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Quatrième chapitre ; Une évasion inespérée. {Raf}

    Dix minutes avant la bataille de Little Garden…

    Sombre… Tout est sombre… Je n’aime pas ça… Je ne supporte pas ça… Je veux m’enfuir… Partir loin… Où ça, loin… ? N’importe où en tout cas… Pourvu qu’il y ait de la chaleur… Pourvu qu’il y ait de la lumière. Oui… Je veux vivre dans la lumière, m’épanouir dans la lumière, trouver un sens à ma vie à partir de cette lumière… Devenir Alheïri Salem Fenyang, fervent défenseur de la justice. Mais mon corps… Il ne me répond plus… Je n’en suis plus maitre. La seule chose que je sens, c’est qu’il est engourdi. Oui. Cette souffrance causée par un trop plein d’efforts… Je commence à la ressentir… Je commence à la revivre… A l’expérimenter une nouvelle fois… Comme si je venais au monde... Comme si je renaissais… Comme si l’espoir revenait avec force. Comme si mon heure n’était pas encore venu. Oui. Je veux vivre. Profiter de ma jeunesse. Accomplir de nouvelles choses, de bonnes choses même ! Mais l’humanité est pourrie. L’humanité est impitoyable. En vaut-elle la peine ? Je pense bien. Peu importe ses défauts… Peu importe ses péchés… Car il y aura toujours des âmes en détresses… De bonnes âmes. Et ce sont ces âmes qui m’encourageront toujours à survivre… A persister. Qu’importe mes blessures, qu’importe mes échecs, qu’importe mes peines… Je me relèverai toujours. Au nom des hommes ! Au nom de la justice ! Au nom de l’amour !

    AAAAAAAAAAAAAAAAARGH !!!!!


    Un hurlement retentit depuis l’arrière-cour de la forteresse de Morvak, ébranlant sols et murs. Les gardes environnants manquèrent de tomber à la renverse à l’ouïe de cette voix grave. Un prisonnier semblait s’être réveillé. Et pas n’importe lequel… Car ce prisonnier, c’était moi. J’avais réussi ! Réussi à revenir sur Terre. L’effort avait été intense, mais ma persévérance avait payé. Seulement, il y avait un autre problème : En plus d’être plus ou moins faible physiquement, j’étais complètement enchainé à un mur comme un vulgaire animal qu’on s’apprêtait à abattre. J’voulus essayer de me dégager, mais une forte migraine m’en dissuada. Pour le moment, il me fallait récupérer des forces, et pas qu’un peu. Lorsque mes sens se rétablirent correctement, je pus enfin distinguer l’endroit où j’étais emprisonné. Une sorte de petite cave nauséabonde et particulièrement humide. Le bois du coin était presque pourri, et quelques rayons du soleil lointain réussissaient à s’infiltrer dans la pièce où j’étais. Comme source de lumière, il n’y avait qu’une lampe à pétrole suspendue au plafond, qui lui, menaçait à tout moment de s’écrouler. L’odeur qui y régnait était complètement nauséabonde, pestilentielle. On aurait dit que des souris décomposaient non loin de la prison où j’me trouvais. Somme toute, un lieu vraiment glauque et sordide. D’quoi filer la frousse à n’importe quel individu lambda. Je fronçai mes sourcils, lorsque j’entendis des bruits de pas approcher du lieu où j’étais coincé ; et quand la porte s’ouvrit…

    - TOIIIIIIIII !!!!

    Rugissais-je d’un seul coup, en faisant tinter les chaines qui m’étreignaient, suite à un mouvement trop brusque vers l’avant. Ou plutôt, un semblant de mouvement, vu que je n’avais pas franchi le moindre centimètre. A la vue du faciès qui se présentait à moi, des souvenirs affluèrent de manière désordonnée dans mon esprit. J’avais été capturé par les pirates de Morvak, après avoir voulu gagner du temps à Oswald. Et l’un des commanditaires de ma capture, n’était autre que cette salle garce qui s’était maintenant présentée à moi et qui me souriait innocemment. J’voulus contracter mes muscles, concentrer toute mon énergie, mais rien à faire, j’ne pouvais pas briser ces maudites chaines. A croire qu’il s’agissait de granit marin ou bien même qu’elles avaient été imprégnées de haki. J’finis par lâcher prise, tout en haletant grossièrement, sans pour autant détacher mon regard féroce de cette salope qui avait fait équipe avec l’autre colosse au marteau pour me faire mordre la poussière. La jeune pirate s’approcha de moi, avant d’approcher son fouet de mon menton pour me relever la tête. Elle tenta de m’embrasser, mais le crachat qu’elle reçut en pleine figure l’en dissuada. En retour, celle-ci ne fit que me caresser le visage, comme si captivée par ma beauté. Elle était bizarre… Vraiment trop bizarre… Cependant, j’pouvais toujours essayer d’user de mon charme pour me tirer de là… A voir. Mais malheureusement, c’est à ce moment même qu’une autre silhouette s’approcha, attirant mon attention…

    - Alors c’est lui… Le fameux fils de Keegan… Il me tardait de voir son visage…

    Une voix de femme chez… Un homme ?! Le constat me choqua véritablement. Et ledit homme qui s’avançait vers nous, était véritablement laid. Les cicatrices sur sa gueule témoignaient de son expérience au combat, et l’enlaidissait plus encore. J’aurais pu avoir pitié de lui malgré ma position… J’aurais presque pu… Si et seulement si la cape d’un capitaine pirate suspendue à ses fortes épaules ne m’avait pas interpelé… Et que je n’écarquille mes yeux de surprise… « MOOOOOORVAAAAAAAAK !!! ENFOIREEEEEEEEEE !!!! » J’avais gueulé ! J’avais soudainement gueulé de toutes mes forces, avant de réussir à briser quelques chaines. Malheureusement, elles étaient bien trop nombreuses à me saucissonner et j’avais trop peu de force, ce qui profita à la salope de Morvak qui m’administra deux trois coups au bas ventre pour me calmer, en plus d’un coup de fouet au visage qui me fit saigner du nez. Mon ennemi eut un sourire, avant de s’avancer vers moi. Il me narguait ouvertement et me faisait comprendre qu’il avait ma vie entre ses mains. Puis il se mit à rire à gorge déployée malgré sa voix bien trop féminine, avant de reprendre enfin parole : « Tes hommes sont en route pour te sauver… Mais ne t’en fais pas. Les miens vont d’abord s’occuper d’eux, avant que je ne vienne régler ton cas, tout comme je l’ai fait avec Swan… » A ses dires, mon visage se déforma de terreur. Vu sa proximité, j’essayai de lui flanquer un coup d’boule, mais rien à faire…

    - Et lorsque j’en aurais fini avec toi, je réglerai celui de ton père. On a un petit compte à régler ensemble, shishishishi !!!

