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Bienvenue à Hell's Kitchen



Bienvenue à Hell’s Kitchen


Présent
✘ Solo




Du brouillard, à perte de vue, autant dire jusqu’à trois mètres devant le gros groin vert de Borat. Un véritable mur d’une brume dense à couper au couteau, d’un blanc éclatant en absorbant toute la lumière qui venait de l’extérieur. Nous avions allumés les lampes accrochées tout autour de la maison, éclairant la pénombre omniprésente des lueurs vacillantes des flammes. Cela faisait près de deux jours que nous nous trouvions dans cette purée de poix, après avoir fuit une tempête terrible qui nous avait séparés du reste de la flotte des Sandstorms. Et, malheureusement pour nous, Megumi n’était pas dans la maison lorsque la tempête avait frappé, ce qui avait mit en exergue un problème majeur : ni moi, ni Jack, ni même un des tontattas, étions foutus de naviguer sur ces eaux tempétueuses. Et dans ce brouillard, ce n’était  même pas la peine d’essayer.

« Tu vois quelque chose Borat ? » hurlais-je pour que le cochon m’entende, la tête sous l’eau.

~ Gruiiiik Gruiiik Grugruik ! ~ mugit le pachyderme en sortant son énorme groin de sous les flots.

« Woh ! Ton langage mon pote ! » m’exclamais-je amusé en mimant un air choqué. « En tout cas ça pue, j’crois qu’il y voit foutre rien. »

« Et t’es sûr que t’arrive à le comprendre ? » demanda Jack à mes côtés.

« Pas du tout ! » répondis-je en me tournant vers lui en ricanant.


Les heures passèrent sans que le paysage ne change, Borat brassant les eaux prudemment de ses oreilles géantes. Avec Jack, nous nous étions retranchés sur le balcon du deuxième étage. À défaut d’admirer la mer, nous avions décidés de picoler pour passer le temps. Morpheo était roulé en boule sur la table-basse à ronronner calmement. Décidément, ce chat n’était jamais perturbé par quoi que ce soit, toujours tranquille en toute occasion. Une pinte de bière à la main, nous avions même ramené un tonneau avec nous pour éviter de faire des allers-retours avec le rez-de-chaussée.

Le brouillard ne semblait pas vouloir se dégager et je gardais les yeux rivés sur le gyropose, tentant tant bien que mal de nous orienter en criant mes ordres à Borat. Mais, je n’avais clairement pas les compétences, la drôle de boussole à multiples aiguilles tournait dans tous les sens sans que je n’arrive jamais à garder un cap précis. C’était un métier après tout, et ce n’était pas mon domaine d’expertise.

« Et pourquoi tu t’sers pas de tes pouvoirs pour flotter au-dessus du brouillard ? » proposa Jack en pointant du doigt le plafond brumeux.

« Hm ouais ça peut fonctionner. Va dire à Borat de s’arrêter, j’ai pas envie de tomber à la flotte en redescendant. »

Il disparut aussitôt dans la maison, réveillant Morpheo au passage qui ouvrit un œil pour m’observer fixement. Les mouvements de brasse du cochon géant se stoppèrent alors que ‘Liquor’ Jack en contrebas me faisait signe que je pouvais y aller. Je m’assis confortablement dans ma chaise longue, le regard vers le haut. Je levais alors légèrement ma main droite, paume ouverte, alors que je visualisais l’action que je souhaitais entreprendre.


RISE



Formant une zone autour de la chaise longue, cette dernière se mit à se soulever dans les airs, assez doucement pour ne pas basculer et tomber lamentablement. En effet, l’objet était affecté par le soudain changement gravitationnel mais pas mon propre corps. C’était là un des caprices de cette capacité, mais qui revêtait plus d’avantages lorsque l’on s’y habituait. Le siège montait peu à peu, rapidement engloutit par le manteau blanc brumeux, si épais que je fus trempé en quelques secondes.

Je n’y voyais absolument rien, mis à part cette lueur blanchâtre aveuglante omniprésente qui m’obligeait à plisser des yeux. Aucun son ne me parvenait non plus, seul le silence aussi pesant que le brouillard. Je continuais de monter, porté par la chaise anti-gravitationnelle, faisant face à une lumière blanche de plus en plus intense comme si j’étais passé de l’autre côté. Je sentis alors quelque chose s’accrocher à ma jambe et la remonter.

~ Meoow ? ~ miaula l’animal reconnaissable.

Il avait dû s’accrocher à la chaise lorsqu’elle s’était mise à flotter et, contrairement à moi, il était également attiré par mon pouvoir. À tâtons, je finis par le trouver contre mon mollet, se servant de l’intérieur de mon genou dans son dos pour ne pas s’envoler. Le tenant fermement, je le posais sur mes genoux, le maintenant seulement pour ne pas qu’il décolle. Finalement, à force de monter, nous sortions de la brume. Le soleil m’atteignit violemment, je baissais alors la visière de ma casquette au-dessus de mes yeux pour m’en protéger. Élevé haut dans les airs, la vue était imprenable, d’un côté tout du moins. Un ciel bleu parsemé de nuages qui surplombait une mer séparée en deux. D’un côté, au-dessus de là où je me trouvais, s’étendait ce brouillard épais à perte de vue et, de l’autre bien plus loin, la mer était dégagée, calme et claire. Le soleil se reflétait dans l’eau, chatoyant et attirant, illuminant les poissons qui dansaient en bancs sous la surface.

Cependant, c’est autre chose qui attira mon regard, au loin à l’horizon, dessinant son ombre, longue, sur le pourtour du monde. De mon point de vue en hauteur, je ne voyais qu’une longue forme longiligne, qui apparaissait d’un côté où la mer était dégagée et disparaissait à son autre extrémité dans le  brouillard, pointant de hautes formes au sommet de la brume. J’avais pris le gyropose avec moi mais, en y jetant un œil pour mémoriser l’aiguille à suivre, je me rendis compte qu’aucune d’entre elles ne pointaient vers l’ombre longiligne.

