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Un accord dans une mare de sang


Quoi qu'on en dise, Saint-Uréa était vraiment une île d'opportunités pour qui s'en donnait les moyens. Les nobles, la marine, la révolution et la pègre. Tous valaient leur pesant de berrys et tous étaient prêt à s'entre-tuer pour en posséder une plus grosse part. C'était à travers ça qu'ils mesuraient leur pouvoir, leur influence. À travers cet argent rarement propre qu'ils échafaudaient des projets pour diriger Saint-Uréa comme ils l'entendaient.

Stephen rêvait de ce pouvoir. C'était pour ça qu'il avait passé tant d'années à errer en mer en simple tueur à gages anonyme. C'était pour ça qu'il avait décidé de reprendre son nom une fois arrivé ici. Il lui fallait un emplacement solide pour planter les racines d'un nouvel empire criminel. Et c'était bien là le problème. Ici, il n'y avait plus de place pour lui. Il était arrivé trop tard. Et trop pauvre. Les gains de ses contrats passés avaient fondu à vue d'œil. Acquérir des contacts, aussi précaires soient-ils, et acheter des informations utiles à ses traques avait eu un coût colossal. Si l'on ajoutait à ça le fait que la moitié de ses gains actuels servaient à sécuriser sa couverture et la difficulté à exercer en tant que tueur à gages dans la ville la plus militarisé des Blues... D'ici peu, il ne serait définitivement plus qu'une ombre parmi d'autres.

C'était inacceptable. Il n'aurait pas quitté Manshon si c'était pour continuer à vivre ainsi. Il avait juste besoin d'un peu de soutien pour enfin acquérir sa pleine indépendance, quitte à courber légèrement l'échine face aux gros bonnets du coin. Temporairement. C'était pour ça que ce jour, il errait plus qu'à l'accoutumé dans les recoins les plus sordides de l'île. Il était en quête d'une information précieuse. Qui à le plus de poids dans la frange ?

Si t'en as les moyens, y a la guilde des usuriers. Ces gars-là, ils se prennent pas pour de la merde, mais si t'as besoin d'un truc, ils l'ont.

Sauf qu'après, ils te tiennent par les couilles un bon bout de temps !

Il n'en fallut pas plus pour que les deux compères éclatent de rire. Ils avaient tout du sous-fifre qui se croit plus malin que les autres parce qu'il a entendu des choses qu'il n'aurait pas dues. Mais ils avaient des informations, et ils n'étaient pas les premiers à mettre cette guilde en avant. Ils en parlaient tous, toujours avec ce ton mêlé de crainte et de respect. Stephen, quant à lui, ne leur offrit qu'un regard froid et un ton indifférent. Après tout, il valait mieux qu'eux, c'était évident.

Où est-ce que je peux les trouver ?

T'es pas très loin. Va voir du côté des tanneries. Ils trainent dans un des plus grands entrepôts du quartier. Tu finiras bien par les trouver.

L'autre type ajouta quelques indications plus précises et comme le voulait la coutume, Stephen leur laissa une somme anecdotique. Il les remercia d'un signe de tête et quitta ce bar putride. Il n'entendit que les rires et les "encouragements" des voyous avant de s'en aller. Le balafré n'était cependant pas dupe. Ça n'aurait pas été la première fois de la journée qu'il se serait retrouvée avec de fausses informations. Certains de ces gars semblaient prendre un malin plaisir à faire tourner en rond les nouveaux arrivants. À ce stade, c'en était presque une tradition.

Pourtant, le quartier des tanneries correspondait à la description et les allées qu'on lui avait indiquées existaient réellement. Cerise sur le gâteau, il finit même par apercevoir un entrepôt plus gros que les autres.

Surprise !

Le sol se déroba sous ses pieds et il tomba lourdement au sol. Sa vision se troubla brièvement, l'empêchant de réagir convenablement à la pression qui le maintenait au sol et aux quelques coups qu'il se prit au visage avant de se protéger. Par excès de confiance, il n'avait pas imaginé tomber aussi bêtement dans un guet-apens. Il était personne, n'avait pas d'argent et aucune affiliation politique. Mais il avait oublié qu'il n'était qu'un loup sans meute. Il ne représentait pas la menace qu'il espérait être. Aussi, lorsqu'il reprit ses esprits, il ne fut pas surpris de reconnaitre l'un des brigands du bar.

