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Y a comme un trou

Dans l'épisode précédent :

Le bruit. Le sol qui s'effondre sous mes pieds. La chute. L'explosion arrache la base de la tour. La hauteur dégringole. Ils doivent être contents dans l'autre tour, ils doivent croire que c'est notre faute.
Comment j'ai pu rater ce coin ? Comment j'ai oublié de vérifier en bas ?
Tout en bas ...

Merde.

Un trou dans le sol. Là où la réserve de munition était, hein ? Je le distingue alors que je tombe, que tout tombe. Les pierres, les éclats de bois. Les gens. Les marines. Les pirates. Et moi.

Dans certains livres, le héros voit sa vie défiler avant de mourir. Mais il ne meurt jamais, vraiment. Non ?
Je peux pas mourir. Je suis trop ... géniale.
Et j'ai pas atteint mon but.
Si j'avais été un héros, j'aurais sans doute pu sauter de débris en débris, ignorant leur chute le temps de rebondir. Me sortir de ce piège de pierre et de ce trou qui va m'engloutir. Qui m'a englouti.

Faut croire que je suis pas un héros de livre.

Zut de mince.



L’atterrissage. Je tape les pieds. M’accroupis et pose les mains. Amortir ce qu'il est possible d'amortir. Le choc, tout de même. Brutal, douloureux. Mes os me font mal. Les derniers débris qui s'écrasent avec moi. Les derniers corps. Entre ce qui a été expulsé dehors et ce qui a frappé le sol avant moi, je ... ça va. Aucune pierre ne m'écrase, même si j'en reçois une dans le bras droit. Une dans le dos. Et d'autres éclats plus petits, à peine des égratignures.
Quelqu'un a amorti ma chute quand je lui suis tombée dessus. J'ai trop mal pour me relever, pour avoir envie de me relever. Mais y va bien falloir. Je me redresse. L'autre n'a toujours pas bougé. J'ai ... pas envie de voir ce que j'ai peur de voir. Mais ... je dois le regarder. Et je le vois bien. Ce marine n'a pas survécu. Y a même pas de question. Personne pourrait survivre la tête aussi plate sous une pierre aussi grosse.
Sous la surprise, avec la peur aussi, je recule d'un coup. Me reléve brusquement pour m'éloigner de lui autant que possible. Fuir. Je retombe au sol, ma cheville a glissé. Ne ne veut plus me porter.
Fichtre, me suis tordue la cheville.

Comme si ça suffisait pas. Je me traîne sur les fesses, observant le carnage. Un marine a commencé à se relever. Il a l'air de s'en être bien tiré. Enfin, mieux que moi ... mieux que tous les autres, surtout.
Ah non, ça bouge ici. Et là-bas. Quelques pirates, un ou deux. Un peu de marines aussi. Le Caporal Dan passe sa tête par-dessus une pierre. Je vois pas Fioutron. Et un quatrième marine se fait entendre. Le bras coincé sous une pierre. Les pirates sont pas mieux que non. Ils sont même pires. Il en reste combien ici ? Deux finalement ? ... On se retrouve plus nombreux que les pirates après tout ça ?
C'est pas croyable ...
La chance ? Ou les marines d’Élite sont vraiment plus costauds que les autres ? Sans doute les deux. Surtout la chance.

- Vous pouvez vous marcher Caporal Dan ? Essayez de le sortir de sous cette pierre, vous deux. Je pense ... ma cheville. Elle est cassée. Ou foulée. Ou entorsée. Je peux pas tenir debout en tout cas.

Je pose mon dos contre un mur de pierre, les fesses sur une chaise. Les deux marines aident le troisième à s'en sortir. A se relever ... il a l'air d'avoir toujours son bras. Pour le moment en tout cas. Vu comme il saigne ...

J'ai un sale goût dans la bouche. Un goût de vomi que j'empêche d'aller plus loin. Faut que je tienne. C'est dégoûtant. Il va me falloir de l'eau. Pour me laver ma bouche. Pour faire passer ce goût de ... de ... beurk.
Faudra que j'embarque un dictionnaire la prochaine fois. Pour ... lire des mots et ce genre de choses.