    Puis ils ressortirent ensemble après ces mots, me laissant seul dans l’obscurité et dans le désarroi…


Dernière édition par Alheïri S. Fenyang le Ven 28 Sep 2012 - 15:02, édité 1 fois
    Quatrième chapitre ; Une évasion inespérée.  {Raf} New-prince-of-persia-4-artwork
    un peu plus tôt dans la même journée:

    L'ombre frémit un instant, à la complaisance d'une silhouette effacée qui s'était glissée là sans éveiller le moindre soupçon. Créature issue des nimbes du purgatoire, émissaire de sa propre justice. Les bras croisés, le dos appuyé contre le montant en bois de cette pathétique cave, elle attendait le moment propice. L'instant fatidique où le destin de cet homme enchaîné allait basculer et se mêler au sien.

    "Après tout le mal qu'ils se sont donnés pour te garder en vie, tu ne vas quand même pas leur faire l'affront de crever maintenant ... non ?" toisa une voix dans l'obscurité.

    Un ton suave, qui semblait émaner des plus doux rêves du prisonnier. Quand était-il arrivé là ? Avant que Morvack ne se ramène ? Après ? Difficile à savoir. S'avançant au centre de la pièce, le faible son de ses pas aida le Colonel à le localiser. Mais dans l'ombre, il ne pouvait voir le sourire de cet individu, qui se délectait de le voir aux fers. Malheureusement, tout n'était pas fait pour son plaisir. Un léger rai de lumière passait sous la porte de la cave, certainement l'oeuvre d'une quelconque chandelle laissée là pour le type qui surveillait la porte. S'accroupissant, l'assassin fit signe au prisonnier de ne pas piper mot, ramenant son index devant ses lèvres. Il tira de sa ceinture deux fines tiges métalliques, puis parcourut des doigts les chaînes qui enserraient Alheïri. Il repéra bien vite les cadenas qui le maintenaient fermement attaché. De nouveau, il esquissa un sourire avant de commencer à jouer avec le mécanisme rudimentaire de l'entrave. En quelques secondes, un cliquetis se fit entendre, et ainsi de suite jusqu'à ce que la totalité des cadenas ait sauté. Puis il s'empara de l'outre d'eau qui pendait à sa ceinture et la porta aux lèvres du captif. Il devait être exténué, à revenir ainsi des limites de leur monde. La blessure qui trônait sur son crâne avait mauvaise allure, et le sang avait croûté partout autour. Pas très reluisant, mais l'aspect esthétique du Colonel était, pour l'heure, un aspect secondaire de leurs préoccupations.

    "Je les ai vus t'emmener ici, en grande pompe ... ils semblaient très fiers de leur coup." lui dit-il, à voix basse.

    "J'ai donc décidé de venir te libérer. L'ennemi de mon ennemi est mon ami à ce qu'on dit ... et j'ai vu ton navire sur la côte. On a tous les deux à y gagner, si on s'aide. Je ne pourrais pas tuer Morvack tout seul, et je pense que tu préfèrerais éviter ce qu'ils te préparent." continua Rafael, répétant avec malice l'histoire qu'il s'était montée autour de Gabriel Belmont, brave homme animé par un idéal de vengeance à l'encontre de Morvack.

    Le gamin qui l'avait mené jusqu'au campement lui avait appris tout ce qu'il avait besoin de savoir à ce sujet. La présence de ces pirates était un atout de première classe, ainsi que la preuve que le destin était avec lui. En sauvant la vie du Colonel, il espérait s'offrir son amitié ... et alors les choses deviendraient intéressantes.


    "Pour l'heure, il nous faut quitter les lieux en vitesse, et empêcher tes hommes de prendre l'endroit d'assaut ou les prévenir au plus tôt." proposa-t-il, faisant glisser les chaînes à terre aussi discrètement qu'il le pouvait.

    "Qu'en penses-tu ?" lui demanda-t-il enfin, dardant un regard inquiet vers la porte.

    Il ne fallait pas que le Marine ait le temps de se poser trop de questions. Il était en piteux état, et Rafael savait très bien qu'ils seraient rapidement dépassés par le nombre une fois que leur évasion arriverait à leurs oreilles. Fort heureusement, ils étaient tellement concentrés sur les Marines qui avaient accosté non loin de là qu'il avait pu passer entre leurs mailles avec une facilité déconcertante, largement aidé par les conseils du gamin.
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      Inutile… Je me sentais complètement inutile. J’avais été fou, faible, carrément incompétent, et je m’en voulais cruellement. Pourquoi le sort s’acharnait-il sur moi ? Qu’avais-je pu faire au ciel pour mériter une telle destinée ? Bonne question qui ne trouvait malheureusement pas de réponses. Quand ce n’était pas les membres de ma famille, c’était tout bonnement mes proches ou bien mes soldats. Le désespoir me recouvrait tranquillement de son voile ténébreux. Je sombrais peu à peu dans le néant. J’avais beau grogner, me débattre, mais rien à faire. Les chaines qui m’étreignaient était trop nombreuses, bien trop nombreuses. La simple vue de Morvak avait ravivé la flamme de la vengeance qui sommeillait en moi, mais pour quelques secondes seulement. Voilà maintenant deux minutes qu’il était parti… Et que déjà, je déprimais follement. La culpabilité me pesait énormément. Plus les secondes s’égrenaient, et plus j’en venais à penser que mon humanité et mon sens du devoir me perdaient… Rien ne m’avait obligé à enquêter sur la disparition de l’équipage des marines qui nous avaient précédés sur l’île. Rien du tout. Ma priorité avait été de ramener le navire de l’amiral en chef à MarineFord, mais malheureusement, j’étais en train de faillir à ma mission. Pire, j’allais peut être perdre la vie sans réaliser mes rêves de rejoindre l’amirauté ! Pitoyable. J’étais pitoyable. Misérable. J’allais crever, échouer en tant que marine ; et rien qu’à ces idées, une larme coula sur ma joue gauche…