« Intéressant...dis-moi Momo, on va du côté où c’est calme et pour l’instant il n’y a rien, ou de l’autre où une grande ombre imposante s’étend à perte de vue avec une grosse partie d’inconnu cachée par le brouillard ? » demandais-je tout sourire en câlinant l’animal sur mes genoux.

~ Meow meow!~ s’exclama-t-il apparemment enthousiaste.

« Je m’en doutais, c’est partit pour l’aventure ! »




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Présent
✘ Solo




De retour sur Borat, nous avions mis le cap droit vers la forme qui occupait l’horizon, longue ombre qui profilait bien des curiosités. Le cochon géant vert, remotivé par la promesse d’un endroit pour se reposer, utilisa le restant de ses forces pour brasser puissamment les flots de ses grandes oreilles. De nouveau postés sur le balcon, nous assistions à l’accélération soudaine du pachyderme pressé, nous accrochant à la rambarde en observant les vagues qu’il formait dans son sillage.

En un rien de temps, nous nous retrouvions dans la pénombre, alors que les contours du mystère se dessinaient à travers le brouillard. Proche de ce qui semblait être une construction humaine, la brume était moins épaisse, ma vue s’accommodant peu à peu pour finalement apercevoir ce qui nous surplombait. Un pont, immense, plus que ça même, s’étendant plus loin que l’horizon l’aurait permit, même sans le brouillard. Et assez large pour que des habitations aient été construites, éclairant les lieux et brisant le silence par leur activité.

Nous passions sous une des grandes arches entre deux pieds immenses du pont, de nombreux navires y étaient accostés autour de pontons de bois et de pierre qui enlaçaient les piliers gigantesques. Même un géant se serait sentit comme peu de chose face à un tel édifice. Approchant prudemment, je décidais de guider Borat vers un ponton où peu de navires étaient accostés. À un endroit où un renfoncement sous-marin dans le pilier permettrait au cochon géant de se reposer. Ainsi installés, discrètement selon moi, je m’habillais en conséquence, m’équipant de quelques outils bien utiles. Mon habituel sweat-shirt noir, une casquette et un pantalon cargo de la même teinte, j’étais fin prêt pour l’action si jamais elle se présentait à moi. Et, poissard comme je pouvais l’être, on ne savait jamais quand les choses dégénéreraient. Comme à son habitude, Jack ne quitta pas la taverne, affirmant qu’il avait des trucs à faire et un établissement à surveiller. En réalité, le barman était un grand timide, chose qui n’était pas évidente à voir lorsqu’il se tenait fièrement derrière son comptoir, mais à l’extérieur il semblait atteint d’une agoraphobie très forte.

Ainsi, accompagné par un Momo caché dans ma capuche et une dizaine de tontattas, nous descendions sur le ponton. Même dans ce coin isolé, de nombreux navires de tailles différentes, de la petite caravelle ou voilier aux cuirassés et navires immenses. Je laissais traîner mes yeux et mes oreilles, à l’affût d’un chargement de cargaison sonnante et trébuchante. C’était là ma vie de voleur et de pirate, attiré inexorablement par l’or et les richesses, ou tout ce qui pouvait avoir de la valeur. Et, à mes yeux, beaucoup de choses revêtaient ces aspects, du simple instrument de musique aux inventions loufoques, les objets farfelus et même les talents des gens que je pouvais croiser. Lorsque je rencontrais quelqu’un de particulièrement talentueux, j’avais envie de m’en faire un ami et de l’embarquer avec moi, avec son consentement bien entendu, je ne suis pas un esclavagiste.

Évitant d’attirer l’attention plus qu’il n’en était déjà, les regards des passants s’attardaient irrémédiablement par les dix petits bonhommes aux allures de nains de jardins, guidés à leur tête par Norbert, leur chef, qui avait abandonné ses atours de chapeaux pointus et salopettes pour revêtir un aspect plus forbanesque. Un chapeau marron à bords larges, un long manteau de cuir, enfin long on s’entend étant donné que le vêtement aurait pu habiller une poupée pour enfants. Et de grandes bottes qui claquaient à chaque pas. Il arborait un air digne, digne d’un chef, bien que hiérarchiquement je restais toujours supérieur. Enfin, la hiérarchie était toujours floue à bord du cochon géant, et le respect aussi.

« C’est rare de te voir sans Mirabelle, elle a pas voulu venir ? » demandais-je à Norbert en baissant les yeux vers lui à côté de moi.

« Nan, elle a assez à gérer avec tous les voleurs de slips, et elle m’a aussi dit d’aller faire les courses pour une fois. » déclara-t-il en se grattant l’arrière de la tête, légèrement embarrassé.

« Avec une petite insulte en prime ? »

« Ah bah bien sûr, tu la connais ma Mirabelle, un poing de fer dans un gant d’acier. » ricana-t-il, probablement content de pouvoir faire ce genre de blague, pour une fois que sa femme n’était pas dans le coin.

Les autres tontattas qui nous suivaient ricanèrent de bon cœur également, probablement soulagés d’échapper à cette fameuse poigne de fer l’espace de quelques heures. En effet, Mirabelle avait un fort caractère, mais clairement nécessaire quand on voyait la bande de peigne-cul qu’elle se trimballait. Sans elle, ils se seraient foutus sur la gueule depuis longtemps, et la taverne-maison aurait sombré dans le chaos. Malgré tout, Norbert son mari était le chef des petits bonhommes, chose qui n’était pas évidente à deviner même s’ils suivaient ses ordres.

« Vous avez quoi comme course à faire ? »

« Jack a besoin de quelques tonneaux de bière et de vin pour la taverne, Mirabelle a besoin de bois pour finir notre nouvelle maison et y a toujours besoin de bouffe aussi. » énuméra-t-il pensif. « J’ai l’impression d’oublier quelque chose... »

« Les slips ?! » s’exclamèrent deux ou trois de ses hommes, affichant une mine outrée comme si c’était là la chose la plus naturelle du monde.

