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Le début de l'initiation.

Shimotsuki, matinée.

Le navire était à quai depuis moins d’une heure maintenant et des gens commençaient déjà à embarquer A vrai dire, le ferry qui faisait la navette ne s’arrêtait jamais. Shimotsuki était une île qui brassait beaucoup de visiteurs venus suivre les enseignements des écoles de kendo qui s’y trouvaient. La plupart de ceux-ci venaient par curiosité et ne restaient pas plus d’un mois. Les règles des écoles étaient strictes et peu de personnes parvenaient à les suivre. Pas d’alcool qui altère les sens, pas d’opium, pas de nourriture grasse, entraînement quotidien, endurcissement, souplesse… Mais la perspective de suivre le même entraînement que le célèbre feu-Roronoa Zorro continuait d’apporter des apprentis, gonflés à bloc et prêts à se dégonfler comme des baudruches à la moindre contrariété.

Depuis toujours, Gon avait prit un plaisir pervers à voir tous ces garçons repartirent en chouinant dés qu’on leur demandait de soulever une charge lourde ou de faire plus de cent pompes. Lui, depuis tout petit, subissait ce traitement tous les jours et cela le rendait très confiant de se rendre compte que la plupart des autres hommes en étaient incapables. Aujourd’hui c’était à son tour de quitter cette île en embarquant sur le pont de ce bateau. Il se sentait bizarrement humilié même s’il savait que lui, embarquait pour devenir plus fort et non pas parce qu’il avait baissé les bras.

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Ca me fait bizarre quand même… Ne suis-je pas en train de fuir cette vie moi aussi, dans un sens ? Comment les gens de l’île perçoivent-ils mon départ ? Après tout je m‘en fiche. Moi je sais pourquoi je pars et c’est le principal. Ils changeront leur opinion lorsqu’ils liront mon nom dans le journal. Je le vois d’ici. Gon Blacknife a encore frappé, le monde va mieux. Hahaha, je suis tellement pressé de commencer à m’y mettre. Bon, quand il faut y aller, il faut y aller. Mon destin est en marche.

J’aurais pensé que ce serait plus désagréable que ça de se trouver sur un bateau. On m’avait parlé du roulis, du tangage, du mal de mer tout ça… Mais non, en fait ça va. Accoudé au bastingage, je regarde avec nostalgie ma ville. Ma famille est venue me souhaiter un bon voyage. Je leur fais un signe de la main. Tiens, Mila a les yeux rouges. Elle lutte pour ne pas pleurer. C’est évident. Ça me fait un peu mal au cœur, mais je n’ai pas le choix. Je suis le seul à pouvoir faire ce boulot. Tiens, même maître Honda est venu. Ça me touche. Mais qu’est qu’il fait ? Où il va ?


-Maître ?

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Le sensei monta à son tour sur le pont du navire avant que celui-ci ne largue les amarres et attrapa Gon par le col de sa veste avant de le balancer sur le quai sans aucun ménagement. L’élève de 28 ans atterrit tant bien que mal devant sa famille, essayant de ne pas trop perdre la face. Il se releva immédiatement.

-Maître ? Qu’est ce que cela signifie ? Je ne crois pas que...
-Tais-toi ! Tu ne peux pas partir maintenant. Tu partiras plus tard. Il te reste une dernière chose à faire ici…

D’un geste de la main, le vieux lui fit signe de le suivre et prit la direction du dojo. Gon fit à son tour signe à sa femme et à ses enfants de le suivre. Il passa son bras autour de la taille de Mila et sourit en profitant de cet instant de tendresse non prévu. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’on lui voulait et ne s’en souciait pas. Il profitait simplement de ce petit rab de temps. Il fut cependant bien obligé de se poser la question lorsqu’il remarqua que tous les maîtres des écoles se trouvaient là et l’attendaient. Maître Chun qui dirigeait l’école du sabre fin. Maître Musashi à trois sabres et maître Jubei qui en utilisait quatre, dépassant même le santoryu de Roronoa Zorro. Même les maîtres Hanzo et Hadoc étaient là, bien que leur style de combat soit un petit peu plus éloigné du kendo pur.