Les coups cessèrent, mais pas la violence. Il fut relevé sans ménagement et cette fois plaqué contre un mur. Un bras ferme posé contre sa gorge lui coupait le souffle et son regard était attiré par la lame qui brillait près de son visage. Il tenta de reprendre prudemment son souffle alors que son agresseur se mettait à beugler.

Hé Conrad ! Monte bien la garde, j'voudrai pas qu'on nous pique notre sac à fric !

Pourquoi c'est toujours moi qui doit faire ça, hein ? La prochaine fois, ça se passera pas comme ça...

Évidemment, l'autre était de la partie aussi, mais tant qu'il se tenait à l'écart, il n'était pas une menace. Au contraire. Ces deux-là commettaient une belle erreur. S'il l'avait pu, Stephen n'aurait pu retenir un ricanement moqueur. Ils auraient mieux fais de l'assommer, ou même de le tuer, s'ils n'étaient intéressés que par le contenu de ses poches.

Alors comme ça, t'as vraiment les moyens de négocier avec les usuriers ? Doit y avoir une belle liasse de billets cachés dans ton costard, tu me fais voir ?

Volontiers.

Plongeant une main dans sa veste sous l'œil cupide du voleur, il en ressortit son fameux pistolet à double canon, pointé directement vers une cible.

Quoi ?!

La détonation qui suivit fut la seule réponse de Stephen à la surprise de son assaillant. Et lorsque le corps de ce dernier tomba au sol après avoir aspergé de sang le visage du tueur, une autre détonation se fit entendre. Malheureusement, le dénommé Conrad avait déjà commencé à prendre ses jambes à son cou et il évita largement la balle qui lui était destinée.

Dans le calme morbide qui suivit, le balafré prit soin de recharger son arme avant de la remettre dans sa poche. Il poussa un soupir en sortant cette fois une cigarette. Il la garda en main un instant, songeur.

Il avait oublié son briquet.
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- Du feu ?

Sortant de l'ombre d'une encoignure de porte, un type fait cliqueter le briquet qu'il tient à la main. Il porte un costard qui a du être luxueux a une époque lointaine, et qui, malgré de nombreux mauvais traitement, semble parfaitement déplacé dans cette ruelle. Surtout la fleur à la boutonnière...

Plus prés de toi, on t'enfonce sans ménagement mais sans brutalité excessive, un objet dur dans le creux des reins.

- Ce que tu sens de tout dur dans ton dos c'est mon flingue. Alors pas de gestes brusques...

Des intentions louables qui montrent que tu as affaire a des truands plus riche que la moyenne, mais dont le professionnalisme laisse à désirer. Tout ceux qui ont déjà braqués un flingue sur un homme savent qu'il vaut mieux rester hors d'atteinte. On peut dévier ou attraper un flingue qu'on vous colle à bout portant, alors qu'on ne peut que se faire descendre en sautant sur un type qui se tient à quelques mètres.

Le type en face de toi s'approche assez prés pour t'allumer ta clope. Il a des oreilles assez décollés pour sentir le vent, et les cicatrices et le regard dur de celui qui n'a toujours vécu que dans des coins ou il faut se battre pour survivre.

Au bout de la rue, trois silhouettes vous rejoignent. Tu reconnais sans mal le fameux Conrad, qui tient ses mains serrés sur un nez visiblement cassé et qui pisse le sang, escortés par deux types à l'air mi méchant mi rigolard.

- Voila le crétin boss, l'est pas allé bien loin...
- Parfait, vraiment parfait. Alors nous allons pouvoir essayer de comprendre ce qu'il se passe ici. Qui veut commencer ? Toi la clope. On m'appelle Ezra. Dis moi qui tu es et ce que tu fous dans le coin.

