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Quand l'élève dépasse le maître.

Shimotsuki, après-midi.

Quelle effervescence régnait dans la petite maison des Blacknife ce jour-là ! Depuis l’aube, Gon n’avait de cesse de s’entraîner. Il dansait au milieu du jardin, faisant voltiger ses lames avec une détermination comme rarement il ne l’avait fait. Ses coups étaient droits, forts et précis. Depuis plusieurs jours maintenant, il s’entraînait en suivant le rythme de l’astre solaire. Du lever jusqu’au coucher du soleil, il ne s’accordait pas la moindre pause, quitte à s’effondrer d’épuisement à la fin de la journée. Malgré les conseils de sa femme et de ses enfants qui s’inquiétaient de le voir se mettre dans un état pareil, il ne cessait jamais. Aujourd’hui était un jour extrêmement important dans la vie d’un bretteur. Le jour où il allait publiquement défier son maître et le vaincre devant témoin dans un combat singulier. Maintenant qu’il avait vaincu maître Chun et sa technique du sabre fin, il savait que le prochain sur sa liste était Honda-senseï, son propre maître, et la technique de la lame de plomb.

Bien sûr, il s’agissait également de la technique qu’il employait. L’affrontement promettait donc d’être intense. La technique de la lame de plomb consiste à alourdir par la force de la pensée le sabre que l’on manie pour augmenter temporairement la puissance des coups. Un vrai maître de cet art, comme Honda-senseï, parvient à augmenter le poids de ses katanas de façon très importante, juste avant l’impact, de façon à préserver sa vitesse tout en faisant croître sa force de frappe. Les résultats étaient très impressionnants. Mais si deux combattants maîtrisant cette technique s’affrontaient… Les passes risquaient d’être terrifiantes.

Je l’ai déjà vaincu une fois. Je sais que je peux y arriver. Mais lui, par le passé, m’a déjà vaincu de très nombreuses fois. Cette fois, je n’ai pas le droit d’échouer. Si je ne parviens pas à lui arracher la victoire cette fois-ci, tous mes efforts seront réduits à néant. Le meitou me passera sous le nez et je devrais quitter mon île natale dans la honte et le déshonneur. La honte de celui qui est monté sur un piédestal pour mieux se péter la gueule. Je serais celui qui voulait conquérir le monde alors qu’il n’a même pas conquis son île. Et c’est tout simplement hors de question.
-Gon ?

Surpris, le sabreur se retourna d’un coup et perdit l’équilibre, manquant de peu de décapiter sa femme. Tout simplement terrifié à l’idée de la toucher, Gon lâcha ses sabres et tomba pitoyablement dans l’herbe. Mila poussa un cri et se baissa pour éviter le sabre qui alla se planter dans un des murs de la maison. Plusieurs secondes s’écoulèrent avant que l’un des deux n’ose faire le moindre mouvement. Ce fut Mila qui brisa le silence.
-Mon dieu ! Tu vois comme c’est dangereux ! Je te le dis, tous ces duels vont mal finir. Tu finiras par te blesser où blesser quelqu’un !
-Quelle idée d’arriver dans mon dos comme ça ! Tu m’as surpris en plein milieu de mon entraînement !

Une véritable scène de ménage suivit cette altercation. Le stress accumulé ces derniers jours se relâchait. Mila avait peur pour Gon et Gon était sous pression. La dispute dura une éternité avant que tout ne retombe comme un soufflé. Les enfants, qui étaient restés à l’étage de peur d’être pris entre deux feux, osèrent enfin sortirent de leur cachette. Ils se calmèrent tous et profitèrent d’un bon repas en famille, en essayant de penser à autre chose qu’au duel qui aurait lieu l’après-midi même.

Gon avait attendu près de trois heures après avoir fini son assiette, pour être sûr et certain de ne pas ressentir un poids sur l’estomac au moment de combattre. Puis, il avait repoussé encore un peu en trouvant toujours de nouvelles excuses pour retarder l’échéance. Mais le moment était venu. Il prit une profonde inspiration et frappa trois coups à la porte du dojo. La porte s’ouvrit sur un Honda-senseï au sourire resplendissant. Cette visite était attendue et tous les autres maîtres étaient déjà là.
-Nous t’attendions Gon ! Tu viens enfin te mesurer à moi.
-Mais… Comment saviez-vous que j’allais venir aujourd’hui ? Et à cette heure-ci ?
-En fait, je les ai fait venir en avance pour faire un petit effet impressionnant. Mais je me suis planté légèrement, les pauvres attendent depuis hier matin. Haem... Héhé... Je ne pensais pas que tu mettrais tant de temps à venir.
-De… Depuis hier matin ??!!