« Ouais voilà, voler quelques slibards. »

« Eh bien, quel programme. »

Décidément, ce culte d’adoration des sous-vêtements m’étonnait toujours autant, mais après tout chacun ses croyances. Nous continuions ainsi de marcher, traversant les pontons entrelacés jusqu’à un large escalier construit directement sur les flancs du large pilier qui s’élevait devant nous. Grimpant les marches, je m’amusais de voir les tontattas bondir à chacune d’entre elles voir à les escalader en affichant une mine sérieuse et courageuse. Au bout de quelques mètres, agacé de devoir les attendre, j’attrapais un sac de toile que tenait l’un d’entre eux, l’ouvrant en le secouant avant de leur faire un signe de tête.

« Sautez là-dedans les p’tits cons, vous faites pitié. » lâchais-je sèchement devant leur air outré.

« Mais...mais...t’es trop un bâtard ! » s’écria un des tontattas, levant un poing rageur en espérant probablement être suivit par ses potes, ce qui ne fut pas le cas.

« Ouais j’suis un bâtard, tu vas faire quoi ? » ricanais-je en indiquant Norbert qui s’exécutait sans rechigner, il me connaissait bien à présent et savait pertinemment que j’étais une tête de con.

Se résignant, le petit bougon finit par suivre ses potes dans le sac, s’entassant en s’accrochant aux bords pour certains, des mini-vigies en somme.

« On est à l’étroit là-dedans ! Eh ! Me marchez pas sur la gueule, j’suis vot’ chef j’vous rappelle ! » s’écriait Norbert en secouant le sac depuis l’intérieur, quelques bruits de coups de poing, et il réapparut en haut du sac, sortant sa tête triomphalement. « Voilà, je préfère ça ! »

Pendant qu’ils s’embrouillaient et se battaient entre eux je montais l’escalier qui tournait tout autour du pilier. Je m’élevais peu à peu au-dessus des flots enragés qui s’écrasaient sur la roche et, depuis que j’avais mangé ce fruit maudit, je n’étais plus du tout à l’aise dans ce genre de situation. Moi qui étais habituellement imprudent à courir dans tous les sens, voilà que je devais faire attention à ne plus tomber à l’eau. À moi le petit bassin. Enfin, je n’avais jamais été un grand nageur, donc ce n’était pas une grande perte.

Finalement, j’atteignis le sommet de l’escalier sous les acclamations des tontattas entassés dans le sac matelassé. Ces derniers s’empressèrent de sauter à terre, ou plutôt à pont, se poussant les uns les autres pour être le premier à sortir du sac.

« Bon, vous allez vous entendre ou je vous marave un à un ? » leur demandais-je en affichant un sourire inquiétant.

Aussitôt, les petits bonhommes se figèrent, clairement conscients que je pouvais donner suite à mes menaces. Comme quoi, se faire respecter par la force ça avait du bon finalement. Norbert les calma d’un geste et récupéra le sac dans mes mains en ronchonnant.

« Bon, nous on a des courses à faire, on se retrouve plus tard cap’tain ô my cap’tain. »

Sur ces mots, Norbert fit une révérence accompagnée de son chapeau avant de prendre congé avec ses hommes, se dépêchant de disparaître au détour d’une ruelle. L’escalier nous avait fait gagner le pont-ville ou pont-île, composé de hauts bâtiments serrés les uns contres les autres en formant des ruelles nombreuses et étroites dans lesquelles vagabondaient pléthore de monde. Rabaissant ma casquette au cas où le pont serait sous l’égide de la Marine, j’avançais dans les rues, me taillant un passage à coups d’épaules. Maintenant que Aze était devenu le nouveau corsaire, je n’avais plus à m’en faire à ce niveau là, mais les habitudes ont la vie dure que voulez-vous. Ce que je cherchais ici ? Un bon vieux bouge à l’ancienne, où il serait simple de se procurer quelques informations sur le lieu où je venais d’embarquer. Ce n’était clairement pas une île, plutôt une construction humaine, dédouanée de l’attirance d’un log pose. C’était un pur hasard si j’avais atterris ici, et c’était justement ce qui m’intéressait au plus haut point, un endroit difficilement atteignable, quoi de mieux pour se cacher du gouvernement mondial et lancer quelques business discrets.




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✘ Solo




Les rues étaient bondées, étroites et difficiles à traverser. Je marchais déjà depuis de longues minutes, le regard balayant les étales et boutiques, attentif aux devantures pour trouver un rade où me poser. Certes, picoler était une activité que je pouvais pratiquer à domicile, mais c’était toujours une bonne excuse pour dégotter quelques infos. Et, au vu de l’allure atypique de l’endroit, il y avait sûrement beaucoup à apprendre sur le coin. Les bâtiments montaient haut, limités par la largeur du pont qui n’en demeurait pas moins gargantuesque. Certains formaient des passerelles rejoignant les deux côtés en arches au-dessus des rues. De manière générale, le quartier dans lequel j’avais débarqué ne semblait pas particulièrement riche, plutôt pauvre même pour être honnête.

Au détour d’une ruelle, je sentis alors des effluves d’alcool, de houblon et de malt. J’avançais alors dans ladite ruelle, m’enfonçant dans la semi-pénombre causée par les hauts bâtiments alentours. Guidé par l’odeur alléchante, je gagnais le bas d’un escalier en bois en assez mauvais état.

« Eh l’étranger ! » fit une voix dans mon dos. « Arrêtes-toi là et vide tes poches ! »

Je me retournais doucement, un air blasé sur le visage en arrêtant mon regard sur cinq têtes de parodies de voyou à la petite semelle. Ils étaient jeunes, probablement la vingtaine, des petites frappes d’un gang vu comment ils étaient habillés. Celui qui venait de parler avait deux sabres à sa ceinture, un air patibulaire et arrogant en affichant un demi-sourire fermé sur la clope qu’il avait au bec. Ses quatre compères étaient également armés, des sabres, des revolvers et l’un d’eux avait une batte à clous.

« Vous êtes quoi, des fanboys ? Vous voulez un autographe peut-être ? » ricanais-je en les regardant de bas en haut.

