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[T]ime to play the game.

Combien de wagon ? Combien de train t'as raté ? Comment faire pour les rattraper ?

Les mains dans les poches, j’avançai doucement mais sûrement sous la neige et dans le froid. Les pieds dans mes bottes, le bonnet sur la tête et la capuche rabattue, je me lovais dans mon écharpe en essayant de garder ma chaleur. Difficile sur une ile hivernale comme Tequila Wolf, encore plus lorsqu’on n’a pas l’habitude des temps aussi frais. Le nez rougi, bougeant les doigts pour faire en sorte de ne pas les voir tomber, je ne voyais pas à trois mètres devant moi. Le brouillard n’aidait pas, le vent qui soulevait les flocons encore moins, sans parler de la nuit qui était tombée très tôt.
Je ne voulais pas m’éterniser ici, en partie à cause du temps, mais devant les évidences et la charge de travail que je n’arrivais pas à abattre, impossible pour l’instant de prendre le premier navire et de m’enfuir. Bee n’était pas non plus ravi de devoir se terrer ici, mais au moins, il avait su s’adapter beaucoup plus vite que moi. Son plumage avait doublé d’épaisseur en quelques jours, mais il n’osait pas mettre le bec dehors.

Faute au temps.
Faute à l’ambiance de l’ile.

Maitre Callahan m’avait plus ou moins prévenu en m’acceptant dans ses locaux. « Ma petite, ne sors pas sans une arme. Tu dois être la seule minette à des kilomètres à la ronde, et ça va se bousculer au portillon pour te causer. Et pas que pour te causer ». L’île n’était peuplé quasiment que d’hommes bourrus, chasseur-pécheur, des types proches de la neige, proche de la glace, encore plus de la mer. Mais plus des bêtes que des hommes en réalité.
« Si t’as le moindre problème, n’hésite pas à appeler Joe. C’est un bon gars qu’a ce qu’il faut à la maison pour savoir très bien se tenir en compagnie d’une demoiselle. Ou si tu cris assez fort, on pourra venir t’aider ». Bee regrettait à chaque fois de me voir partir vers la taverne la plus proche, lorsque j’allai pour me réchauffer, principalement parce qu’il devait terminer le travail que j’avais du mal à faire dans ces conditions.
Me sortant les pieds de la neige en grimpant sur un trottoir un poil moins recouvert que le reste du chemin, j’activai le pas jusqu’à l’endroit tant désiré. Passant la porte de la taverne, retirant mon écharpe, j’avançai doucement en me dévêtant de toutes les vestes que je pouvais porter. Mes longs cheveux roux tombèrent en cascade sur mes épaules, le visage à découvert, l’on pouvait admirer mes traits fins et mes joues rougies par le froid.

Tes mauvaises habitudes sont presque une fierté, tes défauts sont devenus ta personnalité.

La plupart se retourna vers moi, un petit éclat malicieux dans le regard de ceux que je croisais. Pas difficile de savoir ce qu’ils pouvaient penser. Tequila Wolf était un enfer pour moi, je ne m’étais jamais autant senti proche d’une côte de bœuf qu’ici. La chair fraiche semblait être le met préféré des messieurs du coin, et être apparenté à un plat bon à être dévoré me faisait froid dans le dos.
Je m’avançai vers le bar et me hissai sur un tabouret un peu trop haut pour ma petite taille. A peine installé qu’un des convives vint vers moi en s’adossant à l’endroit. C’était un type grand et plutôt baraqué, la barbe naissante et le crâne rasé sous son bonnet rouge. Plutôt du genre bucheron, il était en réalité un très bon pécheur, sinon le meilleur de l’île. Ce statut lui donnait le droit de m’adresser la parole, contrairement à ses petits camarades qui avaient seulement l'autorisation de me regarder. Depuis mon arrivée, j’étais la petite attraction locale : Sur cent hommes, ils devaient y avoir dix femmes. Sur ces dix femmes, la moitié était mariée. L’autre moitié n’était pas forcément plus fréquentable. Et surtout, aucune d’entre elles n’avait la capacité de faire le travail d’un homme ni ma crinière de feu.

« Salut chérie…
- Encore toi ? Mh, un grand chocolat chaud pour commencer, Joe, s’il te plait… »

J’attrapai mes cheveux, les relevant en un chignon parfait. Une mèche s’échappa dans ma nuque, chatouillant la peau nue de mon cou.

« Je me demandai si tu avais réfléchi à ma proposition…
- Mh ? »

Levant le sourcil, Joe m’apporta ma tasse en glissant un chocolat dans la petite assiette à côté. Je le remerciai doucement en plongeant mes lèvres dans le lait bouillant. C’était un petit bonheur. Le feu crépitait dans l’antre de la taverne, qui m’apparaissait presque comme un cocon douillet malgré les fréquentations.

« Ta proposition ? Repris-je sans le regarder. »

Il se pencha un peu vers moi et attrapa ma tasse des mains pour attirer mon attention. Son expression se voulait séduisante, sans vraiment l’être.

« Je me disais qu’on pouvait aller faire un tour sur mon bateau, juste toi et moi. »

Un rire m’échappa. J’en retins la fin en me plaquant la main contre la bouche mais mes yeux s’exprimèrent à la place de mes lèvres. Manquant de m’étouffer, j’eus du mal à récupérer mon sérieux, me tournant avec la larme au coin de l’œil en essayant d’être la plus gentille possible :

« Je ne suis pas intéressée, désolée.
- Mais…
- Non, vraiment. Ne complique pas la tâche et repars la tête haute avant que je te latte les cacahuètes. On évitera l’incident diplomatique. »

L’homme afficha une mine fâchée, se relevant du bar, il repartit en m’insultant dans sa barbe naissante.

Et moi, je replongeai mes lèvres dans ma tasse, savourant mon petit bonheur.


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mar 23 Oct 2012 - 22:47, édité 1 fois
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Tequila Wolf. Une vieille amie, qui avait connu nombre des interventions des jumeaux assassins. Les glorieux débuts de la Confrérie, et les premiers faits d'arme des frères. C'était presque nostalgique de fouler cette terre battue par les vents arctiques, et de contempler cette fange gouvernementale qui leur donnait des hauts le coeur. Ah, mais si l'île était grande, elle n'en demeurait pas moins éloignée de toute activité officiellement frauduleuse. Les assassins ne revenaient là que pour y trouver leurs recrues, ou mettre un terme à l'existence d'hommes qui se montraient un peu trop ... entreprenants. Mais Dieu que le climat était antipathique. Resserrant sa cape de fourrure autour de ses épaules, Rafael chassa la botte qui s'accumulait sur la pointe de ses bottines. La neige s'ordonnait en une couche éparse sur ses épaules, maculant tant ses habits d'un blanc grisonnant que sa tignasse de jais. Et le vent, qui s'insinuait partout où le tissu n'était pas assez épais pour faire obstacle. Un temps hostile qui ne laissait aucune équivoque quant à la rudesse de la vie des habitants. À croire que seuls les loups pouvaient espérer vivre en de tels endroits, un climat propice aux manigances. Mais ce n'était pas un histoire de tourisme qui amenait là l'assassin en tenue d'apparat. Ses visites n'étaient, malheureusement, que peu souvent courtoises. Il se réchauffa les mains en y soufflant dedans, maudissant sa sottise de ne pas avoir pris de gants, puis rentra la tête entre ses épaules pour couvrir ses oreilles grâce à l'épaisseur de sa cape. Sa barbe naissante commençait à amasser un peu trop de neige à son goût, et une pellicule cristalline se formait sous son nez ainsi qu'autour de sa bouche, en réponse à la chaleur de son souffle. Il sentait le froid mordre chaque parcelle de sa peau nue, il lui fallait trouver un abri et vite.

L'homme en noir poussa la porte de la taverne sans ménagement, et le vent la fit claquer avec un bruit sourd, vite couvert par les mugissements de ce qui semblait se transformer en blizzard. Rafael entra sans se faire prier et referma la porte en y mettant les deux mains, luttant contre la colère des éléments. Une fois que le calme fut revenu dans l'établissement, il chassa les flocons épars dans sa chevelure et se frotta le visage pour ôter toute trace de neige. Il ne prit pas la peine de nettoyer sa cape, cela finirait bien par sécher avec la chaleur qui régnait là. Il frappa ses bottes l'une contre l'autre, puis posa l'épaisse pèlerine de fourrure noire sur le portemanteaux, révélant sa simple veste de laine sous ses habits, et la simplicité de son accoutrement. Des bottines en cuir noir, un pantalon de lin renforcer de quelques traces de fourrure tout aussi noire. Il ouvrit largement sa veste pour découvrir un légère tunique en lin, épargnée par les éléments. Soufflant dans ses mains, il avança jusque devant le feu et se mit à s'y réchauffer les mains. La lumière diffuse qui trônait là semblait d'autant plus claire que la nuit, le brouillard et le vent embrouillaient les sens dehors, ce qui força l'assassin à se frotter les yeux plusieurs fois. Les hommes de la taverne ne le regardèrent qu'un bref instant, se permettant un léger rire méprisant en apercevant sa dégaine inadaptée à pareil climat. L'assassin osa un regard rapide sur la salle, dénotant là quelques pêcheurs ou bûcherons. Son attention fut rapidement captivée par une jeune femme aux cheveux de feu, appuyée sur le comptoir, tasse en main. Désireux de se trouver un abri au plus vite, il n'avait pas fait réellement attention à la populace présente là. Dans un si petit village, trouver ce qu'il désirait n'impliquait pas une cible particulière pour commencer ses affaires. Une fois qu'il fut certain d'être un peu plus réchauffé, il rejoint l'ingénue qui tranchait tant avec le décor de la taverne. Elle expliquait à elle seule pourquoi les regards s'étaient si vite détournés de l'étranger qu'il était, aussi énigmatique qu'il pouvait paraître. Un léger sourire se dessina sur ses traits, alors qu'il tirait un siège à lui, s'asseyant à un demi mètre de la jeune femme.

Il la détailla d'un œil expert, analysant le teint pâle de sa peau, la façon dont son chignon était serré. Ses doigts légèrement marqués par les cals, mais agiles. La légère trace qui lui seyait le pouce gauche, noire et à moitié effacée. Méticuleuse, ordonnée. Mais pas assez soignée, pressée de rejoindre la taverne ? Son jeu préféré était d'étudier les marques laissées par la vie, de voir ce que les autres ne voyaient pas, comme le lui disait la Volpe. Les mains étaient l'indice le plus probant de ce que les hommes faisaient dans leur vie. Les siennes étaient marquées par ses activités nocturnes, pour qui savait le voir. Un léger sourire, alors qu'elle trempait ses lèvres dans sa boisson. Répit après une journée de travail. Le cambouis sur sa main, mécanicienne ? Oh. Un sourire se dessina à nouveau sur son visage, alors qu'il relevait les yeux vers l'homme occupé à astiquer un verre, bien en face de lui. Un éclat de rire attira son attention, le forçant à tourner la tête. Il avisa alors qu'un des hommes d'une des tables peu fréquentables du fond de la taverne le montrait du doigt, murmurant quelque chose qui faisait rire ses comparses. L'assassin haussa les épaules, faisant fi de leurs propos certainement peu élogieux, mais se demanda néanmoins s'ils lui étaient directement adressés ou pas. La curiosité le fit se retourner une nouvelle fois, étudiant avec soin la source de la plaisanterie. Il croisa alors le regard d'un type au bonnet rouge, l'air tout sauf commode à quelques mètres de là. Et il comprit que la plaisanterie le visait à lui. Vu le regard qu'il lui adressait, il n'avait pas l'air d'apprécier la façon dont l'assassin avait reluqué la donzelle, et encore moins ce que ses camarades crachaient sur lui. Rafael s'éclaircit la voix et soutint le regard du bûcheron, s'il en était un. Il garda le contact assez longtemps pour lui paraître bravache, mais le rompit assez vite pour se faire passer pour couard. Affaire réglée, il se concentra sur le barman qui émit alors un léger claquement de langue. Peut être attendait-il sa commande ?

"Quelque chose qui réchauffe." demanda-t-il, se frottant les mains.

"Et plus que ça, je vous prie." se reprit-il, indiquant de la main la tasse que buvait la jeune femme.

Le barman soupira et s'empara d'une bouteille parmi les alcools forts et en vida le fond dans un verre à moitié crasseux. Il l'apporta à Rafael, qui posa quelques pièces en contrepartie. Celui-ci le porta au nez et fronça les narines devant l'odeur qui s'en dégageait. Quelque chose qui réchauffait, au moins ça c'était certain. Il leva son verre à l'attention de la donzelle, avec un léger sourire, puis le porta à ses lèvres, goutant avec plaisir le divin nectar qui lui brûla le palais. Pris de court, l'assassin toussa doucement, fermant son poing devant sa bouche puis reposa le verre. C'était fort, mais de là à agir ainsi ... Le barman laissa échapper un ricanement dédaigneux, tirant de nouveaux murmures amusés à l'assemblée. L'assassin jouait son rôle de godelureau avec plaisir. Il hocha de la tête, caressa du bout du doigt le récipient où reposait l'infâme tord-boyaux qui lui brûlait encore le gosier.

"Au moins, ça réchauffe ..." conclut-il, adressant un sourire gêné à la donzelle.

Il laissa quelques secondes planer, le temps pour elle de se demander quel était cet incongru qui débarquait ici et faisait rire l'ensemble des clients de cette taverne à moitié miteuse. Si ses conclusions étaient justes, elle était la meilleure personne à aborder dans ces lieux. Les malabars du fond de la pièce semblaient trop occupés à comparer leurs muscles pour être d'une quelconque utilité et le barman ... et bien c'était un barman. Ne restait qu'elle, celle que tous ici dévisageaient, et qui venait certainement d'éconduire le type au regard furieux que l'assassin avait retenu. Il soupira bruyamment, puis avala une nouvelle gorge du tord-boyaux, ne forçant cette fois-ci pas la dose.

"Je gagerais que vous êtes nouvelles par ici, n'est-ce pas ?" lui demanda-t-il, reposant son verre et se tournant vers elle, un sourire enjôleur sur les lèvres.
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Je ne faisais pas parti de ces femmes qui savaient parler aux autres. Je n’avais pas les mots, et quand enfin j’arrivai à mettre la main dessus, je ne savais pas les utiliser. J’étais comme une gamine face à un casse-tête chinois lorsqu’il s’agissait de m’exprimer. Trop brute, ou pas assez. Trop suggestive, ou peu aimable. Comme un handicap qui me rendait parfois dingue et qui me forçait à m’emmitoufler dans une solitude désarmante. Il y avait quelque chose en moi qui ne véhiculait jamais les bonnes choses, de la mauvaise humeur banale au plus grand des bonheurs, je n’arrivais pas à exprimer ce que je ressentais, ni ce que je pensais. Ou si, mais trop brusquement. Comme imposer à moi, aux autres. Quand j’étais moi, quand je me sentais entière, j’avais encore l’impression que quelque chose me manquait. Un langage, un jargon. Faire semblant était plus facile : c’était être quelqu’un d’autre, dire ce que son vis-à-vis voulait entendre pour se le mettre dans la poche, pour lui retourner la tête, pour y glisser un doute, une idée, une suggestion,… être quelqu’un d’autre, c’était ce fuir soi-même. Et ça, c’était foutrement plus facile.
Ainsi, j’étais cette rouquine farouche, aussi froide que la grêle des meilleurs mois, aussi terrible que la tempête. Les rumeurs se construisaient sur pas grand-chose, les réputations sur absolument rien. Alors, à Tequila Wolf, c’était moi. Elle. Celle qu’on voudrait bien dans son lit et que les bonnes mères de famille ne supportaient pas, que les maris comblés aimaient trop, que les autres désiraient. A la carapace aussi dure que durant les pires hivers des années passées et à venir, et pourtant, si loin d’être celle qu’on dépeignait. Il ne me semblait pas être cette tornade glacée, pas au fond. Pas en moi. Callahan le disait avec le sourire : « peut-être un peu teigne, mais foutrement vivante ». Si le tonnerre grondait lors des colères, il y avait encore cette gamine qui voulait réchauffer les cœurs glacés dans ses mains et rattraper les âmes en fuite.

Et a Tequila Wolf, la gamine hibernait, laissant place à la grande, là, qui ne savait plus comment juger les gens qui s’adressaient à elle, ni comment les estimer. Qui fuyait, pour ne pas qu’on lui fasse du mal, parce que la peur l’avait gagné depuis son débarquement. Parce qu’elle détestait l’endroit, parce qu’elle n’arrivait pas à avoir confiance en qui que ce soit ici.
A Tequila Wolf, j’étais devenue aussi rude que le comptoir sur lequel mes mains se promenaient. Impatiente d’en finir, désireuse de s’enfuir.

Un frisson me ramena sur terre, la caresse du vent froid dans mon cou qui me fit frémir. Me retournant pour voir ce qu’il se passait, un homme venait d’entrer dans la taverne, retirant ses vêtements, claquant ses bottes, s’essuyant la barbe. Un soupir m’échappa, replongeant mon attention dans ma tasse bien entamée, pas encore terminée. Réchauffée de l’intérieur, je me sentais mieux que tantôt. Joe vint me faire un peu la conversation, me demandant comment ça se passait, au chantier naval, ce qu’on pouvait y faire, si nos projets avançaient. Quelques réponses, un oui, un non, et beaucoup de boulot, tu sais. Il hocha la tête et dut retourner faire son job.
Un bruit attira mon attention, celui d’un tabouret que l’on tire. Surprise, surtout après ce qu’il s’était passé tantôt, j’avais songé à un de mes prétendants. C’était lui. Le nouveau. Le dernier arrivé, a même pas un mètre de moi, la barbe naissante, le teint trop bronzé pour être un natif de la région, les cheveux d’un noir de jaie, et surtout, des yeux d’un bleu presque océan… Un instant captivé, je détournai le regard en faisant mine de rien, me contentant de me concentrer sur ce que j’avais entre les mains.