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Un type se barrait et un autre se pointait. Bon, le nouvel arrivant n'avait pas vraiment la même allure que les deux vulgaires voleurs qui s'en était pris à Stephen. Il avait l'air plus pro, et surtout, il avait un briquet. Ça, ça le plaçait déjà bien au-dessus de la plupart des gens qu'il avait rencontrés dans la journée, même si ce ne fut pas suffisant pour faire oublier au balafré qu'un type venait de lui coller un flingue dans le dos. Il jeta un regard indifférent à ce dernier, avant d'accepter le feu qu'on lui proposait. Il tira quelques lattes après un geste de remerciement.

Il prenait cette situation avec le recul de quelqu'un qui a vécu de longues années dans un milieu criminel. Il n'avait pas été violenté et l'homme qui s'adressait à lui avait cette aura autoritaire qu'ont ceux qui se sont hissés aux commandes. Ce n'était pas n'importe qui. Une évidence plus grande encore lorsque deux autres porte-flingues pointèrent le bout de leur nez avec ce misérable Conrad.

D'un autre point de vue, Stephen avait un éventuel bouclier humain dans son dos avec une fenêtre de tir suffisamment dégagé pour abattre le boss de cette bande. Une option qui aurait certes été plus pertinente si le balafré avait été un bon combattant au corps-à-corps, mais une option tout de même.

Ceci dit, il sentait que ça ne se passerait pas comme ça. D'autant plus, maintenant que l'homme à la fleur lui demandait des explications. Soit c'était là le meilleur jour de sa vie depuis longtemps, soit le pire. Autrement dit, soit il allait passer un accord avec l'organisation potentiellement numéro une de l'île, soit il allait nourrir les poissons dans l'heure à venir.

Juste Ezra ? Alors tu peux m'appeler Stephen. Je cherche des types capables de faire des affaires sur cette île. Des hommes de confiance avec qui ont fini toujours par trouver un accord. Ces types se font appeler la guilde des Usuriers et on dit que personne ne serait tenté de leur faire à l'envers, qu'on les respecte. Pourtant, c'est sur ce qui est censé être leur territoire que deux malfrats de bas étage se sont permis d'agir. L'un deux baigne dans son propre sang et l'autre est prêt à se faire dessus. Alors, je me dis qu'ils ont dû se tromper d'adresse. Tu crois pas ?

Pas une fois Stephen ne détourna son regard de celui du meneur. Il s'exprima avec un ton calme, dont exulté néanmoins une confiance naturelle teintée d'une pointe d'arrogance. C'était comme ça dans le milieu. Si l'on voulait négocier dignement, il fallait se comporter en égal et montrer qu'on n'était pas là pour s'amuser.

En conclusion, il s'adressa finalement à celui qui le tenait en joue après avoir essuyé le sang qu'il avait sur le visage et lui souffla longuement la fumée de sa cigarette.

Et toi, tu ferais bien d'arrêter de me coller comme ça. Crois-moi.
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- Il me semble que niveau démonstration on ne fait pourtant pas dans la dentelle. SI tu n'es pas convaincu par ce qui arrive aux pauvres types qui marchent sur nos plates bandes, je ne sais pas ce qu'il te faut de plus...

A coté de toi, Conrad commence à transpirer à grosses gouttes..

- Hé, faut pas le prendre comme ça Ezra, ce mec est qu'un toquard c'est sur ! Il a rien pour toi, du vent ! Alors on voulait juste le délester un peu de ses berrys...
- Le délester chez nous...
- Les temps sont durs Ezra, tu sais comment c'est !
- Quelque part tu as du bol. En temps normal j'aurais fait abattre l'un de vous deux pour que l'autre nous fasse un peu la réclame, mais comme ton comparse est déjà mort; c'est forcément toi qui reste en vie. Brisez lui les genoux et balancez moi ça loin d'ici.
- Fais pas ça Ezra ! Fais pas...

Un des sbires colle un coup de matraque bien dosé sur le crane du braillard qui s'effondre sous le choc, avant d’être trainé à l'écart.

