir vite et méticuleusement, mon but n'est aucunement de sauver les civils, mais de limiter les dégâts d'un fou furieux. »

Je fais alors accélérer ma monture jusqu'à une maison en proie à l'écoulement, une fois à proximité je descends du lama et lui donne une petite tape à l'arrière pour qu'il fuit vers le bas de la ville, sentant le danger arriver, ce dernier fonça sans réfléchir. Je pris alors mon climat-tact du froid et du chaud que je fis tournoyer pendant plusieurs longues secondes pour recouvrir tout le haut de la ville d'épais nuages.

« Lise. Que faites-vous ? »

« Tâchez de sortir les civils de leurs maisons, la chaleur de la lave va affecter le sol et le rendre impraticable jusqu'au port, je dois faire chuter la température ! Rain Tempo ! »

Faisant ensuite tournoyer vivement mon bâton climatique du froid, d'innombrables bulles bleues s'envolèrent vers les nuages qui se mirent à virer au gris, les rendant moins épais, une légère bruine se fit alors ressentir jusqu'à ce que finalement, la pluie s'abatte violemment sur la partie haute de la ville. Un vieillard courut alors dans ma direction, muni d'un escargophone à haute fréquence, il l'activa et s'adressa à toute la ville, leur demandant de bien vouloir se diriger vers le port afin d'évacuer et éviter un maximum de blessé, certains présentaient déjà des traces de brûlures au visage à cause de la fumée étouffante et de la chaleur que la lave laissait s'évacuer. Ma pluie permit de limiter cet effet et fit chuter la température ambiante du sol, permettant à tout le monde de courir pour se mettre à l'abri. Jayce de son côté, usa de ses capacités d'hommes poissons pour libérer des maisons semi effondrées à cause du tremblement qui était survenu avant l'éruption. Il trancha net des poutres à l'aide de ses ailerons pour venir en aide à des familles, ne s'adressant jamais à eux, leur demandant simplement de fuir, loin en direction du port.

« Mademoiselle la sorcière climatique. Merci de votre aide, mais la lave s'écoule encore. Nos maisons ne vont jamais survivre à cet écoulement. »

« Ne me remerciez pas vieillard. Je ne suis pas là pour venir en aide aux civils. Cet acte est ignoble, je cherche à éviter des pertes inutiles. Malheureusement ma magie climatique ne pourra rien faire contre de la lave. Fuyez à présent, vos maisons ne sont que des biens remplaçables. »

Mon ton froid fit douter de mes intentions au vieil homme alors qu'il hocha simplement la tête avant de se retourner pour fuir vers le port. Alors qu'il commença à prendre ses jambes à son cou, un homme encapuchonné l'empala net. Jayce s'arrêta dans ses mouvements, restant figé face à cet acte insensé et incompréhensible. Un rire nerveux sortit de la bouche de l'auteur de ce crime qui dégagea le corps inconscient et désormais sans vie du papy. Il s'avança vers nous, les bras écartés et levés, semblant réciter une prière.

« Maître Lee, vous aviez raison, ce renouveau va servir à notre peuple, toutes ces âmes endeuillées, cette pureté de la nature. Nous la vénérons. »

« Lise. Méfiez-vous. Il ne reste plus aucun civil dans les alentours. »

« Bien Jayce ... rejoignez le port également je vous prie. Ne restez pas dans cette zone, la météo va changer et je ne voudrais pas que vous soyez pris dans une tempête. »

Ne comprenant pas vraiment mes dires, Jayce s'avança vers moi, hochant simplement la tête pour me montrer qu'il resterait. Je dois dire que je ne ressens certes rien pour ces pauvres civils, mais cet acte ignoble m'est incompréhensible. Que cherche cet homme ? Qui est-il et qui est ce Maître Lee dont il parlait ? Que vénère-t-il ? Sans plus tarder, l'inconnu s'élance vers moi, lance en avant, il fut coupé dans son élan par Jayce qui le plaqua rapidement au sol, du haut de son mètre cinquante, il fut chose aisée de le maintenir immobile. N'ayant plus que mon climat-tact électrique en main, je m'avance vers l'inconnu, le menaçant d'une bulle foudroyante en plein visage, je pris une voix forte pour m'adresser à lui.

« Tu n'es qu'un sous-fifre. Qui est ton maître ? Et que cherches-t-il à faire en faisant s'écouler la lave sur ce versant de la montagne ? »

L'homme ne semble pas décider à répondre, il rit, aux éclats. Ne voulant pas plus perdre mon temps, je sortis mon couteau pour le mettre sous la gorge de l'inconnu, le menaçant assez pour qu'un mince filet de sang vint perler le long de sa nuque. Son déglutissement me fit comprendre qu'il sera à présent prêt à tout nous dire.

« Maître Lee possède le don des dieux d'invoquer des barrières, il s'est servi de ce don pour venger notre peuple trop longtemps souillé par la lave pour retourner cela contre un peuple qui nous méprise. »

« De quel groupe faites-vous partie ? »

« Un groupe supérieurs aux hommes, supérieurs aux maîtres du feu de l'île, supérieurs aux dieux ! »

« Les Maîtres du Feu ? »

« Qui que vous soyez, déclinez votre identité ! Je ne connais ni ces maîtres du feu ni ces dieux dont vous parlez ! Dites nous qui vous êtes ! »

« Nous sommes des Purificateurs. Nous cherchons à inverser la tendance, et notre maître a réussi à dominer la lave, il s'est élevé au rang de dieu. VOUS DEVREZ PAYER A PRESENT ! »

Ses dernières paroles éclatèrent comme un cri du cœur avant que Jayce ne vienne l'assommer du dos de son aileron. Maintenant que nous en savons un peu plus sur le groupe qui agit sur cet écoulement, nous allons pouvoir en faire part à nos alliés afin de nous rendre de l'autre côté de la montagne pour les affronter et les remettre bien tranquillement à leur place. Je me redresse en attachant mes cheveux mouillés en queue de cheval haute tandis que la pluie continue de tomber. Mon regard s'attarde légèrement sur cette lave qui coule lentement mais sûrement sur nous. Jayce prit ensuite la décision de vite rejoindre le port pour retrouver Heska et Ned, qui auront sûrement trouvés des informations intéressantes. Avant de quitter le haut de la ville, un léger sentiment d'inachevé parcouru mon corps. Je pris donc le temps de me retourner et de lancer plusieurs Thunder Ball dans les nuages pluvieux au-dessus du haut de la ville, ces nuages se mirent à virer au sombre, ils se mirent à gronder. Alors que nous courrions vers le bas de la ville avec Jayce, derrière nous, un véritable orage surpuissant se mit à s'abattre. Foudroyant tout sur son passage et même les maisons destinés dans tous les cas à sombrer sous la lave.

« Lise ... vous n'étiez pas obligée. Vous aviez fait une bonne action. »

« Bonne action envers les civils, et ça, ce n'est pas dans mon répertoire. Je suis une pirate mon cher. Oh et puis cet illuminé devait se faire reconnecter les neurones, deux trois éclairs ne seront pas de trop pour le raisonner, s'il se réveille après ça. »

Ne sachant pas trop quoi répondre à cela, Jayce se contenta de courir à mes côtés jusqu’à rejoindre le port où Heska et Ned nous attendaient déjà. L’homme guide de l’expédition se chargeait d’aider les civils pour monter à bord des quelques navires de pêche présent, il semblerait qu’ils se servent de cela pour évacuer vers une autre île non loin d’ici. Certaines personnes se mirent à nous remercier pour avoir évacuer leur maison et pour avoir mit la météo de leur côté pour leur permettre de partir loin d’ici en un seul morceau. Jayce répondit poliment d’un hochement de tête, sa posture royale me fit comprendre qu’il ne venait pas d’un milieu sans étiquettes. De mon côté je ne fis rien, à part rejoindre Ned en faisant tournoyer mon climat-tact.

« Bon, on a eu affaire à un sacré énergumène là-haut. Et vous ? »

Jayce se mit à raconter ce que nous avions vécu avant de prendre la température du côté de son allié. La suite semblait mouvementée, il allait nous falloir de l’énergie et de la motivation pour affronter tout ça.
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La situation a rudement évolué en l’espace de quelques heures. Le port est devenu une sorte de refuge où accoure la majorité de la population de Koneashima et où l’agitation et la panique règnent en maîtres. Les milices locales et la marine ont pris en charge la situation, tant bien que mal, en essayant de rassurer les konéashimiens et d’évacuer les zones les plus susceptibles d’être touchées. Au milieu de cet enfer, les quatre compagnons, tout juste retrouvés, font état de la situation, et surtout de leur plan.