      Mais alors que j’avais perdu tout espoir et toute envie de me battre, un murmure se fit entendre. Ma tête baissée se redressa aussitôt, et quand bien même la première phrase pouvait sembler railleuse à souhait, mon cœur ne fit qu’un bond. Pour la première fois depuis des heures, l’eldorado semblait me tendre les bras. Après avoir plusieurs fois tourné la tête et après avoir pu percevoir des pas feutrés, je distinguai une silhouette qui se dessinait progressivement face à moi. Un sbire de Morvak ? L’un de mes hommes ? J’étais encore et véritablement marqué par la doute. Puis un homme se présenta. J’écarquillai les yeux en le voyant et lorsque je voulus parler, celui-ci m’intima de garder le silence par un simple geste que je compris aussitôt. Je me gardai donc d’ouvrir la bouche, avant de l’observer s’approcher. Et ce n’est qu’à quelques centimètres de moi que je pus aisément le voir, le découvrir. Le nouveau protagoniste était de corpulence moyenne et avait l’air plutôt misérable, quoique mieux que moi, il fallait l’avouer. J’ne saurais l’expliquer, mais il y avait un air de déjà-vu. Comme si je l’avais déjà rencontré quelque part. J’eus donc un soupçon de méfiance, mais ledit soupçon s’évanouit bien vite quand je vis l’inconnu essayer de me délivrer, ce qu’il fit avec brio. Je bondis littéralement sur le semblant de récipient d’eau qu’il tendit à mes lèvres, avant de le vider en un seul instant et ce, malgré ma douleur à la poitrine...

      - M… Merci…

      Après ce timide remerciement, je m’effondrai au sol comme un banana-croco qui s’échouait sur un rivage. Le boucan que j’occasionnai par la même occasion, n’interpella pourtant pas le garde qui était censé surveiller les environs. Il renifla un bon coup, puis plus rien. On aurait presque dit qu’il n’avait rien entendu, ce qui devait être le cas. Haletant, suite au simple effort pour boire l’eau qui m’avait été généreusement offert, j’inspirai profondément, avant de reprendre mon calme. J’étais moins épuisé. Je me permis même de m’adosser contre le mur auquel j’étais coincé, avant de passer une main lasse dans ma chevelure en broussaille et complètement sale. C’est à ce moment-là que je relevai la tête pour contempler l’étrange individu qui était venu me sauver. Pas une seconde je ne pensais à un piège. Si Morvak l’avait voulu, il m’aurait tué depuis bien longtemps, mais il ne l’avait pas fait. Ce n’était certainement pas par l’intermédiaire de cet homme qu’il allait me planter un couteau dans l’dos, lui qui avait eu le loisir d’en finir avec moi lorsque j’étais assommé et complètement dans les vapes. J’eus un mince sourire à l’égard du gars qui se tenait debout prêt de moi. Je lui devais bien ça. Mais l’heure n’était pas encore aux remerciements chaleureux et sincères, car nous étions encore dans le camp ennemi, et donc en danger de mort. Il fallait dorénavant que je réponde à ses préoccupations, avant que nous n’envisagions de faire quoi que ce soit… Il soulevait un point assez important.

      - Arrêter mes hommes ? Pour quoi faire ? Elaborer un autre plan peut être ? Quel temps aurions-nous ? Fuir ? Même pas la peine d’y penser. La bataille entre ses hommes et les miens est inévitable. Et puis elle m’arrangea bien. J’ai une totale confiance en mes hommes. Ils sont largement capables de s’occuper de ses sous-fifres, tandis que j’aurais le loisir de me concentrer exclusivement sur Morvak.


      Mon ton avait légèrement changé lors de la dernière phrase. Il était froid, dur, ferme même. Pour peu, j’aurais presque gueulé, mais j’avais, à l’instar de mon sauveteur, décelé la présence du garde tout près de ma prison en bois pourri. Plus le temps s’écoulait et plus je récupérais de la force. Soudain, quelque chose m’attira dans le noir, au fond. Une forme qui m’était familière. Sans trop me gêner, je rampai dans le noir, jusqu’à rejoindre l’objet qui m’avait brusquement attiré. Je le pris, le palpai un moment, avant de sourire longuement. L’équipage de Morvak venait de faire une première erreur, et pas des moindres : Ils m’avaient laissé mon arme. Je revins doucement à la lumière, vers mon compagnon d’infortune, avant d’observer mon meitou sous ses yeux. « De ce fait, tu auras sans aucun doute compris que je n’ai pas l’intention de quitter cet endroit. Maintenant que je suis au cœur de leur repaire, autant en profiter pour l’affronter. » Mon sourire commença à s’agrandir. Un plan de circonstances naissait doucement dans mon esprit. Et il était tout à fait simple. Encore fallait-il que celui dont je ne connaissais pas encore le nom adhère. « Lorsque la bataille commencera, j’aimerais que tu fasses diversion pour moi. Tu occuperas les hommes restants dans la base, tandis que je m’occuperais de Morvak qui sera tout seul, et qui n’aura d’autres choix que de m’affronter. » Je finis par me lever de tout mon long, avant de faire face à mon vis-à-vis à qui je tendais ma main…