Gon glissa la tête dans l’embrasure de la porte et observa les maîtres, à genoux autour du tatami, faisant preuve d’une patience à toute épreuve. C’était à la fois très digne et très stupide. Mais il était hors de question d’exprimer cette pensée à voix haute. Il salua les maîtres un par un et monta sur la zone de combat. Le silence qui régnait était oppressant mais permettait une concentration absolue. Tout le monde avait conscience de ce qui était en train de se passer. Chaque maître au monde attendait avec impatience, et redoutait à la fois, le jour où un de ses élèves réussirait à le vaincre. Assister à un tel évènement était toujours un grand moment, même lorsqu’il ne s’agissait pas de son propre élève.

Exceptionnellement, le gong avait été confié à maître Hanzo, afin qu’il marque le début de l’affrontement. Les yeux rivés dans ceux de Gon, Honda-senseï jaugeait la détermination de celui qui le défiait. Il s’était occupé de ce gamin depuis sa plus jeune enfance et le considérait comme son propre fils. Aujourd’hui c’était un homme et un bretteur accompli. Il le savait. Il ne restait plus qu’à le prouver aux autres professeurs de l’île. Et pour cela, il ne devait pas faire la moindre concession et obliger Gon à montrer tout son potentiel.
-Montre nous ce dont tu es capable, Gon.
-Oui maître.

DONG


Dernière édition par Gon Blacknife le Lun 18 Nov 2013 - 21:09, édité 1 fois
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Gon n’avait pas l’intention de se retenir. Pour cette fois, il allait oublier le respect qu’il devait à son professeur, l’amour qu’il portait à son père adoptif et la gentillesse qu’il éprouvait à l’égard de tous les innocents. Non, aujourd’hui, il était là pour lui démonter la tronche en beauté ! Plus facile à dire qu’à faire, bien entendu. Détacher la personnalité de Honda-senseï pour ne voir qu’un amas de cellule prêt à se faire trancher, c’était quasiment impossible. On ne peut pas dépersonnifier un être d’un simple claquement de doigt. Surtout une personne qui vous a suivi tout au long de sa vie.

Mais le temps n’était pas à la nostalgie et au sentimentalisme. Déjà, le professeur était en train de courir vers Gon, les deux sabres levés, les lames se croisant devant lui. L’élève dut faire un pas sur le côté et se protéger de son sabre droit. Du gauche, il tenta de frapper le maître, mais celui-ci avait profité du choc pour s’éloigner et se mettre hors d’atteinte. Un instant plus tard, il revenait à la charge et frappa de toutes ses forces après avoir alourdi ses lames. L’impact fut très violent et Gon, malgré ses deux sabres qui repoussaient l’assaut, dut plier un genou sous la force de la frappe. Peinant sous le poids, il dut faire un effort colossal pour se redresser et repousser les katanas. Honda-senseï fit un pas en arrière et se remit en position en souriant.

La vache, il ne me fera pas de cadeaux non plus. Je ne l’ai jamais vu rendre ses lames aussi lourdes et aussi rapidement. Il va falloir que je fasse preuve de ruse plutôt que d’espérer le dépasser à ce petit jeu. La dernière fois, je suis parvenu à l’atteindre à la poitrine grâce à une contre-attaque. Je l’avais forcé à croiser les bras avec une attaque sur le coté et j’avais utilisé mon autre arme pour le toucher. Mais il va falloir trouver autre chose, il s’y attend probablement maintenant. Essayons le coup de la passe à quatre...


Gon fit un bond en avant et effectua une roulade pour passer à côté du maître. En passant, il fit un coup au niveau des mollets. Il se releva et se retourna en donnant un grand coup de sabre latéral. Ensuite, il fit un saut par-dessus son adversaire et donna un coup vertical sur Honda qui se trouvait au dessous de lui. Au moment d’atterrir, Gon reçut un grand coup dans le dos qui le fit tomber en avant, face contre le sol. Après avoir paré les trois attaques, l’enseignant de la lame de plomb avait dut avoir recours à son pied pour repousser Gon qui allait lui infliger une quatrième frappe très dangereuse. Bien entendu, c’était lui qui le lui avait appris, il savait parfaitement la suite de l’enchaînement.
-Magnifiquement exécuté Gon ! Tu as beaucoup progressé depuis notre dernier affrontement. Mais n’oublie pas que tout ce que tu sais faire, je le maîtrise mieux encore. Pour me battre, tu vas devoir faire preuve d’innovation et d’instinct. Trouve tes propres techniques, tes propres enchaînements. Montre que tu as une véritable âme de combattant capable de tirer partie de n’importe quelle situation et profiter de chaque occasion.