« Frrr Te fous pas de nous, jettes tes armes et envoie la thune ! » s’approcha-t-il pour se rendre menaçant, commençant à dégainer sa lame qui brilla dans la pénombre. « Encerclez-le les gars ! »

À ces mots, les quatre gus se mirent en mouvement, me contournant aux extrémités de la ruelle, longeant les murs. Leurs armes sorties, ils me braquèrent et me pointèrent de leurs lames.

« Hélas, je n’ai pas d’arme sur moi, seulement mes poings mais ça devrait suffire pour de petites frappes comme vous. » déclarais-je d’un air confiant, un petit rictus sur les lèvres.

Pour toute réponse, le chef de la petite bande cracha par terre et me fonça dessus, levant ses sabres avec la ferme intention de les abattre sur mon crâne. Ses compagnons étaient également passés à l’attaque, de chaque côté pour me prendre en tenaille. Je reculais d’un petit pas arrière pour éviter une balle et la pointe d’un sabre, me contentant d’observer pour le moment. Soudainement, une ombre passa devant moi, rapide et silencieuse, suivie d’un tintement métallique. L’inconnu fraîchement débarqué venait de bloquer les deux sabres du chef des voyous, le repoussant d’un geste. J’avais profité de la distraction pour attraper deux des petites frappes et cogner leurs têtes l’une contre l’autre, suffisant pour les mettre K.O. pour quelques heures.

« Alors, on a oublié notre avertissement de la dernière fois ? Je t’avais dis d’arrêter de faire des embrouilles dans notre ruelle, tu te souviens ?! » s’exclama l’homme qui était intervenu, toujours dos à moi dans son grand manteau rouge, blanc et or, les pans volant au vent qui s’infiltrait dans la ruelle par petites bourrasques. Il tourna légèrement la tête vers moi, dévoilant une chevelure rouge et deux fines cornes noires d’une dizaine de centimètres et sortaient de son front. « Déso mec, ces p’tit bâtards squattent notre rue, mais t’es le bienvenu au bar... commença-t-il avant d’être interrompu par l’autre voyou aux deux sabres.

Il para, et d’un coup habile dévia les deux lames qui emmenèrent leur manieur dans le mouvement, puis l’inconnu le frappa à la nuque d’un coup de pommeau. Propre, sans bavure, l’assaillant s’écroula tandis que les deux encore debout reculaient prestement vers la sortie de la ruelle sans demander leur reste.

« Ben alors, on m’attend plus quand c’est marrant ? » s’exclama encore une voix dans mon dos, en haut des escaliers. « Bonjour, cher client ! J'vous sers un truc ? » je me retournais pour voir un autre type aux cheveux rougeoyants, qui paraissait un peu plus vieux et arborait un magnifique tablier tâché de toutes les couleurs.

« Avec grand plaisir ! » répondis-je d’un grand sourire, content que quelqu’un pense enfin aux choses importantes de la vie. « Par contre, on en fait quoi de ces boulets ? » demandais-je alors en pointant les trois types inconscient à nos pieds.

« Oh t’en fais pas pour eux, laisses-les là. » dit alors le sabreur en rengainant son arme dans son fourreau à l’horizontale dans son dos, il marcha jusqu’à moi en me tapotant l’épaule une fois à ma hauteur. « On te paye la première bière pour le dérangement, moi c’est Jin, mais tu peux m’appeler Doc si tu veux. Allez, suis-nous. »

Le dénommé Jin ouvrit la voie, grimpant les marches pour rejoindre son collègue et de lui en taper cinq. Ce dernier me fit signe de monter.

« Allez gars, te fais pas prier, t’inquiètes pas on est pas comme ces connards de voyous de mes deux. Moi c’est Hao et j’suis le cuistot de ce petit bouge paumé entre deux rues. »

Décidément, ces deux là parlaient beaucoup, et semblaient partager une forte amitié. Décidant de leur faire confiance, mais tout de même sur mes gardes, je les suivais en haut des escaliers, suivant un petit chemin étroit collé à un mur pour gagner l’avant d’un bâtiment qui était comme posé sur ceux du dessous. En grandes lettres rouges s’affichait le nom de la taverne de fortune, où était précisé en petit ‘Taverne & Clinique’. Les deux lurons ouvrirent alors la double porte chacun d’un côté en arborant un grand sourire commercial.

« Bienvenue au Hell’s Kitchen ! »
« Bienvenue au Hell’s Kitchen ! »




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Dernière édition par Ren Aoncan le Lun 24 Oct 2022 - 15:49, édité 1 fois
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Bienvenue à Hell’s Kitchen


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Un bouge, c’était le mot juste, une allure sordide, une salle mal-éclairée et seulement peuplée de quelques rares âmes au regard perdu ou complètement inversé par l’alcool. L’odeur était acide, de quoi vous retourner le cerveau rien qu’à rester dans les lieux, sans rien consommer. La taverne n’était pas particulièrement grande, pour la salle principale en tout cas, seulement cinq ou six tables bien espacées finies par un bar d’angle où s’alignaient les tabourets. Il n’y avait pas de décoration particulière, seulement quelques primes de criminels accrochées dans un coin, des affiches de vieux concerts et des menus accrochés aux murs.

Celui qui s’était présenté comme s’appelant Hao resserra son tablier et passa par-dessus le comptoir d’un bond, s’appuyant sur le bar en passant derrière. Le cornu, lui, prit son temps en s’arrêtant à côté de moi avant de poser une main sur mon épaule.

« Encore désolé pour les blaireaux de tout à l’heure, ils traînent dans le coin en repérant les nouveaux arrivants sur Karantane pour leur voler leurs thunes. Je t’ai jamais vus d’ailleurs, tu viens d’arriver ? » demanda-t-il d’un ton enjoué.

« Ouais, on a perdu le reste de la flotte dans une tempête et on est tombés ici par hasard. »

Je pris place sur un tabouret au comptoir, Hao me faisant aussitôt face en affichant un grand sourire.

« Tite binouze du coup ? » fit Hao en tant que bon barman, sortant déjà les pintes avant même que je ne puisse répondre.