Si tous les maîtres étaient réunis ici, il devait se passer quelque chose de très important. Gon était sur le point de paniquer quand il remarqua que les senseis étaient assez détendus, discutaient et riaient parfois. Ils se turent à son arrivée et se séparèrent pour le laisser entrer. Plutôt gênant. Mais le disciple ne décrocha pas un mot, préférant voir à quelle sauce il serait mangé. On l’invita à monter sur la zone de combat et à s’asseoir tandis que tous les instructeurs s’asseyaient autour. Le silence se fit instantanément.

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La vache, c’est la première fois que je les vois aussi sérieux. C’est même bien la première fois que je les vois tous réunis ici. Mais qu’est ce qu'il peut bien se passer bon sang ? Quelqu’un est mort ? J’ai fait quelque chose qu’il ne fallait pas ? Mon départ a-t-il été mal interprété ? Prit comme une insulte ? Un manque de respect ? Franchement, je n’en ai pas la moindre idée mais il est tout simplement hors de question que ce soit moi qui brise ce silence pesant. Tout le monde a la tête baissée, l’air grave… Ils prient ? Je devrais peut-être faire pareil. Bon, je baisse la tête, je ferme les yeux et j’attends de voir ce qu’il se passe.

-GON !

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Gon sursauta et tomba légèrement à la renverse ce qui fit apparaître quelques sourires. Seul le maître Musashi resta de marbre, comme à son habitude. Maître Honda présidait visiblement la réunion, probablement parce qu’il s’agissait de son élève. Mais en tant normal, il n’y avait pas vraiment de chef. Simplement un respect mutuel pour les capacités de chacun. La seule hiérarchie qui existait était celle de la force. Maître Jubeï avait déjà vaincu en duel singulier tous les autres, il était donc le plus fort. Ensuite venait Musashi, puis Honda, Chun, Hanzo et enfin Hadoc.

-Gon, tu as démontré tes talents et ton assiduité. Depuis plus de 20 ans, tu as subit des entraînements difficiles et tu ne t’es jamais plaint. Aujourd’hui, tu m’as dépassé. Mais avant que tu ne partes courir le monde, je me suis porté garant de ta force auprès des autres maîtres.

Les hommes hochèrent tous la tête. Gon n’avait pas la moindre idée de ce qui se passait. Il n’avait jamais assisté à cette espèce de… rituel ? Il n’aurait même pas été réellement capable de dire ce qui était en train de se passer. Il se contenta de hocher la tête à son tour et de garder le silence.

-Je suis convaincu que tu peux devenir un bretteur exceptionnel. Comme d’autres l’ont été avant toi, notamment un. Mais à bretteur fantastique, je dis : sabre fantastique. Je vais te révéler quelque chose que personne ne sait, mis à part ceux qui se trouvent dans cette salle. Notre île possède un ancien meitou. Pas un des douze, malheureusement, mais tout de même un Ô Wazamono. Si tu parviens à prouver à tous ceux ici présent que tu es le plus à même de le posséder, tu pourras l’avoir. Je suppose qu’il est inutile de te dire ce que tu as à faire.

Gon se leva d’un bond et salua son maître avant de saluer un par un et avec le plus grand respect tous ceux qui se trouvaient autour de lui. Tous ces maîtres qui lui accordaient l’occasion de se distinguer.

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Un Ô Wazamono ?! Nom de dieu ! Il y a réellement une des 21 grandes lames ici ?! A Shimotsuki ? Mais c’est tout simplement grandiose! Nul doute que cela m’aiderait grandement dans ma quête ! Je dois absolument leur montrer ce que je sais faire et remporter ce grand honneur. J’ai déjà vaincu maître Honda une fois. Je devrai pouvoir m’en sortir face à ceux qui se trouvent en dessous de lui. Ce sont les maîtres Jubeï et Musashi qui me font peur. Mais ma cause est juste et mon bras est sûr. Je ne faillirais pas. On a placé trop d’espoirs et d’honneurs sur mes épaules pour que je flanche maintenant.

