North Blue, l'île de Manshon — Hiver An 1626.
Lorsque le fantôme rencontre l'esprit vengeur...
Lorsque le fantôme rencontre l'esprit vengeur...
« Il me fout vraiment les jetons… » Fit un des geôliers à son camarade. « C’est fou de se dire qu’il n’a pas pipé un mot depuis la mort de cette esclave... » Ajouta -t-il, en jetant un bref regard derrière lui, là où se trouvait la cellule de Sigmund.
Prisonnier depuis maintenant presque deux ans, celui qui s’était rendu en espérant sauvé son amante n’était, désormais, plus que l’ombre de lui-même. Pire, il s’estimait mort depuis ce funeste jour où sa compagne eut préféré mettre fin à ses jours que d’être vendu comme une esclave. Il aurait même pu mettre fin à sa vie pour abréger ses souffrances, pour rejoindre le seul être qui lui eut apporté un peu de réconfort et de bonheur. Mais, non, cela serait beaucoup trop facile et lâche, surtout pour un homme tel que lui.
Certes, il s’estimait comme « mort », mais cela ne signifiait pas que tout était fini, loin de là. Tout ne faisait que commencer, songeait-il intérieurement, en se nourrissant de haine et de colère ; choses que son esprit ne manquait pas de lui servir à chaque fois qu’il en demandait. En l’occurrence, tant qu’il ne sera pas véritablement tué, tant qu’une part de lui serait toujours présente en ce bas monde, alors il s’en servirait et mettrait tout en œuvre pour atteindre les inatteignables, les soi-disant dieux, parmi lequel se trouvait très certainement celui qui avait osé « acheter » sa femme par l’intermédiaire de son réseau.
Tout ne faisait donc que commencer.
C’était un nouveau lui qui prenait forme, petit à petit, depuis cette sordide cellule où il était retenu et dans laquelle on tentait de le briser pour qu’il opère pour ces groupes mafieux. Il fallait dire qu’il était un peu responsable de sa situation, puisqu’il n’avait cessé de s’en prendre aux intérêts de certains groupes sans jamais penser aux conséquences. Chose contre laquelle, Rose, son amante, eut tenté, à de nombreuses reprises, de le mettre en garde.
Un peu tard désormais.
Il ne lui restait donc plus que deux solutions : se soumettre pour obéir à ces crapules ou résister et espérer être libre un jour pour accomplir sa vengeance. Évidemment, c’était sans aucune hésitation qu’il opta pour la seconde option, attendant simplement le bon moment pour agir. Aussi, il se disait constamment que, bientôt, il serait soit mort ou libéré. Dans le premier cas, tout prendrait naturellement fin. Et, dans le second cas, on aura le droit à un fantôme vengeur qui déversera sa colère sur tous ceux qui étaient impliqués, de près ou de loin, à la mort de sa femme.
Une aura sombre s’échappait presque de son corps en songeant à la manière dont il allait les éliminer...
« … Il finira bien par parler un jour. Moi, ce que je ne comprends pas, c’est pourquoi la Lady a dit au boss de ne pas l’éliminer ? Il nous coûte trop et n’apporte rien, si ce n’est de nous dévisager avec son regard de Yasha. Il aurait dû suivre cette catin qu’on a jetée à l’eau... » Glissa le second geôlier, visiblement frustré de devoir jouer aux gardiens.
Chacun des mots qu’il prononçât était capté par Sigmund, qui grommelait, pour le moment, du fond de sa cellule...