      Partant ?
      Ce qu'on pouvait en dire, c'était que le bougre avait une constitution hors norme. Il se remettait en un rien de douleurs qui auraient hanté l'assassin pendant plusieurs jours, voire semaines. Il le voyait bouger, décelait ses faiblesses à s'en demander pourquoi il n'en profitait pas pour le tuer sur le champ. Il était faible, les yeux fixé sur son objectif. Les hommes pouvaient être aveugles à bien des choses. Et il était bien placé pour le savoir, se morigéna-t-il en caressant le gantelet métallique qui cachait l'absence de sa chair. Exhiber son corps en place publique, ramener son père face à ses échecs. Non, c'était un plan indigne de lui, d'une part, et il en était incapable. Par deux fois, il avait éprouvé les faiblesses de sa prétendue forme. Emprisonné. Amputé. Yusuf Tazim courrait encore, il le sentait au fond de ses tripes. Il n'avait pas vu sa tête rouler à terre, alors il ne pouvait qu'être taraudé par ce sentiment malingre. Mandrake l'avait protégé, sauvé. Alors il ne mettrait pas tout en l'air à cause de ses sentiments mitigés et de ses ambitions dérisoires. Il y avait des hommes fait dans un métal bien plus trempé que le sien, et ses hommes, il les rattraperait un jour ou l'autre. Pour l'heure, il se devait de faire profil bas et de mettre à bas tous les échecs de sa carrière. Il commencerait par le père Fenyang, puis s'occuperait de son frère. À moins que Tazim ne refasse surface bien avant ... mais Rafael était plus doué que lui pour se fondre dans la masse. Alors, peut être qu'il ne le reverrait jamais. S'approchant dans l'ombre du dos de son interlocuteur, l'assassin frôla du pouce la dague qui pendait à sa ceinture. La peur lui noua les tripes pour la première fois. C'était signe qu'il était sur la bonne voie. La force n'était pas la seule voie pour grandir son âme. Lentement, il leva la main, geste mille fois étudié, mais qui en devenait dérisoire en de telle circonstances. Il écarta légèrement les doigts, réduisant l'espace entre la nuque du Marine et lui. Un léger sourire en coin se dessina sous l'étole qui lui barrait la bouche. Ses yeux rutilèrent un instant dans la pénombre, d'un de ces regards malicieux et sordides à la fois. Sa main se posa sur l'épaule d'Alheïri. Aussi amicale que le baiser de la mort pouvait l'être.

      "Tu es grandement affaibli, le combat ne sera pas équitable. Mais je ne peux que comprendre le tourment qui agite ton âme, ta vengeance. Car c'est un feu qui inonde mon être, l'ami." lui susurra-t-il, à l'abri des oreilles des gardes de la prison.

      S'il changeait du tout au tout pour cette mascarade, il n'en gardait pas moins son plaisir des phrases alambiquées et des tournures métaphoriques. Mais il devait ancrer bien plus profondément son rôle, son personnage. Qui pourrait penser qu'un être avait fait la course à travers les blues et grand line pour une simple histoire de vengeance ? Bien, qui à part lui envisagerait ce genre de chose ? Mieux valait être prudent, et gagner l'amitié d'une tête montante de la Marine, y'avait que ça de vrai.

      "Mon frère tenait les mêmes discours que toi. Et ça ne l'a pas sauvé. Je te demande d'y réfléchir : Morvack attend tes hommes, il veut les réduire en lambeaux." continua-t-il, relâchant son étreinte.

      L'assassin observa Alheïri se diriger vers son épée, la saisir. De nouveau, il ne put réprimer un léger sourire. Il s'était emporté avec le même émoi qu'il lui connaissait précédemment. Se renseigner sur lui avait été crucial, qui aurait pu penser qu'il jouer la comédie, ce même jour, une année plus tôt ? Rafael soupira longuement, et baissa la tête. Mimique parfaite de désolation, nostalgie non feinte. Après tout, n'était-ce pas un brin de la vérité ?

      "Mais peut-être que lui aussi serait en vie, si j'avais appris à lui faire confiance. Soit. Je vais t'aider, Marine." grogna-t-il, tirant sa lame antique de la ceinture.

      Si Rafael pouvait reconnaître en la lame du gradé un meitou, celui-ci ne pouvait en rien savoir ce que la rapière signifiait : une banale épée héritage d'une antique famille, aux armoiries cachées sous une gaine de cuir. Héritage dont il n'avait pu se séparer.

      "Tes hommes devraient se sentir honorés d'avoir un chef qui croit autant en eux ... même au fond des plus sordides geôles du coin. L'effet de surprise pourrait marcher, oui. Il devrait être en train de contempler la charge finale de ceux qu'il pense pris dans un piège. Débouler par l'arrière nous donnera un avantage certain."
      conclut l'assassin, pour lui même.

      S'il avait tant insisté dans une voie plus stratégique ce n'était pas pour rien. Il ne mettait pas en doute les capacités du Marine, mais il espérait surtout ne pas se faire attraper à user de son fruit. S'il était quasiment insaisissable et redoutable grâce à lui, la donne changeait du tout au tout dans de pareilles circonstances : il n'avait pas intérêt à s'en servir, du moins devant témoins. Ce plan lui paraissait donc adéquat, même s'il répugnait à suivre les ordres de son interlocuteur. C'était cependant déjà un bon pas vers son objectif. Ne le prenait pas ainsi sous son aile ? Il venait de lui livrer ses quelques doutes, sa conviction chancelante. Il le savait prompt à la compassion et cela le perdrait. L'assassin inspira profondément. Il se battrait contre des pirates. Ennemis de la société, profiteurs et bons à rien. Des rats qui pillaient sans foi ni loi. Il purifierait ces immondices en vengeance de toutes les âmes qu'ils avaient pris et si jamais l'un d'entre eux avait la bonne idée de l'emmener à l'écart, il s'assurerait que sa fumée soit la dernière chose qu'il ne puisse voir.

      "Je crains de ne pas être un excellent combattant, ceci dit. Mes offices sont plus axés vers la discrétion et j'ai horreur des combats qui s'éternisent. Je pense qu'il est évident de voir que je ne suis pas taille pour la force brute et l'affrontement direct. Alors laisse moi passer devant, que je t'ouvre la voie. Tu n'auras qu'à avancer et répandre le sang de ces hors-la-loi." proposa-t-il, s'avançant d'un pas vers la porte.

      Sourire en coin, l'assassin se dressa entre Alheïri et leur seule voie de sortie. Lorsque les murs vibrèrent d'une intensité renouvelée. Le fracas d'une explosion ébranla les geôles, à croire que le timing n'était qu'un outil entre les doigts d'un Dieu prompt à la plaisanterie.

      "Here we ..." il claqua dans la main d'Alheiri " ... go !"