« Quelque chose qui réchauffe… Et plus que ça, je vous prie. »

Prenant une inspiration, je roulai des yeux. Ça sentait le type qui tentait une approche. Ou c’était ça, ou il fallait que je revoie tout ce que je savais des hommes. Joe m’interrogea un instant des yeux, pour savoir ce qu’il devait faire. Ne lui disant rien, il servit l’homme en soupirant, vidant dans un verre le contenu d’une bouteille que je savais particulièrement… forte. Et encore, le mot était faible. Pinçant les lèvres, il leva son verre pour me saluer et commença à le boire comme s’il savourait un bon vin. Un, deux… ça n’avait pas manqué. L’homme se mit à tousser, surpris par l’alcool. Ce n’était pas un truc pour les fillettes ! Les yeux pétillants, je lui lançai un vague regard compatissant, tandis que les autres riaient de son malheur. Et puis, un temps, un trait d'humour, pour revenir au silence.

« Je gagerais que vous êtes nouvelles par ici, n'est-ce pas ? »

Et le petit sourire qui allait bien. Me tournant vraiment vers lui, je le regardai droit dans les yeux, avec la bouche entre-ouverte qui disait « sérieusement ? ».

« Certes. »

J’avais lâché ça sans vraiment réfléchir, répondant pour avoir la conscience tranquille, coupant net la conversation qu’il cherchait à engager. J’avais pris des habitudes. Et puisqu’habitude il y avait, je me voyais mal en changer pour un étranger. L’avertissement de Callahan avait suffi à me mettre dans le bain, et l’expérience des Hommes faisait le reste. Je me trouvais un peu hautaine et presque désagréable, je fis néanmoins un petit sourire.

«Et je gagerai que vous aussi, sinon, vous seriez averti qu’on ne m’adresse pas la parole sans l’autorisation des douze loustics derrière vous. »

Désignant du pouce les lascars dans la pièce qui le regardaient, lui, avec des yeux de tueurs, et moi, de prédateurs, je me mis à jouer avec ma mèche de cheveux, la faisant glisser entre mes doigts. Me retournant vers l’assemblée, je reposai mes yeux sur lui :

« Et au vu de leurs regards noirs, je dirais que vous n’avez pas demandé la permission. Priez pour que je ne parte pas tout de suite, sinon, ils vont vous faire la peau. »

Reposant les yeux sur son verre qu’il tentait de finir malgré le gout de toute évidence exécrable, j’attrapai son verre, balançant son contenu par-dessus mon épaule.

« Pas la peine de faire le dur, ce truc est dégueulasse. Joe ? Peux-tu donner à mon nouveau copain un truc potable, s’il te plait ? »

On entendit derrière nous des grognements, quelques insultes et autres murmures pas engageant. Le touriste faisait des jaloux, et à raison : c’était bien la première fois que je restais aussi longtemps à côté d’une personne de sexe masculin depuis notre arrivée sur Tequila Wolf. S’il continuait à ne rien dire et à ne –plus ou moins- rien tenter, il pourrait même m’être sympathique.

« Lilou, dis-je en tendant la main. »

Je remarquai alors qu’il me restait du cambouis sur le bout des doigts. Piquant un far, je rangeais immédiatement ma main pour ne pas qu’il ne la saisisse et se retrouve lui aussi avec les doigts noirs. Tendant l’autre à la place pour conclure les salutations, j’attendais qu’il se présente.

« Qu’est-ce qui vous amène dans le coin le plus pourri d’East Blue ? Pas du tourisme, j’espère ? »


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Ven 26 Oct 2012 - 14:52, édité 1 fois
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Elle semblait farouche, et on l'imaginait sans peine aussi froide que les congères de dehors. Mais il y avait quelque chose chez cette donzelle qui intriguait et intéressait l'assassin. Une chose qui n'était pas forcément sans lien avec ce qu'il était venu chercher en ces lieux. Grâce à la glace qui faisait dos au barman, il l'observait du coin de l'oeil, guettant ses réactions et s'amusant du contraste de ses traits sur sa peau pâle. Atypique, c'était le moins qu'on pouvait en dire. Tout comme lui. Il se voyait à ses côtés, aux côtés de ceux qui subissaient la violence de ce climat glacial. Il était son teint mat trahissait ses nombreux voyages, tout comme l'expression de ses yeux. Il se contemplait et dressait un rapide état des lieux. Sa chemise était trouée au niveau de son aisselle, trahissant une quelconque altercation ou un mouvement qui sortait des attributions de ce rôle. Le cadavre laissé en pleine mer sur la barque du vieux Plenty, qui lui avait donné la localisation plus ou moins précise de sa cible ? Il frôla le comptoir de son bras pour sentir encore la lame qui était collée contre sa peau, maintenue par le bracelet antique de son ordre. Des cernes trahissaient sa fatigue, contrastant avec sa bonne humeur feinte. D'un autre côté, ce sourire goguenard ne pouvait appartenir à un type austère dans son genre, il se pavanait là et attirait les hostilités à lui. Non pas que les affrontements lui fassent peur, mais son rôle l'y obligeait ... et c'était captivant de jouer avec le feu, de voir les autres se gausser de lui alors qu'il pouvait faire tellement plus. Mais l'heure n'était pas aux réjouissances. Et la fierté n'était pas l'apanage des assassins, ou de devrait pas l'être.

Le premier mot qui sortit de la bouche de la rouquine tirèrent un sourire amusé de la bouche de Rafael. Elle le regarda droit dans les yeux. Captant son mouvement, il cessa de la mirer dans la glace et lui rendit son regard. Un regard de glace, qui le dénigrait tout en lui rendant la politesse. Un de ces regards qui avait du renvoyer aux oubliettes les prétentions d'un nombre incalculable de prétendants. Ah, les marins et leurs prétentions ... L'assassin s'empara de nouveau de son verre et en déglutit une gorgée pour accuser le coup de ce petit coup de froid, lorsqu'elle reprit la parole, contre toute attente. Sa remarque le fit de nouveau sourire, alors qu'il se retournait pour jeter un oeil aux différents lascars, et en effet l'ambiance était plutôt chaude de ce coin là de la pièce. Il revint vers la jeune fille, qui jouait avec le feu de ses cheveux, devant tous ces hommes prêts à exploser. Taquine la rouquine ? Elle gagna soudain un cran dans l'estime de Rafael, qui prenait lui aussi tout autant de plaisir à jouer de ses actes pour mettre le feu aux poudres. Il n'était certes pas là pour de tels divertissements, mais c'était un bonus non négligeable. Il soupira et s'adossa au comptoir, l'imitant et nargua par la même l'assemblée qui lui offrait une foule de regards noirs. Il porta à nouveau son verre à sa bouche, en tirant une nouvelle gorgée infecte, ce qui sembla attirer la pitié de la donzelle. Et bien, voilà que la tigresse voulait jouer avec lui ? Il avait déjà exécuté une partie d'échecs par le passé, et cela ne s'était pas très bien terminé. Mais quand on été un mordu des jeux et des challenges, cela importait peu. Il se laissa prendre
le verre, s'amusant du contact fugace de ses doigts tièdes sur les siens, puis admira le naturel de cette gamine. Comme quoi, il n'y avait pas que ses cheveux qui baignaient dans le feu. Ce n'était pas étonnant que les marins aiment à s'y risquer, la flamme d'une bougie attirait toujours les insectes ... et cela en étaient de bien beaux. Que ne ferions-nous pas pour une femme, après tout ? L'assassin regarda sa main, plutôt surpris par la rapide entrée en scène. Décidément, elle était surprenante. Alors qu'il était convaincu de devoir gratter jusqu'au fond de la couche de glace pour l'approcher, la voilà qui crevait la carapace d'elle même. À moins que la compagnie d'hommes moins .... primaux ne lui manquât. Avisant alors la salissure sur sa main, ses joues s'empourprèrent, ce qui n'enleva rien à son charme et tira un sourire amusé à l'assassin. Froide et chaleureuse à la fois. Cassante et si féminine. A en croire qu'elle aussi jouait un rôle, et ses réactions étaient si impulsives que même lui n'arrivait pas à tout suivre, pourtant, c'était son métier. Une fraction de seconde, il oublia ce pourquoi il était venu là, considérant avec un intérêt renouvelé la jeune femme. Il darda un regard vers l'assemblé qui crevait de jalousie, puis se saisit de sa main, avalant une gorgée du nectar que venait de lui servir le barman, écarquillant les yeux devant l'intérêt soudain de la dénommée Lilou pour cet étranger vêtu de noir. Allons, les gars, pas la peine de tirer cette tête, Rafael aussi méritait le droit de lui parler, n'était-il pas l'homme aux mille morts ?

"Rafael, enchanté."
lui fit-il, saisissant de sa poigne glaciale les doigts à peine réchauffés de Lilou.

"Mais par chez moi, nous avons plus l'habitude d'embrasser nos femmes que de leur serrer la main, signorina." répondit-il, relâchant sa main.

"Et merci pour le verre d'ailleurs, c'est un fort bon rhum que voilà." continua-t-il, en saluant par la même le barman avec son verre.

"En effet, je n'ai pas vraiment la même tête que les autochtones, bien aimable à vous de l'avoir remarqué." poursuivit-il, baissant légèrement sa voix pour ne pas être audible par tous.

"Je suis ici en voyage d'affaire, comme beaucoup à Tequila Wolf aux alentours du port, n'est-ce pas ?" mentit-il, enfin à moitié, il avait à faire certes mais certainement le genre d'affaires auxquelles elle aurait pu penser.

"Mais je serais un rustre en ne vous retournant pas la question ... et si cela peut vous pousser à rester ici, tout en augmentant mon espérance de vie ..." plaisanta-t-il, avec un léger sourire en coin. rebondissant avec malice sur les propos de Lilou.

"Vous m'avez l'air douée pour les constructions mécaniques, me tromperais-je ? Ainsi je gagerais que vous travaillez ici depuis peu ?" proposa l'assassin, cherchant par la même à stupéfier la jeune femme.

Un peu de ses tours pourraient la surprendre et l'amener à se rapprocher un peu plus de lui, mettre le feu aux poudres. Les autres risquaient d'en crever de jalousie, mais si c'était là le prix pour récolter son du, il s'en remettrait. Surtout qu'il commençait à se faire une petite idée de ce que la jeune femme faisait en réalité, une histoire de profil qui collait plutôt bien, et de hasard, aussi. Entrerait-elle dans sa danse ou le laisserait-elle sur le carreau ? Seuls les paris risqués en valaient le coup.
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« Mh… »

Un petit son qui m’échappa, comme toute réaction à son allusion aussi grosse qu’une maison. Restait à savoir d’où venait l’homme pour oser dire ça assez fort pour que ceux autour ne l’entendent… Je n’avais jamais connu de personne aussi enthousiaste à l’idée de se mettre délibérément dans une très mauvaise situation. A moins qu’il n’en ait absolument pas conscience, ce qui expliquerait bien des choses. Soit il était idiot, soit complètement fou. Et entre les deux, je ne savais pas ce que je préférai. C’était donc à moi de l’avertir des dangers qu’il courrait à s’emporter auprès de moi. A bien y réfléchir, j’étais plus un embarras pour lui qu’une rencontre qui enjolivait son séjour. Nous nous lâchâmes, les salutations faites, et je me forçai à réagir à sa réplique :

« Commençons par nous serrer la main, nous verrons plus tard pour le reste. »

A bien y songer, j’avais l’impression que cette déclaration portait un sous-entendu plutôt gros, qui me mit un instant mal à l’aise. Pourtant, il me fallait rester sérieuse, pour être sûre que cette annonce ne passe pas pour ce qu’elle n’était pas. J’étais épuisée, ceci pouvant expliquer les doubles-sens s’immisçant malgré moi entre nous, ainsi que les quelques interprétations que j’avais pu faire de ce qu’il m’avait dit. J’imaginai qu’il ne pensait pas à mal, ni que son souhait soit de finir dans la porcherie du coin, ou pire encore. L’avisant d’un regard sérieux, pour l’obliger à prendre ses responsabilités et à faire attention, je lui lançai une phrase tout autant énigmatique que la première :

« Je dois vous avertir que vous jouez avec le feu, Rafael. Je ne peux que vous conseiller de faire attention, vous allez finir par sérieusement vous faire mal… »

Et l’homme devait probablement comprendre ou est-ce que je voulais en venir. Ses allusions, ses sourires complices, ses yeux brillants, toutes ces choses le mettaient dans une situation qu’il n’imaginait certainement pas. J’avais l’impression qu’il s’amusait à jouer avec les nerfs des autres, un jeu grisant pour sûr, mais un jeu qui restait particulièrement dangereux. Je me faisais peut-être des idées, mais les carrures des bucherons bodybuilders faisaient passer Rafael pour une demi-portion. Rien n’était donné pour l’instant et il était possible que rien ne se passe, mais en étant au fait de ce que les lascars étaient capables de faire pour moins que ça, je savais que l’homme n’allait pas s’en tirer à si bon compte.

« Je vous tiendrai au courant quand ils sortiront pour aller chercher le goudron et les plumes. Et qu’il sera temps pour vous de partir. »

Jetant un coup d’œil vers la porte arrière pour qu’il suive mon regard, voilà l’homme informé des suites de son séjour. Et le voilà plongé dans une société archaïque, avec des méthodes peu commodes, sinon arriérées. Je lui fis un sourire pour qu’il comprenne qu’il pouvait compter sur moi pour lui sauver la mise sur ce coup, même s’il ne fallait pas le faire durant nos prochaines potentielles conversations. Et connaissant les loustics, si Rafael s’obstinait dans cette direction avec ses regards mielleux, son air fier et le reste de son déguisement de beau-parleur, la punition n’allait certainement pas tarder. Certains avaient déjà fait leur sortie, ce qui ne laissait rien présager de très bon pour le nouvel arrivant. Mieux valait prévenir que guérir, ce n’était peut-être que moi qui m’inquiétait pour pas grand-chose : Rafael m’était sympathique, et pour une fois que je pouvais avoir une conversation avec quelqu’un sans avoir l’impression qu’il avait envie de me bouffer toute crue, je me sentais à l’aise. Reprenant la discussion là où je l’avais laissé après, remarquant qu’il était un investigateur de talent et que la majorité de ses suppositions tombées juste, je lui fis un sourire :

«Bien observé. Vous avez raison sur un des deux points : Je suis douée en mécanique. Mais je suis à Tequila Wolf depuis plus d’un mois, en tant qu’apprenti d’un des ingénieurs de la région, Callahan. Je ne sais pas si cela vous dit quelque chose ? Bref… A force, je connais la ville comme ma poche, c’est dire… »

C’était à peine exagéré. Callahan m’avait fait faire le tour de la ville mainte et mainte fois, pour aller faire des commissions, des livraisons, chercher des pièces à un endroit, puis parfois à un autre. Me demandant parfois des services, comme récupérer ses deux petits-enfants chez leur nounou pour les ramener au hangar. Callahan me prenait plus pour sa femme à tout faire que comme son apprenti, mais son enseignement était efficace, passionnant, et il valait largement le mal que je me donnais pour faire les tâches ingrates qu’il me demandait.

« Bienvenue dans mon enfer. »

Préférant couper court, je revins sur mon interlocuteur du soir, lui montrant que moi aussi, je savais observer et faire des extrapolations sur ce que je voyais. Oh, pas grand-chose, je ne pourrais déterminer son métier simplement parce qu’il portait une chemise en lin. Mais l’expérience pouvait suffire à m’en faire une idée, peut-être vague, en plus d’user d’humour pour le mettre à l’aise :

« Et je ne peux m’empêcher de penser que si votre patron vous a envoyé ici, c’est soit parce qu’il ne vous aime pas beaucoup, soit parce que vous avez assez de talent pour marchander avec une personne d’ici. J’ose espérer pour vous que c’est la seconde des solutions. »

Le grincement de la porte me sortit un instant de l’osmose qui s’était installée entre nous, me faisant presque oublier l’existence de Rafael. La salle s’était presque vidée, ne restant que quelques fidèles qui fixaient l’homme d’affaire avec un petit sourire narquois. Me tournant, regardant par la fenêtre, la rue me sembla plus fréquentée que la normale. J’étais peinée de devoir l’avertir de la suite, alors qu’il semblait plutôt à l’aise et de bonne humeur, autant parce que nous allions être obligé d’abréger.

« Je crois que c’est maintenant, coupai-je brusquement en le regardant droit dans les yeux. »

J’affichai une mine désolée : je m’excusai de contrarier son séjour à Tequila Wolf, même si ce dernier ne s’annonçait pas de tout repos s’il était là pour le travail. Mais rajouter en prime la menace de douze hommes en colère pour des broutilles de ce genre, tout ça parce qu’il avait eu l’audace d’entretenir une vague conversation en ma compagnie, c’était nul. Difficile de le remettre dans le bain, mais s’il était aussi intelligent que je le pensais, il avait assez de pistes pour savoir ou me retrouver s’il voulait continuer à faire connaissance.
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"Ne vous inquiétez pas pour moi, je saurais y faire avec ma verve légendaire." continua-t-il, sur le ton de la plaisanterie.

"Mais j'apprécierais quand même éviter une pareille ... situation. Bien que ce soit peu payé pour avoir passé un si bon début de soirée." lui confia-t-il, avec un léger sourire.