- Alors, si je comprends bien, vous avez été attaqués par un type se disant appartenir aux Purificateurs ? questionne Ned en s’adressant à son camarade de toujours.
- C’est bien ça, poursuit l’homme-poisson l’air réfléchi, et surtout, il a parlé de son supposé maître qui aurait réussi à « dominer la lave ». Un certain maître Lee.
- Eh bien, reprend le jeune archéologue en se tournant vers Heska, je crois que votre histoire avec ce type confirme nos doutes.
- Vos doutes ? De quoi parlez-vous ? interroge subitement Lise d’un ton assuré, qui trahit son envie d’en découdre avec les responsables de cette histoire.

Heska, toujours accompagné de son éternel zozotement, fait part à Lise et Jayce de leur découverte dans le registre des inscriptions. Finalement, les informations des deux groupes se rejoignent et finissent par concorder. Chaque membre du groupe en prend rapidement conscience, ce sont bien les moines qui se font appeler « les Purificateurs » qui sont à l’origine du détournement de l’éruption. La suite du plan semble s’être élaborée d’elle-même, les membres du groupe n’ont eu qu’à s’observer dans les yeux pour déceler la détermination de chacun.

- Nous partons pour le versant oriental, n’est-ce pas ? demande Ned aux autres, en connaissant d’avance la réponse.

Un silence et un signe de tête suffit pour que le groupe s’élance vers son objectif. Heska, connaissant l’archipel comme sa poche, suggère à ses camarades d’emprunter la voie maritime pour rejoindre le versant oriental de Jifu-san. Le groupe fait confiance à son capitaine d’expédition et se met à route. A toute vitesse, s’immisçant au milieu du chaos palpable qu’est devenu le port, traversant les foules et esquivant les soldats, le groupe rejoint les quais où l’attend une petite embarcation qui mouille près d’un ponton, la coque de noix personnelle d’Heska. Le vaisseau, arborant fièrement le logo de la CBV sur sa voile, est petit, mais suffisant. Suffisant pour se frayer un chemin jusqu’au versant oriental.

Heska détache la corde qui retient son bateau au ponton et invite ses camarades à sauter sur le pont. Le bateau s’élance à son tour et fend les flots en direction du versant oriental. Heska dirige son embarcation avec brio, longeant les côtes de l’île-montagne, esquivant les récifs hostiles et progressant au milieu des courants entremêlés. Sur le pont, ballotés par l’océan, les trois autres profitent d’un moment de répit avant les difficultés qui s’annoncent. Lise, assise sur une rambarde à l’avant de l’embarcation, a les yeux rivés en direction de l’objectif, qui se dévoile peu à peu à l’horizon. Jayce l’observe d’un air curieux, tout en aiguisant son trident à l’aide de ses dents effilées. Ned, quant à lui, les mains derrière la tête, est adossé contre le mât fin mais robuste du vaisseau, le regard perdu vers les cieux. En réalité, il admire l’envergure et la beauté de Jifu-san, qui continue à cracher ses cendres, sa fumée et son feu. Proche du sommet, l’éruption de Jifu-san ressemblait pour lui à un cauchemar, ou aux enfers en personne, mais ici, c’est un spectacle grandiose qui n’a rien d’hostile, un évènement de la nature, l’effet d’une cause, et rien de plus. Et c’est sans nul doute ce qu’il admire alors, cette simplicité.

- Eh, Ned, tu sais que c’est une pirate, elle aussi ? murmure subitement Jayce à son camarade, en collant littéralement sa bouche à son oreille.

Les chuchotements soudains de l’homme-poisson couplés à son haleine de requin le font sursauter et le réveille de sa paisible contemplation.

- Et une archéologue, aussi, lance Lise, à qui les murmures n’ont pas échappés.
- Tu entends ça mon ami, c’est une archéologue en plus. Comme toi ! poursuit-il, toujours collé à l’oreille de son camarade.
- Hm. Se contente de répondre Ned en repoussant la gueule de l’homme-requin.

Le jeune homme préfère nier sa curiosité. Pourtant, il en a conscience, cette fille aux cheveux blancs l’intrigue, ou plus précisément, c’est l’étonnante assurance dont elle fait preuve jusqu’ici qui titille sa curiosité. Mais il juge bon de garder ça pour lui, en pensant que sa détermination n’est sans doute que de la poudre aux yeux et qu’au moindre obstacle, elle détalera aussitôt. Il en aura rapidement le cœur net, car l’embarcation a bientôt atteint son objectif et peu à peu, Jifu-san dévoile une nouvelle facette de lui, que Ned découvre au même titre que ses deux autres camarades. Il est là. Le versant oriental.

Un brouillard ambiant semble couvrir la zone et l’atmosphère se fait soudainement étouffante. A première vue, le versant oriental semble inhabité, recouvert à perte de vue d’une sorte de jungle-forêt. L’endroit dénote clairement du versant occidental, lui qui est entièrement dompté par l’Homme. Ici, pas de quais ni de port pour accueillir les arrivants, le groupe débarque à l’orée d’une forêt. En progressant à travers celle-ci, une chose n’échappe pas à Ned et aux autres, c’est que tout semble anormalement gris, comme si les couleurs avaient pris la fuite.

- Heska, pourquoi tout est gris ici ?
- Eh bien ze n’est pas que le payzage qui est gris ici, je penze que vous le zentez dans l’air auzzi. C’est à cauze des éruptions à répétition, les zendres ze zont dépozées au fil du temps sur le verzant oriental et ont fini par le recouvrir complètement. Vous comprenez pourquoi zet endroit est zenzé être inhabitable.

Le ton grisâtre du lieu offre une atmosphère menaçante, qui ne présage rien de bon pour le groupe. Malgré leur plan, les quatre compagnons ne savent pas réellement à quoi s’attendre. La jungle-forêt est dense, suffisamment pour qu’ils n’en voient pas le chemin, et encore moins le bout. Ils se contentent d’avancer sur leurs gardes, entre les feuillages, les ronces et les lianes. Leur crapahutage leur semble bien long, pour tous, et les marques de fatigue commencent à se faire sentir.

Après de longues minutes, qui parurent des heures, Heska, en tête du groupe, est le premier à sortir de la forêt. Un à un, les quatre compagnons de route découvrent un vaste champ noirâtre, recouvert en partie d’habitations semblables à des sortes de cases en bois, dont les toits sont faits de tresses de bambous. Un grand temple en pierre se dresse non loin de celles-ci. Abîmé par le temps, des craquelures se dessinent sur la façade, qui a déteint elle-aussi en gris à cause des cendres.

- Alors voizi le fameux village des Maîtres du feu…

Autour du temple, ceint dans un enclos en bois, s’étend une large exploitation agricole verdoyante, qui dénote du reste des terres grisâtres.

- Comment parviennent-ils à faire pousser quoi que ce soit ici ? s’étonne Ned.
- Avec les ziècles, les Maîtres du feu ont appris à dompter zette terre a priori infertile. Perzonne d’autre qu’eux ne zaurait zurvivre ici, z’est leur foi infaillible en Zifu-san qui leur a permis de zubzister tout ze temps, explique Heska sans cacher son admiration.

Plus d’une centaine de personnes vagabondent au milieu du village. Des enfants, des femmes et des hommes, des vieillards, c’est tout un peuple qui vit ici. Tous sans exception ont la peau grise, symbole de leur dévouement envers Jifu-san. La plupart sont dévêtus, mais certains arborent de longues toges de moines. Des regards surpris comment à se tourner en direction des quatre aventuriers, qui malgré leur admiration devant ce lieu si spécial, restent sur leurs gardes. Une petite foule se réunit peu à peu et s’approche du groupe. Ned porte sa main à son sabre, mais il est arrêté d’un geste confiant d’Heska, qui lui suggère de patienter. Durant plus d’une minute, la foule observe les étrangers sans dire mot, puis finit par s’ouvrir pour laisser passer un vieil homme cabossé, qui peine à avancer en forçant sur sa canne.

