Quand un fou se fait prendre sa tour
Quelques jours après l’explosion de la banque centrale, le trio était réuni dans la maison de Bernard Pivon. Les rumeurs allaient bon train sur Karl et sur son implication dans l’explosion de la banque. Les journaux titrés que c’était une provocation communiste à visée dictatoriale terroriste et anarchiste. Un autre proclamé plutôt qu’un homme avait allumé sa cigarette dans la banque. Quel que soit l’édition cependant, le nom de Karl fût cité. Autant Pierrot passé parfois entre les gouttes, autant des fois il était clairement associé à l’explosion, lui qui avait disparu peu de temps après. C’était toujours compliqué de justifier son absence quand on est le directeur de l’établissement. Le banquier épluchait le journal à la recherche d’une quelconque bonne nouvelle les concernant en vain. Cela faisait 24h qu’il lisait en long en large et en travers. Il avait tellement juré dans tous les sens que Bernard avait mis des boule quies dans ses oreilles. Vêtu de son petit tablier, le voisin parfait était au fourneau, réalisant des muffins dans son ancienne cuisine qu’il connaissait par coeur et fredonnant un air entraînant.
L’ingénieur quant à lui était en train d’assembler ses automates comme à son habitude, c’était à la fois une distraction et une passion. Cette fois-ci, il avait réalisé un petit chat nommé « Minou ». Soucieux de trouver de la compagnie à El Kanardo, Minou serait beaucoup plus silencieux. En effet, ce dernier contrairement à son congénère était davantage porté sur l’affectif que sur la philosophie de comptoir. Ajoutant le dernier mécanisme, Minou prit vie et se mit à détecter son espace avant d’entamer son tour du proprio. Contrairement au canard mécanique, ce dernier était capable de visualiser les murs et de les éviter. C’était avec un attendrissement certains que Karl regarda sa création voyager dans la pièce. Non sans être sortie de sa rêverie par un Pierrot remonté comme une pendule.
Pierrot - « Bordel ! Y a rien qui va et vous êtes là à vaquer à vos occupations comme si tout était normal bordel ... »
Karl - « Vous inquiétez n’arrangera pas notre situation, il faut parfois accepter qu’il y a un problème. Qui plus est, j’ai la certitude que vous avez éplucher ces revues dans les moindres recoins. Peut être serait il judicieux de basculer sur la revue de ce jour. Peut-être y trouverez vous une meilleure nouvelle. »
Pierrot - « Ouais t’as raison, si je relis encore une fois une de ces histoires, je vais devenir fou ! »
Ce dernier prit la direction de la boite au lettre laissant les deux hommes à leurs activités mutuelles. L’odeur des muffins embaumés la pièce et seul le bruit du mécanisme de Minou se faisait entendre dans la pièce. Karl se developpait une grande passion pour la fabrication d’animatronique. C’était tellement satisfaisant à ses yeux, c’était un peu comme donner la vie, sauf que cette fois c’était une création plus ou moins autonome. Alors que le nain s’approchait des muffins avec l’intention d’étancher son appétit, la porte s’ouvrit en claquant et Pierrot agita le journal du jour en beuglant :
Pierrot - « C’EST LA MERDE ! WAKOPOL VEUT NOTRE PEAU... »
Posant son muffin et s’époussetant les mains, le nain se mit à lire pendant que Monsieur Pivon posait sa propre tête contre le sommet du crâne de son voisin. Les gros titres ne parlaient plus de l’accident de la banque qui semblait être vite passé à la trappe. Cependant, les nouvelles n’étaient pas pour autant plus réjouissantes. Lisant attentivement le titre, Karl fronça les sourcils. Il ne comprenait pas ce qui se passait.
Karl - « Je crains avoir des soucis de vue, tout cela me semble illisible ... »
Bernard - « Je crois qu’il tient le journal à l’envers ! »
Le nain acquiesca et Monsieur Pivon attrapa les jambes de Karl pour l’aider à faire le poirier afin de lire le prospectus. Wako avait ordonné que le journal publie en première page le titre suivant : « Edition spéciale ce soir : Complèment d’enquête, Révélation sur Karl D.Augène, le terroriste explosif. ». C’était le programme de l’émission radio de ce soir. Visiblement il était marqué que chaque personne n’étant pas devant sa radio serait considéré comme hors la loi. Au programme : Portrait psychologique du fou furieux, description du fugitif, et surtout récompense promise par Wakopol. Décidément, il avait mis les moyens pour trouver un exalté à la recherche de ses RTT. Karl demeurait interdit à mesure qu’il faisait la lecture à Bernard. Ce dernier s’écria.
Bernard - « Je comprends mieux l’origine de ton inquiétude... »
Pierrot - « Ah enfin quelqu’un qui comprends dans quelle merde on est ! »
Bernard - « Rassure toi, j’ai une radio, on pourra écouter l’émission, on ne sera pas hors la loi. »
Pierrot - « Mais on est déjà hors la loi ! Mais qu’il est con lui ! Wako est en train de monter le peuple contre nous, on va devenir des parias ! »
Karl - « Ce n’est peut être point un mal au final. C’est que ce malandrin me force la main. Parfait, nous allons être deux à nous divertir. »
Karl se releva dans une pirouette fortement élégante. Il ramassa son chapeau et l’épousseta. Plonger dans ses pensées, le nain se mit à réfléchir très sérieusement à la suite des opérations. Son plan était en cours, mais son ennemi juré lui pressait la main. C’était une opportunité, et dans la vie, soit on les saisies, soit on les laisse passer. Or, dans ce cas précis, il n’était pas question de se laisser dénigrer sur place publique de la sorte. D’autant qu’au vue du titre sans équivoque, le portrait dressé n’allait pas être très élogieux. Terroriste à l’explosif ? Rien que ça ! Il fallait agir et le nain allait donc se mettre en marche. Affichant un regard déterminé. Le jeune homme se redressa et enfila son chapeau avant de passer devant ses amis d’un air déterminé. Le sourire aux lèvres et le pas confiant, il semblait savoir ce qu’il avait à faire.
Lançant un regard vers ses deux acolytes qui était en train de se tenir par le menton en jouant à « tu me tiens, je te tiens par la barbichette », il passa ses bras autour des épaules de chacun d’entre eux. Les serrant contre lui comme un manager ou un entraineur décidé à motiver les troupes avant un assaut, l’ingénieur en robotique expliqua à ses alliés.
Karl - « Messieurs, préparez vos plus belles tenues. Ce soir, nous allons à un gala organisé en notre honneur haha ! »
Pierrot - « Bon Bernard, tu lui dis ou je lui dis que personne ne va nous voir à la radio … Attend quoi ? Tu n’imagines tout de même pas qu’on va se pointer là bas ? On va y être attendu c’est un piège, c’est évident ! »
Karl - « C’est justement là que c’est drôle, il pense qu’on ira pas parce qu’il sait que c’est un piège. Mais nous on va y aller quand même ! »
Bernard - « Et s’il se doutait qu’on allait y aller parce que on pense qu’il pense qu’on ira pas, alors que lui même à anticiper qu’on pense qu’il pense que nous pensons que ... »
Ce dialogue durera approximativement 7 minutes, par soucis de confort du lecteur, nous ferons l’ellipse sur cette partie. Par contre, il faut noter que c’est bien Karl qui a eu le dernier mot. Médusés, ses deux alliés s’en remettront au plan ingénieux de leur chef autoproclamé. Il était temps d’envoyer un autre message fort à Wako et ses partisans.
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