Bien sûr qu'il savait où il mettait les pieds. Juste qu'il n'aurait pas pensé que la jeune femme puisse le mener directement à son homme. De plus, il ne pensait pas que les marins fussent assez sots pour s'en prendre ainsi à un étranger. Ses habits n'étaient pas communs, il pouvaient quand même réfléchir plus haut que leurs bonnets ? Il fallait croire que non, la jalousie était bien cruelle. Pourquoi continuer à s'acharner sur la même pièce de viande, pour se mettre à leur niveau, alors que celle-ci ne semblait pas les trouver à son goût ? En ce sens, il admirait Lilou, qui n'avait pas faibli devant cette prédation incessante. D'un autre côté, elle aurait eu mieux fait de régler les choses dès le départ. Mais que pouvait faire une femme face à un tel regroupement de mâles dans toute sa splendeur ? Il ne doutait pas qu'elle fut à même de se débrouiller, mais il ne savait pas pourquoi cette situation le dérangeait. Il se sentait à la fois irrité de sentir le regard de ces mâtins sur son dos, et à la fois valorisé qu'elle se prenne ainsi d'amitié, aussi fugace cela soit-il, pour lui. D'autant plus que son amour du risque le poussait à s'approcher de plus en plus de la flamme. Il ne cessait de darder des regards malicieux sur la glace, épiant les gars qui riaient de lui dans son dos. Un frisson courut le long de son échine. Etait-ce de l'appréhension ou de l'impatience ? Il n'aurait su le dire. En temps que combattant de l'ombre, il s'estimait capable d'en démettre deux ou trois avant qu'ils ne commencent à pouvoir le prendre au dépourvu, et encore. S'il les laissait s'approcher suffisamment, il les prendrait par surprise et pourrait alors en neutraliser plus d'un. Dans l'optique où ils l'attaqueraient, bien sûr. Il savait qu'ils pouvaient être de braves gars au fond, mais ce soir, l'alcool et la jalousie les tournerait en mauvais farceurs. Et leur ego risquait d'avoir du mal à s'en remettre.

"Merci de votre compassion, Lilou. J'ai déjà eu à ... traiter avec de telles situations, je pourrais peut-être m'en sortir indemne, qui sait ?" répondit l'assassin, face au sourire de la jeune femme.

La porte claqua alors, accompagnant la sortie de quelques uns des hommes du fond. Les murmures s'étaient tus pour laisser place à leur sourire amusé. Voilà qui n'augurait rien de bon. De nouveau, Rafael dut cacher son sourire en coin en avalant une gorgée de rhum. Le liquide lui réchauffa le gosier, chose qu'il accompagna d'un claquement de langue. Il lui fallait prendre ça comme une sorte d'échauffement, histoire de bien commencer la soirée. Le nom de l'ingénieur lui tira un nouveau sourire. Amusant. Comme quoi, les coïncidences ça n'existait pas. Il cacha son air ravi en ingurgitant une nouvelle rasade de ce rhum, la compagnie de cette jeune femme était quand même agréable au fond. Il la regarda droit dans les yeux, posant son verre puis lui rendit un sourire sincère. Quoi qu'il en soit, Callahan lui disait en effet quelque chose. Cet homme avait des comptes à rendre à la Révolution, son petit trafic d'arme ne passait pas inaperçu. Il commençait à bien trop attirer l'attention et ses moyens étaient discutables. Il ignorait cependant qu'il avait une apprentie, ce qui était à la fois une heureuse et sordide surprise. Il n'aimait pas à peiner ainsi les gens, surtout cette jeune donzelle qu'il finissait par apprécier en fin de compte. Elle semblait à la fois compatissante et réservée quant à l'avis de se livrer un peu à lui. Pourtant, il sentait qu'elle tissait peu à peu un lien entre eux, sans oser s'aventurer trop. Dommage pour elle. L'assassin soupira doucement, plongeant son regard dans le fond de son verre.

"Il serait sot de venir ici sans connaître Callahan. J'ignorais qu'il avait une apprentie, mais ça doit être un travail bien difficile, surtout dans un tel ... climat."
répliqua Rafael, non sans un regard vers ce qu'il restait des hommes entassés au fond de la taverne.

"Cela dit, j'obtiens en général de bons résultats, j'ose donc augurer que mon patron m'aime assez pour espérer me voir revenir."
continua-t-il, avec un sourire complice.

Il joua du doigt sur la tranche de son verre, le faisant tourner sur le verre. Lilou le tira alors de ses pensées, le ramenant au danger des hommes qui étaient sortis. Il suivit son regard, regardant dehors. Il imaginait sans peine la petite troupe qui allait l'accueillir. Tout comme les hommes qui commençaient à tirer leurs chaises au fond de la taverne. Hum. Il faudrait faire vite. Il haussa un sourcil et termina son verre cul-sec, avant de le poser brusquement sur le comptoir. Il tenta d'avoir l'air un peu plus paniqué, puis se retourna vers la porte. Posant la main sur le bras de la jeune femme, il s'approcha de son oreille pour lui murmure quelques mots, attisant l'ire des types qui se rassemblaient au fond de la taverne. Ils n'étaient pas plus de quatre ou cinq, parfait.

"Sortez rapidement, je ne voudrais pas qu'il vous arrive malheur par ma faute ... l'alcool a tendance à échauder les esprits. N'ayez crainte, je m'en sortirais. Il paraît que j'ai plus de vies qu'un chat." murmura-t-il, guettant du coin de l'oeil les marins qui ricanaient entre eux.

Profitant de l'instant, il attrapa sa main et lui en effleura le dos de ses lèvres. Comme on faisait par chez lui. Il lui adressa un clin d'oeil, puis la poussa doucement vers l'entrée de la taverne. Ils l'attendraient à lui, ils ne lui feraient rien. Du moins ils avaient intérêt. S'assurant que la jeune femme faisait route vers la porte, l'assassin se tourna vers le tavernier, qui ramassa rapidement les bouteilles présentes sur le comptoir et mit à l'abri sa caisse, sentant le pire venir. Il se carapata discrètement, ne voulant pas être le témoin de ce qui allait suivre, histoire de pas être impliqué et qu'on l'accusât de n'avoir rien fait. La porte claqua de nouveau dans le dos de Rafael. Lilou devait être dehors à présent. Parfait. Il s'avança vers les cinq types qui lui faisaient face. L'assassin laissa glisser ses mains sur le comptoir, attrapant une poignée de sel dans un bol de sa main gauche. Il fit jouer les doigts de sa main droite, prêt à en venir aux mains. Le plus grand des cinq se planta devant lui.

"Où tu vas, l'étranger ?"
le menaça-t-il, ajustant sur son crâne un chapeau rapiécé, qui lui donnait un air franchement antipathique.

"Aux toilettes l'ami, histoire de me refaire une beauté." répondit Rafael, narquois.

Ce ne fut apparemment pas du goût du malabar qui jeta un regard malsain à ses partenaires. Il fit craquer ses jointures, tandis que ses comparses se mettaient en arc de cercle autour de leur proie. L'assassin regarda par dessus son épaule, cherchaient-ils à lui couper toute retraite ? C'était futile ...

"Je suis sûr que l'air pur de la mer te ferais le plus grand bien. Paraît que ça va mieux au teint des étrangers, tu vois ?" poursuivit le type, avec un sourire qui découvrit toutes les dents qui lui restait.

"Hum. Sans façon, je suis un peu frileux." continua-t-il, plaidant la fausse innocence.

Ce fut certainement le mélange d'alcool et de frustration qui parla pour le marin, qui grommela un son inintelligible. La scène se découpla en plusieurs parties dans le crâne de l'assassin. Il fit les veines de son cou se gonfler, puis ses muscles se tendre une fraction de seconde avant qu'il ne recule d'un pas pour armer son poing. Rafael ferma alors les yeux, intuitant l'attaque grâce la position du type. L'assaut vient de la droite. Bestial. Il lève son bras gauche, pare en aveugle. Le poing du marin frôle sa tempe mais est repoussé. Profite de l'ouverture dans la garde. Frappe du poing droit dans son foie, deux fois. Vient le tour du type qui est derrière lui, sur sa droite : le premier à voir son camarade reculer. Se pencher en arrière, esquiver le coup. Décrire un arc de cercle avec le bras gauche, envoyant le sel dans les yeux des trois qui lui faisaient face, et frapper du coude celui qui lui se tenait dans la poursuite du mouvement, juste derrière lui. Passer sa main droite sous l'aisselle du type qui venait d'essayer de le frappe et le tirer vers l'avant en attrapant son poignet. Il rentre alors dans ses amis, aveuglés par le sel. Les quatre tombent à terre, ce qui laisse le champ libre pour celui qui s'est mangé un coup de coude dans le plexus. Se retourner, frapper du genou alors qu'il est penché, le soufflé coupé par le dernier coup. La rotule vient percuter la mâchoire et la brise. Retournement de situation, tombe à terre. Celui qui a fait tomber ses camarades tente de se relever, mais un coup de talon dans la tempe le renvoie sur le carrelage, pesant sur les autres. Le premier agresseur tarde à se dégager, la douleur se fait sentir. Vision perturbée, coups incertains. Deux à terre, trois encore en état. Rafael se met en garde, prêt à recevoir. La donne a changé, l'effet de surprise est total. Le premier à se relever fonce. L'assassin se décale et tire sur sa ceinture pour lui donner une impulsion qui l'envoie valdinguer dans une table. Il tente de se relever mais abandonne avec un râle de douleur. Plus que deux. Le premier agresseur abandonne toute mesure et dégaine un couteau, ses yeux rougis par le sel. Mauvaise idée, on ne tire pas un couteau quand on ne sait pas ce que son adversaire a en main. Ramassant une choppe qui trainait sur une table, Rafael la cache dans son dos. Esquive le premier coup, le second. Puis se penche en arrière pour éviter un coup d'estoc. Il fait passer la chope dans sa main droite et frappe violemment contre la mâchoire de son adversaire, éclatant l'objet. Le type titube et tourne sur lui avant de s'écraser contre une table, un filet de sang dégoulinant de ses lèvres. Le dernier regarde autour de lui, recule d'un pas et commence à hésiter. Il veut venger ses compagnons, mais il sait que seul, il n'arrivera à rien. Mais l'assassin est déjà sur lui. Primo : Détourner l'attention. Lui bloquer son coup en aveugle. Répliquer par crochet sur joue gauche. Désorienté, étourdi, il va tenter d'asséner un coup décisif. Parer du coude. Frapper au foie. Bloquer gauche puissante. Fragiliser mâchoire droite. Puis, fracturer. Casser côtes déjà fêlées. Atteindre le plexus. Disloquer mâchoire entièrement. Coup de talon au diaphragme. En résumé : oreilles qui sifflent, mâchoire cassée, trois côtes fêlées, quatre cassées, hémorragie du diaphragme. Récupération physique : 6 semaines. Récupération psychologique entière : 6 mois.

Retour brusque en arrière, Rafael ouvre les yeux. Le marin leva alors son énorme poing et l'envoya vers l'assassin. Léger sourire en coin de ce dernier ... puis brusque enchaînement de combat. Implacable.

"Mauvais type, mauvais endroit." commenta l'assassin, attrapant sa cape, suspendue au portemanteau, non loin de là.
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« Sortez rapidement, je ne voudrais pas qu'il vous arrive malheur par ma faute... L'alcool a tendance à échauder les esprits. N'ayez crainte, je m'en sortirais. Il paraît que j'ai plus de vies qu'un chat. »

Avais-je pris le temps d’y songer, ou d’y réfléchir ? Avais-je l’impression de craindre quelque chose ? Absolument pas. Ici, je me sentais intouchable. Il y avait un tabou autour de ma personne, autour de ce qu’on pouvait ou pas me faire. Pourquoi ? Aucune idée. Je ne me sentais pas différente d’une de ces femmes que l’on pouvait croiser à l’occasion. Mais dans les faits, pour les autres, une ombre menaçait lorsqu’ils m’approchaient, et avec le temps, j’avais compris que la figure de Callahan devait y faire quelque chose. Vrai qu’il avait un certain pouvoir, vrai qu’il dominait. Vrai encore qu’il savait se faire respecter. Ceci expliquant cela, il me semblait être bien tombé.
Et puis, Rafael me sortit de mes pensées, attrapant ma main et y posant un baiser. J’avais été surprise, étrangement étonnée. Personne ne m’avait jamais fait ça, personne n’avait jamais agi comme ça avec moi. La dernière forme de proximité remontait à si loin que j’avais presque honte d’y songer, surtout lorsqu’on savait avec qui c'était. Foutu Tahar Tahgel. Foutu Baiser. Foutu Bliss. Et foutue prime !
Revenant sur terre, j’obtempérai d’un hochement de tête, glissant de mon tabouret, allant au porte-manteau, je pris affaires en les enfilant une par une. J’attrapai la poignée de la porte et tirai d’un geste brusque, faisant grincer les gonds. Un coup d’œil en arrière, vite fait, je quittai la taverne. Le froid commença à me griffer la peau, la neige tombait encore. Les bruits de la rue me parvenaient comme étouffés. Et puis, au loin, une couleur vive contrastante avec la pureté d’un blanc immaculé, couleur d’un jaune trahissant son propriétaire, que je reconnaissais. L’animal fonçait vers moi, et au loin l’on entendait les cris d’une petite voix juvénile :

« Lili ! Lili !
- Yumi ? »

Une petite tête blonde perça à travers la neige, sur le dos d’un canard plus grand que la norme. Yumi était la petite fille de Callahan. Une gamine adorable qui s’était éprise de moi dès mon arrivée. Elle avait la fâcheuse tendance à me coller quotidiennement, me regardant travailler lorsqu’elle n’était pas à l’école, ou lorsqu’elle ne dormait pas. Et même si je ne l’admettais pas facilement, je la trouvais exceptionnellement adorable. Elle descendit du Canard et se jeta dans mes bras, se lovant contre mes cuisses en pleurnichant. Je lui caressai la tête, la regardant tendrement en essayant de savoir ce qui n’allait pas. Ses joues étaient rougies par le froid, son nez coulait, les larmes abondaient sur ses pommettes. S’ajoutant à cela qu’elle était du genre à zozoter et à parler d’elle à la troisième personne :

« Papi a demandé à Yumi-chan de venir te chercher ! Mais ya des mezants monzieurs qui z’ont fait mal à Yumi-chan ! Ils z’ont dit des mots pas zentils, ils ont pouzé Yumi-chan et ils z’ont voulu taper Bee… ! »

Je me mis à son niveau, lui tenant ses petites mains en l’écoutant patiemment ; Yumi était du genre à en faire des tonnes pour pas grand-chose habituellement, mais au vu des circonstances, je ne pouvais m’empêcher de penser que son témoignage, même en étant un poil exagéré, était loin d'être faux. J’étais attentive, particulièrement parce que je me sentais coupable des évènements de la soirée, de la tournure qu’avait pris les choses, et du fait qu’un homme en souffrait par ma faute. Pourquoi n’avais-je pas tout simplement rejeté ses avances et la conversation qui s’amorçait ? Pourquoi ne lui avais-je pas foutu une veste, comme j’avais l’habitude de le faire ? Qu’est-ce qu’il avait de plus que les autres n’avaient pas ? En y réfléchissant, mon cœur se mit à battre plus vite. Ce qu’il y avait de plus ? Un mystère, un doute. Une énigme. Un secret se cachant derrière ses pupilles bleutés, que je n’arrivai pas à trouver et qui me travaillait. Derrière ses apparences de bourgeois idiots, il y avait Rafael. J’en aurais mis ma main à couper.
J’aurais pu l’ignorer, le snober, mais inconsciemment, j’avais choisi de poursuivre, malgré la carapace, malgré l’usure que le temps exercée sur ma patience. Inconsciemment, il avait piqué ma curiosité. Peut-être son nom. Peut-être sa beauté. Peut-être son sourire. Ou sa façon d’être.

« Et ils z’avaient une graaaaaande poutre avec des cordes,…
- Des cordes ?
- Et ils rigolaient de Yumi-chan en dizant qu’elle avait pas le droit de ze mêler de leurs z’affaires !...
-
- Alors, Yumi-chan, elle était pas contente, pas du tout ! Alors, ils z’ont poussé Yumi-chan en la traitant de gourde ! Yumi-chan est pas une gourde !...
- Mais non, t’es pas une gourde…
- Alors Bee z’est mis en colère, mais ils lui z’ont tapé zur le bec ! Alors on a couru zusqu’izi ! Ils z’ont fait mal, Yumi-chan a bezoin d’un bizou mazique… »

Lui faisant un sourire, je posai un baiser sur son nez et la regardai pour voir si ça avait marché. Elle se mit à rire puis se blottit contre moi. Je me relevai avec elle dans les bras, elle s’accrocha à mon cou et je fis volte-face pour retourner dans le bar. Si Yumi disait vrai, et si elle avait été assez rapide pour prendre de vitesse les loustics mécontents, il était encore temps de permettre à Rafael de prendre sa retraite pour la soirée. Je poussai la porte qui grinça, pénétrant dans la pièce à la va-vite :

« Rafael ! Je… Je… Euh… »

Difficile d’aligner les mots en voyant le résultat. Encore plus d’articuler quoique ce soit. Les hommes à terre et lui, debout en train de récupérer sa cape. Rafael avait mis à mal ses détracteurs sans une seule égratignure. Il leva le nez pour voir à qui il avait à faire, tandis que je scrutai son chef-d’œuvre avec la bouche entrouverte. J’étais choquée, tout particulièrement parce que la carrure de Rafael ne laissait pas présager tant d’aptitudes au combat. Fermant les yeux, essayant de redescendre sur terre, je secouai la tête en tenant toujours fermement la gosse dans mes bras :

« Vous avez fait ça ?
- Ouaaaaah ! fit Yumi, totalement émerveillée.
- Kwak, ajouta Bee en battant des ailes comme pour féliciter l’homme. »

Moi, je n’étais pas aussi emballée que la gamine dans mes bras. Y’avait comme un truc qui sonnait faux. Comme un truc qui ne collait pas. Vrai qu’il avait essayé de me glisser que c’était un homme relativement débrouillard, de là à terrasser en quelques minutes les hommes à ses trousses, y’avait une marge monstrueuse. Je me faisais peut être des idées, ou alors, je me prenais la tête, il semblait même que je voyais le mal partout. Me confortant dans cette idée, je lançai avec une pointe de sarcasme dans la voix :

« Je ne savais pas qu’on pouvait prendre option Kung-fu dans votre diplôme d’Homme d’affaire… »

Sourire, regard complice, j’étais impressionnée, moi aussi. Même si je préférai ne pas l’avouer et me cacher derrière l’ironie. Yumi le désigna de son petit doigt et se tourna vers moi avec les yeux pétillant :

« Z’est ton amoureux ? Il est beau !
- Non, je n’ai pas d’amoureux Yumi, tu sais bien.
- Z’est zelui de Yumi-chan alors ! »

Lançant un sourire adorable à Raf, elle reprit immédiatement en le désignant du doigt :

« Zi z’est l’amoureux de Yumi-chan, il doit venir avec elle !
- Tu ne perds pas le nord, toi… »

Elle me fit un autre sourire, dévoilant un trou causé par la perte d’une dent de lait.