- Nous n’avons pas l’habitude de recevoir des visiteurs, qui êtes-vous ? s’écrie le vieillard.
- Nous zommes zimplement des explorateurs, informe Heska en faisant un signe de la main.
- Aujourd’hui est un jour de deuil, nous souhaitons nous recueillir en paix. Si vous avez besoin d’eau ou de nourriture, nous vous en donnerons, mais nous ne souhaitons pas être dérangés.
- Ecoutez, nous avons vu l’éruption, s’exclame Ned en coupant presque la parole au vieil homme. Nous savons qu’habituellement, la lave s’écoule sur votre versant de la montagne…
- Oui, et ça n’a pas été le cas aujourd’hui. Jifu-san nous a puni de notre manque de dévotion envers lui, voilà pourquoi nous tâchons de nous recueillir, répond le vieillard, l’émotion dans la voix.
- En réalité, nous ne sommes pas ici pour vous demander l’aumône, nous souhaitons en apprendre plus sur un groupe appelé les Purificateurs, reprend Lise calmement.

Le mot vient de glacer le sang de l’auditoire. Les regards se croisent et des murmures s’échangent discrètement ici et là. De son côté, Ned se crispe un peu plus, et cette fois, sa main empoigne le manche de sa lame sans qu’Heska n’ose le retenir.

- Que cherchez-vous à savoir exactement ? questionne le vieil homme, dont la méfiance est grandissante.
- Ce ne sont pas vos dieux qui vous punissent, reprend Ned d’un ton ferme. La lave devait bien se déverser sur votre versant, mais aussi invraisemblable que ça puisse paraître, l’éruption a été détournée. En ce moment-même, les cendres et le feu attaquent la ville de Koneashima.
- « Détournée » vous dites ? C’est impossible, comment peut-on détourner une éruption volcanique ? Si vous êtes venus pour vous moquer de nous, nous vous prions de repartir !
- Ze zais que za zemble zurréalizte, mais croyez-nous, z’est bien ze qui z’est pazzé.
- Mais…comment ? demande le vieil homme, tremblotant d’émotions.
- Nous l’avons vu de nos propres yeux au sommet de Jifu-san, s’exclame Jayce. Un homme avec d’étranges pouvoirs a redirigé la lave en direction de la ville.
- Cet homme et ses acolytes feraient partie des Purificateurs, nous savons qu’ils sont étroitement liés à votre communauté, reprend Lise d’un ton affable.
- S’ils sont ici, dites-le-nous ! lance Ned, dont la patience s’amenuise. Ces « Purificateurs » doivent répondre de leurs actes.
- Nous n’en voulons pas à votre communauté, dit Heska qui essaye tant bien que mal de calmer le jeu, nous zouhaitons zimplement tirer zette histoire au clair, zes Purificateurs ont causé la mort de bon nombre de perzo…

Mais, avant même que le capitaine de l’expédition ne puisse finir sa phrase, une sorte de paroi transparente apparaît subitement face à lui et le heurte de plein fouet, avec une force telle que le pauvre homme s’écrase lourdement au sol, complètement inconscient. Malgré la foule et les trois autres compagnons encore lucides, personne ne semble comprendre ce qu’il vient de se produire. Reculant de quelques pas, les aventuriers dégainent tour à tour leurs armes tout en cherchant du regard la menace. La foule s’éventre subitement pour laisser passer une dizaine d’hommes qui s’avance à quelques mètres du groupe d’explorateurs. Tous ont le torse nu, vêtus simplement de pantalons amples de moines, mais surtout, ils portent des armes diverses, certaines contondantes, d’autres tranchantes. Le seul homme désarmé est celui à la tête du groupe. Le regard serein et glacial, sa manière de toiser les trois aventuriers trahit le dédain qu’il porte à leur égard. Jayce, Lise et Ned l’observent attentivement, et pour tous les trois, ce visage semble familier.

- Alors, c’était toi, hein ? s’écrie Ned, le regard brûlant. C’est toi qui as détourné l’éruption aujourd’hui ! Enfoiré !
- Nous n’avons fait qu’obéir aux ordres de notre dieu, Jifu-san nous a ordonné, nous avons exécuté. Et maintenant, ses entrailles se repaissent des mécréants qui peuplent ce maudit versant occidental !
- Maître Lee ! hurle le vieillard du peu de voix qu’il lui reste. Ces jeunes gens disaient donc vrai… quelle est cette folie ?!
- SILENCE ! Nous avons simplement fait ce que nous aurions du faire il y a bien des années… cette ville de l’autre côté, ces gens… Ils n’ont pas leur place ici, seuls ceux qui se dévouent à Jifu-san ont le droit de fouler son sol !

La tension est palpable, des deux côtés, chaque combattant se prépare à en découdre. Mais, avant même qu’un mot de plus ne soit prononcé, Ned, en un éclair, fuse droit sur le responsable de tout ce drame et frappe, de ses lames, et de toutes ses forces. L’acier vient heurter une nouvelle paroi transparente, juste devant le fameux Maître Lee, à qui il a suffit de croiser les doigts pour qu’une barrière apparaisse subitement.

- Si tu tiens tant à ce sol, je vais t’y enterrer.
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Ce village est d'un terne qu'il me donnerait presque mal au crâne. Mais en l'état actuel des choses, j'ai bien d'autres chats à fouetter. Ned vient de s'élancer sur le dénommé Maître Lee, certains de ses subalternes, un peu trop lent à la réaction mirent quelques secondes à réaliser ce qui venait de se passer, me permettant de me mettre en position offensive. Climat-tact du froid replié sur celui de la chaleur, je lance d'un geste précis mon arme en avant, tel un boomerang il se met à tournoyer, soudain, une bourrasque se forme à cause de la chaleur et du froid qu'expulse mon arme.

« Cyclone Tempo ! Navrée d'entrer dans la danse mais ... »

Un bruit de canon me fit tourner le regard vers l'océan derrière nous. Un galion de la Marine ?! Pourquoi tirer ? Il cherche à accoster en s'assurant que rien ne les retardera ? Le canon s'écrasa dans la forêt en contrebas du village, ils ne sont plus très loin. Avec les pacificateurs, si en plus la Marine se rajoute, je crains que nous ne puissions livrer bataille sur deux fronts, du moins pas dans le village avec les Maîtres du Feu qui finalement, n'y sont pour rien dans ce conflit. Je m'approche alors de Jayce tandis que mon arme revient dans ma main tel un boomerang, je le range à ma ceinture avant d'attacher mes cheveux en queue de cheval haute.

« Jayce. Puis-je vous laisser ici avec Ned ? On dirait que la Marine arrive, et je n'ai pas envie d'avoir à les affronter dans ce village. Je vous laisse les Pacificateurs, la Marine me connaît, nul doute que je serais ravie de les revoir. »

Je fais une légère tape amicale sur l'épaule de l'homme-poisson qui me décroche un simple hochement de tête avant d'empaler un pacificateur qui allait pour s'élancer sur moi. Sans me retourner en direction de Ned je commence à courir vers la forêt en contrebas du village. Dans ma tête, plusieurs souvenirs avec la Marine commence à tourner. Est-ce que ce navire n'est qu'un navire de reconnaissance ? Combien d'hommes y a t-il à bord ? Qui est le plus haut gradé à bord ? Vais-je réussir à les repousser ? C'est armée de mon climat-tact reconstituée que je commence à m'engouffrer entre les arbres, je ne distingue plus le navire de la Marine, mais nul doute qu'ils viennent d'accoster, je passe à côté du cratère causé par le tir du canon avant de commencer à entendre un homme hurler des ordres à des subalternes. Sans chercher plus loin, je repère un arbre suffisamment haut pour m'y hisser et me mettre à deux branches du sol. Jugé assez solide pour supporter tout mon poids je pu commencer à former des nuages assez en hauteur pour les maintenir cachés par les arbres feuillus. De même, à cette hauteur, aucune chance d'être aperçue. Et fort heureusement, car une dizaine de matelots se mirent à avancer dans la forêt, armés chacun d'un fusil classique, ils formaient la première ligne des forces ennemies. Un peu plus en retrait je pu apercevoir encore une vingtaine d'hommes qui attendaient les ordres de leur capitaine, au centre, pour agir. À en juger par leurs échanges, le plus haut gradé était un capitaine de navire, en somme, un éclaireur de la Marine, chargé de juger du besoin d'intervention de forces supplémentaires. Tâchons d'agir intelligemment.