-Je suis prêt.
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Un homme se leva à la droite de Gon. C’était maître Hadoc. Sa technique avait toujours fait des sceptiques. L’utilisation de sabre de bois provoquait irrémédiablement les railleries de ses compères belliqueux. Mais ce maître faisait fi des moqueries et se consacrait nuit et jour à la perfection de son art. Pour lui, le sabre était une danse magnifique, une philosophie de vie, une forme de méditation… En aucun cas, il n’utilisait son arme pour tuer, ni même blesser qui que ce soit. Gon avait toujours eu un grand respect pour cet homme qui restait seul au milieu de la forêt, perfectionnant encore et toujours ses mouvements, au millimètre près pour atteindre une réelle grâce, une réelle beauté malgré son apparence hirsute.

Il était tout à fait normal que celui-ci soit le premier adversaire. Il était considéré comme bien plus faible que les autres, même si sa technique était bien meilleure que la plupart d’entre eux. Mais son refus de blesser les autres était bien évidemment un désavantage majeur qui l’empêchait de prendre le dessus grâce à sa technique sans faille. Ses adversaires n’hésitaient pas à foncer dans le tas, quitte à se prendre quelques coups de bâtons pour pouvoir percer sa défense et le vaincre.

-Gon Blacknife ! Nous sommes ici pour juger de ta qualité de bretteur. Je serai ton premier adversaire dans ton évaluation. La force est une chose, mais sans la technique, elle n’est rien du tout. A quoi bon être puissant si on ne touche pas sa cible ? Si je lance le bal, c’est car -mes confrères ne me contrediront pas – si tu ne peux pas me défaire, ce n’est pas la peine d’essayer de te mesurer aux autres.

Gon ne savait pas vraiment comment réagir à cela. S’il acquiesçait, il risquait de vexer ce grand artiste. Réfuter était inutile, vu que ces paroles sortaient de la bouche du  premier concerné. Il se contenta alors de le saluer et de sortir ses sabres.

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Maître Hadoc. Je devrais me sortir de cet affrontement sans trop de problèmes. Je présente mes deux sabres à mon adversaire et les croise devant mon torse. C’est un signe de respect envers celui qui se présente face à soi. Je sais qu’on me met à l’épreuve pour voir si je suis le digne héritier d’un trésor ancestral. Il faut donc non seulement que je leur prouve ma force et mon talent, mais aussi ma dignité et mon respect pour l’art du sabre. Tout doit être absolument parfait. C’est pour ça qu’on me fait affronter maître Hadoc. D’habitude les autres maîtres le prenne pour un hurluberlu dansant.

Mais quand il s’agit de technique pure, il est imbattable. Obtenir l’approbation de ce virtuose est un immense honneur. Je dois absolument tout donner.


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Le combattant au sabre de bois fit glisser sa main le long du manche pour maintenir son arme au dessus de sa tête et resta parfaitement immobile. Pas le moindre tremblement, pas même un clignement de paupière ou un frémissement de nervosité. On aurait pu croire qu’il avait disparu, remplacé par une statue sans vie. Son regard était inexpressif et perdu dans le vide, comme un mannequin de cire. Cette attitude très célèbre mais très difficile à réaliser permettait d’être totalement imprévisible par son adversaire. Il fallait des années d’expérience pour parvenir à un tel résultat. Gon était tout simplement ébahit par cette maîtrise de soi.

Maître Honda frappa un gong en or avec une petite baguette et un son très pur et cristallin s’en éleva avant de descendre la gamme, devenant de plus en plus grave jusqu’à disparaître dans un murmure. Le combat était censé commencer mais les deux combattants restaient totalement immobiles. Gon avait beau chercher une ouverture dans la posture d’Hadoc, il n’en trouvait pas. Sa pose était parfaite. Il décida d’utiliser l’un de ses deux sabres pour feinter, l’obliger à bouger et frapper avec son deuxième.

Poussant un kiai, le jeune s’élança en mimant d’attaquer le flanc gauche et, un instant plus tard frappa réellement la cuisse droite. Ce qu’il n’avait pas prévu c’était que l’homme expérimenté lisait ses mouvements avec une grande facilité. Il ne bougea pas un sourcil, ni devant le kiai, ni devant la feinte. Il interrompit la lame de Gon en frappant de son sabre de bois juste sous la garde. Le disciple d’Honda fut obligé de lever le bras et reçut un coup dans les côtes.