C'est pas le moment Gallena, c'est pas le moment. Faut que je me concentre. On est où là ? Une grotte, visiblement. Une sale fichue grotte toute moche qui a été découverte par l'explosion. Au-dessus de nous ? Beaucoup trop de hauteur. Beaucoup beaucoup trop. Si j'avais eu mes deux bras et que j'étais en forme, j'aurais même pas été sûre de pouvoir en sortir. Là, maintenant ...
Non.

Je peux pas.
P...zut. Zut de zut de zut de zut.
C'est une catastrophe.

Je ramène mes jambes contre moi. Je continue à les regarder, eux qui sont bien vivants. Je suis vivante moi ? Bien sûr que je suis vivante.
Contrairement à tous ces gens ... c'est ma faute. J'aurais dû faire fouiller en bas. J'aurais dû le faire moi, même.
C'est pas vrai.

Si c'est vrai.

C'est arrivé. Je peux rien y faire.

J'ai comme une envie de pleurer. Mais je vais pas pleurer. C'est un carnage, j'ai atterri sur un homme qui était déjà mort, tout est de ma faute. Mais je ne vais pas pleurer. Pas plus que j'ai vomi. Je suis forte. Et je le reste.
M'appuyant sur le pied droit, ma main gauche contre la paroi, je me redresse doucement. Un bras qui pendouille et une jambe qui tient plus debout, voilà la glorieuse Gallena. Bon sang de zut.

- Sergent Scorone ?

Oui ?

Oh, pardon.

- Oui ... Caporal Dan ?
- Quels sont vos ordres ?
- Oh ..oui, mes ordres ... On est où là ? Pour commencer.
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Putain !

Encore une chute. J’dois avoir un abonnement. A résilier au plus vite dès l’retour à la civilisation. En parlant de ça, d’ailleurs… Dan fouille dans son uniforme pour en ressortir de la chique. Il en avait avant l’explosion. Il l’a ptet crachée ou avalée pendant qu’on s’cassait la gueule.
« Sergent, je pense qu’on est dans la Flaque. Le réseau de galeries en partie immergées sous Reverse Mountain.
- Ah… C’est par où la sortie ? »
Il hausse les épaules en mâchant.
« Quelqu’un a une idée ? »
Il fait le tour des visages. Une demi-douzaine, qu’on est. Quatre mouettes pour deux pirates, dont ma cible heureusement, qui n’a pas souffert plus que ça. J’suis sûr qu’il a balancé un Geppou l’air de rien. Enfin, à peu près sûr. Comme j’étais accroché à lui, ça m’a amorti le choc, plus que mes roulades, et mon mini-Tekkai improvisé.
J’ai juste eu à me remettre deux doigts de la main droite en place, à la dure. J’ai serré les dents tellement fort que j’ai cru que j’allais me les péter. Puis cligné plusieurs fois frénétiquement des mirettes pour virer les larmichettes.

De ma main valide, j’touche l’énorme œuf de pigeon qui commence à apparaître sur le côté de mon front. Personne a d’idée, pour la sortie. A la lumière du trou tout en haut, on commence enfin à examiner sérieusement ce qui nous entoure.
On est sur une estrade rocheuse au milieu de la flotte qui s’sépare en deux branches autour de nous. Y’a des stalagmites qu’auraient sérieusement pu nous embrocher si on n’avait pas été un peu chanceux. L’eau arrive de l’obscurité, apparaît dans notre bulle de lumière puis repart dans l’obscurité plus loin. Impossible de savoir où faut aller. Avec des débris tout autour de nous et dans le courant, qui font des bulles. Au moins, l’eau a pas l’air très profonde.

« Euh… Faudra choisir une direction, je suppose, Sergent, reprend le Caporal.
- Oui, une direction. Des suggestions ?
- Si on descend le courant, ce sera moins fatigant, non ? Que j’propose.
- Et on pourrait utiliser le bois des planchers qu’est tombé avec nous comme bouées, ajoute Dan.
- Et si ça mène nulle part ? »
Y’a que le silence qui répond. Si ça mène nulle part, faudra remonter tant bien que mal, plutôt mal vu nos états respectifs. Autant dire que ça daubera bien pour nos fions.

Ainsi fut fait. Comme j’étais un des moins mal en point, j’ai gardé mon collègue du sixième bureau et gagné le Sergent Scorone en prime. Résultat, j’tiens par la laisse le pirate infiltré et j’soutiens Gallena. Comme elle est plus p’tite que moi, c’est vraiment pas pratique.
On a trouvé deux planches en relativement bonne état. Suffisamment longues et épaisses pour bien flotter, en tout cas. Et on a pris des p’tits bouts d’bois pour faire des torches, qu’on a mis cinq bonnes minutes à allumer avec nos briquets.