      Crusade kill.
      Rafael dégaina sa dague à une vitesse ahurissante puis exécuta un rapide mouvement du poignet avec sa seconde arme. Plaquant le fil de ses lames contre le bois, il le lacéra profondément avant de le faire éclater en quatre morceaux plus ou moins égaux. La porte en bois s'écroula sous l'impact, deux parties encore reliées aux maigres battants. Le fracas de l'explosion avait fait avancer le garde vers le milieu du couloir, épée tirée. Il en parut encore plus étonné de voir un homme émerger de l'ombre, faisant voler en éclat la porte derrière laquelle était enfermé le chef des imbéciles qui attaquaient leur camp. Mais il n'eut pas le temps de comprendre ce qui lui arrivait. L'assassin oscilla entre les deux murs, courant alternativement sur l'un puis sur l'autre, jusqu'à ce que le fil de sa rapière ne s'enfonce dans sa carotide. Lâchant son arme, le pirate tomba à genou, auréolé d'un flot de sang mais déjà Rafael s'occupait d'enfoncer la porte du fond du couloir, d'un coup de talon. Le bois pourri vola en éclat autour de l'assassin, alors qu'il s'engouffrait par l'ouverture, plissant les yeux sous la force du soleil levant. Enfermé dans les ténèbres de geôles, il n'avait pas vu grand chose depuis. Le feu rongeait le camp, à quelques dizaines de mètres de lui, mais ce n'était pas pour l'inquiéter. Une entrée fracassante qui passa presque inaperçue. Parfait. L'Auditore parcourut les quelques mètres qui le séparaient d'un pirate qui le pointait du doigt et lui offrit un second sourire juste sous la glotte. Et bien, on n'était pas matinal chez les pirates ? Il darda un regard derrière lui, et fit un signe de la main à son compagnon d'infortune et l'exhorta à donner la charge. Il doutait qu'il en ait besoin, mais mieux valait renfoncer encore leur conviction. Au loin, il distinguait la gueule de Morvack émerger d'une tente, encore enfariné. Pathétique imbécile. Gonflant ses poumons, Rafael augmenta sa foulée pour l'attaquer de front. Se déplaçant en zigzaguant, il mettait fin aux jours de tous les imbéciles qui se dressaient sur sa route d'une attaque bien placée. Rapidement, son sillage se couvrit de cadavres, bien que son style soit tout en finesse et plutôt expéditif. Ce qui n'était pas sans rappeler un certain assassin ... D'un bond majestueux, il se propulsa alors sur sa cible, dague au poing. Les vieilles habitudes avaient la vie dure. Alors qu'il s'apprêtait à frapper sa cible, une ombre sur la gauche attira son attention. Basculant dans les airs, il évita de justesse la lame qui faillit lui cisailler la joue. Eraflant à peine sa pommette, la lame ne fit qu'emporter une partie de l'étole qui lui couvrait la tête.

      L'assassin se rattrapa d'une main et s'éloigna du maudit pirate. Une femme vint le rejoindre et tenta de le frapper par deux fois, l'obligeant à quitter la tente de son capitaine. Docile, Rafael laissa le champ libre à Alheïri en reculant assez pour lui offrir une vue dégagée, puis para la troisième attaque de la bougresse en joignant ses deux lames. S'arrêtant à quelques pouces de son visage, il la repoussa et commença à contempler cette douce ingénue. Il se passa un pouce sur la joue et constata qu'il n'y avait aucune blessure. Merde, il n'avait pas gardé le contrôle. Il avait senti la pointe de la lame entraver sa chair en plus du tissu mais seul un léger filet de fumée était sorti de la plaie. Personne ne devait l'avoir vu, mais lui le savait. Il inspira profondément et se mit en garde. Il avait déjà vu la jolie frimousse de cette fille, il en était certain. Mais où, c'était une autre paire de manche. Quelques affiches défilèrent dans son esprit. Ah oui, c'était ça. Sall Hope. Primée à cent millions. Il avait depuis toujours un don pour retenir ce genre de choses, comme si son esprit n'était qu'un vaste champ vierge où il pouvait stocker le moindre de ses souvenirs. La moindre odeur, la moindre sensation. Le bois pourri des geôles, le contact rugueux des fers que Fenyang père lui avait passé. Tout ça était gravé en lui, à jamais. Tout autour de lui n'était qu'une somme de données à compacter et user, utiles ou non. Il ne devait en aucun cas se laisser distraire. Il se concentra de nouveau sur le combat, analysant chacun des mouvements de la jeune femme. On parlait de mémoire absolue. C'était un trait qu'il n'avait développé que récemment, taraudé par son passé, recroquevillé sur ses erreurs passées. Une capacité qui lui avait permis de rendre ses dons encore plus ... absolus.

      "Je n'ai pas de temps à perdre avec toi, vipère. Pose tes armes et rends-toi."
      grogna-t-il, avec peu de conviction.

      Comme il s'y attendait, la jeune femme lui offrit un magnifique doigt d'honneur et éclata de rire. Pourvu qu'Alheiri s'occupe bien assez vite de l'autre empaffé. Il en avait déjà assez de ces combats insipides.


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        L’explosion qui retentit tout d’un coup dans le camp de Morvak m’ébranla soudainement. J’tournai ma tête comme par reflexe vers la porte, oubliant soudainement les dires de mon bienfaiteur. La bataille de Little Garden avait commencé et c’était sans doute mes hommes qui avaient ouvert les hostilités. Cette seule pensée suffit à me galvaniser. Un sourire s’inscrivit sur ma face, pendant que le mystérieux homme donnait le signal de notre assaut. Il était temps de réduire cet endroit à néant. J’me mis à courir après l’encapuchonné qui découpa la porte de ma cellule sans trop difficultés. J’eus le loisir d’apprécier sa dextérité pendant quelques secondes, avant de me remettre à courir derrière lui. Ce n’était pas l’moment de rêvasser, d’autant plus qu’il n’y avait plus une seconde à perdre. Une fois dehors, les rayons du soleil m’aveuglèrent systématiquement. J’dus m’arrêter quelques temps, avant de cligner plusieurs fois les yeux pour rétablir correctement ma vue. Pendant ce temps-là, l’homme qui m’avait porté aide et assistance faisait un carnage devant moi ; carnage qui n’était pas sans me rappeler les méthodes du cipher pol. Qui diable était-il ?! Une question à laquelle j’aurais sans doute réponse un peu plus tard. Pour l’heure, il me fallait le suivre entre ruines, flammes et cadavres. Ce n’est que lorsque j’me remis à courir d’ailleurs, que je pus observer les dégâts que l’explosion avait engendré. En ce moment-là, j’ressentis de la fierté. Mes hommes faisaient un travail magnifique, et rien que pour eux, j’allais vaincre cet enfoiré qui avait eu tort de s’en prendre à nous.

