Suite des événements joués ici
***
- Quelle galère...
- Tu te crois drôle ?
Alors que son voisin le fusillait du regard après cette réflexion pour le moins inappropriée, Joe soufflait des naseaux regardant autour de lui. Spectacle sinistre. Qu'ils étaient laids tous ces esclaves, amaigris voire décharnés, vêtus de haillons. Ils épuisaient leur modeste énergie à ramer dans cette cale sombre qui empestait l'urine et la crasse. Comment pouvait-on passer du statut de pirate à celui d'esclave dans une frégate révolutionnaire ? C'était pourtant un dénouement aussi logique que prévisible lorsque l'on se plaisait à piquer un fauve avec un bâton.
Le bâton, Joe ne l'avait pas vu venir. Forcément, les mineurs d'Union John qui avaient pris soin de l'assommer n'avaient pas manqué de le prendre à revers. Puisque les événements récents sur Clockwork Island faisaient que les allers et retours des révolutionnaires étaient de plus en plus fréquents, il avait fallu, à quelques reprises, s'en remettre à l'esclavagisme faute de main d'oeuvre suffisante. Meurtriers, voleurs, mauvais payeurs, pirates, enfants mal élevés : toute la racaille qui avait eu le malheur de peupler un jour les geôles d'Union John avait été mobilisée de force dans les galères.
Considérant le passif du cafard auprès des mineurs d'Union John, il aurait dû s'estimer heureux d'être maintenu en vie en dépit de ses malversations commises sur l'île. Cependant, dépossédé de ses armes, les chaînes aux pieds, Joe avait bien du mal à relativiser sa situation présentement. Non pas que ladite situation était dégradante, il avait connu pire, mais simplement inconvenantes. L'ironie de la chose ne l'amusait guère. Un esclavagiste dans une galère, c'était un boulanger qui finissait au four, ou un tailleur dépecé à coups de ciseaux, inconvenant était un terme encore trop impropre pour qualifier pareilles circonstances. Inconvenant et éreintant.
La lumière du jour ne perçait pas à travers les épaisses planches de la coque, aussi, il était impossible de dire avec précision depuis combien de temps les rameurs avaient levé l'ancre.
- Journal de bord du capitaine Joe... Dixième jour... Je rame...
Amer, il murmurait pour exorciser sa hargne. Devis, son voisin, ne le supportait déjà plus.
- Joe, ça fait même pas trois heures qu'on a quitté Union John...
Si Devis avait raison, le cafard, paresseux par nature, avait la sensation d'avoir dépensé l'équivalent de dix jours de travail en à peine quelques heures. De tous à bord, il était celui qui se portait le mieux physiquement, et pourtant, personne n'aurait parié un berry sur sa survie à l'issue de la traversée tant il peinait à ramer. Jamais Joe ne se serait imaginé un jour mourir d'épuisement. Cette simple pensée le fatiguait d'ailleurs, aussi il fit une pause. La quatrième depuis leur départ.
Devis pestait. Encore une fois, il se retrouvait à devoir manoeuvrer l'épaisse rame du navire à la force de ses seuls bras. Et en cadence qui plus est.
- Quartier Maître !!!
Un robuste gaillard aux bras velus et aux joues rondes fusa du fond de la cale d'où il surveillait les esclaves pour se retrouver à proximité du geignard.
- Tu as intérêt à avoir une bonne raison pour me déranger !
- L'autre pourri à côté de moi ! Il refuse de ramer !
Lorsque Joe croisa le regard de ce quartier-maître, il comprit immédiatement pourquoi on l'avait chargé, lui, de mettre des coups de fouets aux récalcitrants. Il y avait dans ses yeux un mélange de cruauté et d'amusement, tout était prétexte à faire valser le fouet, et mieux valait ne pas le titiller tant il semblait prompt à démarrer au quart de tour.
- Je suppose que t'as une bonne raison pour ne rien glander BIU-TAG ?!
De tous les esclaves occupés à ramer, le cafard était de loin le plus réputé, personne à bord n'ignorait ses méfaits, et encore moins sa présence.
- D'accord d'accord ! Vous énervez pas ! J'avoue tout.... Il m'a demandé de faire diversion pour vous prendre les clés.
Puis tournant la tête, un air abattu, il ajouta à son voisin qu'il venait de pointer du doigt.