D’un hochement de tête, j’acceptais l’invitation, une grosse pinte remplie à ras bord et mousseuse se posant devant moi. Les yeux brillant de milles feux, j’attrapais la bière pour la boire goulûment, sentant la fraîcheur du liquide me descendre l’œsophage, les bulles me chatouiller le palais. Fermant les yeux un instant, j’acceptais la pause bienvenue et l’entrée en matière de ma venue sur ce pont infini.

« Alors, t’en penses quoi ? C’est la dernière que j’ai brassé, pas dégueu à mon goût. » demanda-t-il, tout excité de connaître mon avis.

« Une petite blonde comme on les aime. répondis-je en un souffle.

« T’es un pirate du coup ? » me lança Jin en prenant place à côté de moi sur un tabouret.

« Ouais, je me considère plutôt comme un homme libre. »

« Et t’aimes bien l’oseille. »

« Ouais, graaaave ! »

Je m’esclaffais un bon coup, trinquant avec les deux rouquins qui faisaient de même. Visiblement, l’illégalité n’était pas leur problème et ils voulaient juste se montrer chaleureux avec leurs clients. Mis à part nous, les rares clients du bouge étaient déjà cuits, affalés sur leurs tables, le regard hagard. Reprenant mon sérieux, je fixais alors Hao dans les yeux, engloutissant le bas de mon visage dans ma pinte avant de m’exprimer.

« Et eux, ils sont complètement défoncés ou c’est quoi l’histoire ? » demandais-je en commençant à me méfier, à me dire que ces deux là étaient bien trop sympa pour être honnêtes.

« Ah, ça ? Ils ont juste pris le plat du jour... » déclara Jin, un peu embarrassé en jetant un regard noir à Hao qui continuait d’arborer un immense sourire. « Ce type est un génie de la cuisine, tant du bon que du mauvais côté, sauf qu’on sait jamais quel côté on aura dans l’assiette. »  

« Attends, si tu veux je te prépare un truc vite fait, tu vas te régaler ! » s’exclama Hao en tapant dans ses mains comme pour conclure l’affaire, disparaissant aussitôt dans les cuisines en passant un rideau de perles derrière le comptoir.

« Merde, j’ai dis une connerie ? » murmurais-je inquiet à Jin.

« Lhalalah à tes risques et périls mec. » ricana-t-il en buvant sa pinte cul sec joyeusement.

Je fis de même, descendant tout le contenu d’un coup, un filet de bière me coulant sur le côté de la bouche.

« Enfin, t’en fais pas trop, je suis médecin...ce qui me fait penser que j’ai quelques patients. » déclara-t-il en se dirigeant vers les évanouis dans la salle.

Les types étaient dans un sale état, l’un d’eux était affalé la face contre la table avec de la mousse qui lui sortait de la bouche en faisant de petites bulles. Un autre était toujours assit sur sa chaise, la tête en arrière avec les yeux qui roulaient et ses lèvres qui bougeaient frénétiquement sans qu’aucun son n’en sorte. Je me rendis alors compte de la galère dans laquelle je venais de me mettre, une goutte de sueur commençant à perler de mon front. Le cornu aux cheveux rouges s’affairait auprès d’eux les uns après les autres à une vitesse effrayante, son long manteau flottait sur son passage derrière lui. Bien que ses manières de faire étaient étranges, ce type connaissait son métier sur le bout des doigts, jonglant entre les outils accrochés à sa ceinture qu’il sortait les uns après les autres. En une pilule ou une piqûre, il réveillait les déchets humains qui ouvraient les yeux en regardant autour d’eux comme s’ils avaient oubliés comment ils étaient arrivés ici. Repoussant le rideau de perles, Hao revint en salle en portant un plateau recouvert d’une cloche métallique de laquelle s’échappaient quelques volutes de fumée.

« Et voilàààà ! C’est prêt ! Tu m’en dira des nouvelles ! » s’exclama-t-il joyeusement en posant le plateau devant moi, tenant le haut de la cloche à deux doigts. « Tadaaaaa! »

Il découvrit alors son plat, dévoilant quelque chose auquel je ne m’attendais pas. Les aliments n’étaient plus reconnaissables, mélangés voir fusionnés, regardant sous différents angles j’essayais de déterminer si c’était vraiment comestible. Puis l’odeur me frappa, repoussante, abjecte, et même visible à l’œil nu. Des fumerolles vertes s’échappaient de l’espèce de purée informe. Et, de l’autre côté du comptoir Hao m’observait avec insistance, un grand sourire aux lèvres, visiblement impatient que je goûte son plat. Toutefois, je trouvais cela dommage de mourir ainsi, moi qui avais des objectifs de grandeur, voilà que ma fin était dans un plat. Ma main tremblait en tenant ma fourchette, hésitant à la planter dans la bouillie, me demandant même si la fourchette ne fonderait pas au contact du plat.

« Dites à mon équipage que j’étais fier d’être leur chef. » dis-je solennellement en m’apprêtant à manger.

Je sentis quelque chose bouger dans mon dos, une petite boule qui descendit jusqu’au bas de mon sweat-shirt, tournant jusqu’à l’avant pour remonter et ressortir par l’ouverture de la fermeture éclair au niveau de mon poitrail. La petite bouille poilue de Morpheo apparut alors, accrochant le bord du vêtement avec ses pattes pour se tirer et en sortir. Il bondit aussitôt sur le comptoir et se mit à tourner autour de l’assiette en humant l’air d’un air curieux. Il tourna la tête à droite, fit le tour du plat, et la pencha de l’autre côté avant de s’approcher et de renifler de plus près.

« Fais attention Momo, c’est à moi de prendre ce risque. » lui murmurais-je en le grattant derrière l’oreille.

Il me regarda, cligna des yeux et posa sa patte sur ma main qui tenait la fourchette, la tapotant un peu avant de hocher la tête de bas en haut.

~ Meooow Meow ~ miaula-t-il en m’encourageant, m’indiquant apparemment que le plat n’était pas risqué et n’aurait pas raison de ma vie.