        - REGARDEZ, LE PRISONNIER DU CAPITAINE S’EST ÉCHAPPÉ !!!

        Une voix forte se fit entendre, interpellant les quelques hommes qui se tenaient ici et là sans trop savoir quoi faire. S’ils me virent cavaler sans rien oser l’espace d’un instant, ils se ressaisirent assez vite, ce qui n’était vraiment pas pour m’plaire. L’ombre que j’avais aperçu un peu plus loin ressemblait vaguement à celle de Morvak, et s’il s’agissait bien de lui, j’n’avais pas de temps à perdre avec ses sous-fifres. J’voulus appeler mon sauveur à la rescousse, mais j’le vis un peu plus loin croiser le fer avec l’autre pouffiasse qui devait servir de pute à Morvak. Une adversaire de taille qui lui donnerait du fil à retordre. Pffff ! La poisse ! Pourtant si près du but ! Mais ce n’était qu’une question de temps de toute façon. J’me retournai vers mes poursuivants. Les semer ne me servirait à rien même si je retrouvais Morvak. Le mieux était d’abord de m’occuper de ces gêneurs. Je contractai mes muscles avant de brandir mon arme vers eux. Entre braises et cendres, et debout sur une motte de terre, je ressemblais plus à un vrai démon qu’autre chose. Mon visage ferme révélait néanmoins mon envie d’en découdre d’avec Morvak, et ce n’était pas de simples pirates qui allaient m’en empêcher. Les idiots qui me poursuivaient s’arrêtèrent net. L’image qu’ils voyaient les terrifiait. On aurait dit un animal féroce prêt à bondir sur eux. Mais alors que l’un d’entre eux reculait sous l’effet de la peur, il fut décapité net par deux inconnus qui semblaient sortir du lot, à voir la réaction des autres pirates. Deux inconnus difficilement identifiables, étant donné le fait qu’ils étaient derrière un écran de fumée, amalgame de poussière et de cendres…

        - Ne soyez pas lâches ! Attaquez-le au nom du seigneur MORVAK !

        Si les forbans furent terrifiés par mon image, ils le furent encore plus avec les nouveaux arrivants donc je ne distinguais que le sourire. Prenant leur courage à deux mains, mes poursuivants finirent par me charger. J’eus une once de pitié pour ces pauvres gens, avant de décrire un mouvement de coupe dans le vide. La lame tranchante qui traversa leur groupe avant d’aller s’écraser sur un tas de décombres les déchiqueta de tous parts, avant qu’ils ne tombent à mes pieds comme des mouches. Certains étaient morts sur le coup, tandis que d’autres non. Pour les survivants, nul doute qu’ils étaient à l’agonie, mais j’n’avais pas le temps de compatir puisqu’à la base, ils avaient eu la mauvaise idée de me poursuivre. Les deux hommes dans l’ombre de la poussière environnante se mirent à applaudir, avant de s’avancer. Pour ma part, je ne pipais mot, ne me contentant que de les observer s’approcher doucement. J’savais bien qu’ils faisaient leurs intéressants, mais je comptais expédier le combat en utilisant toute ma force s’il le fallait. Ma cible était Morvak. Le reste m’importait peu. Mais alors que je commençais brusquement à perdre patience, les deux hommes bondirent tout d’un coup dans les airs. Leur attaque surprise aurait pu m’avoir, mais une autre personne fit son apparition tout juste devant moi avant de parer leur coup d’estoc de justesse. Je clignai rapidement mes yeux, avant de distinguer une chevelure rose devant moi et deux autres ombres qui firent leur arrivée à nos côtés. Pas de doute, c’était…

        - Oh, je l’ai loupé… J’aurai pourtant juré avoir l’un de ses pieds, héhé !


        - Faut croire que tu t’uses avec le temps, Sarko’


        - Ta gueule Marone ! Encore un mot et j’plombe ta cervelle !


        - Arrêtez-vous deux !


        La voix de Ketsuno ramena un peu d’ordre entre Marone et Sarkozyzy prompts à s’engueuler en plein milieu d’un combat. A croire qu’ils ne changeraient jamais ceux-là. J’eus un sourire en coin en voyant ma garde personne débarquer dans le coin ; mais ledit sourire disparut lorsque Ketsuno se retourna me foutre un poing en plein dans la tronche, l’air presque larmoyante. Elle fit un effort pour ravaler ses larmes et me tira l’une de mes joues comme pour me réprimander, à défaut de cols vu que j’étais torse-nu. « Je ne vais pas te cracher toutes mes vérités maintenant, mais t’as intérêt à t’occuper correctement de ce Morvak et à venger la mort de Rain ! » Si sa phrase parut m’encourager un moment, j’écarquillai les yeux d’horreur lorsque j’entendis ses derniers mots. J’voulus parler, demander ce qui s’était passé, mais aucun son ne put se déployer de ma gorge, tant j’étais abasourdi par la nouvelle. Alors que Ketsuno hocha doucement la tête pour me confirmer la mauvaise nouvelle, Sarkozyzy se mit à charger son fusil avant de tirer sur les deux escrimeurs qui voulaient ma peau auparavant. « L’explosion… C’était lui. Il venait te délivrer, mais il s’est sacrifié pour nous ouvrir la voie… C’est grâce à lui qu’on est là… » La jeune femme me lâcha la joue, et se retourna tout comme les deux autres vers nos deux adversaires toujours indemnes, mais apparemment frustrés de la venue de mes hommes de main. Les larmes me montaient aux yeux au fur et à mesure que je serais ma poigne sur la garde de mon meitou… Rain…

        - C’est pas le moment de compatir Salem. Après tout, c’était également un soldat, et…

        - J’ai compris, Sarko… Je vous les laisse, répliquais-je soudainement. Au fait, ne vous attaquez pas à l’encapuchonné qui se bat avec la femme, au loin. C’est lui qui m’a délivré.