Ouais, maintenant, on a l’air vachement prêts à partir. J’aime pas miser une chance sur deux, mais descendre le courant, c’est encore le mieux. Rien que parce que remonter, ça va être la galère, avec les blessés et les prisonniers. Déjà que le séjour dans l’eau leur fera pas spécialement du bien…
D’ailleurs, l’eau, elle est froide, putain. A force de couler sous terre, loin du soleil, elle est même glacée. Bon, au moins, ça doit bien marcher contre la douleur. Par contre, ça engourdit sec les membres. On claque tous des dents.
« On y va ! Fait Scorone. »

Au départ, tout le monde battait des pieds avec bonne volonté. C’est qu’il fallait se réchauffer, être sûr qu’on allait pas devenir tout bleu et s’endormir. Puis l’énergie a diminué, on a préféré s’économiser. T’façon, le courant nous poussait. Heureusement que les deux poutres étaient reliées par de la corde, aussi, pour pas qu’on soit séparé. A la lumière des torches, on pouvait voir les murs autour de nous, des trucs qui flottaient. Rien de bien jouasse.

« Hé, Sergent, c’est quoi plus loin ? On dirait que…
- Que ?
- Que le courant passe sous l’eau ?
- Quoi ? C’est pas clair, là.
- Le plafond descend ! On pourra plus respirer !
- Nagez dans l’autre sens ! »
Mais le courant, il voulait pas. Ca s’était pas mal étréci donc le débit de l’eau avait augmenté. Mais la flotte, faut bien qu’elle sorte quelque part. C’est ce que j’me dis en contemplant mes derniers instants avant d’mourir noyé.

« Ret’nez vot’ souffle ! Gueule Dan. »
J’hyperventile depuis tout à l’heure. Paraît que ça dilate les poumons. J’l’ai lu dans un bouquin y’a perpette. Puis j’prends une grande inspiration et j’tente de calmer les battements de mon palpitant. Les yeux ouverts même si ça pique sous l’eau, j’surveille mes camarades de poutre, l’Sergent et l’collègue.
Le bout de bois tape contre le plafond, celui-ci érafle nos mains assez brutalement. Avec le froid, c’est qu’une légère gêne. On reste aussi immobile que possible pour pas cramer l’oxygène de nos poumons. J’sais que derrière nous, toujours reliés à la corde, y’a l’autre trio.

Les secondes passent. J’sens qu’on avance, et même plutôt vite. Mais toujours le plafond rocailleux qu’on sent. En plus, on est dans le noir absolu maintenant, vu que les torches ont pas survécu au passage sous l’eau sans surprise.
J’garde tout l’air dans ma cage thoracique. Elle commence à chauffer. J’ai compté les secondes d’apnée. C’est l’moment de battre mon record. Une minute. Ca devient plus qu’un boyau. Si à la fin, y’a plus qu’un p’tit filet d’eau qui peut circuler, on va finir comme des merdes, tous tassés contre une bonde.

Deux minutes. Ca s’agite autour de moi, dans le courant, un peu. Normal. La perspective est pas joyeuse. On atteint les trois minutes, enfin j’crois, pasqu’entre le battement du sang dans mes tempes et le stress, j’ai ptet accéléré un peu.

Puis tout d’un coup, on tombe. A travers de l’air. Encore une chute, putain ! Enfin, ce coup-ci, j’m’en plains pas. J’expire puis j’inspire, plutôt. On retombe dans de la flotte, mais y’a pas de courant. L’autre trio nous tombe limite dessus. J’manque de m’faire assommer par leur bout d’bois.
On s’arrête, on vérifie que tout le monde va bien. On frappe sur un Marine… pour lui faire cracher l’eau qu’il avait inspirée, évidemment. Et il vomit à côté de nous pendant qu’on s’écarte de quelques vigoureux battements de pied.

Enfin, on jette un coup d’œil autour de nous. Y’a des cailloux phosphorescents ou fluorescents. Ca éclaire un peu. On est dans une large caverne avec un courant paresseux entre des berges caillouteuses. On devrait remonter histoire de faire une pause. Ca continue un peu plus loin. Y’a des stalactites qui ont rejoint les stalagmites pour faire des colonnes, c’est plutôt mignon. J’vais pour enfin griller une clope, mais j’ai paumé mon briquet et elles sont toutes mouillées. Chiasserie.