« Euh...t’es sûr de toi ? »

~ Meoooooooow ~ insista-t-il en continuant de hocher la tête avant de retirer sa patte de ma main et s’approcher du plat pour laper un peu de la bouillie, puis il se retourna vers moi en fermant les yeux comme lorsqu’il était content. ~ Meow ! ~

« Si tu l’dis... » dis-je finalement en attrapant un peu de bouillie du bout des dents de l’ustensile. « Quand faut y aller. »

Fermant les yeux en m’attendant au pire, j’enfournais la bouchée, acceptant la mort comme une amie bienvenue. Mais, la faucheuse ne frappa pas, ma bouche ne se mit pas à fondre et mon âme ne se mit pas à brûler. Non, contre toute attente, le plat était bon, délicieux même ce qui était encore plus étrange. Mes papilles dansaient sous les saveurs nouvelles, uniques même, je n’avais jamais rien goûté de tel, et impossible de deviner la recette, ou ne serait-ce que reconnaître le moindre ingrédient. Un délice qui, accompagné par Momo qui continuait de lécher son côté du plateau, fut terminé en un instant. Les yeux écarquillés, je regardais le plateau vide, m’étonnant de ma propre gloutonnerie.

« Euh...c’était...euh...c’était délicieux, y a rien à dire... » déclarais-je, choqué de ce que je disais moi-même.

« Ah ouais, t’as bien aimé ? » s’enquit le cuisinier, des étoiles dans les yeux.

Je hochais de la tête frénétiquement pour lui répondre, tandis que Jin reprenait place sur le tabouret à côté de moi en posant un flacon de médicaments sur le comptoir.

« Du coup y a pas besoin de médocs ? Dommage. » fit-il en haussant les épaules avant de renverser un tiers du flacon dans sa bouche, les avalant tous à l’aide d’une gorgée de bière en se tapotant les côtés de la gorge. « Tout pour moi ! »

« Woh t’es sûr que c’est bien prudent ? Tu viens de te prendre une dose de cheval ! » m’exclamais-je, légèrement inquiet.

Jin me répondit simplement en joignant son pouce et son index pour former un cercle pour dire ‘ok’, se tapotant toujours la gorge de l’autre main avant de déglutir et d’afficher un grand sourire de satisfaction.

« Le cheval, le cheval, le cheval c’est génial ! » éclata-t-il de rire.

« Raaaah t’en fais pas, il a l’habitude, il est médecin après tout. » ricana Hao devant mon visage surprit.

Comme pour nous interrompre exprès, des bruits de bottes se firent entendre à l’extérieur. Martelant les planches, un grand nombre de personnes approchait.

« Vous attendiez du monde ? »

« Non, personne... »




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Bienvenue à Hell’s Kitchen


Présent
✘ Solo




Les pas résonnèrent dans toute la taverne, aussi réguliers que ceux de soldats en opération. Ils se rapprochèrent jusqu’à la petite passerelle devant l’établissement où, d’un coup, ils s’interrompirent. La double porte grinça alors en s’ouvrant sur un homme entre deux âges, des cheveux coupés très courts et habillé d’une sorte de toge noire ornementée de fils d’or, ainsi qu’un dessin sur tout le devant représentant un genre de gros serpent. Jin à côté de moi leva les yeux au plafond tandis que Hao faisait le tour du comptoir jusqu’à la petite trappe qu’il souleva pour nous rejoindre dans la salle.

« Oh putain non, pas ceux-là...tous les trous d’uc du coin n’équivalent pas à la moitié du fion de celui-là. » dit-il d’un ton railleur, avec assez peu de colère dans la voix étonnement.  

Jin avait parlé assez fort pour faire réagir le nouveau venu, il lui lança un regard noir, les sourcils froncés en arborant une mine de dégoût.

« Comment oses-tu, créature inférieure, engeance du malin ! » cracha-t-il à l’intention du cornu, cet air de dégoût ne quittant pas son visage. Puis, il prit une grande inspiration en fermant les yeux avant de reprendre. « Au nom de la Confrérie du Serpent à Plume et de notre Grand Prêtre Ketzakoati, vous êtes priés de dégager les lieux qui seront bientôt réhabilités en temple à la gloire de Ketzakoati ! » s’exclama-t-il, une main sur le cœur d’un ton solennel, levant son autre main paume vers le haut d’un geste théâtral.

Au comptoir, nous nous regardions avec de grands yeux, haussant chacun les épaules en signe d’incompréhension avant de nous mettre à pouffer et ricaner en chœur. Je m’emparais de ma pinte pour en boire un coup, me tournant vers Hao et Jin en pointant le type du pouce.

« Vous le connaissez ? » leur demandais-je, intrigué et amusé par l’inconnu du culte de je sais plus trop quoi.

 »Ouais... »

« Hélas oui, un de ces idiots d’une espèce de secte qui pense que le pont est un serpent géant divin, rien que ça. »

« Ah ouais quand même, niveau connerie on a atteint un palier là, non ? »

« Je dirais que oui, on a affaire à des champions...dans leur genre quoi. »

« Naïf à ce point là, c’en est presque fascinant. » commença Hao en posant sa tête dans sa main, le coude posé sur le comptoir, juste avant qu’il ne se reprenne en nous regardant. « Woh ! J’ai dis presque les mecs ! Franchement matez sa tronche ! L’est-y pas moche le tipeu ? » finit-il en le pointant du doigt, un air dégoûté sur le visage.