        - Reçu cinq sur cinq. Maintenant vas-y Salem, on s'occupe du reste !

        Sans plus me faire prier, j’me mis à cavaler à travers le feu, la poussière et tout le reste, enjambant même des cadavres carbonisés. Morvak allait payer pour tous ses crimes !

        Foi de Fenyang !
        Enfin, ils étaient hors de vue de Fenyang. L'équipage de ce dernier déferlait dans le camp élaboré des pirates, semant esquilles et explosions. C'était un véritable spectacle haut en couleurs, mais l'assassin n'avait pas le loisir d'observer les réjouissance. La jeune femme qui lui faisait face faisait montre d'une morgue particulière à fin de rejoindre celui dont elle réchauffait la couche. Sa cupidité n'avait donc aucune limite ? Bien entendu, Rafael ne voyait là qu'une loyauté ridicule envers un pantin fantasque à la voix de godelureau endimanché. Le voile qui lui masquait le visage avait sauté dès le début du combat, dévoilant son visage hautement primé. Il avait travaillé ses traits, ses expressions pour ne laisser rien de plus qu'une vague impression de déjà vu. Sa peau autrefois impeccablement glabre arborait à présent une barbe naissante qui lui mangeait la face d'un air négligé. Il offrit à la ribaude un sourire immaculé, alors qu'une étincelle de feu allumait son regard malicieux. Rapidement, il lui fit comprendre qu'il ne la laisserait pas rejoindre Morvack. Elle tenta par deux fois de franchir sa garde et de gagner le terrain, désirant mettre Fenyang en difficulté. Malgré l'effort que Rafael déployait pour se comporter en bretteur digne de ce nom, il réussit à l'arrêter. À tel point qu'elle faillit y laisser son bras, évitant de justesse. Puis elle fit l'erreur de changer brusquement de style, dégainant deux poignards en se jetant à la gorge de l'assassin. Celui-ci ricana tout bas. C'était là son jeu préféré. Il crocheta sa main droite, lâchant sa propre dague, autour de celui de la catin. Surprise, elle ne put s'esquiver et il lui craqua le bras dans une clef hasardeuse. La jeune femme hurla de douleur. Cri qui fut ravalé par l'audace d'un genou dans son plexus. Puis, la lâchant, Rafael l'envoya glisser au loin d'un talon rageur. Tant et si bien qu'elle s'écrasa non loin de la muraille, avant de rouler sur elle même et de se redresser dos à celle-ci. Narquois, l'assassin ramassa sa dague et la fourra dans sa gaine. Elle avait failli le surprendre mais elle venait, malgré elle, de s'attaquer aux points forts de l'individu.

        "Tu sais y faire, mon mignon." minauda la gaupe.

        Qu'elle tienne ce qui lui servait de lèvres fermé, ça ne ferait qu'arranger son cas. L'assassin n'était pas prêt à faire de quartiers. Quelques entailles apparaissaient sur son corps, du moins les parcelles de peau mises à nu. Il fit rouler sa tête sur ses épaules, craquant sa nuque. Il s'avança comme un conquérant, droit vers sa proie. Autour d'eux, les flammes dévoraient le bois avec une avidité sans commune mesure. Les cris se succédaient aux râles d'agonie et le charnier du champ de bataille ne cessait de croire. On sentait la chair brûlée à des dizaines de mètres, tout comme les pirates qui compissaient leurs chausses de peur. Si les combats semblaient s'équilibrer, la rigueur de la Marine faisait foi : les bandits perdaient peu à peu pied. L'expérience n'était rien, seule la volonté comptait. Et les hommes du Léviathan étaient là pour sauver leur chef. Touchante attention.

        "Tu n'as encore rien vu, courtisane."
        répondit Rafael, un sourire mauvais aux lèvres.

        L'assassin regard à droite, puis à gauche. Bien qu'excentrés, les deux combattants étaient encore à l'épicentre de la bataille. Quoi qu'il puisse tenter ici, si cela sortait du cadre de ses 'attributions', il serait démasqué. Alors il lui faudrait ruser. Crachant dans direction, la roulure se jeta sur lui toutes griffes dehors. Elle lui lança une de ses dagues, encore, puis enchaîna avec une troisième qui alla se planter à ses pieds. Notant au dernier instant l'étincelle qui émanait de l'objet, Rafael sauta sur le côté, évitant de peu la petite explosion qui aurait pu lui coûter une jambe. Il en ressorti fumant et la peau légèrement brûlée au niveau de son épaule gauche, non recouverte par un quelconque tissu. Il avait eu l'ingénieuse idée de se protéger la tête entre les bras. Se relevant dans le même mouvement, il se résolut de ne pas laisser la moindre once de liberté à son adversaire, qui lui offrait un sourire jaunâtre, par delà ses mèches orangées. Il se rua sur elle, puis se mit à genou au dernier moment, se cambrant en arrière pour éviter la lame vengeresse qui se destinait à son occiput. Le métal frôla son visage, mais c'était là une esquive préméditée. Se relevant dans la foulée, l'assassin posa sa main gauche, gantée, à terre et enfonça ses griffes de métal dans le sol, y laissant quatre profonds sillons. Arrivant ainsi derrière la graveleuse, il l'attrapa par le col de son autre main et la bascula vers la muraille dont elle s'était éloignée en attaquant Rafael. Posant le plat de son pied gauche contre son dos, il la fit s'envoler vers l'arrière. Elle s'écrasa dans le bois avec un bruit sourd, piaillant un cri de douleur. Ne lui laissant aucun répit, l'assassin se releva et partit à sa poursuite, plongeant à travers le trou qu'elle avait fait en percutant la muraille déjà abîmée. Posant un pied sur un tronc qui s'était affalé vers l'intérieur du camp, il gravit l'amas de décombres en quelques bonds et se propulsa à l'extérieur du camp ... à l'abri des regards. Et alors qu'il disparaissait dans la frondaison des arbres, l'assassin laissa échapper un ricanement qui ne présageait rien de bon. Il atterrit lourdement au milieu d'une clairière, au centre de laquelle l'indécente l'attendait déjà, pistolet en main. Elle le menaça du canon de son arme. Habile retournement de situation. La marie-couche-toi-là essuya le sang qui lui maculait le menton. Sa posture ramassée indiquait à l'assassin qu'elle était plus blessée qu'elle ne voulait le croire. Quand à lui, il était perclus d'entailles et son épaule gauche le lançait atrocement. Mais ce n'était qu'un détail parmi tant d'autres.