-Réfléchis avant d’agir. Tu dois toujours anticiper ce que va faire ton adversaire. Lis le. C’est écrit dans ses yeux.

A peine sa phrase finie, l’homme fonça directement sur Gon, la lame baissée au niveau de ses chevilles. Les armes se frappaient les unes contre les autres, les passes s’enchaînèrent à toute vitesse, mais l’apprenti ne parvenait qu’à se défendre. Il était totalement dominé par la maîtrise d’Hadoc. Malgré ses deux épées, Gon ne parvient pas à prendre le dessus.

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Hummm… Il est plus fort que sa réputation ne le laisse entendre. Il faut que je le prenne très au sérieux. Si je perds, je deviendrais la risée de Shimotsuki. Je les entends déjà se moquer de moi. « Il voulait partir s’améliorer alors qu’il ne parvient même pas à battre un maître muni d’un sabre de bois ! ». Mais il cherche visiblement à me donner des conseils, c’est l’occasion ou jamais de perfectionner mes connaissances de combat.

Il arrive ! Son sabre est en bas, ce qui signifie qu’il va tenter de me frapper à la tête avec un coup ascendant. Levant mon genou, je bloque le coup et frappe de mes deux sabres simultanément. Mes deux lames s’immobilisent à quelques millimètres du coup du sensei comme une paire de ciseaux prête à le décapiter. Il s’immobilise, m’offre un magnifique sourire auquel quelques dents manquent et lâche son sabre.


-Bien joué Gon, tu as très bien anticipé mon mouvement.

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Tous les maîtres applaudirent respectueusement l’issue du combat qui les avait distrait. Le vainqueur et le vaincu se saluèrent en silence. Maître Hadoc retourna s’asseoir à sa place, le visage fermé. Quelques secondes s’écoulèrent avant que maître Honda ne se lève et ne reprenne sa place derrière le pupitre pour reprendre son discours.

-Gon ! Tu as montré ton talent aux maîtres ici présents en venant à bout de Maître Hadoc. Tu as fait preuve de techniques et de savoir-faire. C’est avec joie que…
-Honda-sensei! Veuillez pardonner mon impolitesse, mais je voudrais demander quelque chose.

Tout le monde regarda avec curiosité ce jeune effronté qui osait interrompre le maître de cérémonie d’un aussi important rituel.

-Comme vous l’avez vu, j’ai réussi à mettre en difficulté Hadoc-sensei en bloquant son coup avec mon genou. S’il avait été armé d’un sabre de métal j’aurais perdu ma jambe. C’est injuste pour lui et pour son talent qui n’est pas reconnu à sa juste valeur.
-Les sabres de bois ne peuvent pas blesser, nous le savons tous. Où veux-tu en venir ?
-Je demande à recommencer cet affrontement. Sauf que cette fois, je serai également armé de sabres de bois. Ainsi nous serons sur un plan d’égalité et une victoire prouverait mon talent pour manier les lames.

La déclaration tomba comme un couperet. Les maîtres, désorientés, se regardèrent un par un en silence. C’était la première fois qu’un bretteur demandait à recommencer un combat qu’il avait gagné. Les mauvais perdants étaient légions, mais les mauvais gagnants se faisaient plus rares. Après une concertation silencieuse, Honda fit signe à maître Hadoc de se lever. C’était sa décision qui allait être primordiale. Voulait-il recommencer le combat ? Risquer de subir à nouveau l’affront d’une défaite ? L’homme se leva, les yeux fermés et garda la tête baissée un instant. Lorsqu’il la releva, une petite larme coulait sur sa joue. Son regard se plongea dans celui de Gon et le message était très clair. Il y avait dans ses yeux une réelle gratitude pour celui qui lui montrait du respect pour sa technique.

-Ce sera pour moi un grand honneur.
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Ouf, je me sens soulagé. J’avais vraiment le trac en le demandant de cette façon. Un refus aurait été extrêmement humiliant. Mais fort heureusement, Hadoc-sensei a perçu ma volonté de lui rendre honneur. Il sourit. Faiblement, de manière discrète, mais il sourit. Maître Honda s’approche de moi et me tend deux sabres de bois. Une fois à mes côtés, il se penche vers moi et me chuchote à l’oreille.