« Mais je suis d’accord avec la gosse, vous devriez venir. A l’heure qu’il est, ils savent probablement ou vous loger. Et ils ont l’air plutôt décidé à vous bizuter comme il faut pour vous apprendre les bonnes manières. »

Tournant les talons, tirant la porte, je lui laissai le passage pour l’inviter à y aller :

« Au cas où vous seriez d’avis de réfléchir, comprenez que ce n’est pas une proposition, et que vous n’avez pas le choix. Maintenant, prenez vos clics et vos clacs et ramenez-vous. »

*

Mon argumentaire, pas vraiment argumenter, avait fini par le convaincre de me suivre, en vitesse. Eviter les ennuis pour le reste de la nuit était une excellente idée. Notre chemin jusqu’au Hangar de Callahan était rythmé par les questions de Yumi, qui n’avait eu de cesse d’harceler son nouvel amoureux, lui demandant ce qu’il faisait dans la vie, s’il aimait les poneys ou encore si, comme elle, sa couleur préférée était le rose. Satisfaite devant certaine réponse, moins devant d’autre. Elle continua pourtant à enchainer, sans s'épuiser.
Lorsqu’enfin nous arrivâmes, je poussai la grande porte en fer coulissante, laissai tout le monde se mettre à l’abri du froid, et refermai derrière moi en m’assurant que personne ne nous avait suivi. Le Hangar était particulièrement grand et comportait plusieurs pièces sur sa partie droite. Parmi ses pièces, le bureau du grand patron ou ce dernier restait les trois quarts du temps. Callahan avait eu la gentillesse de me léguer le studio qu’il avait aménagé pour le repos, le temps que je termine mon contrat et mon apprentissage à ses côtés. Ainsi, je vivai à l’étage (le seul étage d’ailleurs), dans un trente mètre carré relativement vétuste mais que j’avais pris la peine de personnalisé pour m’y sentir bien.
Au fond du hangar, Callahan, après entretient avec ses employés, avait pris l’initiative d’installer un coin détente, ou, au milieu des immenses tours de rangement, autres planches de travail et outils manifestement dangereux, trônaient plusieurs canapés devant une cheminée. Bee et Yumi s’y précipitèrent, en hurlant et caquetant si fort que les sons résonnaient contre les murs de l’immense pièce.

Retirant mon bonnet, faisant tomber la neige de mes cheveux, j’appuyai sur un interrupteur qui alluma quelques lumières en fond de salle. Puis, je me tournai vers Rafael, m’inclinant respectueusement devant lui :

« Sincèrement désolée de ce qui vous arrive… C’est ma faute, je ne voulais pas gâcher votre séjour. »

J’ai toujours su que je ne serai la femme de personne, même si parfois j’oublie.



Dernière édition par Lilou B. Jacob le Mer 7 Nov 2012 - 16:38, édité 1 fois
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Et merde. L'assassin resta interdit, son regard planté dans celui de la rouquine. Pourquoi était-elle revenue ? Il entrouvrit la bouche, cherchant une savante répartie, sans succès. La première pensée fut de la tuer pour couvrir ses arrières. Aussi tôt rejetée. Bien qu'elle soit l'apprentie de Callahan, il n'avait aucune preuve qu'elle fut impliquée, d'autant plus qu'il s'agissait d'une jolie jeune femme. Lilou. Il détourna les yeux, son coeur commençant à prendre de l'élan. Situation délicate. Disparaître ? Impossible, elle couvrait l'entrée. Ne restait qu'une tierce option. Dommage pour elle. Il s'avança d'un pas, avant d'apercevoir la petite tête blonde qui émergeait du couvert de ses bras. Son regard s'adoucit, son rictus professionnel s'envola. Pas devant une gosse, jamais. Un frisson glacé lui parcourut l'échine, tout dépendait d'elle à présent. Bordel, il aurait du penser à une telle éventualité ! Mais le monde perdrait bien des attraits sans ses petites surprises ... Il esquissa un sourire en coin, gêné et préoccupé à la fois. Jouer la carte du godelureau pouvait encore marcher ? Il en doutait. Quoi que. On rencontrait tellement de choses incroyables ici bas. Il se passa la main gauche dans les cheveux et ferma les yeux, laissant échapper un rire sec. Il jeta la cape sur son épaule, puis se tourna pour admirer son oeuvre. Les pauvres types se tordaient de douleur à terre, plus meurtris dans l'âme qu'autre chose, sauf pour le dernier. Se faire mettre à terre par un étranger gringalet, ça avait le don de vous foutre une journée en l'air.

"Heu ... ouais." répondit-il, toujours sa main enfoncée dans sa tignasse.

Il la dévisagea du nouveau du coin de l'oeil, étudiant sa mine préoccupée. Putain, ça marchait pas. Puis elle changea d'expression, sembla se détendre. L'assassin se détendit, juste assez pour souffler. C'était pas passé loin, mais il ne pouvait plus se permettre de faire d'écarts. Il était peut être un peu parano, mais mieux valait prévenir que guérir. À force de remonter pistes et déguisements, il finissait par croire le sien aussi faillible qu'au premier jour. Se serait-il trouvé en face qu'il aurait mis son jeu à terre en un claquement de doigt. Heureusement, il était formé et habitué à son rôle. On ne pouvait pas dire qu'il menait une double identité au sein d'une des sections du Cipher Pol. Il était dans un port, bordel ! Pas la peine de paniquer pour si peu. Un mensonge ou deux, ça le tirait toujours d'affaire. Ou presque. Pourquoi avait-il l'impression que ça marchait pas, que cette fille était tout sauf dupe. Son regard avait quelque chose de différent. Un truc qu'il n'arrivait pas à saisir mais qui lui faisait à la fois envie et peur. Une aura émanait d'elle. Son rictus gêné se transforma en sourire franc, presque chaleureux. Il l'aimait bien. De plus, sa répartie ne faisait qu'ajouter une touche supplémentaire à son charme ...

"Ce n'est pas du Kung-Fu. On appelle ça le Bartitsu ... je vous montrerais à l'occasion." répondit-il avec un clin d'oeil malicieux.

Il fut cependant repris par la charmante tête blonde qui le regardait avec de grands yeux bleus qui en auraient fondre plus d'un. Même lui, d'ordinaire si peu sensible se fendit d'un sourire attendrit. Son compliment le fit ricaner bêtement, mais il fut refroidi par la réponse cinglante de Lilou. Elle ne lui était pas destinée, mais c'était quand même assez sec. Enfin, quoi que. Elle n'avait pas d'amoureux. Faille possible à exploiter (NDLA ~ sans aucun jeu de mot). Une femme seule sur ce roc glacé, sans âme pour la réchauffer. Fragile, faillible. Vulnérable. L'assassin avisa alors l'espèce de canard ésotérique qui les accompagnait, chassant aussi tôt l'explication de ce que pouvait être la chose. Ce n'était pas la priorité de l'instant. Il semblait suivre les deux comparses, pas la peine de garder un oeil là dessus. Ce qui l'inquiétait plus était ce qu'il restait des hommes. Il n'osait imaginer ce qui aurait pu l'attendre s'il s'était fait attraper par ces cinq larrons là. Et puis mieux valait ne pas attendre leur retour, il y avait trop de civils impliqués à présent ... ainsi que celle qui devrait le mener tôt où tard à l'homme qu'il recherchait.

"Hey, et j'ai pas voix au chapitre moi ? Hum ... allez, disons que je suis d'accord ..." tenta-t-il de protester, en s'accroupissant pour se mettre à hauteur de la petite.

Son sourire était une arme redoutable. Rien de plus puissant que le sourire d'un enfant. C'était peut être un peu niais comme remarque, mais l'assassin n'était pas une brute épaisse. S'il oubliait la beauté des choses qu'il désirait protéger, comment trouverait-il la force de poursuivre son combat fratricide ? Il gratifia la gamine d'une caresse ébouriffée sur le sommet du crâne, puis se releva. Il acquiesça à la remarque de Lilou, et passa sa cape par dessus ses épaules. Elle savait garder la tête froide et avait eu le courage de venir le chercher. Elle n'était peut être pas autant de glace qu'elle ne le laissait percevoir. Une femme d'un caractère bien trempé, à n'en pas douter. Elle lui plaisait de plus en plus. Toutes auraient déguerpi, laissant les hommes à leurs affaires, mais pas elle. Qu'est ce qui l'avait poussée à revenir ainsi ? Lui ? Ce n'était apparemment pas son genre. Son sens de la justice ? Ah ah. Peut être. Mais la façon dont elle lui imposait son choix. Il n'aimait pas être contraint, mais lorsque cela allait dans son sens, c'était parfait. Plus il se rapprocherait de Callahan, mieux ce serait. Et puis passer un peu de temps en compagnie de Lilou n'était pas chose déplaisante ...

"
D'accord pour reporter la démonstration à plus tard, je vous suis !" répondit-il, lui emboîtant le pas : cinq ça passait, une foule en délire ça cassait.

La petite lui tendit les bras, et il l'attrapa. Elle s'agrippa contre ses épaules, emmitouflée dans la cape de l'assassin. Le froid les cueillit tout à coup, mais Rafael percevait que le blizzard s'était fortement atténué. Seul une brise fraîche les attendait, ce qui ne découragea pas l'enfant. Elle l'assomma de question diverses et variées, auxquelles il répondait sans y réfléchir, disant aimer les poneys ou encore préférer la couleur bleue. Et non, il ne connaissait pas Chipeur. Elle fit la moue plusieurs fois, empêchant l'assassin de se concentrer sur la rousse qui menait la marche. Il essayait encore de la décrypter, mais les questions incessantes de la gamine l'en découragèrent. Il surveilla néanmoins ses arrières et les ruelles qu'ils croisèrent. Le tout était bien trop calme. La faune locale semblait lui réserver un bien mauvais tour, Lilou avait raison. Ils arrivèrent bien vite au studio de Callahan, lieu que Rafael n'aurait pas atteint aussi facilement en d'autres circonstances, mieux valait remercier sa bonne étoile. Il étudia rapidement les lieux, s'avisant que le bureau de sa cible devait se trouver par là. Chose qui demanderait à être vérifiée ... mais à présent il savait où aller. De mieux en mieux. La petite lui sauta des bras et alla s'amuser plus loin avec l'étrange canard. Alors qu'il se retournait pour épousseter sa cape et la neige qui le vieillissait de quelques années, il fut surpris de voir Lilou qui s'inclinait devant lui, s'excusant des ennuis qu'il avait essuyé un peu plus tôt dans la soirée. L'assassin posa sa cape sur un meuble, du moins ça y ressemblait, puis attrapa le menton de la jeune femme entre le pouce et l'index. Il planta son regard océan dans le sien, et lui offrit un de ses authentiques sourires.

"Vous êtes en cause de rien. Je ne peux que les comprendre ... vous êtes pareille à une chandelle dans les ténèbres glaciales de cet en droit. Et eux, à un essaim de moustiques."
la reprit-il, relevant la tête de la jeune femme par la même occasion.

Il se redressa alors et lui tourna le dos. Ils n'avaient été qu'à quelques centimètres l'un de l'autre, juste assez pour la troubler. Juste assez pour ressentir de nouveau ce plaisir exquis du jeu. L'assassin avança un peu dans la pièce, étudiant l'endroit du regard.

"Fort heureusement, je n'en suis pas un." dit-il, avec une nonchalance feinte à la perfection.
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« Vous êtes en cause de rien. Je ne peux que les comprendre... Vous êtes pareille à une chandelle dans les ténèbres glaciales de cet endroit. Et eux, à un essaim de moustiques. »

Son regard bleuté me laissa pantoise, complètement saisie au cœur par la surprise, aux aguets d’un quelconque signe de quelque chose. Je ne savais plus quoi dire, ni quoi faire, encore moins quoi penser. Rafael avait un atout indéniable : un charme fou, transcendant, qui faisait effet quasiment immédiatement. Je me plaisais à être une femme de glace, mais comment ne pas fondre ? Comment rester de marbre ? Comment ne pas avoir envie de tenter quelque chose ? J’étais paralysée et notre proximité ne m’aidait pas à reprendre mes esprits. A la fois ravie de le savoir si proche, de le voir si proche, et exaspérée qu’il joue à ce point avec mes nerfs. Encore plus agacée contre moi, parce que je comprenais qu’il ne me laissait pas indifférente et qu’il devait bien s’amuser à me voir m’empourprer.
Heureusement pour moi, il s’éloigna soudainement, me relâchant comme si de rien n’était, comme s’il n’avait rien fait, comme s’il n’avait pas été là, à deux centimètres. Il se lova dans une sorte d’indifférence qui m’énerva subitement : Non mais quel enfoiré ! A faire son Don Juan pour se rétracter à la moindre occasion ! Pas mal le bain chaud pour enchainer sur la douche froide, très bien joué ! Mais vraiment pas agréable. Je ne savais pas pourquoi ça me faisait tant criser, pourquoi j’avais envie de lui faire la tête, pour lui apprendre à me considérer comme un jouet que l’on jette.

La frustration, sans doute.

« Fort heureusement, je n'en suis pas un. »

Un soupir m’échappa, mais un soupir qui en disait long sur ce que je pensais. Ok, il s’amusait. Ou alors, j’étais une totale brêle en matière d’hommes. Mais y’avait des choses qui ne trompaient pas, et dans ces choses, les regards fiévreux, les sourires amusés, les gestes d’une simplicité déconcertante qui touchent en plein cœur. L’énigme qui s’impose, le mystère d’une petite séduction, le challenge que l’on se met en tête.

« Oh non, vous n’en êtes pas un. De moustique. Non, vous êtes bien différents, dis-je avec un sourire qui se voulait complice. Et puis d’ailleurs, vous n’êtes probablement pas vraiment homme d’affaires comme je l’entends, encore moins idiot, et certainement pas intéressé. »

Une pause, assez pour attirer son attention sur moi. J’avais la main sur la hanche, et l’air taquin, entortillant de mon autre main une longue mèche de cheveux tombant près de mon visage. Le dernier était un petit pic digne de ma franchise naturelle, mêlé à un trait d’humour bien personnel ainsi qu’à une verve caractéristique qui devait lui en faire voir de toutes les couleurs depuis la première fois ou il avait daigné m’adresser la parole.

« A l’inverse, vous êtes beau parleur, arrogant, enjôleur, charmant, probablement bourreau des cœurs et habile de vos mains. »

Faisant mine de réfléchir, le doigt sur le menton, je le regardai toujours droit dans les yeux. Puis, je me stoppai, comme prise d’une illumination divine :

« Ok, j’ai compris… »

De nouveaux, les paumes sur les hanches, l’air vrai et le petit sourire aux lèvres, je lui dis avec toute la naïveté du monde :

« Fais péter ta couverture, James Bond, je t’ai démasqué ! »

James Bond. Un ancien agent secret qui travaillait en 1570 pour le compte du gouvernement et qui s’était rendu célèbre pour des frasques en tous genres. Tout particulièrement pour son habilité à séduire une femme à chacune de ses missions, à disparaître au petit matin comme si de rien n’était et surtout, à n’avoir aucune attache, nulle part. Il se fit connaitre pour avoir séduit la fiancée d’un de ses employeurs, ce qui avait créé le scandale à l’époque. Il disparut aussi vite qu’il apparut des gros titres des journaux et l’on n’eut plus jamais de nouvelles du Bonhomme.
Bien sûr, Rafael était bien plus jeune que ce cher Bond, et je me voulais juste amusante. Pourtant, l’homme eut plus l’air constipé qu’amusé par ce que je venais de lui dire. Croyant voir venir le flop de l’année, je baissais timidement les yeux et abandonnai immédiatement l’idée d’un jour me lancer dans l’humour et la scène. Ce n’était, visiblement, pas pour moi. Coup de chance, Yumi revint dans ma direction, courant à toute vitesse pour foncer dans mes jambes, Bee à ses trousses. Ils coupèrent court à toute discussion et m’évitèrent une gêne monstrueuse.

La gamine me regarda avec de grands yeux pétillants et me fit un énorme sourire :

« Papi a dit que Yumi-chan devait rentrer ! Il va venir chercher Yumi-chan dans pas longtemps !
- D’accord… Bee vous raccompagnera.
- Owiiii ! »

Le canard agita ses ailes, tout joyeux de cette nouvelle. Et il se remit à courser la jeune fille, arrivant parfois à la rattraper pour la pincer doucement avec son bec. De nouveau en tête à tête avec Rafael, je lui fis une risette timide en me passant les cheveux derrière l’oreille. Difficile de reprendre la conversation après avoir dit des bêtises, mais il me semblait important d’enchainer pour ne pas rester sur une mauvaise impression. Baissant les yeux, un peu embarrassée de le regarder, je lui soufflai d’une voix douce :

« Puisque tu disais connaitre Callahan, tu vas sûrement pouvoir le croiser. Tu… Tu as fait des affaires avec lui, c’est ça ? »

Parler du boulot me sembla une bonne idée sur le coup, mais je me ravisai très vite en y songeant : est-ce que ça me regardait ? Etait-ce mes affaires ? Callahan faisait toujours en sorte que je ne rencontre pas nos clients, que je ne sois pas en contact avec eux, pour pouvoir toujours faire « mon travail objectivement » comme il disait. Alors, en y songeant, je me rendais compte que je m’aventurai sur un terrain qui ne me concernait en rien. Une nouvelle bourde, pensais-je pour moi.