Tout cela, Gon le savait parfaitement. Pourtant, il avait été à deux doigts de l’avoir cette fois-ci. Il n’avait pas de plan en tête ; la seule chose qu’il avait, c’était une détermination à toute épreuve. Poussant un hurlement pour se motiver, il se mit à enchaîner les coups en les alourdissant toujours un peu plus, toujours plus vite, dans tous les sens. Ses coups arrivaient de façon anarchique et aléatoire, sans la moindre logique. De cette façon, il était certain que son professeur ne pourrait pas anticiper ses attaques en se souvenant des différents combos qu’ils s’étaient entraînés à effectuer.

Tout d’abord surpris, voire même complètement décontenancé, Honda-senseï finit par comprendre la tactique de son élève et partit d’un grand rire. Ses armes paraient les coups grâce à son expérience du combat, mais il était content de voir une telle audace chez son disciple. Cependant, la technique, très brouillonne, n’était pas du tout au point. Après seulement deux minutes d’échanges, le maître parvint à trouver une ouverture et donna un coup à Gon qui le toucha au niveau de l’épaule. L’élève recula en pestant. Il saignait. C’était pas bon. Pas bon du tout.

Le salopard, il m’a bien niqué. Ça fait un mal de chien. Bon, heureusement, on dirait que ça ne m’empêche pas du tout de bouger le bras. Je peux continuer à me battre. Il suffit que j’ignore cette douleur lancinante. La douleur n’est qu’une information que le corps envoie au cerveau pour le prévenir d’un danger. Il est possible de l’ignorer. Putain, il faut que je me bouge ! Je suis trop mou !


La douleur qu’il ressentait le mettait en colère. En colère contre lui-même qui avait été trop négligent, mais aussi contre cet homme en face de lui qui se dressait entre lui et ses rêves ! Fou de rage, il finit par foncer vers son adversaire en augmentant le poids de ses lames au maximum possible. Utilisant la vitesse de ses coups, le poids de ses lames et la force de sa charge, il frappa en visant le torse les lames se croisant devant lui. Ne s'attendant pas à tant de véhémence, Honda-senseï para le coup mais fut déplacé de près de cinq mètres en arrière tant l’impact fut violent.
Les sabres forcèrent les uns sur les autres en envoyant de très nombreuses étincelles.
-C'est parti...
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Les traces des pieds du maître semblaient fumer tant le frottement avait été important. Les deux sabreurs se regardaient, les visages séparés par quelques centimètres seulement. De chaque côté de leurs gorges, deux lames les menaçaient. Les biceps bandés au maximum, chacun tentait de repousser l’autre, mais ils ne parvenaient qu’à basculer leurs poids vers l’avant ou vers l’arrière. Voyant que cette lutte était stérile, les deux firent un pas en arrière ensemble et se mirent hors de portée l’un de l’autre. Sans lui laisser le temps de reprendre son souffle, Gon fit un pas vers l’avant et frappa vers le côté de la tête avec le sabre droit et vers l’autre côté des jambes avec le sabre gauche.

Honda-sensei fut obligé d’utiliser ses deux katanas pour se protéger mais laissa une ouverture dans sa garde en plein milieu. Le disciple ne perdit pas une seconde et envoya un violent coup de pied dans l’estomac de son maître qui en eut le souffle coupé. Voulant enchaîner immédiatement pour profiter de cette faiblesse, Gon tournoya sur lui même et enchaîna de coups de sabre le maître qui eut beaucoup de difficultés à se remettre de l’attaque au ventre. Plié en deux, il repoussait tant bien que mal les assauts de son élève.

La vache ! Cette épaule me fait un mal de chien mais je suis en train de prendre le dessus ! Il ne faut surtout pas que je cède à la douleur et que je me relâche maintenant ! Je peux gagner, il faiblit ! Je peux le faire, je le sais !


Mais soudain, alors qu’il tournait toujours sur lui-même, un de ses sabres se heurta et repartit en arrière. La vibration remonta dans son bras et déchargea une douleur fulgurante dans son épaule blessée. Il s’arrêta et vit son mentor, un genou à terre, tenant ses deux sabres ensemble à deux mains, comme s’il ne s’agissait que d’un gros katana. La résistance en était doublée et cela avait surpris Gon. Honda-senseï était visiblement à bout de souffle et de nombreuses entailles avaient saccagé son kimono. On pouvait voir des taches rouges teinter le vêtement, preuve qu’il avait été touché plusieurs fois.

Gon, lui, n’en menait pas large non plus. Son épaule le lançait tellement qu’il avait des fourmillement jusqu’au niveau du coude. Les mouvements violents qu’il avait effectués lui avaient fait perdre beaucoup de sang et il savait qu’il ne pourrait pas continuer ainsi encore très longtemps. Qu’il gagne ou qu’il perde, la fin du combat était pour bientôt.
-Maître ! Finissons-en.