« Je devrais l'attaquer en premier, mais laisser la première vague avancer mettrait Jayce et Ned dans l'embarras. »

Le capitaine du groupe semble assuré, du haut de son mètre quatre-vingt dix sans doute, il arbore une barbe finement taillée, une longue cape avec ses insignes de la Marine. Il porte une arme à feu accrochée à la ceinture et ses gants noirs sont assez étranges. Rien d'autre d'inquiétants à première vue. Il garde ses secondes troupes proches de lui. Je me tourne vers la rangée de tireur qui s'avancent, une lignée de nuages les menace, ils n'y font pas attention. Parfait. Je décide de charger cette ligne de bulles foudroyantes, bien vite, les nuages virent à l'ombragée. Puis ils finissent pas gronder, cela attire l'attention de leur capitaine qui leur ordonne de revenir, en hurlant cette fois, son calme semble se dissiper, un évènement qu'il ne contrôle pas vient d'intervenir, et une dizaine de ses hommes est en train de se faire foudroyer par un orage qui ne s'arrête pas pendant dix secondes. Habilement, une fois l'orage terminé je descends de mes branches pour me placer devant les troupes tremblottantes dû au foudroiement. À présent visible, le capitaine ordonne à ses dix autres tireurs de se mettre en position pour tirer.

« Non. Cyclone Tempo ! »

Je réitère mon mouvement utilisé plus tôt contre un pacificateur, lançant mon arme tel un boomerang, les dix hommes au sol se font emporter et sont projetés contre leurs compagnons restés un peu plus bas, les balles tirés sont déviés à cause du vent, l'une d'elle vient se frayer un chemin dans l'épaule d'un tireur qui titube et finit par s'écrouler à côté de son capitaine, toujours stoïque, son regard trahit son impassibilité. Il commence à perdre patience, il vient de perdre onze hommes, ses tireurs comprennent vite que leurs armes à feu ne feront rien contre moi. Face à eux, une véritable sorcière climatique s'avance, tandis que mon arme climatique revient dans ma main. Les nuages restant au dessus de la forêt se font alors déporter au dessus de la plage où sont le capitaine et le reste de son équipe, comment ? Grâce à mon Cyclone Tempo, le vent a changé de sens et les nuages perdant de leur nature compacte sont plus aisément portés par le vent.

« Qui es-tu, pirate ?! »

« Enchantée, Lise. Sorcière Climatique ! Et archéologue à mes heures perdues, je crois vous reconnaître, mais d'où, je ne sais plus. Ice Age Tempo ! »

« Hmm ? Une arme climatique ? Une chevelure argentée ? »

Après m'être présentée d'un ton cordial, mon regard s'enflamme. Alors que mon climat-tact du froid libère une nuée de bulles bleues ciel. Ces dernières se fraient un chemin à travers les nuages au dessus du capitaine de la Marine et de ses subalternes qui n'ont pas le temps de quitter le champ d'attaque que déjà le ciel gronde, une pluie de grêlons impressionnants se met à les frapper de plein fouet. Au milieu de ce fracas, le capitaine des Marines n'est plus, quand et comment a t-il eut le temps de s'échapper ? Un bruissement de feuille derrière moi m'interpelle, juste le temps de me retourner que le voilà qui s'élance vers moi, il a retiré l'un de ses gants, son index frôla mon visage, je pu sentir le souffle d'une arme à feu au contact de l'air, son index venait de pourfendre l'air, encore un peu et j'aurais pu perdre l'usage de mon œil. Le choc me fit tituber sur le côté. Ses hommes se faisaient canarder par des grêlons de tailles importantes, il ne restait plus que lui et moi. Sans réfléchir je pris le temps de reformer mon arme climatique pour la faire tourner derrière mon dos, à ses extrémités, des bulles d'électricités restaient en suspens. J'allais devoir me montrer méfiante et sur le qui-vive.

« Tu es la capitaine de la seconde flotte des Intrépides Libres n'est-ce pas ? Lise la sorcière. Toi et tes amis avez attaqués Orange il y a des semaines de cela. Tu as affronté Helena de Ruyter aux côtés de Kaito, le commandant des opérations. Tandis que je faisais face à Azerios, le capitaine de votre première flotte. C'est un pirate comme rarement j'en ai croisé. Mais toi, tu sembles cacher bien des choses. »

« C'est donc de là que je me souvenais de toi. Assez parlé. Thunder Ball ! »

Je mit mon arme en avant, une multitude de bulles électriques furent tirés de mon bâton tournoyant. Le capitaine en face de moi semblait se téléporter sur place pour les esquiver, son regard permet-il de toutes les identifier. Quitte à me déboîter le bras je dois augmenter le flux. En faisant tournoyer mon arme encore plus rapidement, le débit de thunder ball en fut doublé. L'une d'elle vint électriser le bras de mon opposant qui fut coupé dans son élan, il se prit alors toutes les autres thunder ball de plein fouet. Le choc fut si violent que l'on pourrait croire que le tonnerre venait de tomber à quelques centimètres, l'onde de choc me repoussa en arrière. C'est épuisée et le bras droit tout tendu que je pu cependant me relever pour faire face à un homme ayant subit d'importants dégâts mais encore apte à s'agenouiller. Mon regard se porta sur son équipe, la vingtaine d'hommes dont il disposait n'était à présent plus que cinq, aucun d'eux n'avait d'armes à feu, seulement de simples sabres.

« Ne faites rien, c'est une criminelle dangereuse. Retournez à bord et ... appelez les renforts. Lise des Intrépides Libres est à capturer, elle aurait un lien avec l'incident du village. »

Plutôt cocasse de me faire porter le chapeau pour donner une raison à la Marine de venir m'arrêter. Mais je ne compte pas me laisser faire injustement, je ne dis rien, passer pour l'héroïne auprès du peuple ne me va pas. Je préfère agir, en tentant de lancer un nouveau Cyclone Tempo sur ses larbins pour les empêcher de retourner à bord. Malheureusement, mon adversaire fut plus rapide que moi et parvint à m'atteindre, usant de nouveau de son espèce de téléportation pour venir m'asséner un coup d'index à l'épaule gauche, me faisant hurler de douleur en lâchant subitement mon arme. Le choc eut un effet soudain dans mon corps qui fut incapable de me répondre l'espace d'une seconde, laissant un champ d'ouverture au capitaine à présent relevé devant moi pour m'attraper par la gorge. Un sourire carnassier et satisfait au visage, il se mit à sortir lentement l'arme qu'il cachait à sa ceinture. Ma tête se mit à tourner, son étreinte à ma gorge empêchait l'air de se frayer un chemin, j'allais m'évanouir. Par chance, en me débattant, l'une de mes armes s'approcha assez de ma main droite. Je pu la faire tournoyer une fois pour asséner ce qui semblait être une Ice Ball au poignet de mon geôlier. Le froid intense commença à le brûler, il lâcha l'étreinte, et c'est alors que mon instinct de survie me poussa à dégainer mon troisième bâton climatique. Dans un élan puisant dans mes dernières forces, je pu asséner une Thunder Ball en plein coeur au capitaine. Le choc le fit trembler de tout son long, de la fumée sortit de sa bouche, ses yeux commencèrent à tourner, puis il finit par s'effondrer dans le sable, devant moi. Essoufflée et tremblante, je fit de même, les genoux et les mains au sol, il me fallut une minute pour reprendre ma respiration et recouvrer mes esprits que déjà un nouveau coup de canon me fit sursauter. Je fut forcé de secouer la tête pour bien apercevoir ce qui s'approchait, deux nouveaux navires de la Marine. Deux galions.

« Je ne connais pas ton prénom mais t'es bien une sale ordure. Tu ne peux rien face aux Intrépides Libres. »

Veillant à bien récupérer mes bâtons climatiques, je pu croiser le regard des derniers matelots sur le navire qui tenaient un escargophone dans leurs mains. Ils ont réussit à faire appel aux renforts. J'espère que Ned et Jayce ont pu s'occuper des Pacificateurs afin que nous puissions fuir d'ici, car vu l'envergure des galions qui s'approchent, nul doute qu'un haut gradé de la Marine s'y trouve, et là, je ne pourrais rien faire de plus pour les repousser. Courant à allure rapide, je pu me frayer un chemin dans la forêt, en passant par l'endroit encore en feu où j'avais fait tomber la foudre. Manquant de m'effondrer à deux reprises, la fatigue commençait à se faire ressentir. Une douleur vive à l'épaule droite me fit pester, je ne sais pas de quels techniques il disposait, mais c'était impressionnant et je n'avais jamais subit ça auparavant, bien que Helena avait usé d'attaques similaires à Orange. Après plusieurs longues minutes de courses effrénées à travers la forêt, je pu enfin rejoindre le village où des traces d'un combat violent étaient gravés au sol. Sans réfléchir je me mit à hurler d'une voix forte et toujours aussi sûre de moi.