On s’repose enfin sur les rochers quand quelque chose s’agite au milieu de la caverne. Ca devait être plus profond que j’pensais. Vachement plus dangereux, aussi. Un tentacule gris blindé de ventouses sort à l’air libre et s’agripe à une colonne.

Oh. Putain.

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Un tentacule gigantesque pour une journée parfaite. Le monstre géant devait être en promotion, ça n'arrive jamais d'habitude. C'est soit des humains, soit des monstres géants. Depuis quand je suis censée m'occuper des deux la même journée ?
Alala, c'est vraiment n'importe quoi Reverse Mountain.
Au moins on a improvisé deux attelles, une pour mon pied et une à mon bras. Avec des bouts de planches et des tissus de morts.

- J'ai bien fait de laisser mes boucles dans ma poche.

Mais je dis quoi moi ? C'est le manque d'air qui m'est monté au cerveau ?
Et pourquoi pas. Le tentacule commence à s'enrouler à la colonne. Sans doute pour nous impressionner. D'autres émergent à sa suite, un, deux, quatre, dix, non, neuf. Donc dix au total. Ça fait beaucoup, je dois dire. Plus d'un par personne. Et nous ne sommes que six. Non, quatre.

La plupart commencent à s'enrouler autour de stalagmites. Et tites. Et autres colonnes de pierre.

- Je me demande ce que ça mange ça.
- Des humains Sergent.
- Je voulais dire, en temps normal. Doit pas y avoir des humains qui passent souvent par ici quand même. Enfin on ferait mieux de se concentrer sur la question.
Ça fait longtemps que vous êtes passé au Ban ?

- Ça va.

Le Caporal mâche toujours sa chique. Dommage que ça se mange pas, je commence à avoir faim après toute cette réflexion. Et les efforts, ça joue aussi.

- J'ai déjà tué un lézard géant, une fois. En lui crevant les yeux et en le faisant tomber dans une fosse.
- On a pas de fosse et pas d'yeux Sergent.

Il est quand même vachement bavard ce marine. Plus que les autres, que je dois intimider. Bon, sauf les caporaux, eux ils ont pas le choix. Les autres ... non, chaque chose en son temps. Je ferais la triste après. Puis c'est pas aussi grave que le départ d'Acceril.

Acceril. Il aurait pas dû me laisser, lui. Moi qui comptait sur lui. Pendant que je pense à mon frère, la tête du monstre, un genre de seiche géante émerge hors de l'eau. La créature continue avec ses tentacules. Pour arracher ces colonnes ? Pour nous faire peur ?
Ou nous laisser le temps de nous organiser ?
C'est qu'une bestiole, bien sûr qu'elle va pas penser à ça.

- Bon, si vous êtes passés au Ban, vous savez vous servir d'armes improvisées. Peut-être pas à la perfection, mais on a que ça. Prenez des pierres et ces couteaux. Les pierres pour les lancer. On vise les yeux. Les couteaux si un tentacule approche trop près. Pour vous libérer.

Des couteaux, j'en ai plein. Enfin, en nombre suffisant pour nous quatre. Mais ils sont pas vraiment faits pour ça. Ils sont là pour être lancés. Et j'aurais jamais cru en avoir besoin dès aujourd'hui.
J'enlève mes gants et les accroche à ma ceinture.

Alors comme s'ils n'attendaient que ça, quatre tentacules passent à l'assaut. Arrachant leurs blocs de pierres, les filaments gluants passent à l'attaque. Le monstre marin des grottes tente de nous écraser comme avec des marteaux. Quatre gros marteaux pour les six petites taupes que nous sommes.
Pourquoi les autres bras n'interviennent pas ? Ah, je vois. Trop de choses à gérer à la fois. Trop de bras qui frappent, trop de gens qui courent. Pas assez de cerveau pour agir. Et pour la créature, nous sommes trop petits pour qu'elle puisse tout marteler.
Et puis elle s'en sert pour rester hors de l'eau.

