Deux fines lames en pleine mer
Les rayons du soleil matinal filtraient à travers les paupières d'Hayato. Fièrement campé sur la proue du navire, l'épéiste respirait l'air marin à pleins poumons. Comme à son habitude, il s'était levé aux aurores pour profiter du lever de soleil. Bercé par le navire d'emprunt des Ravengeuses et les cris des mouettes, le vagabond réfléchissait. Son périple mouvementé des dernières années venait de prendre un tournant décisif. Il avait enfin un objectif clair qui pourrait fédérer son clan : Carcinomia. Jaina avait accédé à sa requête et le transportait sur son bâtiment, de sorte que chaque seconde qui passait le rapprochait du royaume de Luvneel, et donc de sa famille. Les yeux fermés, baigné dans une douce chaleur, les cheveux d'Hayato virevoltaient sous les bourrasques marines.
Il avait hâte.
Hâte de poursuivre son voyage. Hâte de mettre ses plans à exécution. Hâte d'honorer feu son père, Suisou Jinro. Il lui fallait juste patienter. Quelques encablures de plus ? Qu'était-ce après avoir passé neuf ans sur la route ? Un fin sourire s'étira sur le visage du bretteur. Il finit par ouvrir les yeux, embrassant l'océan de son regard d'airain. Les membres de l'équipage, réquisitionnés par Jaina, s'affairaient déjà sur la voilure et à la barre. Sur le château avant, l'épéiste savait qu'il ne les dérangerait pas dans leurs manœuvres. Aussi, profitant que les pirates étaient couchées, il dégaina son bokken et commença à s’entraîner, comme tous les matins. Au fil de ses aventures, il avait acquis la forme de corps nécessaire à une pratique poussée de l'escrime. S'il avait toujours été doué, un sabre à la main, Hayato ne lésinait jamais sur ses efforts. Chaque jour, il suivait religieusement le même schéma et tentait de s'améliorer, ne serait-ce que d'un iota. La perfection dans chaque mouvement, voilà ce que visait l'ambitieux sabreur.
« Tant de chemin parcouru... et au moins autant qui s'ouvre devant moi. », se dit-il en son for intérieur.
Après un bref instant de concentration, Hayato fut prêt. Il se lança alors dans un kata de base, qu'il utilisait comme échauffement. Puisqu'il l'avait appris alors qu'il n'avait que huit ans, il maîtrisait celui-ci depuis bien longtemps. Pourtant, il y trouvait une certaine nostalgie, une bouffée de souvenirs lointains dans un monde toujours en mouvement. Pour chaque tranche, chaque parade, chaque mouvement du corps ou chaque jeu de jambe ... son corps réagissait comme en combat réel. Et pour cause ! Son esprit réussissait à projeter des images mentales d'adversaires l'assaillant de toute part ! Plutôt que de bêtement réaliser des mouvements de manière mécanique, l'épéiste avait trouvé cette astuce afin de toujours se pousser dans ses retranchements. Lorsque toutes les silhouettes furent vaincues, l'illusion mentale disparut en un instant.
Le vagabond inspira calmement.
Sans s'arrêter, il reprit son entraînement. Petit à petit, il passa en revue plusieurs katas, ainsi que certains affrontements du passé qu'il rejouait pour en tirer des leçons. Chaque passe d'arme était étudiée, revisitée et Hayato tentait peu à peu de nouvelles façons de répondre à chaque attaque lancée par un adversaire invisible. Il étoffait ainsi sa panoplie de techniques et de réponses instinctives, de sorte qu'en condition réelle, son corps pourrait réagir d'instinct. Par expérience, le bretteur le savait : lors d'un combat à mort, la moindre hésitation pouvait devenir fatale. Lorsqu'enfin il se sentit satisfait, Hayato rangea son sabre de bois.
Ce ne fut qu'à ce moment là qu'il se rendit compte qu'on l'observait.