« Et je suis peut-être trop indiscrète, désolée. Je… Je vais me taire. »

Bon, maintenant qu’il était clair comme de l’eau de roche que j’étais une cruche finie avec, encore et toujours, les joues rouges, je tâtonnais timidement vers un autre sujet :

« Tu ne devais pas me faire une démonstration de Bartitsu ? »

Je relevai la tête avec un sourire d’enfant. J’étais très ouverte aux nouvelles expériences, et il ne me semblait pas avoir un jour entendu parler de Bartitsu. De toute évidence, c’était un sport de combat. Dans un autre contexte, j’aurais pu prendre ça pour un plat cuisiné ou un animal exotique. J’avais donc beaucoup à apprendre de lui, et c’était une chose qui m’enchantait. Pour le coup, je l’invitai d’un geste de main à aller au fond de la pièce, près du foyer ou nous serions plus à l’aise, pour qu’il puisse se restaurer par la même occasion.

Toujours avec le sourire, j’espérai ne pas paraitre trop gourde. Et même si je ne l’étais peut-être pas à ses yeux, il était clair qu’il me troublait.
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Le feu. C'était si attrayant. Une envie irrésistible de plonger ses doigts dans les flammes. Mais au désir se substituait la raison. Implacable et frigide logique. C'était elle qui nous dictait de ne pas céder à la tentation, car le feu rongeait, le feu détruisait. Et pourtant, l'homme ne pouvait s'empêcher de contempler ce bûcher, qui pourrait sonner son glas. C'était le risque du jeu, quant à savoir s'il en valait la chandelle, il en avait son propre avis là dessus. Tout jeu en valait la chandelle, surtout ceux dont le défi dépassait ses aptitudes. Il n'y avait qu'en frôlant l'insondable qu'on se sentait vivre, exister. Paradoxalement, cela s'accordait à merveille avec le risque de mort. Pourtant, en cette soirée, ce n'était pas la mort qu'il redoutait. Non, il redoutait son humanité, il redoutait de pouvoir sortir de ces flammes un de ces jours. Il se retourna, la contempla, reprit son souffle. Il murait ses appréhensions sous la folie de son ego. Elle n'était qu'une femme. Lui, il était Il Assassino, maître de la Confrérie, Assassin du Peuple. Destiné à changer le cours de la Révolution, du moins c'était là son désir. Un savant mélange de vengeance et d'orgueil. Alors il ne pouvait se brûler les ailes à voler aussi haut, non ? Bien sûr que non. Rester à déterminer si elle n'était qu'une simple femme. Il réfléchissait trop. Trop loin. Et cela le ramenait toujours à la même conclusion, mieux valait profiter de l'instant présent. Savourer ce moment d'Eden qui se succèderait à coup sûr à une époque de sang et de douleur. Comme toujours.

Son sourire était provocateur. Il le sentait, elle entrait dans le jeu. Ou elle lui faisait une place dans le sien. Il n'aurait su le dire. Voilà qui amenait le défi à une autre hauteur. Voilà qui rendait les enjeux plus ... attrayants. Un léger sourire se dessina sur le coin des lèvres de l'assassin. Elle ne se trompait pas. Et sa mimique lui renvoyait un indice de plus sur la façon d'être de la jeune femme. Ses propos n'étaient pas dangereux, il était difficile de lui faire imaginer qu'il n'était qu'un godelureau comme les autres après la scène à laquelle elle avait failli assister. Mais il ne savait ce qu'elle sous-entendait réellement par ces mots. Il ne la pensait pas sotte au point de lancer des appâts aussi facilement à la mer. Elle cherchait à le faire flancher ? Ou le perturber. C'était chose faite, ses propos avaient piqué la curiosité de l'assassin. Non, elle n'était pas une simple femme. Il essayait de se raccrocher à cette idée, mais c'était pure folie : ne l'avait-il pas vu depuis son arrivée ? Une simple femme ne pouvait avoir une telle aura. Et n'aurait pas engendré autant de dégâts par un seul clignement de cils. Hum. C'était perturbant. Cela dépassait le cadre du jeu.
Retour sur terre, Rafael. Tu es venu tuer Callahan, te rappelles-tu ? Bien sûr que ...... Habile de mes mains ? Ce fut à son tour d'être perplexe. Il plissa les yeux et lui répondit par un sourire carnassier. Il se montrait beau joueur, mais la posture et les mots de Lilou étaient une toile savamment tissée. Voilà donc ce qui se cachait sous la glace ? Ses sens lui criaient de se méfier d'elle. Elle retournait ses armes contre lui avec une simplicité déconcertante. Elle l'empêchait de réfléchir et de garder la distance qu'il s'était imposée. C'était déconcertant de sentir qu'on perdait peu à peu ses moyens. De voir qu'on ne savait quoi répondre. Il ne s'attendait pas à entendre de telles paroles sortir de ses lèvres, autant de franchise mêlée à une telle candeur. Non, ce n'était pas de la candeur, c'était ... et merde, au diable les conclusions hasardeuses ! Il la scruta du regard. Elle venait de lui faire perdre le fil de ses pensées, de le détourner de sa mission. Comment avait-elle réussi ? Il affronta ses yeux avec méfiance, tentant de garder son sang-froid. Mais Lilou s'arrêta soudainement puis posa les mains sur ses hanches.

James Bond ?! Bordel de ... Non. C'était ... Argh !

Le regard méfiant de Rafael se fondit en un masque de froideur. Comment pouvait-elle ? Venait-il de se faire confondre ? Sa main glissa sur la commande actionnant sa dague secrète. Il avança d'un pas, prêt à commettre l'impensable. Toute nuisance à sa mission devait être supprimée. Mais ... elle n'était qu'une civile. Pas une meurtrière. Au diable les préceptes ! Elle ne pouvait pas l'avoir percé à jour. C'était certainement une boutade, ou alors elle était suffisamment sûre d'elle. Elle l'avait amené ici pour garder une longueur d'avance ? Tout ceci ne tenait pas la route. Il n'arrivait pas à cerner Lilou, il n'arrivait pas à la comprendre. Il se partageait entre son envie de la garder en vie ou de la tuer, pour qu'elle n'entrave pas sa mission. La tuer était solution de facilité, et il ne le désirait pas. Il se devait de conserver son aplomb, de faire comme si elle plaisantait, de rire à sa bonne blague, de poursuivre le mensonge. Après tout, James Bond lui-même ne faisait que peu de cas de sa réelle identité. Alors qu'elle le prenne pour lui, ce n'était rien de grave. Du moins il l'espérait. Soudain, une petite boule de cheveux vint frôler ses jambes, rompant le silence gêné qui venait de s'installer, lui sauvant probablement la mise. Lui apprenant, par ailleurs, que sa cible n'allait pas tarder. Hum. Parfait. Il lui faudrait se débarrasser de Lilou avant cela. Ou en trouver un autre usage. Toujours cette fameuse troisième solution qui lui restait sous le coude ...

"Non, ce n'est rien. Cela m'a surpris : je n'aurais jamais pensé avoir quelque chose de commun avec James Bond." répondit-il, avec une voix amusée feinte.

Ce faisant, il posa sa main sur l'épaule de la jeune femme, lui offrant un timide sourire. Il fallait la remettre en confiance.

"J'ai cru que tu essayais de me faire peur, m'amener chez toi, mettre en avant mes ... talents pour mieux m'abuser. Voilà qui ressemble beaucoup à une tactique de ces fameuses 'James Bond Girl', tu ne trouves pas ?" continua-t-il sur le ton de l'humour, ignorant la réflexion sur Callahan pour l'instant.

Rafael caressa la joue de Lilou du bout des doigts, lui relevant le visage. La question sur sa cible tombait au mauvais moment. Cherchait-elle à en savoir plus, ou lui prêtait-il des intentions qu'elle n'avait pas ? Il tenta de conserver le rôle qu'il s'était créé, le personnage qui possédait bien plus de Rafael qu'il n'aurait voulu l'admettre. Il lui offrit un sourire sincère, ne sachant s'il était sage de continuer dans ce sens. Ce jeu commençait à lui plaire un peu trop, et tout autre que lui aurait cessé la comédie avant d'aller plus loin. Mêler sa mission et sa couverture était ... risqué. Mais c'était là un défi palpitant.

"Tu es indiscrète, oui. Mais il serait sot de ma part de nier que j'ai à faire avec Callahan." répondit-il, fronçant légèrement les sourcils.

Indiscrète, ou autre chose. Il se méfiait d'elle sans avoir le courage d'abandonner le jeu. S'il avait failli se mélanger les pinceaux quelques secondes plus tôt, il se tenait sur ses gardes à présent. Il n'arrivait pas encore à savoir si elle ne savait réellement rien ou si elle essayait de l'amener à parler. C'était chose perturbante, mais il avait l'habitude de frayer avec ce second type de personne. Il ne la pensait pas stupide, loin de là. Ainsi se gardait-il de lui livrer le moindre indice. Il n'énonçait que ce qui pourrait passer pour une évidence. Mais la méfiance restait là. Ce qui n'était pas en désaccord avec ses motivations récréatives.

"Et il serait dommage que tu décides de te taire ..." continua-t-il, avec la même lueur dans le regard qu'auparavant.

Elle était plus que jolie avec la rougeur qui s'emparait de ses joues. Elle n'en semblait que plus sincère, et un drôle de frisson parcourut l'échine de l'assassin. Une telle innocence dans la voix de la jeune femme. Ses soupçons restèrent en suspens, mais il n'arrivait presque plus à lui prêter de mauvaises intentions. Ainsi, lorsqu'elle lui fit signe de la suivre au fond de la pièce, il s'accomplit avec une révérence l'invitant à le précéder, comme tout galant homme l'aurait fait. Elle avait vraiment un sourire charmant. Peut être qu'en d'autres occasions, il aurait pu vendre corps et âmes pour une femme de cette envergure. Ou plutôt dans une autre vie. Il n'était malheureusement pas l'homme d'une seule femme, mais l'homme d'une cause. Le fond de la pièce semblait plus propice à la détente, une sorte d'endroit pour se reposer entre deux sessions de travail. Il y avait là quelques biscuits et boissons, auxquelles il ne se risqua pas à goûter. Il préférait ne pas risquer de se faire avoir par excès de confiance. Que ce soit par elle ou par Callahan qui aurait pu le devancer.

"Le Bartitsu, hein ?"
minauda-t-il, croisant les bras sur sa poitrine.

"Et bien, c'est plutôt compliqué de faire une démonstration sans partenaire. Ce n'est pas vraiment un art de combat, plus de défense, vois-tu." commença-t-il, éludant l'aspect meurtrier des contre-attaques que les assassins avaient développé sur la base de ce savoir.

"Cela implique, avant tout, de savoir 'regarder'." continua l'assassin, faisant un pas vers la jeune femme.

Il gagna sa proximité, et posa ses deux mains sur ses épaules, plantant de nouveau son regard océan dans ses pupilles. Il sentit un plaisir étrange à cette proximité, mais il ne se laissa pas distraire. Il joignit l'index et le majeur de sa main gauche et les fit courir sur l'arcade et la tempe de Lilou.

"Tout ce qui se passe dans ta tête se voit sur l'ensemble de ton corps. Que ce soit la colère ..."
fit-il en passant sur son front et ses sourcils.

" ... la peur ..." poursuivit Rafael, frôlant ses pommettes.

" ... et autres." termina-t-il, glissant ses doigts sur le reste de sa joue, la quittant à quelques millimètres de ses lèvres.

Il faillit s'égarer une seconde dans le regard de la jeune femme mais tint bon. Il rompit le contact, plus difficilement qu'il ne l'avait fait la première fois. Il se recula de deux pas, respirant un grand coup tout en essayant de ne pas se laisser amadouer.

"Lorsque je t'observe, je te vois comme un tout. Que ce soit tes yeux, tes mains. Le mouvement de ton corps dans son ensemble. La façon dont tu poses tes mains sur tes hanches, dont tu relèves la mèche rebelle qui s'égare sur ton visage. Tout cela me renseigne sur toi." lui révéla-t-il, ne sachant si c'était réellement une bonne idée ou non, évidemment, les mots étaient choisis avec soin.

L'assassin écarta les bras, invitant Lilou à l'étudier.

"Tu dois être capable de faire de même avec moi avant d'envisager utiliser les techniques du Bartitsu. Deviner mes intentions avant que je ne les réalise. Me devancer. Tout se passe, avant tout, dans ta tête. Mais une démonstration vaut mieux qu'un long discours." expliqua Rafael, se mettant alors en garde.

"Attaque-moi."
ordonna-t-il, un léger sourire sur le coin des lèvres.
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Je ne le quittai pas des yeux, pas un seul instant. Je ne le pouvais pas. En fait, je ne le voulais pas. Je désirai lire en lui comme dans un livre, comprendre ses réactions, saisir ce qui se tramait dans sa tête. Mais plus je m’enfonçai dans ses yeux océans, plus j’avais l’impression de me noyer dans une mer agitée. Il s’y passait tant de choses, à la fois rien du tout. Comme si j’étais face à une tempête sur une mer inlassablement calme. Son visage était imperturbable, ses mimiques ne trahissaient pas son personnage. Il n’y avait rien que je pouvais me mettre sous la dent pour tenter de le cerner. Quelques détails, tout au plus, inexploitable pour une novice de ma trempe. Mais un petit quelque chose qui me faisait dire que je le laissais, moi-aussi, sur le carreau. Et je n’en étais pas peu fière.
La hardiesse. Voilà ce qui m’obligeait à ne pas le lâcher du regard, à ne pas détourner les yeux, malgré le contact de ses doigts tièdes sur ma peau pâle. J’aimais être cette entêté, celle qui ne lâchait rien. Et dans ce faux combat d’œillade mielleuse, je ne voulais pas être perdante. Je ne voulais pas montrer mes faiblesses. Encore moins qu’il me laisse sur le côté. J’imaginai que c’était ce qui faisait mon charme, et qui accaparait la totalité de son attention. Ce dernier point me faisait autrement plus plaisir. J’étais comme ces enfants qui faisaient tout pour un simple regard.

Et le pire, c’est que ça marchait.

Captivée par son regard, sans lâcher ses mires azur, je buvais ses dires avec un soin tout particulier. J’assimilai le tout pour le comprendre, le redéfinir à ma façon. Regarder ? Est-ce que j'en étais capable ? Je savais faire attention aux détails dans mon travail, parce que chaque ornement avait son importance. Je savais aussi que cette caractéristique pouvait s’appliquer à d’autres domaines. Comme à l’humain, en effet. Mais par contre, je ne savais pas extrapoler sur la psychologie humaine d’un simple coup d’œil. Pour moi, le cerveau d’une personne était bien trop complexe, se pliant, certes, à des fonctionnements rudimentaires, mais compliqués par l’expérience d’une histoire subjective.
Comment se permettre de prédire les gestes d’un individu sans le connaitre dans son entièreté ? C’était trop s'avancer, sans prendre en compte tellement de facteurs significatifs. Et je n’aimais pas faire ce genre de chose sur l’être humain, car il y avait une marge d’erreur trop importante pour que l’on puisse s’axer là-dessus pour l’étudier. Se tromper, douter, faire des erreurs coutaient beaucoup trop dans certaines situations. Et j’étais assez sage pour le savoir. Pourtant, sans le connaitre, sans comprendre les quelques détails que je percevais, je ne pouvais m’empêcher de vouloir en deviner plus à propos de Rafael :

« Et si… Je ne pense rien ? Qu’est-ce que tu verras ? »

Après tout, les gens stoïques, sans expression, ça existait. J’en avais même connu un qui avait marqué mon existence. De ceux dont on ne devine rien, mais qui accomplissent énormément. Comme lui. Comme mon monstre. Un titan sans émotions qui m’avait à la fois tout donné, et tout pris.

« T’attaquer ? »

Interloquée, je le regardai avec de grands yeux en me demandant s’il était sérieux. Et il l’était. En plus d’être en garde. Je me mis à rougir encore plus, par gêne, par doute, par peur aussi.

« Je… Je ne pense pas que ce soit une bonne idée, vraiment. »

Il me fallait une justification. Je ne voulais pourtant pas lui dire à propos de mon handicap. C’était mes affaires, après tout. Et surtout, ma faiblesse. Afficher mes faiblesses à un adversaire, même compagnon de nuit, c’était m’exposer. Et je n’étais pas du genre à m’étaler pour si peu. J’étais trop orgueilleuse et têtue pour ça, alors naturellement, il me vint l’idée de mentir et d’enjoliver ça dans un paquet teinté d’humour :

« Je risque de te faire mal ! »

Je plaisantai, mais derrière ma voix s’immisçait une certaine honte. En fait, c’était lui qui allait me blesser. Et s’il m’arrivait quelque chose, comme par exemple une simple fracture (ce qui était tout à fait probable dans ma situation), Bee n’allait pas hésiter à l’encastrer littéralement dans le sol. Certes, le canard était occupé à autre chose, mais la moindre trace de violence le ferait probablement sortir de ses gonds, ce qui n’était pas souhaitable si nous voulions poursuivre ces moments d’intimités.
Mais j’envisageai la chose sous un autre aspect : Comprendre. Apprendre. C’était tout autant important. Et m’initier à cette pratique, qui avait tout l’air de fonctionner, c’était rajouter une corde à mon arc. J’aimais m’instruire, sur tout, et sur n’importe quoi particulièrement. Eventuellement, me recentrer sur le comportement de l’homme, dont je m’étais délibérément détournée ces derniers mois, ne serait pas une mauvaise chose.