- Nettoyez moi le corps aussi, et rangez vos flingues, monsieur Stephen est un client.

Derrière toi le sous fifre obéit, et part aider ses comparses a ramasser ta première victime, pendant que Stephen t'invite à le suivre.

- Je vous offre un verre dans un endroit plus accueillant ?

Suivant Stephen, tu quittes la ruelle pour rejoindre un vaste entrepôt un peu plus loin. au vu des cuves creusés dans le sol, le coin était visiblement un atelier de tannage et de teinture, mais c'était il y a suffisamment longtemps pour que même les odeurs aient disparus. A la place, l'endroit est devenu un véritable capharnaüm de receleur, ou de pilleurs d'épaves. Figures de proues, coffres, voiles, canons, babioles diverses, il y a même une chaloupe suspendue au milieu de la pièce. Et surplombant tout ce bordel, le bureau de celui qui doit être le patron du coin, avec une vue plongeante sur tous les coins du hangar, un tapis assez épais pour qu'un corps y tombe sans faire un bruit, un poêle déjà allumé, et un mini bar tout ce qu'il y a de bien rempli.

- Comme je vous le disais, je suis Ezra. Actuel gérant du comptoir de Saint uréa de la guilde des Usuriers.

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Au vu du dénouement de cette première rencontre, Stephen ne put qu'esquisser un sourire satisfait. D'autant plus que le sort de Conrad fut un acte bienvenu. La guilde allait maintenir sa légitimité et, surtout, si Conrad se montrait plus bavard, le balafré gagnerait aussi en crédibilité. La tension retombait alors que les armes regagnaient l'ombre. La prochaine étape nécessitait un autre cadre et ce fut bien volontiers que Stephen suivit Ezra jusqu'à, enfin, atteindre l'entrepôt des Usuriers.

Si l'endroit ne payait pas de mine de l'extérieur, il ne faisait que cacher une véritable mine d'or. Un coup d'œil là-dedans suffisait à prouver que leur réputation n'était pas surfaite. Stephen ne trouva aucun point où fixer son regard tant il y avait à voir. Il songeait déjà à un avenir plus lointain, un avenir encore incertain, mais qui pourrait s'annoncer radieux s'il entretenait une bonne relation avec la guilde. Un sentiment renforcé par la vue du bureau du patron qui fit lâcher au balafré un sifflement admiratif.

Il s'installa à l'invitation d'Ezra, après avoir laissé ce dernier servir un bon verre à chacun. Ce qui comptait finalement n'était pas le contenant du verre, mais sa simple présence. Le ton avait changé, l'atmosphère était loin de ce qu'on pouvait ressentir dans la rue. Ils n'étaient plus deux malfrats, mais des hommes d'affaires, un marchand et son client négociant un contrat profitable pour les deux parties.

Stephen Crowley. De Manshon, bien qu'il y a peu de chance pour que vous ayez déjà entendu parler de moi. J'aspire à poser un pied solide à Saint-Uréa, mais je dois dire que la ville n'est pas très accueillante avec les nouveaux venus. La concurrence est rude et les chiens de pierre de Stanhope ne me facilitent pas la tâche. Il devient difficile de tirer un revenu de mes activités actuelles.

Stephen prit le temps d'une pause, et d'une ou de deux gorgés, avant d'en venir au fait.

J'ai besoin d'un bâtiment, rien d'insurmontable, pour me lancer dans une autre activité, de quoi faire rentrer un chiffre plus stable. Et surtout, de quoi m'ancrer dans cette ville. Les jeux d'argent semblent populaires ces temps-ci. Ce serait un commerce prolifique, mais les fonds me manque et le temps qui passe ne m'avantage pas. On me dit que vous êtes les seuls capables d'accéder à ma requête rapidement. Quel serait votre prix ? Ou plutôt, quel pourcentage de mes gains futur devrais je vous accorder ?
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- Au vu des derniers événements de Manshon, s'implanter ailleurs semble être une idée assez judicieuse. Et les bas quartiers de Saint uréa permettent des affaires tout a fait florissantes pour peu qu'on ait pas peur de se salir les mains et de distribuer quelques coups...