-Je suis très fier de toi.

Mon cœur fait un bond dans ma poitrine et cesse de battre pendant deux ou trois secondes. Bon, au moins mon petit écart à ce rituel semble plutôt bien perçu. Je me saisis des deux sabres et les soupèse. Ils sont plus légers que des sabres ordinaires, mais tout de même bien plus lourds que ce que je m’imaginais. Il va falloir que je m’adapte. Maître Hadoc se tient face à moi les deux mains posées sur la garde de son épée. Il est prêt à m’accueillir. Il semble moins sérieux que lors de notre précédent échange. Tout aussi concentré, mais plus décontracté. Il prend plaisir à m’affronter et cela me provoque une vague de fierté immense.

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Les deux opposants se faisaient face dans le silence qui est retombé dans la salle. Le gong retentit de nouveau mais cette fois, l’action ne se fit pas attendre. Les sabres de bois se percutèrent avec une violence sans précédent. Auparavant, Gon se sentait restreint, obligé de contenir ses coups pour ne pas blesser sérieusement cet homme qu’il respectait. Alors qu’à présent, il pouvait frapper de toutes ses forces, laisser libre cours à ses pulsions et son instinct. Les trois sabres s’entrechoquaient avec force, comblant le silence de la salle d’impacts retentissants. Après quelques minutes d’échange, une trêve s’installa d’elle-même. Ils étaient tout deux à bout de souffle.

-Très impressionnant. Honda t’as bien élevé. Tes mouvements sont rapides et précis. Tu mets mes capacités à mal. N’oublie pas, tu dois toujours tenter de lire les mouvements de ton adversaire. Un regard, le frémissement d’un muscle, une inspiration qui se bloque… Le langage corporel est le meilleur atout et la pire faiblesse d’un épéiste. Essaye de te faire légèr et de réagir selon les mouvements de l’autre. Comme une poussière qui s’éloigne dés que tu bouges la main et que tu ne parviens pas à saisir.

Gon le fixa dans le blanc des yeux pour lui montrer qu’il prenait ses paroles très au sérieux et hocha la tête. Les conseils de cet homme avisé étaient un véritable cadeau pour lui et il comptait bien tirer profit de la chance qu’on lui offrait. Qu’un maître partage ses connaissances avec le disciple d’un autre était très rare. En principe, bien au contraire, une petite guerre les séparait, chacun prônant la supériorité de sa technique. Améliorer le potentiel de l’élève d’un autre maître était contre-productif. Bien que leurs rapports soient amicaux, le nombre d’élèves inscrits dans l’école influait directement sur les revenus et la capacité de survie de l’école elle-même. De plus, les élèves étaient la garantie que la technique de l’école serait transmise encore et encore à travers les âges. Et cela n’avait pas de prix.

C’est donc très sérieusement que Gon écouta et tenta de mettre en pratique les conseils que l’on venait de lui divulguer.

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Se sentir léger, se sentir léger… J’ai beau essayer c’est plus facile à dire qu’à faire. J’ai beau ne pas être bien gros, de là à me sentir poussière, il y a une marge. Bon, concentre-toi Gon, fais un effort. Je sais bien que c’est une métaphore, en vérité c’est plutôt basé sur le réflexe, sur les mouvements instinctifs ce genre de chose. Enfin je pense. D’habitude, Hadoc-sensei ne prend pas d’élèves, il ne transmet pas son savoir. Les rares personnes ayant pu intégrer son école en sont vite parties la queue entre les jambes devant la difficulté et les exigences titanesques.

-Je tenterai de suivre vos conseils de mon mieux, maître.

Un hochement de tête et nous voilà repartis au combat. Cette fois-ci, je ne prends plus la moindre initiative. Mes mouvements ne dépendent plus que des siens, je m’éloigne quand il attaque, j’attaque quand il se replace. Et inversement pour lui. Le niveau du combat monte d’un cran.