De son côté, le moine, ou prêtre, ou je ne savais pas trop son rang dans sa drôle de secte, devint aussi rouge qu’une pivoine. Il tapait du pied, assez fort pour que les clients encore groggy décident de sortir de l’établissement en faisant profil bas. Apparemment, ce type était connu des gens du coin, et sa réputation ne devait pas être très bonne. Il serrait les dents et les poings, comme une cocotte minute sifflante sur le point d’exploser,

« Vous...vous...allez le payer bande d’insignifiants insectes ! » se mit-il à hurler, rouge de colère à trembler de tout son corps. « Gaaaaaaaardes !!! »

Suite à son cri ridicule de petit bonhomme frustré, une ribambelle d’hommes drapés de toges aux même teintes noires et dorées, pourvus de protections de cuir et de sabres à la ceinture. Ils affichaient tous des airs patibulaires, pas un sourire, stoïques et visiblement prêts à se jeter sur nous au nom d’un dieu que je ne connaissais pas. Le petit bonhomme, qui nous avait tant fait rire, avait levé le bras en criant, s’apprêtant à le redescendre devant lui pour donner l’ordre à ses hommes. Hao s’était avancé en faisant craquer ses poings et Jin s’était levé de son tabouret pour dégainer lentement son sabre à l’horizontal dans son dos. De mon côté, j’étais resté assis, à boire ma bière. Après tout, cette histoire ne me regardait pas. Je n’avais aucune idée de leurs antécédents ou des droits de cette secte sur les lieux. Enfin, je trouvais juste quelque peu irritant d’avoir été interrompu dans un bon moment où je pouvais me prélasser tranquillement sans pression, mis à part celle de la bière.

« Vous comptez vraiment vous battre là ? » demandais-je un peu ennuyé.

« Je crois que c’est inévitable, t’en fais pas on va s’en occuper en deux secondes. »

« Vous regretterez vos paroles ! »

« Causes toujours, on veut de l’action nous, ramènes-toi ! »

« Non, mais c’est juste que ça me concerne pas vos affaires, moi je veux juste tranquillement finir ma bière et... »

J’eus beau parler, personne ne m’écoutait. Le prêtre chétif abaissa son bras et ses hommes se jetèrent vers les deux tenanciers. En un instant, le chaos emplit la pièce, les tables volant avec leurs chaises, des éclats partants dans tous les sens. Hao et Jin n’avaient pas mentis sur leurs compétences, parvenant à faire jeu égal avec les soldats dix fois supérieurs en nombre. Les coups de poings, de sabres, de chaises et autres joyeusetés volaient dans un bordel sans nom.

Moi, toujours imperturbable, j’observais la scène avec peu d’intérêt, plus concentré sur ma bière que je m’étais resservis tout seul faute de barman. Buvant tranquillement le goût nectar, j’avais hâte qu’ils aient finis histoire de retrouver un moment calme et apaisant. Se reposer c’était important entre deux batailles. Toutefois, au milieu d’un tel chaos, difficile de trouver la paix et, alors que je portais ma bière à mes lèvres, un pied de table vola en brisant le verre dans mes mains, finissant sa course derrière le bar. J’observais alors l’anse restée dans ma main, quelques bouts de verre fichés dans ma paume et surtout, tout le contenu de la pinte qui était tombé par terre et sur mon pantalon.

« Quel gâchis, tout ça à cause de quelques relous... » fis-je en lâchant l’anse, tournant mon regard vers la salle toujours en proie à une baston générale qui ne semblait pas avancer d’un iota. « Eh ! Vous voulez pas aller dehors pour vous mettre sur la gueule ? Putain, fermez vos gueules on s’entend plus ici ! »

Exaspéré, j’avais parlé de plus en plus fort jusqu’à atteindre ma limite en termes de patience. Je levais alors une main devant moi, faisant appel aux pouvoirs de mon fruit du démon. Ma main s’illumina brièvement au bout de mes doigts que je pointais vers le sol, sourcils froncés et un regard sérieux.

« Je vous ai dis : SILENCE ! » m’exclamais-je en augmentant soudainement la gravité dans toute la zone de la taverne où avait lieu l’affrontement.


KNEEL!



Le bois se mit à gémir alors que toutes les personnes présentes dans l’établissement posaient un genou au sol. Attirés irrémédiablement par une attraction gravitationnelle puissante qui les empêchaient de bouger un doigt. Toutes leurs armes tombèrent en tintant, s’enfonçant dans le parquet qui grinçait en continu. Le silence, comme je l’avais demandé, s’était finalement fait alors que tous affichaient des mines hallucinées. Les plus costauds parvinrent à rester à genou, avec un minimum de dignité, mais tous les autres se retrouvaient face contre terre à gémir. Hao et Jin étaient les seuls à parvenir à lutter un minimum. Je n’avais pas mis le paquet, mais c’était largement suffisant pour se faire écouter attentivement.

« Bien, maintenant on va pouvoir discuter calmement, n’est-ce pas ? »




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Présent
✘ Solo





J’avais ôté la zone de pesanteur augmentée, relâchant le groupe de mon emprise et les laissant se relever. Certains s’étaient évanouis sous la pression, portés par leurs camarades pour les relever. Le silence était retombé, les regards de chaque personne présente dans le bar était hagard, ayant encore du mal à assimiler le pourquoi du comment. À avoir pris la parole, la conclusion fut assez simple pour comprendre que j’étais à l’origine de cette interruption brutale de la rixe. Les regards étaient braqués sur moi, en attente de ce que je pourrais dire, sentant un mélange de peur et d’appréhension. Pour être honnête, j’adorais ça, attirer l’attention de tout un auditoire est l’apanage d’un acteur.

« Bien, visiblement on va pouvoir parler de manière civilisée. » déclarais-je en balayant l’assemblée du regard, un sourire satisfait flanqué sur mes lèvres. « Alors, où est le problème et comment le régler ? » dis-je calmement, enfin selon moi, mon sourire était en réalité crispé, toujours agacé qu’on m’ait gâché ma pinte de bière. Et ça se voyait, ça se sentait, et aucun ne semblait assez courageux pour piper mot. « Franchement, parlez ou je vous plaque au sol de nouveau. » maugréais-je exaspéré.

Avant que je ne finisse de péter un câble, Jin prit la parole en levant ses mains devant lui en signe d’apaisement. « Ces salopards n’ont aucun droit de propriété sur ce bar, et pourtant ils exigent qu’on leur remette les clés pour leur temple à la con. »

« Comment oses-tu, hérétique ! » s’insurgea le prêtre en le pointant du doigt. « Nous nous sommes montrés cléments en vous proposant de partir gentiment, mais c’est finit. À notre prochaine visite, nous prendrons ce qui nous revient de droit ! » s’exclama-t-il en levant ses bras au-dessus de sa tête, imité par ses hommes.