« Très bien, mais si je tape trop fort, n’hésite pas à me le dire. »

Je lui fis un sourire, plaisantant toujours. Ma carrure n’avait rien d’impressionnant. Il ne risquait pas de se faire bien mal. J’étais toute maigre, toute chétive. J’avais quelques formes, mais rien de bien folichon, ni inquiétant pour un type de sa trempe. Comment l’avoir, alors ? Comment frapper ? Je me mis à réfléchir, avec tout le sérieux dont je disposais. Qu’est-ce qui pouvait marcher avec un type comme lui ? Il avait réussi à défaire trois fripouilles en quelques minutes, je n’allai pas faire long feu. Mais si je prenais trop de temps à réfléchir, j’allai aussi lui dévoiler des cartes qui auraient pu m’avantager autrement. Alors, attaquer. Voilà. Attaquer, c’était la seule chose à faire. Comment ? Ça, aucune idée. De front ? De dos ? Un coup de pied ? De poing ? De tête ?

Je me concentrai, fronçant les sourcils malgré-moi, puis pris de l’élan pour faire un tour sur moi-même et jouer sur mes appuis. Le geste était ample, souple, tout comme le saut qui suivit pour pouvoir lui porter un coup de pied retourné au niveau du col. Je ne frappai peut-être pas très fort, mais j’avais d’autres avantages, en même temps qu’une certaine retenue dans ma frappe. Il savait que je ne voulais pas lui faire mal, je le savais aussi. D’un autre côté, je ne voulais pas me blesser non plus.

Et il n’était probablement pas au courant de ce dernier point.
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Un sourire s'étira sur les traits de Rafael. Elle mettait dans le mille. C'était à la fois perturbant et plaisant de voir cette jeune femme essayer d'emprunter le chemin qu'il l'invitait à suivre. Comme regarder dans un miroir les débuts de son existence. Il s'imaginait de nouveau ici même, à Tequila Wolf, sous le couvert d'un blizzard, tentant de suivre l'enseignement de la Volpe, son maître. C'était un curieux retournement de situation. Et elle était douée. Sa question, à la fois innocente et lourde de propos le poussa à reformuler ses conseils. Deviner ce que pensait l'être qui lui faisait face était quelque peu orgueilleux, en effet. Lorsqu'il étudiait la physionomie de ses semblables, il parvenait à déceler tous les petits détails qui faisaient d'eux des entités à part entière. Cependant, chaque froncement de sourcil, regard en coin ou démarche était lourde d'informations. Ce n'était pas deviner les pensées, mais appréhender les informations que formulaient le corps. Déceler le mensonge de la vérité. Tous ces petits riens qui ne variaient pas d'un homme à l'autre. Cela ne marchait que dans une moindre mesure, bien entendu. Les maîtres de cet arts étaient les premiers aptes à les dissimuler.

"Je verrais alors que tu essayes de ne penser à rien." répondit-il, amusé.

Devait-il la pousser à avancer sur une autre voie ? C'était peut-être risqué de lui fournir les quelques armes aptes à le confondre, mais le jeu était plaisant. Il la voyait rechigner, changer d'avis, hésiter. Le rouge de ses joues était un indice particulier de la gêne de la jeune femme, ce qui l'attendrissait malgré lui. Il n'était pas un homme au coeur de pierre, comme il prétendait l'être. Seulement, il n'avait trouvé feu apte à le faire fondre. Il maintenait cette distance pour ne pas s'attacher, pour ne pas offrir de faiblesse à ses ennemis. Et par peur de mener les êtres proches à la mort. Ainsi, il ne faisait confiance qu'à son frère, qui livrait le même combat. Cependant, il trouvait l'hésitation de Lilou quelque peu soutenue. Avait-elle un secret à cacher ? Une force particulière, qu'elle lui aurait caché ? Ou faisait-elle simplement sa timide, histoire d'amadouer encore plus l'assassin. Une fois de plus, Rafael fit taire ses pensées chaotiques et se concentra sur l'instant présent. Quoi qu'il arrive, il serait prêt à l'encaisser. L'heure n'était pas à la mise à mort, mais à une démonstration. Rien de grave ne pouvait donc survenir. Il plissa les yeux, voyant la jeune femme se mettre en garde. Voilà. Ce qu'il cherchait n'était pas son regard, ni son visage. Il lui fallait appréhender l'ensemble, déterminer la courbe que suivrait son corps, envisager tous les chemins possibles jusqu'à se restreindre au plus probable. Un jeu auquel peu d'hommes en ce monde se livraient, un jeu d'assassin. Il fallait considérer le corps humain comme une mécanique particulière, connaître ses limites. Voir les tendons s'étirer, les muscles se gonfler. Le moindre millimètre pouvait renseigner sur le geste suivant. Mais ... elle hésitait encore.

"Me faire mal ? Tu ne serais quand même pas aussi cruelle ?" plaisanta-t-il, sans perdre sa garde.

Le but de l'exercice n'était pas de se blesser, au contraire. Rafael savait très bien où il désirait mener les choses, ce qui était d'autant plus amusant. Elle prenait la chose avec humour, mais avec une certaine réserve qui poussa l'assassin à se méfier plus que l'exigeait la chose. Il garda ses doutes sous le coude puis l'invita à se livrer à son premier coup d'un hochement de la tête. Et alors, il vit ce qu'il désirait admirer chez elle. Elle le sonda du regard, étudiant sa posture et se décida peu à peu sur la marche à suivre. Il voyait presque le méandres complexes des mécanismes de son cerveau s'activer, étudiant les possibilités les unes après les autres. Enfin, elle se décida. L'assassin sourit en étudiant les pas de Lilou. Elle prit un pas de recul avant de se lancer. Ainsi, elle désirait gagner de l'élan. Elle allait sauter, pour le surprendre. Hmm. Trois enjambées, grandes et la dernière plus rapprochée. De la retenue ? Elle hésiterait donc, pourquoi ? Peu importait. Elle plaça son premier pied de biais, pliant la jambe. Un saut, c'est bien ça. Mais la torsion de la jambe renseignait autre chose. Elle allait pivoter sur la droite, livrer son coup au niveau de ... son col. Oui, c'était ça. Mais le coup aurait moins d'impact que prévu, elle n'avait pas assez d'élan. L'assassin rouvrit les yeux. Lilou sautait.

Rafael recula son buste, juste assez. Le coup de pied le frôla. Dans la même mouvement, il avança son bras gauche et s'empara du talon de Lilou. Lui donnant de l'élan, il l'obligea à poursuivre son geste de rotation tout en perturbant son équilibre. L'assassin avança d'un pas, tout en glissant son bras droit le long des hanches de la jeune femme. Il attrapa sa ceinture au niveau de son nombril puis la ramena contre lui, la forçant à tourner encore sur elle-même. Il barra ses épaules de son bras gauche et la retint à cinquante centimètres du sol, le visage à quelques centimètres du sien. Sa main droite prenait appui sur ses hanches, rendant la position encore plus intime qu'elle ne l'était déjà. Il lui offrit un sourire charmeur, malicieux.

"Pourquoi t'es-tu retenue ?" lui demanda-t-il, un brin taquin.

Mais la chose était vraie, elle s'était retenue et il l'avait vu. Si ses pensées pouvaient fourmiller, ses geste étaient précis et lisses. Les interpréter était aisé tant qu'on ne cherchait pas midi à quatorze heures. C'était ça, son art. Du moins, la première partie. La seconde aurait impliqué qu'au lieu de la réceptionner dans ses bras, il lui enfonçât une lame de quinze centimètres au creux de la gorge, mais il n'était pas obligé d'évoquer ce détail. Il resta là à la regarder droit dans les yeux, attendant cette réponse qui semblait durait. L'instant s'éternisa, du moins ce fut l'impression qu'il en eut ...
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La situation bascula.

Comme prévu, à son avantage. Je savais que je n’avais que peu de chances de vraiment y arriver, mais l’aisance de ses déplacements avait de quoi m’interroger. Rafael était un homme d’affaire aux multiples facettes, mais à l’une particulièrement étonnante. Sa facilité à prédire mes mouvements, ma façon d’agir, à renverser la position comme il le désirait mais laissa pendant un temps perplexe. Je n’osai pas répondre, répliquai. D’ailleurs, il manqua de me faire me casser la figure, mais me rattrapa habilement pour ne pas que je ne me fasse mal. Je sentais le contact frais du sol, faisant descendre ma température corporel et calmant mon souffle pressé.
Notre position, par contre, ne m’aidait absolument pas à rester calme. Et mon égo en avait pris un coup. Un gros coup. D’accord, je ne pouvais pas toujours tout réussir, mais l’échec était cuisant. Fronçant les sourcils, passablement énervée, j’écoutai sa question sans vraiment savoir quoi lui répondre : « Parce que. Ça ne te regarde pas. Et puis d’ailleurs, va te faire voir. », ça allait finir ainsi. Je m’entêtai à garder ça pour moi, alors qu’un simple « je ne peux pas » suffirait à tout justifier. Pourtant, ne pas pouvoir ne faisait pas parti de mes traits de caractère. J’avais construit un robot géant à huit ans, je pouvais prendre l’avantage.

Je le pouvais, et j’essayai, ne le quittant pas des yeux. Ma paume vint rencontrer la main prenant appui sur ma hanche, l’obligeant à lâcher. Puis, d’un mouvement souple, poussant avec ma jambe, j’exerçai une force pour le faire basculer sur le côté, là où il avait perdu la prise qu’il avait. Avec assez d’élan, je pus m’hisser à mon tour, là où était ma place.

Au-dessus. De tout. Et de toute chose.

Même réussi, la manœuvre me fatigua. Je n’étais ni forte, ni endurante pour ce genre d’exercice. Mais au moins, j’avais brisé la gêne et l’intimité qu’il avait instaurée avec sa position, et comme tout était une question de contrôle, j’avais repris l’ascendant. Même si c’était pour un court instant, ça me donnait l’impression de ne rien lâcher. Et dans mon cas, savoir que j’avais la possibilité de faire basculer les positions, et tout était à ma portée avec un petit effort. Je le maintenais faiblement ainsi, sur lui, la main tenant son épaule, l’autre sa poigne droite précédemment sur ma hanche, et je lui fis un petit sourire qui se voulait complice :

« Je ne vois pas de quoi tu parles, mentis-je ouvertement. D’ailleurs, je te ferais remarquer que c’est toi qui es à terre. »

Gonflée ? Moi ? Tellement. Je n’étais pas du genre à me laisser démonter pour si peu, ni à perdre la face pour pas grand-chose. Rebondir était une de mes spécialités, autant sur les mots que sur les actes. Et même si je plaisantai, il y avait un fond de vérité : Dans les faits, je dominai. Plus lui. En fait, il avait momentanément perdu la main. Parce que j’avais un égo qui prenait toute la place dans cette pièce, et que je n’acceptai pas une défaite de ce genre. Surtout lorsqu’il n’était pas que question d’apprentissage. Pour le coup, j’étais peut être la seule à le sentir, mais il y avait autre chose qui relever d’une forme de séduction. Et si je me plaisais tant à résister, il fallait continuer. Ne pas lui laisser s’emparer de ce qu’il voulait aussi facilement.
Les jeux de l’amour et du hasard. Plutôt une guerre sans merci entre gens qui s’apprécient, si vous voulez mon avis.

« J’ai une question idiote mais, quand tes clients sont réticents à s’offrir tes services, tu les fous à terre et tu t’allonges sur eux pour les regarder lascivement ou… J’ai droit à un traitement de faveur ? »

Encore une fois, une question teintée d’humour, qui faisait justement relevé ce que j’avais mainte fois remarqué. Bien sûr, j’en profitai pour me dédouaner d’une quelconque réciprocité, même si c’était un gros mensonge aussi énorme qu’un navire du gouvernement. Et même s’il était la seule personne intéressante à des kilomètres à la ronde, moins il savait que j’en avais après lui, mieux je me portais.

« Tu sais, ce n’est pas parce que je suis une fille, que je suis petite, et plutôt chétive, que je vais me laisser traiter comme une petite minette fragile qui n’attend qu’après ton regard. »

Je passai ma main sur sa joue et m’emparai de sa peau entre deux doigts. Puis, je lui tirai la langue pour être taquine. S’il voulait jouer au preux chevalier, il s’était gouré de princesse. Moi, j’étais une guerrière, une vraie. Bon, une guerrière naïve, un peu candide aussi, mais là n’était pas le vrai souci. Même devant un homme que j’admirai, appréciai, ou qui me plaisait, j’avais besoin qu’il me considère comme son égal, quand bien même je pouvais physiquement lui être inférieur. C’était une façon de prouver au monde que je n’étais pas personne. Il était temps de passer à un petit aveu…

« Et ce n’est pas parce que j’ai des os en verre que tu dois croire que je mérite plus de prévention qu’une autre. Va falloir fonctionner autrement si tu veux me séduire ! »

Ouh ? J’ai dit ça ? Vraiment ? Et bien sûr, Yumi et Bee étaient trop loin pour venir me sauver cette fois-ci. Flute.

« On reprend ou je dois continuer à t’écraser encore un peu ? »

Ecraser, écraser... Je n’étais pas bien grosse, fallait le dire. Mais bon, il avait compris ou je voulais en venir. Le but, maintenant, était de ne pas m’empourprer à la moindre occasion. En voilà, un autre défi, encore plus haut que le premier.
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Combattive. Intrépide. Il se brûlait les mains rien qu'à toucher sa peau. Oh ça oui, elle l'intriguait. Encore une fois, elle se révéla faite de flammes, imprévisible. N'était-ce pas ce qui lui plaisait en cet instant présent. Lui qui pensait maintenir l'avantage, dominer la situation et tirer partie de ses dons, il se retrouvé foulé comme un bleu. Alors qu'elle lui rendait son sourire, yeux dans les yeux, il sentit sa main caresser la sienne et s'y agripper. Alors qu'il pensait gagner cette manche, il sentit son poids se dérober sous lui et Lilou en profita pour retourner la situation, littéralement. Elle se retrouva à califourchon sur lui, le sourire d'une femme, la pire arme qui soit. Rafael resta un instant interdit, avec une lueur étrange au fond du regard. Il n'aurait su dire s'il appréciait ce revirement ou si cela l'ennuyait. Son sourire s'étira de nouveau et il ricana doucement, sans chercher à lutter. Soit, elle remportait cette manche. La preuve était qu'il n'était pas infaillible, mais aurait-il autant apprécié le jeu s'il ne risquait pas de perdre à tout instant ? Et d'ailleurs, qui jouait avec qui à présent ? Les rôles s'inversaient sans cesse, à lui en donner le tournis. Une confrontation de volonté qui le mettait en rogne. Mais pourquoi diable c'était si plaisant de lui en vouloir ?

"Bien vu. Bien joué." la gourmanda-t-il, avec un sourire mi-figue, mi-raisin.

Un fraction de seconde, il se vit actionner sa lame secrète, et l'enfoncer dans la carotide de Lilou. Un frisson d'extase lui parcouru l'échine, puis il refoula ce sentiment. Bordel. Pas maintenant. L'assassin ferma les yeux, éluda cette sombre vision et la restreint à ses plus sombres pensées. De ces pulsions meurtrières, il commençait à en avoir bien trop, et les refouler était souvent bien ardu. Etait-ce par là que s'exprimait sa colère, ses ressentiments ? Non, il n'était pas un meurtrier. Elle pouvait le compromettre, c'était pour ça. Oui, c'était que pour ça ... du moins l'espérait-il. Peut être qu'elle remarqua son hésitation, la façon dont il dut reprendre son souffle avant de lui répondre. Et il espérât qu'elle le prit comme une sorte de victoire, qu'elle ne se doute de rien. Il n'avait aucune envie de lui nuire, elle était bien trop captivante. Elle venait de le remettre à sa place, alors qu'il pensait la victoire acquise, et il n'aimait pas ça. Tout cela ne faisait pas partie de ses calculs, il devait se contenter du fait qu'il n'avait pas complètement manqué sa cible. Oh, en un sens il l'admirait. Dans un autre, il avait envie de la soumettre, de lui montrer sa force. C'était un désir violent et égoïste mais indubitablement humain.

"Ça dépend de ce que tu entends par services ... et clients." répondit-il, un léger sourire en coin.

Elle voulait continuer dans cette voie, continuer à titiller l'assassin. Et il ne se laisserait pas faire. Les paroles de Lilou témoignaient d'une sorte de complicité, d'un lien qui se tissait entre eux petit à petit. Mais c'était un élément si ténu que Rafael ne savait comme l'exploiter. Il ne pouvait la traiter comme il le faisait avec ses cibles, c'était un raisonnement trop froid, trop destructeur. Et cela continuerait à l'envoyer sur la voie de ses pulsions. Il n'aimait pas perdre, c'était certain, mais la bataille n'était pas encore jouée. S'il marquait des points, mieux valait qu'elle en marque elle aussi, non ? Mais se retrouver là, sur le dos. Prisonnier de sa main. C'était désagréable. Il n'aimait pas avoir le dessous et se sentait trop vulnérable. Sa main gauche était cependant toujours libre, mais elle pesait de tout son poids sur son épaule. Heureusement qu'elle n'avait pas saisi cette main là, posant ses doigts sur le bracelet mécanique actionnant la lame secrète. La perspective d'avoir frôlé cette catastrophe augmenta l'appréhension de l'assassin, tout en attisant son désir de jouer avec la rouquine. Elle laissa courir ses doigts sur sa peau. L'espace d'une seconde, Rafael sentit son souffle lui manquer. Une boule se créa au sein de son estomac, suivit d'un sourire malicieux. S'il appréhendait ainsi la suite des événements, tout cela ne pouvait que bien se terminer ... le jeu en valait la chandelle.