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Tous les maîtres écarquillèrent les yeux. Le combat avait prit une tournure totalement inattendue. Ce qui s’apparentait a priori à un simple échange de débutants en sabre de bois commençait à ressembler à un duel acharné. Hadoc avait toujours été traité avec condescendance. Il était « celui qui ne sait pas se battre mais qu’on laisse faire joujou avec un sabre ». Comme cela faisait des années que personne ne l’avait affronté, c’était la première fois qu’il avait l’occasion de réfuter cette réputation. Et il s’en donnait à cœur joie. Son poignet pivotait dans tous les sens pour parer les deux sabres qui l’assaillaient sans relâche.

Petit à petit, Gon parvenait à prendre le dessus. Il commençait à anticiper les mouvements du maître de mieux en mieux au fur et à mesure que le combat se prolongeait. Ponctuellement, l’élève parvenait à toucher son adversaire à l’épaule ou au torse. Mais il était empli d’un sentiment incertain. Hadoc-sensei n’était-il pas en train de le laisser gagner ? Ce n’était vraiment pas facile, loin delà, mais tout de même… C’était étrange. Comment Gon avait-il pu apprendre aussi vite ? Prendre le dessus sur un maître du kendo en à peine quelques échanges, c’était louche.

-Gon, ne soit pas perturbé. Je ne baisse pas mon niveau volontairement. Tu m’as touché à deux reprises à l’épaule droite. Il est donc normal que je n’aie plus de force de ce coté là. A toi de savoir exploiter les faiblesses de ton ennemi. Allez !

Le combat reprit sans attendre.

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Il fait agir son corps comme si mes coups l’avaient blessé ? Mais c’est insensé ! Comment est ce que… Mais oui ! A bien y regarder, il semble avoir bien moins de force dans le bras droit que dans le bras gauche. Ses coups dévient légèrement. C’est dingue, ce type a vraiment un talent exceptionnel pour maîtriser son corps. Mais j’y pense. Je l’ai touché au flanc tout à l’heure, je pourrais utiliser ça également. Réfléchis ! Parer ses coups ne suffit pas, il faut que j’ouvre une brèche dans sa défense pour pouvoir emporter le combat.

Son sabre arrive d’un seul coup au dessus de moi. De mon sabre gauche, je l’intercepte et le bloque en l’air. Je lui inflige un coup de pied au flanc, là où je l’avais déjà blessé auparavant. Sa réaction est instantanée et il se courbe légèrement. Je regroupe mes deux sabres et frappe son arme de toutes mes forces vers sa droite. Son épaule blessée ne parvient pas à encaisser une telle charge.


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Le sabre de bois rebondit quelques instants sur le sol dans un silence total. Gon leva la pointe de son bâton sous le menton du maître avant de le reposer. Il avait gagné. Le virtuose du sabre de bois partit d’un grand rire gras et se mit à frapper frénétiquement dans ses mains massives. Ses compères l’imitèrent bientôt. Avec cet échange, Gon venait de prouver aux maîtres qu’il était en effet digne de se mesurer à eux. Son talent pour le kendo était indéniable et il se pourrait effectivement qu’il soit le digne héritier de Shimotsuki. Un sourire radieux illuminait le visage de Honda-sensei. Il était content de voir qu’il avait parié sur le bon cheval. Sans parler de son ego qui était titillé. Son disciple, le garçon qu’il avait pris sous son aile, faisait preuve d’un maniement du sabre assez spectaculaire.

-Gon ! Tu as montré ta technique aujourd’hui devant tous les maîtres de Shimotsuki. Toutes mes félicitations, je n’en attendais pas moins de toi. A présent, rentre chez toi te reposer. D’autres duels t’attendent. Plus tard. Pour l’instant, profite bien de ta famille et entraîne toi. Le prochain duel se fera avec de vrais sabres. Lorsque tu te sentiras prêt, tu pourras te rendre à n'importe quel dojo pour défier l'un d'entre nous. Disposons.

Tous les maîtres se levèrent, plaquèrent leurs mains le long de leur corps et saluèrent. Gon tourna sur lui-même pour pouvoir honorer un par un chacun de ceux qui avaient pris la peine de se déplacer pour le voir à l’œuvre. Sa femme et ses enfants l’attendaient à la sortie du dojo. Il les rejoignit en souriant, bien content de pouvoir profiter d’eux encore quelques temps.
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