Pendant l'heure qui suit, l'usurier et toi débattez longuement de ce que la guilde peut faire pour toi. Il t'apparait assez vite que, sans surprises, l'usurier cherche à maximiser ses gains en s'engageant le moins possible. Et ce d'autant plus que la mention ton origine Manshonnienne semble l'avoir conduit à te considérer comme un rescapé de la débâcle récente des sept familles de Manshon, surtout désireux de se faire un nouveau trou ailleurs, un type probablement expérimenté, mais surement sans le sou et sans moyens.

Dans ce cadre la, il est tout a fait disposer à te servir d'intermédiaire auprès de la pègre et des autorités locales et à te fournir des informations, mais sans vraiment se mouiller, se contentant d'espérer un gain plus tard si tu réussis à t'implanter.

A coté de ça, il semble aussi que les Usuriers soient capable de te fournir une assistance nettement plus consistante. Mais tu as l'impression que, si Ezra est visiblement intéressé par un projet qui le mettra en lutte avec la pègre locale, il n'est probablement pas assez haut placé dans la guilde des Usuriers pour se lancer la dedans tout seul. A moins qu'il ne veuille s'assurer que tu as les épaules pour assumer ce genre de plan.

En tout cas il semble que si les Usuriers semblent clairement du genre a retourner leur veste et à t'abandonner instantanément en cas d'échec, ils semblent aussi pouvoir être l'appui financier et humain dont tu as besoin. Pour peu évidemment que tu fasses attention au partage final de cette affaire.

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La réunion commençait à tourner en rond, l'air sentait le tabac froid, les verres étaient vides et il devenait évident pour Stephen qu'il était temps de voir la situation différemment. La guilde ne se mouillerait pas pour ce qu'il leur apportait au présent. Pas comme ça.

Je comprends votre position. Un conflit ouvert avec la concurrence, la construction ou l'achat brut d'un nouveau lieu... C'est un gros investissement pour un type sorti de nulle part, et un investissement à long terme. Vu comme ça, il est clair que j'ai plus à y gagner que vous. Alors, pourquoi ne pas nous arrêter sur un compromis ? Saint-Uréa est une grande île et même vous ne pouvez pas être partout. Il doit bien y avoir quelques mauvais payeurs qui vous donnent du souci ?

Le balafré marqua une pause pour s'assurer que les deux hommes étaient sur la même longueur d'onde. Il esquissa un sourire confiant lorsqu'Ezra l'invita à continuer. Il était encore possible de changer la donne.

Je ne me débrouille pas trop mal avec un flingue. Laissez-moi quelques gars, une poignée de second couteau ayant encore leur preuve à faire et une adresse. Je débusque les rats et vous récupérez tous leurs biens pour vos affaires. Il n'y aura que mon nom affilié à cette action. De l'extérieur, vous ne serez qu'un tiers partie récupérant les restes monnayables de vos débiteurs. En vérité, vous n'aurez qu'à financer la rénovation de l'endroit. Je m'occuperai du reste.

En voyant l'air pensif du représentant de la guilde, Stephen tenu à asséner un ultime argumentaire pour orienter sa décision.

Une maison de jeu prêtant à taux d'usure l'argent que les parieurs auront eux-mêmes perdus... Certains parieront sans doute leurs biens, à défaut de berrys. Et moi, je pourrai vous laissez disposer de ces derniers comme bon vous semble en plus du pourcentage que je vous verserai... Admettez-le, vous avez envie de voir le paysage changer et je suis le seul candidat sérieux capable de le faire. Notre collaboration durable ne va pas seulement vous enrichir, elle donnera une nouvelle direction à cette île.
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- Nous allons pouvoir nous entendre.