Le quatrième marine, celui qui n'a plus qu'un bras, il s'avance trop. Il prend des risques. Il se fend, blesse un tentacule. Il prend trop de risques, comme le lui rappelle le tentacule, lâchant sa pierre brusquement pour le fouetter.
Il tape la pierre dans un cri et s'effondre.
Plus que trois. Déjà.
Et les pirates ? Ils se sont abrités derrière un caillou. Les idiots, ça ne les protégera pas.

- Caporal, allez libérer les pirates. S'ils nous aident, je m'engage à les laisser partir une fois sortis de cette grotte. Après tout ce qui se passe aujourd'hui ... ils auront qu'à jamais recroiser ma route en étant du mauvais côté.
- De la chaussée ?
- De la loi, Caporal. Vous, allez protéger votre camarade à terre.

Je parle au marine béquille. Enfin bavard. Oh et puis zut, je connais le nom ni de l'un ni de l'autre, de toute façon.

Mon pied tient quand je le pose. Mais pas question de courir. J'hésite les rochers par des bonds à moitié loupés, des roulades foireuses et je me fais un peu plus mal à chaque fois. Je suis trempée, je vais attraper un rhume et le poids de l'eau sur mes vêtements me ralentit encore plus.
De la main gauche, un couteau de lancer en main, je défie le monstre dans un instant de répit.

- Eh, l'encornet !! C'est pas parce que t'es trois fois plus grand que moi et deux fois plus fort que tu me fais peur ! Je suis Gallena Scorone et c'est moi ton adversaire !

Mon but ? Faire le plus de bruit, être la proie la plus ennuyante pour ce machin des lacs sous-terrains. Bref, le distraire. Et ça marche un peu. Deux tentacules pour moi ? C'est trop d'honneurs.


Cette seiche est trop grande, trop grosse, trop forte. On peut pas le vaincre. Mais tout ce qui vit dans l'eau doit y retourner. On joue le sablier. Et on survit. Mon pied me fait souffrir. Chaque pas est plus difficile. Mais j'ai pas le choix. J'ai trop foiré. Je dois au moins réussir ça. J'ai pas le choix.

J'ai pas le choix. Ah. C'est une bonne blague. On l'a toujours. J'espère survivre pour pouvoir la répéter. Quatre couteaux utilisés. Ça veut dire qu'ils m'en reste six.
Tant pis, je pourrais en racheter plus tard. Ce ne sont que des outils.

- Tu sais mon gros ? Les repas, ça fait pas que fuir. Ça se défend aussi !

Un couteau vers un œil. La créature se décale. Pas assez pour éviter le second couteau. Le monstre n'a pas de paupière. Dommage pour lui. Ça ne lui perce même pas l’œil, mais je sais ce que ça fait d'avoir de l'eau dans les yeux. Alors une lame pointue dans l’œil, ça fait évidemment mal.

Un tentacule me frappe soudainement et m'écrase. Il se soulève et un autre arrive. Un peu après, un troisième m'écrase. Mais le monstre se replie. Il n'y a pas de quatrième choc. Il a paniqué. Il a battu en retraite, lâchant ses prises aux murs. Les brisant en morceaux. En s'agitant, il a coupé ses ancres.

Aplatie, je respire lourdement quand on vient m'aider à me redresser. Qu'on me hisse sur le dos de quelqu'un. Je dors à moitié, je vois pas qui c'est.

- Je vais plus avoir d'os à la fin de cette journée. Faut pas rester ici, cette bestiole va pas tarder à revenir.

Puis je me laisse transporter. Je crois même que j'ai pioncé à un moment.
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Une chute, une quasi-noyade, et un céphalopode géant. J'crois qu'on fait la totale, aujourd'hui. Une journée bien remplie comme on les aime, et qui, sans cette saloperie d'explosion, aurait pu être finie sans cette trinité d'événements dans lesquels on a tous failli laisser notre peau.
Le Sergent Scorone en tête, d'ailleurs. Au moins, personne pourra dire qu'elle y met de la mauvaise volonté. Pendant que j'glandais vaguement avec les tentacules dans mon coin avec les autres, elle a fait l'appât et tout. Elle a même proposé de libérer les pirates s'ils nous filaient un coup de main. Du coup, exit les plans tordus pour laisser le collègue du CP6 s'enfuir, il a juste eu à faire de la figuration, à filer un peu d'aide au Caporal Dan quand l'besoin se faisait sentir et hop ! Ciao. Enfin, quand on sera sorti.