« Ned ! Jayce ! Il nous faut fuir, j'ai pu vaincre une équipe de la Marine, mais deux galions s'approchent ! »
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Ned et Jayce se retrouvent désormais seuls en territoire ennemi. Seuls face à des fanatiques armés et déterminés. Tandis qu’il esquive, les assauts répétés des moines-guerriers, Ned songe au départ soudain de Lise.

- Elle nous a trahi ! Cette garce a pris la fuite au premier coup de canon, crie-t-il tout en repoussant un adversaire d’un coup de lame.
- Fais-lui confiance Ned ! Elle a dit qu’elle se chargeait de la marine pour nous couvrir, alors sois patient !
- C’était sans doute qu’un prétexte pour se tirer ! On va se faire cerner d’ici peu !

Soudain, une barrière transparente jaillit en direction du jeune pirate et le frappe en plein visage, l’envoyant valser un mètre plus loin. Le choc le fait vaciller intérieurement et a le mérite de lui remettre les idées en place.

- Tu devrais rester concentré sur ton adversaire !

Le pirate se relève d’un bond et essuie la trace de sang qui lui teinte la bouche. Sentant la colère lui monter au nez, il la laisse le guider pour s’élancer avec hargne vers son ennemi. Avant de l’atteindre, un pas de côté lui permet de se mouvoir en un éclair dans son angle mort et de frapper au niveau de sa nuque. Le moine reste stoïque face à l’assaut du jeune homme, et une fois de plus, une barrière incassable lui permet d’échapper à la mort. L’impact de l’acier contre le mur fait basculer Ned en arrière, qui retrouve l’équilibre in extrémis. Face à lui, le moine se met en garde, ancre ses pieds au sol en repliant ses jambes, ferme un poing qu’il amène contre sa hanche, et ouvre son autre main. Son bras se tend brusquement et il croise les doigts, provoquant une énième barrière transparente. La paroi fuse en direction du pirate, qui roule sur un côté pour esquiver le monstre transparent. Mais, alors qu’il se pense sorti d’affaire, un nouveau mur le frappe de plein fouet. Puis encore un. Encore. Et encore.

- La rafale de Jifu-san !!

Un torrent invisible se déchaîne sur Ned, qui ne fait qu’en subir les assauts. Chaque choc le secoue et le sonne un peu plus, et il sent ses os sur le point de rompre. Finalement, le Maître Lee met un terme à son attaque, qui visiblement lui a coûté en énergie. Au sol, la respiration sifflante, le regard perdu, Ned reprend ses esprits tant bien que mal en essayant de faire abstraction des membres engourdis qui entravent son mouvement. Non sans peine, il parvient finalement à se remettre d’aplomb. Son adversaire, lui aussi, semble épuisé, non par les coups qu’on lui aurait portés, mais par l’utilisation intensive de ses pouvoirs. Dissimulant leur fatigue derrière leur orgueil, les deux hommes se toisent un instant et s’échangent leur dédain par les yeux.

- Avant d’en finir, j’aimerais savoir. Toi et les tiens, qu’est-ce que vous cherchez exactement ?
- Ce que nous cherchons ? Rien. Nous ne sommes que des messagers qui répondons aux appels de Jifu-san. Vos villes gagnent de l’espace, chaque mois, chaque année, détruisant et colonisant un peu plus notre sol sacré. Des habitations poussent ici et là, les terres sont pillées et exploitées, et la Grixendre, le fruit même de notre Dieu, est étudiée sans relâche, récupérée par vos engins métalliques et destructeurs pour être transportée dans votre université. Jifu-san n’est qu’une bête de foire à vos yeux. Un simple moyen, sur lequel on s’étend sans le moindre respect pour le sol qu’il offre et que l’on utilise à sa guise, quitte à le détruire à petit feu. Vous qui vivez dans l’opulence, cette fois vous ne pouvez plus échapper à vos méfaits. Aujourd’hui, votre ville a goûté à la colère de notre Dieu et vous avez appris une chose que jamais plus vous ne pourrez oublier : la nature reprend toujours ses droits.
- Et tu penses que le meilleur moyen de faire comprendre leurs torts aux Konéashimiens, c’est de les anéantir ?
- Je ne réponds qu’aux ordres de Jifu-san, c’est lui qui nous a sommé d’agir.
- Vous me tapez le système, vous, les fanatiques, à vous cacher derrière vos dieux. C’est toi et toi-seul qui a détourné cette éruption, la vérité c’est que tu as agis pour ce que tu croyais être juste, rien de plus. Une montagne ne donne pas d’ordres.
- Tu ne sais pas de quoi tu parles, nous ressentons la souffrance de Jifu-san et nous comprenons ses requêtes. Pourquoi ? Parce que nous connaissons cette montagne depuis toujours et que nous avons daigné l’écouter. Notre foi vous est étrangère parce que votre âme d’envahisseur ne voit en ces terres qu’un sol où y mettre les pieds. Ce n’est pas notre cas. Je ne m’étalerai pas plus, nous avons quelque chose à terminer.
- Ouais. A vrai dire, je ne suis pas là au nom de Koneashima et je ne te reprocherai pas tes idéaux, mais en détournant cette éruption, tu t’en es pris à mon frère et moi, et ça, ça se paye.

Les deux adversaires se jettent l’un sur l’autre et le bruit de l’acier retentit de nouveau. Pendant ce temps, à quelques mètres de cette lutte acharnée, Jayce affronte à lui seul les sbires de Maître Lee. L’homme-poisson fait tournoyer son trident pour empêcher ses opposants de l’attaquer de tous les côtés, mais les Purificateurs se ruent tout de même sur lui sans la moindre hésitation. Certains finissent embrochés, tandis que d’autres sont déchiquetés par les mâchoires du requin, mais les quelques rescapés parviennent à trouver une faille dans sa garde et frappent en même temps. Des lames perforent sa peau d’acier et une massue s’écrase sur son crâne, le faisant vaciller et reculer. Contraint de poser un genou à terre, Jayce saisit fermement son trident, pour s’empêcher de faillir et de perdre conscience. Un moine muni d’un long bâton s’élance vers lui et tente de frapper après une passe d’armes élégante. Elégante mais prévisible pour l’homme-poisson, qui attrape l’extrémité de l’arme avant qu’elle ne s’abatte sur lui et ramène d’un geste vif son porteur à quelques centimètres de lui.

- Frappe du marteau !

Le crâne de Jayce percute le manieur de bâton, qui s’effondre comme un pantin désarticulé sous la violence du coup. Un rictus se dévoile sur la gueule ensanglantée du requin.

- Il va en falloir un peu plus, messieurs.

De son côté, Ned poursuit son combat contre Maître Lee. L’affrontement est acharné, mais aucun des deux adversaires ne parvient à prendre l’ascendant. Le jeune pirate n’arrive pas à percer les barrières du moine et les attaques du Maître Lee ne sont pas suffisantes pour venir à bout du sabreur. Les coups fusent et le bruit de l’acier résonne inlassablement, sans qu’une issue ne soit trouvée. Ned affronte les barrières invisibles plus qu’il ne combat le moine, et le fait de ne pas être en mesure de toucher son adversaire commence à lui faire perdre patience. Les pouvoirs de Maître Lee sont un calvaire pour lui, mais fort heureusement, ils ont leur limite, ou plutôt, c’est l’homme lui-même qui a ses limites. Aussi puissante soit sa foi en Jifu-san, aussi profonds soient ses idéaux, l’énergie du moine s’amenuise au fil des assauts du pirate et les barrières qu’il déploie, nombreuses au début, se raréfie. Ned sent son ennemi s’épuiser à chaque coup, mais malgré sa fatigue grandissante, sa détermination semble intacte. Le jusqu’au-boutisme du moine se décèle jusque dans ses pupilles rouges, un regard limpide qui explique de lui-même sa vision des choses, à cet instant. Pour lui, il y a une issue, il n’y en a qu’une : vaincre ou mourir.