Et une heure plus tard tu te retrouves enfin à pied d’œuvre, riche d'un peu plus de moyen que le matin. D'abord l'Usurier t'a transféré une vieille dette en souffrance. Celle des Retapeurs, une bande de truands en herbe qui n'ont pas réussis à percer, des gars qui ambitionnaient de devenir les caids protecteurs d'un des quartiers du port, et qui, après une série d'affrontements mal choisis, ont perdu leur chef, et gardés une dette auprès des usuriers qu'ils s’avèrent incapable de rembourser. D’après Ezra, sans moyen de paiement et privés de leur chef, ils sont parfait pour te servir de main d’œuvre. Le transfert de leur dette vers ta personne te donne de quoi les obliger à t'écouter, et en refaire une bande crédible ne dépend que de ton savoir faire.

En plus de cet atout, Ezra t'a aussi fourni une cible. De façon amusante, ce sont des types qui ont un profil qui ressemble au tiens. Une bande de mecs venus de Manshon, et ayant visiblement foutus le camp de l'endroit en catastrophe au moment ou la marine a décidé de remettre de l'ordre dans le coin, et qui ont décidés de se réinstaller sur saint uréa, en pensant que le nom des sept familles suffirait à faire trembler de peur la pègre du coin. Ce qui fait qu'en quelques semaines ils se sont mis tout le monde à dos, et que tout le monde attend impatiemment que quelqu'un se décide à leur faire la peau.

Plutôt un bon plan en somme. Si tu t'occupes de ce boulot tu obtiendras le pied à terre et les gars dont tu as besoin pour commencer, et en plus tu ne te feras aucun ennemi trop gênant pour le moment. Quand a Ezra, il se débarrasse de dettes insolvable et de types casses couilles sans se mouiller, et pourra te jauger à l’œuvre.

Ne reste plus qu'a faire le boulot.


Devant toi se dresse le phare abandonné ou se sont installés les types de Manshon, une belle bâtisse qui a l'avantage de se dresser en terrain dégagé tout en offrant un accès à la mer. Une zone facile à surveiller, riche en potentiel, et avec une seule porte. Si les gars la dedans sont méfiants ou réactifs, il risque d'y avoir des pertes...

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Un phare. C'était un chouette endroit. Il y avait bien la porte à changer, quelques aménagements extérieurs à envisager et une remise en état de la façade, mais le bâtiment correspondait pleinement à ce que cherchait Stephen. Un emplacement stratégique, à la fois bien en vue et tranquille. Il ne restait qu'à nettoyer la vermine pour s'approprier l'endroit et démarrer les choses sérieuses. Ironiquement, ça aurait été une partie de plaisir si justement le bâtiment n'avait pas été un phare.

Sur ce coup, le balafré comptait entamer une approche douce. Il avait déjà fait passer un ordre clair à sa nouvelle bande. Personne ne devait ouvrir le feu avant Stephen. Les Retapeurs ne payaient pas de mine, mais les affrontements par lesquels ils étaient passés en avaient fait des gaillards endurcis. Ils avaient la rage au ventre et tous semblaient bien comprendre qu'ils étaient face à leur dernière chance de s'en sortir. De quoi les rendre suffisamment dociles vis à vis de leur nouveau chef. À lui de faire ses preuves.

Mais évidemment, Stephen était sûr de lui et cette confiance se faisait ressentir parmi ces hommes. C'est pourquoi ils affichèrent tous le même sourire que leur boss alors qu'il avançait mains levées vers le phare, se détachant de quelques pas de sa troupe. Il ne s'arrêta que lorsque la vigie du phare procéda à un tir d'avertissement avant de poursuivre par la plus banale des interrogations.

— Un pas de plus et je te plombe. Qu'est-ce que tu nous veux ?
J'aimerai discuter avec ton patron.
— Discuter ? En se pointant avec une bande d'hommes armés ? Fous-le camp avec qu'on te descende !

Quelques membres de la bande du phare commencèrent à se rassembler au sommet du phare et des fusils apparurent aux rares fenêtres du bâtiment. La tension s'installait aussi parmi les Retapeurs, sans que la situation ne dérape.