Là, j'ai Gallena sur le dos à porter, sur une corniche étroite qui surplombe l'eau de quelques mètres. Une chute qu'on n'a aucune envie de faire, forcément. Et comme on avance à la lueur tremblotante et qui laisse franchement à désirer d'allumettes un peu humides, à chaque pas, j'manque de m'casser la gueule. Heureusement, des collègues Marines s'assurent qu'on fasse pas la dégringolade, ayant toujours une main ou un bras à tendre pour m'aider à rétablir mon équilibre. Bel esprit d'équipe digne des mouettes, et j'vais pas m'en plaindre.

On fait des pauses fréquentes. Avec les différents blessés, dont le Marine qu'il faut re-garotter, et ceux qui trimballent lesdits blessés, on doit bien s'arrêter toutes les demi-heures. Les estomacs gargouillent, et plus personne lâche un mot, vu que les gorges sont sèches, les langues enflées. J'suçote un caillou, pour faire illusion. Ca marche pas trop.

Au bout d'un long moment, j'sais pas combien exactement mais ça m'rappelle quand j'étais coincé sous le Cimetière d'épaves avec Alrahyr... Ah, Alrahyr, que j'ai aperçu à nouveau. Putain. Ouais, le sol devient légèrement pentu. Mais ça descend. Donc on retourne au niveau de l'eau, et la lumière d'une de nos dernières allumettes éclaire une imposante forme sombre. Elle s'trouve de l'autre côté de l'eau, dont on connaît ni la profondeur, ni la longueur exacte. On n'a plus ni bois, ni cordes, et on est dans un cul de sac. Autant dire que ça craint un peu. J'ferme les yeux quelques secondes pour les reposer, puis j'sors mon briquet. Il devrait encore marcher, lui.

Frouf !

La portée de la lumière conjuguée des allumettes et du briquet montre quelques planches vermoulues comme si ça faisait des années que ce qui semble être une épave est là. Une carcasse éventrée, plutôt. D'où on est, on voit l'entrepont. Enfin...
Caporal ?
- Oui, Alberto ?
- On n'a pas trop l'choix, hein ?
- Non, Alberto. Mais on va pas pouvoir trimballer les blessés de l'autre côté comme ça. Il faudrait voir s'il reste pas de la corde dans la mâture ou dans les stocks.
- C'est un navire pirate ?
- Probablement, p'tit gars. T'es toujours aussi ambitieux que quand on était à l'air libre ? Parce que t'as gagné le droit d'aller voir. Bonne chance.

Chiasserie. Bon, j'l'ai p'tet pas volée, remarque, cette affectation forcée. J'pose plus ou moins délicatement le Sergent par terre, où son souffle régulier m'indique qu'elle se repose toujours. Elle m'a soufflé dans l'oreille pendant des plombes, c'était horrible. J'crache mon caillou et j'étire mes bras un peu ankylosés. J'en profite pour regarder les doigts que j'avais remis en place manu militari tout à l'heure. Un peu violacés, quand même. Mais ils bougent à peu près, ça devrait se tasser. Si on sort de là. J'nous vois d'ici, bloqués quarante piges dans la Flaque, ressortir avec des barbes de trois mètres. Y compris Gallena Scorone, ha.

L'eau est aussi glaciale que dans mon souvenir pas si lointain. Faut dire, mes sappes sont encore humides et frottaient déjà désagréablement contre ma peau. Pour les Marines, ils auraient pu avoir des uniformes tout doux et légers dans l'eau, non ? Le côté marin, tout ça. M'faudrait un costume Sea Wolf, p'tet, tiens. C'est un peu m'as-tu-vu mais rudement pratique à l'occaz'.
Et j'ai rapidement, en deux-trois pas, plus pied. Donc j'nage. Ca va que le courant est plutôt paresseux, mais c'est large à traverser quand même.

Essoufflé et un peu glacé, j'me hisse en grelotant à la force des bras dans le navire. J'm'ébroue, sans grand succès à part faire circuler un frisson dans tout mon corps. Et j'me mords la langue. Putain. J'ressors mon briquet, l'allume. Ouais, c'est bien une épave échouée et éventrée sur un haut-fond de caillasse. Mais les morceaux qui restent ont l'air de tenir le choc.
J'suis bien à l'entrepont, encore qu'il reste que dalle du pont à part trois planches brisées qui soutiennent nada. De la corde, me faut de la corde. A la lueur de mon briquet, puisque le bois est trop pourri et humide pour s'enflammer, j'explore vite fait mais précautionneusement ce qui reste du bateau, jusqu'à trouver des rouleaux de corde. Ca devrait le faire. M'faut cinq bonnes minutes pour la dérouler puis l'attacher en un noeud serré vaguement marin autour du grand mât, puis j'me prépare à faire la traversée dans l'autre sens.