Pour toute réponse, il eut un hochement de tête. Les deux membres de l’école de la lame de plomb se redressèrent et se regardèrent un moment avant de se mettre en position. Ils avaient opté pour une technique différente et changeaient leur garde en fonction de celle de l’autre. Voyant qu’il allait faire une attaque haute, l’un se protégeait le haut et préparait une passe triple. Remarquant cela, l’autre changeait de position pour profiter des failles laissées par la passe triple. Et cætera…

Après une bonne minute, chacun trouva une pose qui lui convenait. L’instant d’après, les deux se fonçaient dessus en hurlant, les sabres prêts à fondre sur l’autre. On entendit deux chocs métalliques et les deux combattants furent propulsés d’un bout à l’autre du tatami. Ils s’écrasèrent mollement et restèrent couchés durant un court laps de temps qui sembla durer des heures. Gon se redressa grâce à ses coudes et grimaça. Son torse était barré d’une grande entaille qui le faisait incroyablement souffrir. Il finit par réussir à se redresser. Ses sabres avaient volé hors de la zone de combat. Puis son regard tomba sur son sensei. Il ne s’était toujours pas relevé.
-HONDA-SENSEI !


Dernière édition par Gon Blacknife le Sam 2 Nov 2013 - 20:35, édité 1 fois
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Penché par-dessus le corps inanimé de son mentor, Gon eut du mal à retenir ses larmes. Les autres maîtres l’avaient rejoint, le combat était de toute évidence terminé. Il posa sa tête sur ses genoux et lui infligea de petites gifles pour tenter de le réanimer mais rien n’y faisait. Il leva un regard suppliant vers les autres maîtres qui regardaient avec insistance autre chose. Suivant leur regard, il vit avec horreur la blessure qu’il venait d’infliger à son père adoptif. Le bas de son ventre était complètement tranché et le sang coulait à flot.
-Ho mon dieu, oh mon dieu…
-Pousse toi Gon !

Maître Hadoc s’approcha et sortit un petit flacon de sa poche. Il poussa Gon et s’installa aux côtés du blessé. Il déposa une dose de crème dans la paume de sa main et en appliqua une grande quantité sur la plaie. Après quelques secondes, le sang ne coulait plus. Le maître du sabre de bois se releva et s’éloigna sans dire un mot. Maître Juubei se releva à son tour.
-Le baume du dragon a arrêté l’hémorragie, mais il ne l’a pas soigné pour autant. Il va lui falloir du temps pour se remettre d’une telle blessure. Mais rassure toi Gon, sa vie n’est pas en danger. Essaye seulement de ne pas me mettre dans le même état quand mon tour sera venu.

Gon essuya ses larmes et se releva. Tous les maîtres formaient un arc de cercle autour de lui. Chacun leur tour, ils le saluèrent. Il avait gagné. Le monde du sabre était de fer, mais aussi de sang. Blesser, ou même tuer son adversaire était monnaie courante. Puis, maître Hadoc se baissa pour mettre le corps inerte de maître Honda sur son épaule et chacun leur tour, ils quittèrent le dojo en silence. La porte se referma, laissant Gon seul avec ses remords.

Putain… putain… putain. Qu’est ce que j’ai fait !? Je me suis laissé emporter par la rage du combat et j’ai levé le fer sur celui qui m’a tout donné et tout appris ! S’il lui arrivait quelque chose, jamais je ne me le pardonnerai ! Je suis… désolé. Maître, je vous en conjure, pardonnez-moi.


Il resta ainsi une heure entière, debout, immobile. Il avait les yeux fixés sur la grande tâche de sang qui restait là où Honda-senseï était tombé, sans même faire attention à celle qui grandissait à ses pieds. Il ne sentait plus la douleur et n’avait plus la notion du temps qui passe. La porte du dojo s’ouvrit timidement et Mila passa la tête dans l’embrasure puis poussa un hurlement strident.
-MON DIEU GON ! GON ! TU M’ENTENDS ?!?!

Sortit de ses pensées par le hurlement, Gon tourna lentement le regard vers sa femme. Mais il avait comme un voile devant les yeux et se mouvait comme si l’air était lourd. Il avait l’impression de se trouver dans de la gelée et que chacun de ses mouvements était un effort considérable. En voyant Mila courir vers lui avec une lenteur irréelle, il sourit en levant le bras.
-Jai… … … gagné… … Mila.

Alors qu’elle arrivait à sa hauteur, Gon s’effondra.

GGGOOOOOOOONNNNNN!!!!!!
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