Allons, tu les as bien regardés ? Un fusil sur l'épaule ou un flingue à la ceinture... C'est pas eux qui ont ouvert le feu les premiers, pourtant, personne n'a riposté. Alors discutons. Moi aussi je viens de Manshon, on pourrait peut-être s'entendre ?

Personne en dehors du phare n'entendit la réponse, mais il était évident que plusieurs hommes s'étaient engagés là-haut dans un échange verbal animé. L'un d'eux fini par disparaitre pour réapparaître plus tard à la porte du bâtiment avec une poignée de larbins. Il s'avança à distance prudente de Stephen et adopta néanmoins un comportement amical en échangeant quelques mots de politesse avec le balafré qui lui en rendit autant. Le chef du phare tenait visiblement à garder une position de force et n'invita ni Stephen à entrer ni les vigies à baisser leurs armes. Il entama par ailleurs lui-même la discussion coupant la parole à son adversaire qui s'apprêtait à en faire autant.

Moi qui croyais avoir regroupé tous les gars de chez nous ici... Dis-moi ce qui t'amène l'ami ?
Il parait que vos affaires se portent mal, je suis venu vous proposer une solution pour changer la donne.
—  Toi ? Tu sais à qui tu t'adresses ? J'ai roulé ma bosse pour les sept familles un paquet de temps. Si t'es vraiment de Manshon, tu dois au moins me connaitre de nom. Je suis Cédric Menzini. Toi, t'es qui pour croire que tu peux faire mieux que moi ?
Stephen Crowley.
—  Crowley ? T'es un marrant toi. Mais continu comme ça, dis moi, c'est quoi t'as solution ?
Elle est plutôt simple. Il suffit de changer de propriétaire.

N'étant pas préparé à un assaut aussi effronté, Menzini parvint tout juste à plonger vers ses hommes quand Stephen dégaina. Il s'en sortit avec une balle dans l'épaule, mais tous ces hommes n'eurent pas autant de chance. Il sonna le repli alors que le balafré ordonné à ses gars de foncer vers le bâtiment. Pour un Retapeur mort, la bande du phare perdait deux soldats. Crowley était en première ligne, courant avec ses troupes.

En réduisant la distance, le plus rapidement possible, il avait espéré quitter la ligne de tir des vigies avant d'être bloqué sous un feu nourri. Une manœuvre osée qui avait coûté des vies, plus qu'espéré, mais moins qu'en assiégeant directement le phare. De plus, ses hommes prenaient l'avantage en pouvant se permettre de faire feu pendant que l'ennemi devait recharger son arme. Un succès en demi-teinte que Stephen ne pouvait pas se permettre de fêter. Les gars de Menzini empêchaient malgré tout ceux de Crowley de franchir la porte d'entrée. Le balafré tenta quelques tirs à l'aveugle, tout en restant dos au mur extérieur, mais la pression ne céda pas. Chacun campait sur ses positions et la veille porte n'était plus qu'un souvenir éparpillé au sol. Les deux camps ne s'accordaient plus que de brefs échanges de tir visant à tester la patience de l'autre.

Il était temps de changer de méthode. Stephen fit signe à quelques gars de l'accompagner. Les plus robustes. Ils trainèrent les cadavres les plus proches et commencèrent à les porter face à eux, comme des boucliers. Ainsi, ils se retrouvaient bien encombrés et pouvaient difficilement manier leur pistolet, mais leur chance de survie allait augmenter considérablement.

Entrez dans le bâtiment en vous couvrant mutuellement, vous allez devoir créer une ouverture pour nos gars. Je vous couvrirez moi-même.

Peu convaincues, les troupes s'apprêtèrent à se jeter à portée de tir. Ils attendirent uniquement le signal de Stephen. Ce dernier donna des instructions différentes à quatre autres unités. Ceux-là allaient devoir escalader le phare pour sécuriser le sommet et lancer un assaut en tenaille. Un rôle pas beaucoup plus enviable.

Il est temps de se débarrasser d'eux, en avant !