Une fois là, bien claqué, j'les laisse attacher la corde où ils veulent. On utilisera ça pour se hisser de l'autre côté et improviser la suite des événements. Le Sergent s'est réveillée de son coma bienfaiteur, aussi. Bref, on s'traine jusqu'au bateau.
Explorons plus en détail, commande Gallena.
- Sergent, oui, Sergent !

La cabine du capitaine, où j'me trouve, est pas très intéressante. Les livres avaient moisi sur place et tenaient davantage du champignon que du carnet de route, désormais. Et la moitié du beau mobilier avait dû tomber à la flotte par l'immense ouverture du flanc du navire.
Un cri nous attire tous vers la cale, celui d'un marine qui, à la lueur d'une allumette, nous pointe un beau p'tit magot. Ha, les légendes de la Flaque sur les trésors enfouis et les frets dorés étaient donc vrais ! Super, ça nous fait une belle jambe. J'dirais même que marines et pirates célèbrent la découverte du pognon. Y'a juste un p'tit souci, c'est que l'or, ça s'mange pas, et qu'on est toujours coincé là.

Tout d'un coup, une secousse. Du genre méchante. On s'regarde dans l'blanc des yeux, on regarde le plafond. Rien qui semble se casser la gueule, ce coup-ci. mais l'épave est vachement déséquilibrée. On sent le ressac du courant. Et à mon avis, elle flottera pas trop.
On s'précipite comme un seul homme sur le château arrière. Y'a plus de courant qu'avant, de grosses vagues qui soulèvent à intervalle régulier le bateau, le détachant toujours plus du nid de roche sur lequel il est échoué. Puis le bateau est dans le courant, gîtant salement, prenant sûrement la flotte. Et, à la lumière d'une allumette jetée derrière nous, on distingue fugacement les tentacules de notre bon vieux pote la seiche géante. Hargneux et rancunier. Il a pas dû voir un repas aussi juteux que nous passer dans l'coin depuis longtemps. Ptet bien depuis le bateau dans lequel on s'trouve, même.

Ironie du sort, c'est la seiche qui provoque l'accélération du courant en remuant, en faisant tomber des rochers gros comme trois fois moi dans l'eau. Et du coup, il arrive pas à nous rattraper. J'ai un rictus mauvais. Ha, connard, ça t'apprendra.

Mon collègue du CP6 est à la proue, lui. Pas que ça serve à grand-chose, on n'a ni gouvernail ni voilure, mais bon. Il gueule un avertissement. De s'accrocher ou quoi. J'ai juste le temps d'attraper une rambarde de mes deux bras qu'un immense choc nous projette vers l'avant.
Des cailloux plus ou moins gros s'fracassent tout autour de nous. On a percuté un putain d'mur. Et vu qu'on avance toujours, on a dû passer au travers. Derrière nous, ça s'éboule sec. Un tentacule sur le point d'nous chopper se fait méchamment rabrouer par un rocher avant de disparaître dans l'obscurité. Et j'ai paumé mon briquet.

J'lève les yeux, c'est vachement plus lumineux, là où on est. Il fait jour, déjà. Dans le lointain, le temps qu'nos pupilles s'acclimatent à la lumière du beau blond, on distingue le Cap des Jumeaux. Et on est tous là. Le flux et reflux paresseux des vagues nous pousse tout doucement vers la ville, tandis qu'on s'laisse aller à soupirer, respirer, se relaxer. Une fois proche de la terre ferme, les deux pirates s'évaporent comme neige au soleil sous nos regards indifférents. C'est que ça va bientôt être mon tour de déserter l'équipage et d'disparaître comme si j'avais jamais été là...

On s'rait sorti d'affaire ? Eux, p'tet. Moi, faut que j'aille à Mariejoie... Putain, si j'dois monter les escaliers pour retourner de l'autre côté de Redline...

Chiasserie de radins du Cipher Pol.

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