Après avoir repris de la distance, le Purificateur se concentre un instant pour matérialiser une paroi gigantesque, comme un ultime baroud d’honneur. La forme grossit, encore et encore, si bien qu’il faut lever la tête pour en voir le sommet. Ned n’a plus d’échappatoire et doit faire face à cette immensité qui s’avance sur lui. Il le sait, le seul le moyen pour lui de s’en sortir est de passer au travers, autrement dit, de la briser. Un instinct de survie mêlé d’une rage de vaincre le poussent vers l’avant. Un bond et deux lames tenues fermement. L’acier s’abat une dernière fois sur le mur, sans une plus grande force, mais avec une nouvelle détermination. Pour lui, c’est une évidence, il va passer au travers.

L’impact sonne le glas. La barrière se craquèle, se morcèle puis s’évapore. Le pirate continue sa course, le regard lancé sur sa proie. Le moine a compris et a accepté. Il relâche sa garde et ouvre la porte à la faucheuse.

- Frappe du temps.

Les lames frappent et tranchent en biais, et le Maître Lee s’effondre dans un dernier soupir.

Ned observe le corps du moine tout en rangeant ses lames teintées de sang. Le chaos ambiant ne semble pas le faire réagir, comme s’il n’entendait pas les coups de canon soudains qui retentissent à travers le village. Les cris de Jayce finissent par le tirer hors des brumes. Le jeune homme relève la tête et découvre les corps inanimés des Purificateurs qui jonchent le sol cendré. Une autre voix familière se fait entendre au milieu du brouhaha assourdissant. Ned fait volte-face en direction de la forêt.

Une longue chevelure argentée et le même regard empli de détermination. Lise est revenue, et les ricanements de Jayce bourdonnent tout à coup aux oreilles de Ned.

- Je t’avais bien dit que…
- Ta gueule.

Les avertissements de la jeune fille sont clairs : ça sent le roussi. Et les deux compères ont bien compris que sans l’intervention de Lise, ils auraient rapidement été débordés. Le groupe se rassemble sans perdre un instant. Le bruit des canons se rapprochent dangereusement, signe que l’heure est désormais à la fuite.

- Si la marine rapplique avec deux vaisseaux, c’est pas pour faire la causette. Lise a raison, faut qu’on se casse d’ici tout de suite.
- Comment ont-ils su que cette histoire avait un lien avec les Maîtres du feu ?
- D’après toi ? C’est la marine. Si on a pu dénicher des infos sur les Purificateurs, nul doute qu’eux-aussi.
- Alors il faut qu’on rejoigne le bateau au plus vite avant qu’ils n’atteignent la forêt une fois de plus.

Le groupe prend ses jambes à son cou, laissant le village dans un état lamentable. Jayce attrape au passage le pauvre Heska, toujours inconscient, et le jette sur son dos. Mais, alors qu’ils s’engouffrent dans la forêt par laquelle ils sont arrivés, une explosion soudaine met un terme à leur progression. Le souffle les emporte dans une vague de feu et de fumée. Les arbres se déracinent et s’envolent, manquant d’écraser les compagnons de fortune, déjà sonnés et assourdis par la boule de feu. Finalement, c’est toute une partie de la forêt qui part en fumée. Les trois pirates se relèvent péniblement et malgré le choc, ils comprennent aussitôt la situation. A travers les feuillages encore intacts, les bruits de bottes se font entendre. Nombreux et rapides. Il n’y a plus d’échappatoire, et ils le savent. Les armes se dégainent de nouveau, certainement pour la dernière fois.

- Quelle journée de merde…

Les premiers soldats traversent les branchages et se mettent en position.

- Lise la Sorcière Climatique, nous exigeons ta reddition ! Déposez vos armes, toi et tes petits camarades ! lance un des soldats en tête de la troupe.
- Petits ?
- On a l’air de vouloir se rendre ?
- Je crois que vous faites fausse route, c’est vous qui devriez déposer les armes !
- Dernière sommation ! Sinon nous allons ouvrir le feu !

A peine le soldat termine sa phrase qu’il est embroché par le trident de Jayce, jeté à toute vitesse. La scène a le don de mettre les choses au clair concernant les intentions des trois pirates. Un vent de frayeur parcourt la rangée de militaires, qui regardent le corps de leur camarade se balancer mécaniquement au bout de l’arme.

- Abattez-moi ces pirates ! Feu !

Les ordres sont lancés, dans un éclair lumineux, les balles quittent les fusils et le bruit éclatant s’ajoute à l’atmosphère tendue de l’affrontement. Instinctivement, les trois camarades se dispersent pour ne pas être des cibles faciles et se meuvent à travers les feuillages et les buissons. Certains marines font de même et quittent leur position de tir, pour s’engouffrer dans les hautes herbes, sabres en main.

- Grossière erreur !

Ned bondit de l’arbre sur lequel il était perché et tombe nez-à-nez avec une petite escouade de cinq soldats. Leur surprise a de quoi ralentir leur temps de réaction et les plus proches du pirate n’ont pas le temps de se mettre en garde que des coups de lames les emportent aussitôt à la mort. Ned tente de poursuivre sa lancée en écourtant la vie de ceux encore debout, mais un violent coup de massue l’oblige à parer fermement en croisant ses lames et à prendre un pas de distance. La brute à la massue, de toute évidence le plus haut gradé de l’escouade, réitère son assaut vertical sur l’archéologue. Mais, cette fois, l’attaque est prévisible et Ned se glisse comme un chat à ses jambes et lui découpe les tendons derrière les rotules, l’obligeant à plier les genoux au sol. Une dernière frappe abrège ses souffrances et Ned fait volte-face en tournoyant ses lames pour parer les assauts des deux derniers soldats. L’impact de l’acier contre l’acier repousse les deux hommes, qui pressentent leur fin arriver en voyant leur adversaire face à eux bondir d’une pirouette. Les têtes se séparent des cous, puis rejoignent le sol cendré dans un bruit sourd et morbide.

Le jeune pirate n’a pas le temps de se remettre d’aplomb que les balles fusent autour de lui, faisant siffler ses oreilles et accélérer son cœur. Les arbres et les feuillages lui offrent une couverture non négligeable, mais la masse de soldats qu’il perçoit grossit à vue d’œil, de nouvelles unités armées jusqu’aux dents débarquent ici et là à travers la forêt et le groupe est sur le point de se faire cerner. En zigzaguant entre les branches pour éviter les balles comme il le peut, Ned parvient à retrouver Jayce et Lise, eux-aussi aux prises avec des soldats.

- Ils sont trop nombreux, on va se faire acculer dans peu de temps. Jayce, récupère Heska ! Il faut qu’on se fraie un chemin jusqu’à la rive. Lise, ton bâton a l’air de faire des miracles, et un miracle serait pas de refus maintenant ! Je te couvre ! lance Ned en s’adressant à la jeune fille aux cheveux blancs.

Le groupe se prépare à fuir mais un soudain tressaillement dans un buisson non loin d’eux interpelle Ned.

- Soru !

Une silhouette jaillit face à eux à une telle vitesse qu’ils ne perçoivent qu’un éclair l’espace d’une demi-seconde. Un poing s’abat violemment sur le jeune pirate, tout aussi surpris que ses camarades. Les phalanges s’enfoncent dans son plexus et le sèchent brutalement, l’empêchant de prendre la moindre inspiration. Le sabreur tombe à genoux et cette fois, un talon vient s’écraser sur le haut de son crâne avec la même violence que le précédent coup. Lise et Jayce tentent d’intervenir pour prendre à revers le mystérieux assaillant, mais deux coups de pied dans l’abdomen, aussi rapides que brutaux, les envoient percuter un arbre.

Au sol, sur le ventre, Ned relève la tête difficilement. Face à lui, une jeune femme aux cheveux sombres, le regard serré et les yeux de la même noirceur que sa crinière. Un long manteau d’officier flotte sur ses épaules et couvre un costume de jais. La femme s’avance vers le jeune pirate haletant et plaque sa semelle sur sa nuque.

- Peuh. Je m’attendais à un peu plus de résistance. Bande de moucherons.

Fanatisme ardent Image210

Ned essaye tant bien que mal de se dépêtrer de la chaussure, mais la pression que la jeune femme exerce est bien trop grande.

- Plus vite tu m’expliqueras votre lien avec les Purificateurs, plus vite je retirerai mon talon.

Ned étouffe et se sent partir dans les vapes sous la botte de l’officier. In extrémis, Jayce, qui a retrouvé sa lucidité entre temps, plonge sur la marine, trident en avant. La jeune femme est contrainte de relâcher sa proie et esquive l’assaut de l’homme-poisson en se tordant comme une feuille de papier. Ned retrouve de l’air et son cerveau avec et profite de ce moment opportun pour se relever d’un bond, puis à bout de nerfs, il abat ses lames sur l’officier qui ne daigne même pas broncher.