Dès les premiers pas sur le seul de la porte, les balles fusèrent et le sang éclaboussa l'endroit. La bande du phare parut horrifiée de se retrouver à canarder ainsi ceux avec qui ils passaient du bon temps quelques heures auparavant. L'intensité de leurs tirs chuta suffisamment pour permettre à Stephen de s'ouvrir une fenêtre de tir. Il passa dans le dos des boucliers et abattit deux hommes en sortant de sa couverture. Au même moment, le reste des troupes commencèrent à déborder dans le hall d'entrée et les porteurs de cadavres lâchèrent leur fardeau pour éliminer la résistance. En un instant, le sol devint spongieux et le repli fut à nouveau sonné par les gars de Menzini. Ils se débandèrent vers l'escalier circulaire pour se regrouper à l'étage. Dommage pour eux, ils furent accueillis par une nouvelle série de coups de feu. Sur les quatre ayant escaladé le phare, un avait chuté et l'autre avait été abattu, mais les deux tireurs restants avaient suffi pour nettoyer l'arrière-garde et garder un goulot d'étranglement.

Le calme ne tarda pas à retomber. Il était devenu difficile de se déplacer dans l'étroit bâtiment. Les cadavres, les blessés et le sang répandu presque partout rendaient la tâche complexe, cependant Stephen se faisait un point d'honneur à faire le tour. Il scrutait chaque détail et, surtout, il s'adressait individuellement à chacun de ses hommes. Il avait conscience de ce qu'avaient perdu les Retapeurs ce jour-là, et il tenait à leur apprendre à voir plutôt ce qu'ils avaient gagné. Le balafré rassembla alors son équipe à l'étage. Le cadavre de Menzini était introuvable, mais son butin était bien là. Dans la pièce qui lui servait de bureau. Il fit venir à ses côtés un homme et une femme. L'un avait mené l'offensive au sol en portant un cadavre, l'autre avait mené l'escalade du phare.

Garn et Seoyoon vont répartir le butin équitablement entre vous. Ils seront dorénavant vos supérieurs grâce aux efforts qu'ils ont accomplis. Qu'ils vous servent d'exemple. Je récompenserai toujours ceux qui seront à la hauteur et qui dépasseront mes attentes... Aujourd'hui, les Retapeurs sont morts. Vous êtes dorénavant la première équipe de mon organisation. Vous en êtes les fondations. Certains d'entre vous ont perdu des amis, d'autre ont subi des blessures irrécupérables, mais que cela ne vous arrêtent pas. Au contraire, gardez en tête ce jour. Lorsque d'autre rejoindront notre organisation, vous pourrez vous vanter de l'avoir bâti à mes côtés. Nous sommes sortis de cette mare de sang la tête haute. N'oubliez pas que ce n'est que le début.

Après ça, chacun se vit affecter un rôle et Stephen partit lui-même conclure son accord et informer Ezra du dénouement de l'affrontement. À l'exception du sort de Cédric Menzini. Il garderait la survie de cet homme secrète et s'occuperait de lui en temps et en heure. Il ne fallait pas que sa survie vienne entacher le parcours de Stephen.
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- De ce que j'en ai vu c'était du beau boulot. Je sens qu'on va au devant de temps intéréssants, et surtout, de montagnes de pognon...

De ce que tu sais de la guilde des Usuriers, la seule valeur importante est la puissance financiére, c'est la richesse de chacun des chefs qui détermine son classement au sein de la guilde, et si la charte des usuriers est, comme celle de la plupart des bandes de criminels, riches de punitions destinés à ceux qui trahissent ou poignardent leurs petits camarades, les Usuriers ont la particularité amusante d'offrir aux membres condamnés la possibilité de racheter leurs fautes en payant. Ce qui signifie qu'un Usurier suffisamment riche peut se permettre à peu prés n'importe quoi...

- Quand tu auras fini l'inventaire de ton pillage la bas, tu me diras ce qu'il te faut de plus et j'avancerais la maille ou l'équipement qui manque. Installe toi confortablement, et ensuite on pourra passer à l'étape suivante.

Et tu peux presque voir dans le regard d'Ezra te serrant la main, les berrys qu'il voit s'accumuler autour de toi.

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