"Si tu n'étais qu'une de ces frêles femmes. Une fille sans envergure ni audace, nous n'en serions pas là." répliqua-t-il, coupant court à ses facéties.

L'assassin écarta soudain son bras droit, créant le déséquilibre. Profitant de l'effet de surprise il attrapa la tunique de Lilou dans son dos et la bascula par dessus lui. Il attrapa alors son poignet droit de sa main gauche et l'immobilisa le long de son flanc. De sa main droite, amena son coude contre sa gorge, sans trop appuyer, juste histoire de montrer qu'il pouvait le faire. Son coude droit reposait toujours contre le sol, en une position presque inconfortable. De nouveau, il se retrouva juste au dessus de Lilou, les yeux dans les yeux. Il lui sourit, comme s'il s'agissait d'une victoire. Un instant il hésita, ne sachant s'il devait la laisser venir à lui, ou s'il devrait avoir l'audace d'aller la chercher dans ses derniers retranchements.

"Te séduire ?"
ironisa-t-il, insolent au possible.

Il se baissa doucement vers elle, laissant leurs visage se rapprocher, de plus en plus. Son sourire s'étira, il approchait du but. Puis, contre toute attente, il se détourna et glissa vers son oreille, les yeux rieurs.

"Je pensais que c'était déjà chose faite ..." se moqua-t-il, au creux de ses cheveux de feu.

Et la réaction serait implacable, délectable. Oh ça non, il ne la traiterait pas comme une fille d'un soir, comme le commun de ses conquêtes. Car Lilou méritait mieux que l'insipide godelureau qu'était Rafael. Elle méritait l'assassin, le véritable Auditore qui demeurait sous l'habit noir de son ordre. Insolent et intrépide. Vindicatif.
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On reprit.

En Tirade insolente et en retournement de situation. Encore. C’était peut-être à celui qui pousserait le plus l’autre à bout, qui ferait craquer en premier. On se sentait à la fois si proche du but et l’instant d’après, trop loin pour le toucher. Comme des allés et venus inlassables entre le tout et le rien d’une rencontre explosive. L’osmose qui s’était créée me mettait à l’aise, pourtant, j’étais encore réticente à franchir la barrière, à passer le pas. Je ne voulais pas que ça vienne de moi, je ne voulais pas admettre. Parce que, ça serait comme une forme de défaite, dans une lutte qui, dans le fond, n’avait plus aucun sens à force de résistances et d’assauts. Mais ça… ça, j’avais l’impression d’être la seule à le saisir sous cet aspect-là. Qu’il y avait, chez lui, quelque chose de plus vrai, sinon plus violent. Une vision dans ses yeux glaçants qui me captivaient comme me terrifiaient.
Celui de nous deux qui jouait le plus avec le feu, c’était moi. Et j’allai y laisser plus que je ne le pensais. Parce qu’à ce moment-là, je n’étais même pas en mesure de rivaliser avec un individu de sa trempe. Je pouvais continuer à m’obstiner, encore, et encore, et continuer, toujours et toujours plus. Il n’y avait rien qui pouvait m’assurer une possible victoire. Même pas infime. Et que chaque petite bataille gagnée n’était qu’une étape avant l’imminente défaite. Et malgré ces évidences, je ne lâchai rien. Je me retenais de rougir à son contact, je me retenais de lui rendre la pareille. Il me fallait rester stoïque, car outre ces évidences, il y avait ce petit quelque chose, au fond de moi, qui ne comprenait pas ce qui se passait.

Inconsciemment, je passais de bains chauds en douches froides. Et cette frustration se mêlait à l’impatience d’une attente particulière. Attente que je ne nommai pas, car la nommer serait comme l’avouer. Et je n’avais rien à m’avouer. En tout cas, pas dans mon orgueil. Parce qu’admettre, c’était comme envisager une faiblesse. Et je n’étais peut être pas fille de, ni grand nom dans un grand monde, je n’étais peut être même pas quelqu’un, à ses yeux, mais je ne voulais pas qu’il voit cette faiblesse-là. Car au-delà d’une ostéogénèse imparfaite, c’était pire, pour moi, que de lui dire « frappe-moi fort ici pour m’achever » en lui désignant la carotide.

« Mh… Désolée, Rafael. Tu te proclames vainqueur un trop peu vite. Je n’ai jamais craqué pour les beaux-parleurs. »

Non. J’avais toujours préféré les Hommes. Les vrais. Qui s’assumaient en tant que tel, et qui assumaient encore plus leurs actes. Qui agissaient, au lieu d’en parler. Rafael faisait les deux, mais parler beaucoup trop avant d’agir. Et ça, forcément, ce n’était pas pour jouer en sa faveur. Et en parlant d’agir, j’étais prête à le faire, à céder. En regardant son regard, en sentant son souffle et son parfum, si proche. Et comme un coup du destin, pour me prévenir, pour m’en empêcher, l’on entendit la grande porte du hangar s’ouvrir en un fracas immense, grinçant pour rompre le silence. Puis, les petites voix de tous retentirent dans l’immense pièce de béton :

« Papiiiiiiii !
- Kwaaak !
- Bwéhéhéhéhéhé ! V’nez là, vous deux !
»

Replongeant mon regard dans celui de Raf, je lui fis un sourire et lui dis d’une voix douce :

« Désolée, il faudra remettre ça à plus tard. »

Ça. Notre jeu. Notre façon de nous compromettre avec un plaisir presque divin. Et j’attrapai violemment son coude, posant un pied sur son flanc pour le repousser violemment, au point de le faire décoller du sol un vague instant et de me relever en vitesse pour aller vers l’entrée du hangar. De le laisser là, seul, comme un idiot. Un idiot qui n’avait plus son jouet, d’ailleurs.

« Callahan !
- Ah, t’voilà, toi. M’demandai ou t’étais bien passé. Dis voir, c’quoi donc que c’bordel en ville ? Les marins on accrochait un système de poulie, m’ont dit qu’voulait r’trouver un étranger et le pendre par les pieds pour le laisser là c’te nuit…
- Oh ?
- T’aurais pas à voir avec ça, par hasard ? Genre, j’espère qu’tu l’couvres pas, hein ? J’veux pas d’ennuis avec les marins, pigé ?
- … Noooon, bien sûr. Ne t’inquiète pas. Pas mon genre de toute façon… »

Il me fit un petit sourire, comme s’il se doutait de quelque chose. Callahan était un homme grand, corpulent. Il avait une calvitie sur le sommet du crâne, et portait une moustache. Ses yeux étaient petits, souvent suspicieux, mais l’homme était du genre à rire fort lorsqu’il le fallait. C’était sa carrure qui en imposait le plus, à Tequila Wolf. Et c’était lui, aussi, qui veillait à ma sécurité ici.

« J’file déposer Yumi, j’reviens vite. J’ai des papiers à reprendre et t’connais mon foutoir dans c’bureau, j’vais mettre un temps fou à r’trouver c’que j’cherche. Te couche pas tard, on a du boulot, d’main.
- Kwaaakwak !
- Ouais, pigé. Viens aussi, toi, l’canard. »

Il tourna les talons, Yumi entre ses jambes qui se cachait de Bee. Elle riait elle aussi, contente de voir son grand père, encore plus de continuer le jeu. D’un geste de main, elle salua le fond de la pièce vivement, comme pour dire au revoir à son amoureux du soir. Callahan s’en étonna un instant, ne remarqua rien. Je jetai un coup d’œil en arrière, sans savoir si je devais annoncer la présence de Rafael ou non. Et puis, je me dis qu’au pire, il pourrait le voir plus tard :

« J’ferme derrière, t’pas besoin de sortir ?
- Euh… non, je… je me débrouillerai ! »

Il haussa les épaules et me glissa qu’il reviendrait rapidement. Je lui fis un sourire et tournai les talons, les bras croisés sur ma poitrine. Une angoisse me prit alors. A présent, j’étais seule. Seule avec lui, et aucun renfort avant un petit moment. Et…

« Je… Je ne savais pas si tu voulais le revoir, alors dans le doute, je n’ai rien fait. Il repassera tout à l’heure, si jamais tu souhaites lui parler. J’aurais qu’à aller dans ma chambre pour vous laisser tranquille. »

Je marquai une pause, en lui faisant face. Impossible de décrypter son regard. J’avais l’air timide, mais j’étais un peu mal à l’aise, maintenant.

« Désolée, je suis fatiguée et j’ai bossé toute la journée, avec tout ça… Plus de mal a bien réfléchir et à anticiper. »
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Un sourire s'étira sur les lèvres de l'assassin, alors qu'elle le repoussait. Si ça avait marché, il était certain qu'il aurait été déçu, mais il l'était tout autant que ça n'ait pas fonctionné, au fond. La pousser dans ses retranchements était un jeu amusant mais il renvoyait systématiquement au même résultat, et s'il y avait une chose qu'il ne supportait pas, c'était de stagner. Il la laissa le pousser sur le côté, au moment où le grincement de la porte ,suivi par des voix ,se faisait entendre de l'autre côté du hangar aménagé. Cela eut l'effet d'une douche froide sur l'assassin. Il leva le regard vers la provenance du son, perdant presque tout intérêt pour la rouquine. Il se releva, épousseta ses vêtements et tendit l'oreille. Les mots de Lilou avaient résonnés creux, il reprenait son rôle d'assassin, plus fidèle à la cause qu'autre chose. Il la suivit d'un oeil distrait, la vit disparaître de son champ de vision. Devait-il se révéler maintenant ? Non, Callahan saurait pourquoi il était venu et sa couverture se verrait grillée. Il aurait son sursis pour l'instant, un sursis qui permettrait à l'assassin d'étendre les mailles de son piège, se refermant sur sa proie sans une once de regret. Il se demanda un instant à quel jeu il se livrait avec Lilou. Ne plus l'avoir dans les parages lui remettait la tête sur les épaules. Il y voyait un peu plus clair. Cette femme avait du charme, c'était certain. Assez pour lui faire oublier ses quelques priorités. Mais cette action n'était pas en opposition avec sa mission. Par contre, que penserait-elle si son maître se faisait tuer au moment pile où Rafael était venu la voir ? Trop de coïncidences, surtout qu'il lui avait avoué qu'il venait le voir. Non, il fallait qu'il meure pendant que l'assassin était là, pour le disculper de tout soupçons. Un piège suffisamment rodé pour que Callahan comprenne la teneur du message de la Confrérie. Une chose que lui seule pourrait comprendre. Une chose qui ne demanderait à Rafael que quelques secondes. Jetant un regard à l'adresse de la petite troupe, ou plutôt au fait qu'ils étaient encore ensembles, il se faufila dans la pièce jouxtant le bureau de sa cible. D'un geste, il fit jaillir sa dague secrète et s'empara d'un parchemin qui trônait là. Il se piqua le bout du doigt et y traça le symbole de son ordre avec son propre sang, message de sinistre augure, avant de glisser le papier au milieu de la paperasse de l'ingénieur. Il ne trouverait la note que plus tard, quand il chercherait dans le fouillis de son atelier. Vingt contre un qu'il décamperait aussi tôt, chercher sa fille ou autre. Mais Rafael était déjà trop impliqué dans la vie de sa cible pour qu'il soit hors de danger. Une proie terrifiée était toujours plus facile à traquer ... du moins le challenge était plus intéressant. La son de la porte se fermant retentit soudain. Merde ...

« Je… Je ne savais pas si tu voulais le revoir, alors dans le doute, je n’ai rien fait. Il repassera tout à l’heure, si jamais tu souhaites lui parler. J’aurais qu’à aller dans ma chambre pour vous laisser tranquille. »

Rafael se retourna, un léger sourire en coin. Il tenait dans sa main gauche un biscuit, et un verre à moitié brisé dans sa main droite, qui saignait encore un peu. Il prit un air faussement gêné, et montra sur la table ce qu'il restait du verre.

"Un peu maladroit, je m'en excuse." plaida-t-il, reposant les restes du verre qu'il avait brisé.

Il regarda son index d'où suintait le sang et le porta à la bouche, léchant le sang pour qu'il ne tachât pas le sol de l'endroit. Il reporta son regard sur Lilou tout en reposant le biscuit sur la table. Il ôta son doigt de sa bouche et lui offrit un sourire charmeur, empreint d'une sincérité qu'on n'aurait su dire si elle était feinte, ou non.

"Ne t'inquiète pas, tu as fait ce qu'il fallait. On m'aurait accusé de ne pas être professionnel dans ce cas ..." lui murmura-t-il, amusé par le regard énigmatique qu'elle lui renvoyait.

"Callahan peut bien attendre, je n'étais sensé le rencontrer que demain, après tout." lui répondit-il.

Il verrait donc son 'message' avant la fin de la nuit. Parfait. L'assassin eut un petit rire intérieur. Tout semblait se dérouleur mieux qu'il ne l'avait prévu. Il s'avança vers Lilou, l'intimité qu'ils avaient connu quelques secondes plus tôt s'était dissipée et Rafael avait repris son sérieux. Il passa sa main indemne autour des épaules de la jeune femme et l'invita à s'asseoir, gentlemen au possible. Il porta de nouveau son index à sa bouche et entrepris de lui faire passer un verre vide.


"Que veux-tu boire ? Je sais que je ne suis pas l'hôte ... mais si je peux me faire excuser pour le verre ..." lui proposa-t-il, en montrant de la main les diverses boissons présentes ça et là.

"D'ailleurs, tu n'aurais rien pour nettoyer tout ça ?" lui demanda-t-il.

Cette fois, ça tranchait totalement avec le rapport qu'ils avaient eu jusqu'à présent. Mais l'assassin ne s'en faisait pas trop, 'ça' reprendrait bien assez vite.


Dernière édition par Rafaelo Di Auditore le Ven 7 Déc 2012 - 22:47, édité 1 fois
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Il s’était blessé. Maladroitement, selon ses propres mots. Et comme toute preuve, il me désigna le verre brisé avec un sourire gêné. Je lui fis un signe, lui indiquant que ce n’était pas très grave pour le verre, que je m’en chargerai plus tard, mais avant que je ne puisse m’inquiéter de son état, il m’invita à boire et à me restaurer, en passant le bras autour de mes épaules. Le jeu semblait différent, ce qui me mit un peu mal à l’aise. Il y avait quelque chose de changer chez lui aussi. Je m’installai sur le canapé à ses côtés, posant les mains sur mes genoux sans vraiment savoir quoi faire, ni quoi lui dire. Puis, la conversation reprit juste après, lorsqu’il me servit un verre de lait comme je lui avais demandé et qu’il s’enquit de savoir comment réparer ses bêtises. Je me levai précipitamment, lâchant au passage :

« Oui, bien sûr... Attends voir… »

Je fis quelque pas vers un plan de travail, attrapant un sac en plastique ainsi qu’un torchon qui trainait dans le coin. Puis, ma pochette de soin. Je revins rapidement vers lui, posant chiffon et sac sur la table et ouvrant la pochette avant de me tourner et de lui faire face. Un sourire plus tard, j’attrapai sa main et sortis pansement, désinfectant et ce qu’il fallait pour sa petite coupure. Dans le coin, on n’était jamais trop prudent. Versant le liquide translucide sur un coton qui s’imbiba presque automatiquement, je lui soufflai d’une voix douce :

« Ça va peut-être piquer un peu… »

Puis, appliquant le produit, je jetai un vague coup d’œil vers le verre à nettoyer. Après tout, il ne devait peut-être pas courir après des soins, et sans doute était-il surpris de mes actions. M’enfin, tant pis. Relevant les yeux, je lui fis un petit sourire et retirai le coton.

« Mh… Qu’est-ce que tu fais à Tequila Wolf ? »

Sans détours, je le fixai intensément, essayant de le saisir et de voir s’il me mentait. Avais-je besoin de me justifier ? Est-ce que ma question était vraiment si futile ?

« Enfin… qu’est-ce qui t’amènes dans le coin ? Pourquoi est-ce que tu fais affaire avec Callahan, d’ailleurs ? Oh, je sais que je suis indiscrète, mais… Je n’arrive pas vraiment à te comprendre, Rafael. Ni à savoir si tu me mens, ou si tu me dis la vérité. Ou ce que tu veux réellement, là, maintenant… »

Toujours franchement, je relâchai sa main, mais y revint rapidement pour panser sa coupure. J’attendais toujours des réponses à mes questions, et surtout, une forme de vérité. Un nouveau jeu, ou j’y allai, cartes sur table.
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La situation était devenue ... étrange. S'il avait pensé l'aborder sur un plan plus humain, elle l'avait battu à plat de couture. La sincérité et le naturel de cette femme dépassait de loin les manières mesurées de l'assassin. Il ne faisait par moment qu'à moitié semblant, mais lorsqu'on passait sa vie à mentir, quelle importance ? Il la regarda sortir son matériel de soin. L'idée ne l'avait pas même effleuré, qu'elle cherche à le soigner. C'était ... bizarre. Personne ne prenait soin d'un assassin, c'était malsain, non ? Il ne savait pas comment réagir, si son rôle impliquât qu'il refuse ou non. Il décida de se laisser faire. C'était agréable, après tout. Et ça le prenait de court, surtout. Lui qui s'était fait à l'idée de cheminer parmi les ombres, d'être le poignard dans le noir. Il inspira, ne lâcha pas un mot lorsque le produit lui picota le doigt. Il ne savait que dire, après tout. Il continua à regarder Lilou, voir ce qu'elle faisait, non sans laisser transparaître un petit sourire. Alors que tout avançait comme il l'avait plus ou moins prévu, Lilou le prit de court. Une fois encore. Que venait-il faire à Tequila Wolf. Il était certain que le jeu était en pause à présent, on reprenait les questions qui n'auraient pas du figurer à l'ordre du jour. Cependant, ce n'était pas la première fois que la rouquine revenait sur ce sujet. Au moins elle y allait franco cette fois. Une qualité qu'il appréciait mais qui tombait mal. Il inspira profondément. S'il disait qu'il avait à faire avec Callahan, c'était clair, non ? A moins que ... Oh. C'était possible, en effet, qu'il la maintienne dans le secret de ses activités. Possible, et intéressant.