        "Maintenant, on sourit moins, hein ? On plie toujours face à une femme de caractère. Tes airs suffisants ne me font ni chaud ni froid, Marine." grogna-t-elle, lui offrant un sourire carmin, le jaune de ses dents étant auréolé par le sang qui lui emplissait la bouche.

        Amusé, Rafael haussa les sourcils, sans perdre de sa superbe. La clameur des combats leur parvenait à peine. Il avança d'un pas, sans sourciller face aux armes qui étaient pointées vers sa poitrine, elle venait de lever son second pistolet. L'entraîneuse amorça ses deux armes en réponse au défi, et ne recula pas d'un pas. L'assassin n'en démordit pas. Il avança de nouveau, pour n'être plus qu'à un pas de la racoleuse. Elle entrouvrit légèrement les lèvres, et écarquilla les yeux de stupeurs. Il devait savoir qu'elle tirerait, comment pouvait-il faire montre de tant d'assurance ? Ce ne pouvait être que du bluff, nul ne pouvait arrêter à bout portant une balle de ce calibre. Et alors qu'il exécutait le dernier pas dans sa direction, la tapineuse ouvrit le feu, les canons directement posés sur la peau nue de Rafael. La détonation résonna dans la clairière et les deux billes de plombs éclatèrent dans le dos du Révolutionnaire. Dans une gerbe de fumée. Les tirs se perdirent dans la jungle, entre deux arbres. D'un sourire malicieux, l'assassin attrapa les canons des armes de la gagneuse. D'un geste, il les lui arracha et les envoya à terre, sous ses yeux incrédules. Les pistolets rebondirent, tandis que les trous fumeux dans la poitrine de Rafael se résorbaient. Il attrapa son adversaire par le col, l'amenant à quelques centimètres de son visage. Une légère fumée s'exhala alors de lui, ses blessures disparaissaient peu à peu, comme si elles n'avaient jamais existé. En d'autres circonstances, tout ceci aurait pu tourner tellement mieux ...

        "Et là, t'as plutôt chaud ... ou froid ?" grogna-t-il, le meurtre dans les yeux.

        Il leva sa main gantée dans les airs, et l'abattit dans les tripes de la putain. Traversant chair et boyaux, il s'empara de sa colonne et tira d'un coup sec. Le craquement qui s'ensuivit enferma les cris de douleurs de sa victime au fond de sa gorge. Il laissa glisser contre lui, puis s'affaler à ses pieds dans une mare de sang, lâchant son arme ornementé. Rafael posa une main sur la poignée de l'épée qui lui passait en travers de l'abdomen sans un sourire. Le dernier geste insensé de la prostituée avait été de lui enfoncer son arme dans le ventre, comme si les balles n'avaient pas servi de leçon. Il ôta le meitou de son ventre d'une secousse, générant une légère trainée de fumée, puis plaça la pointe de la lame sur la gorge de la femme brisée. Elle hoquetait de souffrance, les larmes aux yeux. Ses lèvres pulpeuses laissaient échapper un filet de sang, se mêlant à ses cheveux de feu. La pute implorait la mort. Rafael ôta sa main de sa jambe d'une secousse, puis il se pencha vers elle, plantant la pointe du meitou à quelques centimètres de son oreille.

        "S'il ... te ... plaît ..." supplia-t-elle, dans un spasme d'agonie.

        L'assassin se lécha les lèvres, puis ouvrit la bouche, inspirant profondément. Il regarda autour de lui, s'assurant que personne ne l'épiait, puis planta son regard océan dans les billes émeraudes de sa victime.

        "Tu as mené une vie de débauche et infligé ton tourment aux peuples libres de ce monde. Tu as vogué et pillé sans âme, réchauffé la couche d'un meurtrier doublé d'un voleur. Jamais tu n'as eu considération pour l'autre et tu n'as existé que pour toi. Meurtrière, voleuse. Pirate. Tu as trop de sang sur les mains pour connaître les délices d'une mort rapide et indolore. Resquiescat in pace." lâcha-t-il, froid comme la pierre.

        "Pi ... tié ..." implora-t-elle de nouveau.

        Mais Rafael ne se laissa pas amadouer. S'appuyant sur l'arme, il se releva et tourna le dos à la scène. L'agonisante leva une main faiblarde vers lui, puis ses forces l'abandonnant, elle la laissa retomber au sol. L'arme légendaire entre ses mains, l'assassin commença à grimper les quelques mètres qui le séparaient du champ de bataille. Le Soleil pointait à l'horizon, versant sur l'île une aube rouge et malicieuse. Combien de sang coulerait encore cette nuit ? Inspectant ses membres, il se rendit compte que son fruit avait malgré lui effacé l'ensemble de ses blessures. Son bras gauche goûtait encore du sang du Second de Morvack, en revanche. Il n'y avait aucun moyen de maquiller cela. Il fallait juste espérait que cela passerait inaperçu pour le reste de la bataille, et puis il risquait à coup sûr de subir de nouveaux coups. Empêcher son fruit de se manifester était bien plus dur qu'il ne le pensait, sans compter que chaque blessure, même si elle disparaissait, entamait durement sa résistance physique. Même s'il n'en paraissait rien, Sall Hope l'avait malmené. Mais il était trop fier pour le laisser transparaître. L'assassin escalada la muraille défoncée, avec moins d'entrain que précédemment, puis passa par dessus en s'appuyant sur sa main gauche, dont le sang séchait peu à peu. Il atterrit plus durement qu'il ne l'aurait voulu de l'autre côté, faisant face aux différents combats. Où était donc passé ce foutu Alheïri ?
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