- Tekkai.

Les sabres heurtent la marine et rebondissent contre son corps, qui semble soudainement fait d’un acier encore bien plus résistant que ne l’étaient les barrières du Maître Lee. La situation semble tourner au vinaigre, d’autant plus que les soldats ne cessent de s’amasser autour des compagnons, signant inexorablement leur fin.

Alors que les pirates se préparent à un ultime affrontement, tout à coup, un grondement d’une puissance ahurissante retentit à des kilomètres à la ronde. La terre se met à trembler, faisant vaciller et fléchir les jambes des moins solides. Le fracas étourdissant s’amplifie, comme le cri d’un monstre prêt à se repaître de son gibier. Puis, soudain, le feu et les cendres éclatent dans le ciel bleu de Koneashima. L’avalanche horrifique est en route, une fois de plus, et les cœurs s’emplissent de terreur…

« La nature reprend toujours ses droits. »
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Ma tête ... elle tourne, elle vibre, un bruit sourd résonne dans ma tête. Je peine à ouvrir les yeux, lorsque j'arrive finalement à le faire, une bonne dizaine de soldats sont pointés là à regarder le ciel, devenu sombre et menaçant. Ne comprenant pas trop ce qu'il se passe il me fallut bien quelques secondes pour que mes sens me reviennent. L'affrontement contre le précédent capitaine de la Marine m'a bien éreinté, je ne m'attendais pas à ce qu'une lieutenant daigne se déplacer jusqu'ici pour nous arrêter. Sa puissance est énorme, elle a mit Ned au tapis tout en nous écartant du combat, Jayce et moi avec une facilité déconcertante. Cette femme est dangereuse, et nous devons fuir si nous ne voulons pas nous faire capturer. Un déclic me fit lever la tête, dans le ciel, des cendres, du feu, de la brume, tous ces éléments s'apprêtant à nous retomber dessus.

« Reculez ! Retourner au galion, je ramène ces pirates. Tu ne m'as toujours pas dit votre lien avec les Purificateurs, sale pirate ! »

Ned est maintenu au sol, Jayce a tenté de surprendre la lieutenante. Puisant dans mes dernières forces, je réussi à me glisser de son autre côté avec mon Climat-Tact reformé, j'allais pour lui donner un violent coup de Climat-tact électrisé au moment où elle fit à nouveau usage de sa technique de déplacement furtif, en ne manquant pas de me bousculer sauvagement. Au même instant, la cendre se mit à pleuvoir sur nous, je pris alors du recul pour préparer notre évasion de ce cul de sac. Les soldats sommés de retourner à leur navire se firent quant à eux stopper dans leur chemin inverse en faisant face à des gerbes de feu s'éclatant dans le peu de forêt verdoyante qu'il restait, mettant feu aux arbres déjà peu verdoyants. Je devais profiter de cet arrêt des soldats pour nous ouvrir un passage.

« La nature est incontrôlable, excepté pour moi. Cyclone Tempo ! »

Dis-je d'un ton acerbe à mon opposante. D'un geste vif, je pu lancer mon climat-tact du froid replié sur celui du chaud, le tournoiement des armes eut pour effet de créer un trou d'air, emportant toute la végétation ainsi que les flammes sur son chemin. Dans le même temps, mes deux bâtons tournoyants purent libérer des bulles de froid et de chaud pour former une masse épaisse de nuages dans le ciel, cachés par la chute des cendres. Des gerbes de flammes de plus en plus grosses se mirent alors à nous tomber dessus, de l'extérieur, cela nous donnait l'impression d'être criblés de tirs de balles chauffés à haute pression. Jayce se précipita vers son ami pour l'aider à se relever.

« Nous devrions partir maintenant ! »

« Non je ne pense pas, les pirates restent ici. »

Rattrapant mon bâton en plein vol il ne me fallut pas plus d'une seconde pour le reformer et commencer à le faire tournoyer devant moi. Je ne sais pas si je serais capable d'user de cette technique ici et maintenant mais qui ne tente rien n'a rien, avant de déclencher un véritable orage nous devrions fuir discrètement. Mon bâton tournoyant rapidement devant nous, des bulles de froid se libérèrent de ce dernier, commençant à nous entourer, Ned, Jayce et moi.

« Malheureusement, je tiens à vous rappeler que je suis une sorcière. Mirage Tem... ? »

Un nouveau tremblement me coupa dans mon élan, faisant perdre pied à tout le monde, cette éruption est violente, la montagne lâche à nouveau toute sa haine dans le ciel, des gerbes plus proches de véritables rocs se mettent à pleuvoir sur nous en l'espace de quelques secondes. Des cris retentirent dans toute la forêt, tout le monde fut criblés de rocs, pointus comme des lames, chauds comme la braise, il fallait profiter de ça pour partir ! La forêt volait littéralement en éclat, les arbres s'enflammèrent en quelques secondes, la température ambiante montait bien trop vite, mes nuages commencèrent à se dissiper. Nous nous mirent à courir tous les trois vers la rive, semant certains soldats qui boitaient, des rocs les fusillèrent et mirent fin à leur souffrance. Cela n'empêchait pas la lieutenante d'user de ses déplacements rapides inexplicables pour nous rattraper et m'asséner un violent coup à l'épaule, me faisant lâcher mon arme.

« Non ! Mon Climat-tact ! »

« Tu vas mourir ici sale sorcière. »

« Ned, arrête toi, on ne peut pas la laisser. »

Ned qui s'était préoccupé de récupérer le pauvre Heska, encore dans les vapes ou au bord de la mort vu sa non réaction aux évènements qui se déroulent, s'arrête sur son chemin, essoufflé il n'a pas besoin de s'adresser à son ami pour savoir ce qu'il y a à faire. Alors que la lieutenante allait s'emparer de mon arme, le crâne dur du gigantesque homme poisson vient s'entrechoquer avec le bras de cette dernière, qui lâcha un râle de douleur, un craquement se fit entendre, me permettant de récupérer mon arme que je pu ranger à ma ceinture pour ne plus le perdre avant d'aider Jayce à se relever tant bien que mal pour que nous puissions rejoindre la rive maintenant toute proche.

« Voi... »

De gros rocs tombèrent du ciel, ravageant la plage, le reste de forêt et l'embarcation nous permettant de fuir. Heska ouvrit les yeux à cet instant et pu observer son navire brûler. La panique le fit trembler de tout son long, tandis que le véritable enfer se déchainait derrière nous, les cendres et les rocs tombant du ciel devenaient gênant et dangereux pour nous. De nature normalement calme et prévoyante, je dois bien dire que la panique commence à se faire ressentir, j'ai mal partout, ma tête vibre, des cris résonnent dans ma tête. J'allais pour hurler de la fermer à tout le monde alors que Jayce met sa main sur mon épaule pour me pointer l'horizon, tout en parant quelques rocs filant vers moi avec son aileron acéré.

« La brume et les cendres nous bloquent l'horizon, mais je crois apercevoir un navire. Ils nous appellent. »

« Cyclone Tempo ! »

Ne réfléchissant pas plus longtemps, je dû réitérer ma technique de vent pour dissiper ce qui obstruait notre vision de l'horizon. Nous pûmes alors distinguer deux navires avec à son bord, des civils de Koneashima que nous avions croiser bien plus tôt au port. Nous les avons aidés à fuir, sont-ils là pour faire de même. Ne cherchant pas plus loin, je leur fit de grands gestes, rapidement suivis par Jayce et Ned pour que nous puissions attirer leur attention. Heska continuait de pleurer, allongé sur la plage et recroquevillé sur lui-même, pour tenter de ne pas se faire assommer par des rocs tombant du ciel. Il nous fallait fuir au plus vite pour ne pas mourir carbonisés.

HRP:
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Un déferlement de roches, de cendres et de feu s’abat sur le groupe d’aventuriers, qui essaye désespérément de se faire repérer par les navires qui bordent le versant oriental. Malheureusement, leurs grands gestes et les cris d’appel à l’aide ne suffisent pas. Les embarcations s’éloignent peu à peu des rivages et l’ultime espoir des compagnons s’évapore à l’horizon. La situation semble désormais désespérée et la frustration est grande après tous les efforts accomplis pour atteindre la rive sains et saufs.