« Au nom du grand serpent à plumes ! » s’écrièrent-ils en chœur.


J’échangeais un regard avec Jin et Hao qui, tout comme moi, tiraient une tête de six pieds de long devant cette scène ubuesque. Enfin, ma conclusion fut simple et sans appel. « Okay, j’ai compris, vous êtes des gros tarés de fanatiques. » soufflais-je face à leur spectacle et leur discours de supériorité au nom d’une quelconque créature divine.

« Tu vois, on t’avait bien dit que c’était des débiles. » renchérit Hao en hochant la tête de haut en bas.

« Ouais, fin je pensais au moins qu’ils avaient une raison valable d’agir comme ils le faisaient, mais en fait non c’est juste au nom d’un dieu débile qu’ils vénèrent servilement. » déclarais-je en haussant les épaules.

De son côté, le prêtre rougissait de nouveau, serrant ses petits poings en affichant une mine renfrognée. On aurait dit une cocote minute sur le point d’exploser, le sifflement en était presque audible. Et il finit par éclater, criant à pleins poumons.

« Que la colère du Serpent à Plumes s’abatte sur vous tous !! » cracha-t-il en nous pointant du doigt les uns après les autres.

Ses gardes échangèrent des regards circonspects, hésitant à la démarche à suivre, puis ils prirent leur courage à deux mains et ressortirent leurs armes pour commencer à s’avancer vers nous, les deux tenanciers m’ayant rejoints près du comptoir. Je lâchais alors un long souffle de lassitude, j’aurais préféré passer une soirée tranquille après tant de jours en mer. Mais, il fallait parfois imposer le calme plutôt que de l’attendre patiemment. Ma paume leur faisant face à bonne distance, mes doigts se mirent à briller d’une lueur violine, comme des étincelles qui finirent par recouvrir ma main telle une aura.

« Dégagez. » grognais-je entre mes dents serrées, déclenchant les pouvoirs de mon fruit du démon.

Tel un couloir qui partait de ma main jusqu’à l’extérieur de l’établissement, je créais une zone dans laquelle la gravité fut renversée et augmentée. Pris par surprise, les fanatiques furent soulevés de terre en étant poussés en arrière. Autour d’eux les objets les suivaient en les percutant dans leur vol. Certains d’entre eux passèrent directement par la porte, ce qui fut le cas de leur prêtre un peu trop barjo, mais les autres s’écrasèrent contre les murs en faisant grincer le bois et la tôle du bâtiment fait de bric et de brocs. À l’extérieur, la poussée gravitationnelle fut suffisante pour en projeter certains au-dessus des toits alors que d’autres tombaient dans les rues en criant et couinant. En un instant, les trois quarts des guerriers avaient été soufflés. Je relâchais alors la zone pour m’avancer en direction du dernier quart qui retombait au sol, hagard. Ils croisèrent alors mon regard énervé et ne demandèrent par leur reste pour se carapater hors de l’établissement.

« Bien, voilà une bonne chose de faite. Ça m’étonnerait qu’ils reviennent de si tôt. »

« Compte pas trop là-dessus, c’est des enfoirés un peu débiles, certes, mais ils font aussi partie du groupe le plus dangereux de Karantane : La Confrérie du Serpent à Plumes. » déclara le médecin en me resservant une bière.

« Et c’est quoi leur délire en fait ? »

« Ils sont persuadés que leur dieu habite à l’intérieur du pont de Karantane ou un délire du genre, des grands malades j’te dis. » expliqua vaguement Hao en se tamponnant une tempe à l’aide d’une poche de glace, s’étant prit un mauvais coup dans la rixe. « Mais leur délire va très loin, cannibalisme, sacrifices humains rituels, ce genre de joyeusetés quoi. Et, comme si c’était pas suffisant, voilà qu’ils veulent agrandir leur territoire, et on est les premiers sur leur route. » renchérit-il pour enfoncer le clou.

« La moitié du quartier s’est déjà tiré, certains ont réussis à négocier un prix pour leur boutique ou leur maison, d’autres ont simplement disparus ou ne sont jamais revenus d’un entretien avec leur chef, ou grand prêtre selon eux, Ketzakoati. » continua Jin qui se servit un shot qu’il but d’une traite.

« Et personne ne se rebelle ? Si c’est que des petites frappes comme ceux de tout à l’heure, ils sont pas si dangereux, si ? »

« Eux c’est rien, des larbins tout en bas de leur hiérarchie tout au plus. Mais, lorsqu’ils sont menés par le ‘Guerrier Jaguar’, c’est une autre paire de manche. » déclara-t-il en faisant tourner le liquide dans son verre, son regard perdu dans ses reflets comme s’il se remémorait un moment passé douloureux. « Bref, on a réussit à les repousser ce soir, et ça, ça se fête ! »

Sur ces mots, le barman sortit plusieurs verres pour nous servir une liqueur aux teintes ambrées, levant haut le sien pour trinquer. Il avait raison dans le fond, il était inutile de ressasser le passé, l’important c’était d’aller de l’avant. Je n’étais pas venu jusqu’ici pour me lancer dans une vendetta qui ne me concernait pas. De plus, à présent que Azerios était officiellement un Capitaine Corsaire, mes actions habituelles et mon métier de voleur s’en retrouvaient limitées, je devais à présent faire attention à mes actes pour ne pas lui porter préjudice.

Le reste de la soirée se passa sans encombres, picolant jusque tard avec les deux rouquins qui faisaient la paire. Ils me racontèrent des tas d’histoires, celles du coin comme ce qui avait pu les mener jusqu’ici. Eux aussi avaient un passé de forbans et s’étaient cachés ici pour être tranquille. Puis, la fatigue venant à la mesure des verres que nous éclusions, je finis par leur souhaiter une bonne nuit pour partir retrouver ma maison flottante garée au ponton entourant l’un des pieds de Karantane. Tanguant et chantonnant, je parvins après de nombreux efforts à retrouver mon lit dans lequel je m’écroulais pour un sommeil bien mérité.






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