"Je te l'ai déjà dit, je suis venu voir Callahan."
répondit-il, fronçant les sourcils en regardant la coupure.

Son regard revint vers Lilou. Il la dévisagea durement, elle n'avait pas l'air de comprendre, en effet. Callahan était un fieffé cachotier. Si même son apprentie n'était pas au courant, alors cela simplifiait la tâche de Rafael. Tout comme cela mettait en relief son erreur d'avoir mêlé les deux affaires. Maintenant elle lui demanderait des comptes ... et risquait de vouloir en parler à Callahan. Si elle lui parlait de lui, il mettrait à jour les failles de son déguisement, ferait le lien avec le message. Oh bordel. Non, ne pas penser au pire. Il fallait d'abord régler le problème de Lilou avant de penser à s'occuper de Callahan. Maintenant qu'il avait foutu le boxon au milieu de tout ça, il fallait réarranger les choses.


" Et je vois à ta tête que ça t'informe pas plus que ça ... oh." poursuivit-il, s'arrêtant au milieu de sa phrase, mimant la surprise.

"Je ne devrais peut-être pas parler de ça. Mais tu me donnes l'impression de ne pas trop savoir ce que tu fais toi-même, si tu travailles bien pour Callahan." continua l'assassin, semblant hésiter, de manière visible, sur la démarche à suivre.


"C'est peut-être pour ça que tu n'arrives pas à me comprendre ... tout comme je commençais à me demander si tu accueillais toutes les personnes désirant parler à Callahan ainsi." fit-il, lui offrant un sourire malicieux.

L'assassin soupira. C'était une situation plutôt insoluble. S'il voulait éviter qu'elle ne reparte encore sur le terrain du pourquoi de sa venue, il valait mieux faire en sorte que le sujet ne soit plus abordé. Tout comme faire en sorte que le parchemin disparaisse en même temps que Callahan. S'il fuyait, il ne devrait rien laisser derrière lui. La couverture de Rafael résidait sur le fait que Callahan ait connaissance de ses clients, mais pas de contact régulier. L'assassin n'avait pas peur de la rencontre, mais préférer l'éviter. Tous les tuer aurait été d'une telle facilité ... mais à l'encontre de la cause qu'il défendait. Il hésitait toujours sur la conduite à tenir. Il appréciait assez Lilou, même si leur rencontre était récente, pour ne pas choisir de fuir ou de la tuer. Mais l'autre perspective lui semblait trop hasardeuse, surtout qu'elle connaissait son visage à présent. À n'utiliser qu'en dernier recours, après tout. Ah, il était dans de beaux draps. Mais quant à savoir ce qu'il voulait réellement à présent ...


"Ce que je veux réellement ..." répéta-t-il, un léger sourire en coin.

La paix. Finir sa mission. Revoir les siens et quitter ce blizzard. Elle ? Peut être. Voilà longtemps qu'il ne s'était pas posé la question. Vouloir, ce n'était pas la même chose que pouvoir. Et lui ne pouvait que suivre la cause, encore et toujours. Il était un homme de paroles et de sang. L'honneur de la famille, l'honneur du peuple. Voilà ce qu'il défendait. Mais que voulait-il vraiment ? Une simple question avait de quoi vous retourner la tête. Son regard croisa celui de Lilou et s'y accrocha. Il rompit rapidement le contact, avec un sourire un peu plus gêné cette fois. Il n'y comprenait pas grand chose, à ces pulsions qui l'habitaient. Quelques minutes plus tôt, il aurait été capable de prolonger le jeu avec ferveur. Et là, d'un coup, il était las de ces échanges. L'arrivée de Callahan avait jeté un sceau d'eau froide sur le feu qui le consumait. Il n'avait plus envie de lutter. Du moins pas de cette manière. Les femmes avaient l'art et la manière pour vous mettre dans des situations délicates ...


"Il y a quelques heures, je t'aurais répondu rentrer chez moi, quitter cette terre gelée et maudire les imbéciles qui m'ont envoyé sur ce caillou sans charme ni chaleur. Mais maintenant, je pense que j'ai changé d'avis." continua-t-il.

"Je sais que je ne réponds pas à ta question. Mais comme tu l'as dit, tu es indiscrète. Ou audacieuse, cela dépend de comment je le prends, après tout. Quant à ce que je veux, je te laisse essayer de le deviner. Après tout, je pense avoir donné assez d'indices ..." conclut l'assassin, posant sa main sur la sienne, alors qu'elle continuer de prendre soin de sa main.

"Ce que je t'ai dit il y a quelques secondes ne se limite pas au simple combat, on va voir si tu as retenue la leçon." lui proposa-t-il, en lui lâchant la main.

L'assassin se recula d'un pas et écarta légèrement les bras. Ce qu'il essayait de faire ? Plutôt évident, la pousser à le démasquer. C'était un jeu risqué, mais qui en valait la peine. Il essayait d'instiller à nouveau ce qu'il s'était produit entre eux un peu plus tôt, espérant que cela jouerait à son avantage. Une sorte de quitte ou double en fait.


"Alors, quelle est selon toi la vérité ?" lui demanda-t-il.
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Je l’écoutai, avec une patience d’ange. Enregistrant ses mots, les savourant le plus simplement du monde sans lâcher sa main. A le regarder fixement, sans le quitter des yeux, en espérant trouver quelque part, au fond, une forme de sincérité. Sincérité, dont, à force d’y penser, je commençai à douter. Parce que ce doute était de loin le plus humain de tous, dans lequel je me lovai en le regardant. Il était trop pour être un simple idiot de passage en affaire avec une petite pointure de l’île. Trop. C’était ce qui faisait que son personnage était à la fois faillible et incroyablement convaincant. Et pour en revenir au doute, c’était ce qui, à travers notre jeu de tantôt, m’avait fait commencer à me méfier de ce qu’il voulait. Des quelques bribes d’infos, infimes que j’avais de sa part, il n’y avait qu’une seule chose qui revenait vraiment sur le carreau : Callahan. Et c’était la seule piste vraie, palpable, que j’avais à son propos. Comme une énigme que l’on remonte avec un seul indice… Et pourtant, un indice de taille, qui me laissait penser à moi et ma paranoïa naturelle, qu’il y avait un souci… Principalement parce que je savais Callahan facétieux, et que traiter avec lui n’était pas toujours synonymes de trafics honnêtes.

« Je n’en sais pas plus sur Callahan que ce que j’en sais sur toi. Et pour le premier, je crois que ça me va très bien comme ça. Il fait ça aussi, et surtout, pour me protéger. De quoi ? Je ne sais pas. De lui, probablement. Et ainsi, il en profite pour protéger sa famille. Que tu travailles avec lui m’en dit assez long… Juste… Pourquoi ? »

La question se posa, coupa le silence qui s’installa peu après ses déclarations. Quelle était la vérité ? Qu’est-ce que j’en savais, moi ? Et qu’est-ce que je pouvais en faire, si je venais à la connaitre ? Et sur quoi est-ce qu’il m’interrogeait, vraiment ? Sur ce qu’il était venu faire ici ? Sur ce qu’il faisait dans mon monde, aujourd’hui ? Oui. Voilà. Pourquoi était-il là ? Pourquoi prenait-il la peine de me supporter ? De faire semblant de s’intéresser ? Qu’avait-il à y gagner ? Et moi ? Qu’est-ce que j’y gagnai, dans notre petite histoire ? Et cette vérité, en toute fin de compte, dans ce bordel infâme que créaient le mensonge et les faux-semblants… Etait-ce réellement important ?

« Je sais que Callahan joue sur plusieurs tableaux. Je sais aussi qu’il sait se faire respecter, ici, à Tequila Wolf. Je sais parfois que je ne sais pas pour qui je travaille. Pour son lui public ? Pour son lui privé ? Je sais aussi que je préfère ne pas poser la question. Après tout, qu’est-ce que ça change vraiment ? Dans quelques mois, je serais partie d’ici, et je n’aurais plus jamais de nouvelles de lui, ou de sa petite famille. Ou de toi, même… Je ne sais pas, par contre, de quel côté, toi, tu joues. »

Parce que tout n’avait que l’air question de jeu, pour lui en tout cas. Pour ce soir, apparemment ; je devais être son divertissement du mois, à un tel point où il finissait, vraisemblablement, à se perdre entre ce qu’il me disait de vrai et de faux. Et s’il me mentait, il le faisait divinement bien. Suffisamment pour que je marche. Pas assez pour que je ne vois pas certaines failles de son costume. Mais ça… Ce n’était qu’un concours de circonstance, la cause d’une perspicacité naturelle et d’une curiosité qui m’avait joué maintes fois des tours.

« Je sais aussi qu’un jour, tu te perdras entre tous tes déguisements. Tu prendras le mensonge comme valeur sûre, la vérité ne sera qu’un vague doute insondable. Des gens comme toi, j’en ai fréquenté. Des pires, comme des meilleurs. Des moins beaux, aussi. Des moins intelligents, souvent. Mais tous, sans exceptions, se sont un jour perdus dans ce qu’ils faisaient. Ils y ont laissé plus qu’une vie… Alors… Je ne sais pas si ça a une quelconque importance, après tout. Je ne suis que la Lilou d’un soir. Et c’est… Juste… De la curiosité. Mal placée. Et ça ne changera rien à ce que tu fais de ta vie et avec Callahan. »

Je le reconnaissais. Et c’était déjà ça. Et c’était déjà trop. En lançant une pensée à cette Savanah, à ce Yumen, qui m’avaient à la fois plongés et sortis de la merde ou j’étais. Ces personnes qui m’avaient forgée, comme je forge le métal des armures que créées pour me protéger du monde. Et ils s’étaient paumés dans la colère et la violence d’une cause qui ne leur allaient pas vraiment, en finalité.

« Ce que tu veux ? Je ne suis même pas sûre que tu le saches toi-même… comment veux-tu que, moi, fille d’un soir, de passage dans ta vie, soit plus au courant que toi ? »

Vague pause, écartant à mon tour les bras, pour faire comme lui. Pour m’afficher. Pour me montrer. Pour, en toute fin, me dévoiler :

« Je n’irai rien inventer. Je n’irai rien chercher. Je ne sais pas, c’est tout ce que je sais. Je ne sais pas qui tu es, ou tu vas, ni ce que tu veux. Et je n’irai pas me vanter de te connaitre sous toutes les coutures : ça n’aurait aucun sens. Aucuns intérêts. Maintenant, on peut continuer à se tourner autour, et on peut faire comme si de rien n’était. Ou alors, on peut se dire la vérité, et passer aux choses sérieuses. »

Mine aussi sérieuse, sans trace de sourire, sans trace d’un quelconque orgueil au coin des yeux. Mais la vérité, à peine intimée, à moitié dite, et pourtant plus vraies que jusque-là :

« J’ai bien appris la leçon ? »


Dernière édition par Lilou B. Jacob le Sam 8 Déc 2012 - 14:18, édité 2 fois
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Pour toute réponse, l'assassin éclata de rire. Un rire franc, débarrassé de nuances. Ce n'était pas maîtrisé, plus tenant de l'improbable. Elle venait de mettre à jour ses failles, et lui il riait. Pourquoi ? Parce qu'il n'était qu'un crétin, voilà pourquoi. Il avait cru jouer au plus malin, toucher la flamme sans se brûler les doigts. Pourquoi s'instaurait-il ce foutu code si c'était pour le balancer aux orties à la venue de la première femme qu'il croisait ? Pas vraiment la première, du moins pas dans ce sens là. Il lui trouvait quelque chose de plus. Son innocence peut-être, ou un truc du genre. Il ne savait pas vraiment, mais il comprenait que jouer un tel jeu était puéril. Il avait tenté de relancer la machine, sans succès. Il ne devait pas être plus convaincant que ça. Le moment où il était mystérieux et séduisant était passé. Il n'était qu'un gamin jouant au couteau, au fond. Et ça, ses ainés aimaient bien le lui faire ressentir. Elle aussi. C'était à la fois énervant et gratifiant, de se savoir faillible, humain. La vérité était qu'il n'était qu'un fantôme, Rafaelo Di Auditore n'existait pas. Comment alors ne pas être qu'un rôle parmi tant d'autres ? Ah ah, dure question. Si son jeu d'acteur était bon, il n'en était pas moins aisé à percer. Il désirait faire au mieux, jongler avec ses semblables. Présomptueux qu'il était, ça ne menait nulle part sinon droit dans le mur. Et en cet instant même, Lilou le compromettait, ce qui ne se traduisait que par une seule conclusion : elle devait mourir. Mais elle n'était pas une criminelle, elle n'était pas liée à Callahan. Son avoeu ne venait que confirmer les hypothèses de l'assassin. Il sentait que sa volonté flanchait, et qu'il se perdait dans ses suppositions. Comme toujours. Peut-être qu'un de ces jours il deviendrait capable d'ordonner le flot intarissable de ses pensées, comme Césare. Peut être pas. Il répugnait à l'idée de n'être qu'un simple outil, et se targuait de son jugement propre. Mais encore une fois, il se plantait. Pourtant, il désirait conserver ce libre-arbitre, se sentir ... humain.

"Je ne travaille pas avec lui. De toute façon, peut importe qui je suis ou ce que je suis, ce n'est qu'une question de temps avant que tu le saches." répondit-il, abandonnant ce jeu incessant des faux-semblants.

L'assassin soupira et se détourna de la jeune femme. Elle savait sans savoir, ce qui était d'autant plus dangereux. Quel mal y avait-il à ce qu'elle sache, juste elle ? Non, encore une idée de gamin. Mais elle avait percé son déguisement, savait qu'il n'était pas là par hasard. Et lorsque Callahan serait parti, serait mort, qu'en conclurait-elle ? Qu'il n'était qu'un vil assassin qui dont l'affaire avait mal tourné ? Elle ne saurait pas qu'il agissait pour le peuple, pour la liberté. Elle ne saurait pas que cet homme, sous ses couverts, abusait des hommes pour son profit. Il avait une famille, il avait des sentiments. Certes. Mais cela ne l'en rendait pas innocent pour autant.


"Tu as bien appris ta leçon, mais tu dois encore faire preuve de tempérance. On ne sait jamais ce qu'il arrive lorsqu'on met un type comme moi au pied du mur." grogna-t-il, la regardant droit dans les yeux.

Il laissa la tension s'installer, la menace peser. Lourde. Qu'elle comprenne qu'il n'était pas un type ordinaire ça allait, mais qu'elle devine son rôle, c'était moins amusant. Il y avait cependant une chose qui le tracassait. Diable non, elle ne risquait pas d'être la Lilou d'un soir. Il ne connaissait que deux personnes qui avaient été à même de percer son déguisement. Elle était la deuxième, et ça il ne l'oublierait pas. Pas plus que leur jeux. Peut-être en garderait-il un souvenir nostalgique, sur ses vieux jours. Non. Il serait mort avant. Une des contraintes de sa profession, on ne faisait pas de vieux os. Et en tout assassin qu'il était, il ne s'en sentait pas mieux pour autant.


"Il faut faire preuve d'une grande sagesse pour savoir qu'on ne sait rien, tu sais ?" répondit-il, sourire en coin.

"Pourtant, tu es assez futée pour savoir que je n'existe pas, sauf pour ce soir. Ce serait plutôt moi, le Rafael d'un soir." poursuivit-il, dans un soupir.

Il n'était pas difficile de comprendre que les masques venaient de tomber. L'attitude, le ton. Tout avait changé. Il paraissait austère, renfrogné. Son regard était plus dur qu'auparavant. Plus de sourire, plus de sympathie. Il avança d'un pas, pour ne demeurer qu'à une dizaine de centimètres d'elle.


"Mais demande-toi juste si la vérité en vaut la peine : veux-tu réellement savoir ?" gronda-t-il, la dominant par sa taille.

"Pourquoi continuer à frayer avec moi, si je ne suis qu'un rôle ? Peut-être parce que je suis ce qu'il y a de plus réel en cet instant, en ce lieu. Peu importe ce que je veux, qui je suis." continua-t-il, sur le même ton.

Rafael laissa l'instant durer, s'étirer. La tension était palpable. Si son coeur faiblissait, il ne devait en aucun cas le laisser transparaître. Il était Il Assassino. L'homme au mille morts. Il devait faire honneur à la cause et à son nom. Il ne pouvait flancher, c'était une question de vie ou de mort. D'un côté, le fait qu'elle n'ait pas d'intérêt pour qui elle travaillait, pour ce qu'elle faisait lui hérissait le poil. De l'autre, cela avait ses avantages. Elle ne tirait aucun profit à le percer à jour, tout comme il n'en gagnerait aucun à l'éliminer. Il se pencha un peu plus vers elle, à hauteur de son oreille.

"Alors pourquoi t'intéresser à la vérité ? Le mystère n'est-il pas plus ... séduisant ? Fermer les yeux, et avancer dans l'inconnu. Ne me dis pas que tu n'as pas le goût du risque ? Mais si tu désires savoir, demande le moi. Demande le et je te répondrais." lui proposa-t-il, sur un ton qui ne laissait aucune équivoque.

C'était à la fois une mise en garde ... et une proposition. Serait-elle assez clairvoyante pour envisager les risques qu'elle prenait en s'engageant dans cette voie ? Probablement.
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