Dans les hauteurs, le volcan se déchire un peu plus, crachant ses gerbes de lave et ses morceaux de roche, anéantissant la végétation du versant oriental, emportant vers la mort les soldats qui tentent de fuir, et dont les cris de peur et d’agonie se mêlent au déferlement sonore de l’éruption.

- Il faut qu’on trouve une solution, hors de question de finir calcinés ici ! gueule Ned à ses compagnons en usant de toute sa voix pour se faire entendre.

La panique s’immisce inévitablement au sein de groupe, notamment chez le capitaine de l’expédition, qui perd un peu plus ses moyens au rythme des roches qui s’abattent près de lui. Recroquevillé, sanglotant, paralysé par la peur, Heska est une proie facile pour les rejets de Jifu-san. Un énième craquement retentit et un immense rocher déferle sur le groupe. Les pirates réagissent au quart de tour pour se mettre hors de portée du monstre de pierre, mais Heska ne parvient pas à bouger. Le visage pâle, les yeux livides, rien ne semble le faire réagir, comme si la peur avait pris possession de son corps pour l’entraver de chaînes. In extrémis, Lise se jette sur le capitaine de l’expédition et l’emporte dans son élan. Mais, son bond ne suffit pas et Jayce, dans une miraculeuse inspiration, lui tend son trident. La main de la jeune archéologue enserre l’arme et l’homme-poisson, de toutes ses forces, tire ses deux compagnons vers lui et les éjecte le plus loin possible. L’ombre se rapproche inexorablement et la roche finit par s’abattre dans un grondement fracassant. Le peu de forêt restant est broyé et la rive elle-même s’écartèle sous la puissance de l’impact. La terre s’ébranle et les quatre compagnons s’agrippent à ce qu’ils trouvent. Les éclats de roche leur tailladent le corps et les jets de lave brûlent leur peau, tandis qu’ils s’accrochent à la vie par la seule force de leur poigne.

Dans son malheur, Ned observe l’horizon, une dernière fois peut-être, et voit les galions de la marine se déchirer sous les flammes et les roches.

- Si je dois crever ici, je vais m’assurer de vous emporter avec moi, bande de chiens !

Une voix résonne près du groupe, sonnant comme un malheur de plus. La marine bondit entre les morceaux de rives éparses, manteau virevoltant sur les épaules, et se jette sur Ned. Le sabreur dégaine de justesse, plus par réflexe que par volonté, et pare la botte de l’officier qui s’abat sur lui. Il la repousse dans un râle de colère et se met en garde tant bien que mal en essayant de faire abstraction du sol qui se morcèle sous ses pieds.

- Encore toi ?! Bordel, tes hommes sont en train de crever et tu préfères nous courir après ?!
- Je ne laisserai pas des pirates prendre la fuite, quoi qu’il m’en coûte !
- T’es juste complètement aveuglée. Approche, je vais t’ouvrir les yeux !

La gradé disparaît une nouvelle fois en un éclair, puis réapparaît dans le dos de Ned. Le tressaillement derrière lui le fait réagir et il tente de séparer sa tête de ses épaules en faisant volte-face brusquement. La jeune femme esquive aisément et lui projette un uppercut sous le menton. Le choc le fait décoller du sol et une nouvelle frappe dans le foie l’envoie cette fois au tapis.

- Pathétique.

Le talon de la jeune femme retrouve la nuque du sabreur, qui tente d’évacuer la haine, la frustration et la douleur par des cris étouffés. Soudain, une nuée de poussière, de cendres et de fumée gagne la rive morcelée et la recouvre d’un voile épais et toxique, obstruant par la même occasion la vue de tous ceux qui s’y trouvent.

Dans la brume noirâtre, un violent coup de bâton vient heurter l’officier, contrainte de s’écarter à cause de l’attaque. Ned relève la tête et aperçoit Lise à travers la fumée. Une main tendue l’aide à se redresser et les jeunes archéologues s’adressent un regard et un geste mutuel de la tête.

Jayce jaillit à son tour du brouillard, toussant la fumée qui lui brûle les branchies. Sur son dos, Heska est endormi, ou plutôt évanoui.

- Bien joué Lise ! Agrippez-vous tous les deux à mon trident, serrez de toutes vos forces et ne le lâchez sous aucun prétexte ! lance-t-il à ses camarades en leur tendant l’autre extrémité de son arme.

Les deux archéologues s’exécutent sans rechigner, préférant même ne pas penser à ce que Jayce prévoit de faire.

- VOUS NE PARTIREZ PAS D’ICI !!

La marine traverse la brume, plongeant tête baissée sur les aventuriers. Mais, un énorme rocher s’écrase soudainement sur la plateforme, la scindant en deux et séparant définitivement les proies de leur chasseur. Ni une ni deux, Jayce se jette à l’eau, emportant ses camarades avec lui.

- Préparez-vous !

A une vitesse démesurée, le requin-marteau traverse les flots agités où s’abat une pluie de feu et de cendres. Lise et Ned se retiennent au trident à l’aide de leurs dernières forces, tandis que l’homme-poisson fuse comme un éclair, tranchant la houle sur son passage et écartant les courants par la seule force de ses nageoires. Au terme de sa course effrénée, il finit par rattraper l’une des embarcations qui bordaient la rive. L’homme-poisson somme à ses compagnons de retenir leur souffle, puis plonge à plusieurs mètres de profondeur pour prendre son élan. Telle une bourrasque, il s’élance vers les hauteurs et fuse dans les airs. Les deux archéologues se cramponnent comme ils le peuvent, et finalement, le groupe atterrit lourdement sur le pont d’un bateau. Trempés jusqu’au cou, haletant, le corps endolori, les aventuriers reprennent péniblement leur respiration au sol.

Le navire est exigu, rempli de filets de poissons qui s’étalent sur toute la longueur du pont. Plusieurs marins vêtus de tenues de pêcheur s’approchent finalement des rescapés et les aident à se redresser.

- Bon sang ! Nous pensions que vous avez péri dans l’éruption ! lance l’un deux.
- Kof ! Kof ! C’était moins une.
- Je vous reconnais, vous êtes les villageois des hauteurs de Koneashima n’est-ce pas ? Comment vous nous avez retrouvés ?
- Au port tout à l’heure, vous avez discuté du versant oriental et nous vous avons vu prendre la mer. Nous voulions simplement vous remercier de nous avoir sauvé la vie, sans vous, nous ne serions certainement plus que des cendres à cette heure-ci. On a décidé de prendre la mer pour le versant oriental, pour essayer de vous retrouver. Mais, l’éruption a éclaté de nouveau… Et on pensait que c’était trop tard. C’est un miracle que vous soyez ici.
- Alors nous sommes quittes n’est-ce pas ? lance Lise en leur adressant un sourire.
- Non ! Non ! Vous avez réussi seuls à venir jusqu’ici, nous étions en train de vous abandonner lâchement…
- Et vous avez bien fait. C’était bien trop dangereux pour vous de rester proches de la rive, sans notre ami, nous n’aurions pas pu nous en sortir en nageant jusqu’ici.
- Vous êtes de sacrés phénomènes ! s’exclame le pêcheur, le rire aux lèvres. Permettez-moi de vous remettre ceci, j’aimerais pouvoir vous donner plus, mais c’est tout ce que j’ai.

L’homme fouille un instant dans la poche de sa veste et tire deux petits bracelets couvert d’une aiguille et d’une petite sphère de verre. Des logs pose.

[…]

Le groupe retrouve finalement le port de Koneashima, là où tout a commencé. La ville semble panser doucement ses blessures. Les trois camarades quittent le navire des pêcheurs, laissant Heska entre de bonnes mains.

- Dites-lui qu’il a été courageux aujourd’hui. J’espère que nous le reverrons.

Les pirates s’éloignent et traversent les quais, jusqu’à ce que vienne le temps d’autres adieux.

- Prenez soin de vous, Lise, lance l’homme-poisson en posant sa main gigantesque sur l’épaule frêle de la jeune fille.
- Vous aussi Jayce. C’était un plaisir.
- Eh, Ned ! Tu n’as pas quelque chose à lui dire ?
- Hm… J’ai douté de toi aujourd’hui, je l’avoue. Mais, tu as été…remarquable. Je te prie de bien vouloir m’excuser, Lise. Sans toi, nous ne serions sûrement plus de ce monde. La prochaine fois que nous nous reverrons sur les mers, j’espère que nous serons toujours du même côté. A bientôt.

Un sourire partagée, un dernier regard. Les camarades de fortune se séparent finalement et regagnent l’horizon, chacun de leur côté.
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