- Désolé de t'avoir balancé, j'aime pas les coups de fouets.
Désolé, il ne l'était pas le moins du monde. Avec brio, il avait su reporter la colère du quartier-maître à l'encontre de son voisin qui demandait justice. Avec Joe, il n'y avait pas de Justice, il y avait juste les coups bas et les fourberies. Le meilleur moyen d'y échapper était encore de ne pas le fréquenter. Tâche ardue pour Devis si on considérait le fait que ses chaînes étaient liées aux siennes.
- Peeeeeetit fuuuuumier va !
- Non mais atten...!
Très vite, le son strident du fouet creusant la chair de sa victime d'une lacération sèche se fit entendre. Ce bruit atroce, qui à lui seul maintenait en respect tous les galériens tentés par la mutinerie, se répéta à cinq reprises. Le dos en sang, Devis continua de ramer, aidé de Joe qui y mit du coeur à l'ouvrage jusqu'à ce que le quartier-maître ait le dos tourné.
- Bon, je sais pas toi, mais je me ferais bien une petite sieste, hinhin.
Le voisin du cafard savait qu'à la moindre complainte, il serait d'emblée suspecté de mutinerie et à nouveau sujet au fouet. Il était à présent partagé entre sa douleur dans le dos, dans les bras, et une féroce envie d'étrangler son camarade de galère qui ne faisait semblant de ramer que lorsque leur surveillant et bourreau regardait dans leur direction.
- Et dire que mes esclaves se plaignaient des corvées de galère... C'est pourtant pas si fatiguant.
Poussant le vice toujours plus loin, le cafard essaya de trouver une position confortable pour piquer un roupillon discrètement. Sur le pont, tous les matelots semblaient soudain avoir le diable aux trousses. Des bruits de pas multiples et rapprochés inquiétèrent les galériens pour qui pareille agitation ne pouvait être qu'un mauvais présage.
Curieux, et tout aussi intrigué que les esclaves qu'il gardait, le quartier-maître fit un tour à la surface pour venir aux nouvelles. S'étant endormi un instant, Joe émergea en colère d'avoir été ainsi réveillé par tant de chahut. Par réflexe, il ne manqua pas de brailler comme à son habitude.
- C'EST FINI CE BORDEL LÀ-HAUT ?! Y'EN A QUI ESSAIENT DE BOSSER BORDEL !
Aussitôt ces mots prononcés que le quartier-maître dévala les escaliers menant à la cale, fouet en main et yeux révulsés.
- Qui est le petit sal....
Il n'avait pas eu le temps de terminer sa phrase que son regard se porta sur le cafard, ou plus précisément, sur l'index de celui-ci qui pointait en direction de Devis. D'un tempérament pour le moins impulsif, le révolutionnaire équipé de son fouet ne chercha pas à vérifier s'il tenait le bon coupable, il se contenta de fouetter à nouveau.
Tandis que les oreilles du forban étaient écharpés par les bruits de fouet et les hurlements de son voisin qui commençait à l'indisposer, Joe crut entendre le bruit de la foudre. Ce n'est que lorsqu'un violent impact ébranla le vaisseau tout entier que tous à bord comprirent pourquoi l'on s'était soudain agité sur le pont.
- NAVIRE PIRATE À TRIBOOOOOOORD !!!
- Tu te crois drôle ?
Alors que son voisin le fusillait du regard après cette réflexion pour le moins inappropriée, Joe soufflait des naseaux regardant autour de lui. Spectacle sinistre. Qu'ils étaient laids tous ces esclaves, amaigris voire décharnés, vêtus de haillons. Ils épuisaient leur modeste énergie à ramer dans cette cale sombre qui empestait l'urine et la crasse. Comment pouvait-on passer du statut de pirate à celui d'esclave dans une frégate révolutionnaire ? C'était pourtant un dénouement aussi logique que prévisible lorsque l'on se plaisait à piquer un fauve avec un bâton.
Le bâton, Joe ne l'avait pas vu venir. Forcément, les mineurs d'Union John qui avaient pris soin de l'assommer n'avaient pas manqué de le prendre à revers. Puisque les événements récents sur Clockwork Island faisaient que les allers et retours des révolutionnaires étaient de plus en plus fréquents, il avait fallu, à quelques reprises, s'en remettre à l'esclavagisme faute de main d'oeuvre suffisante. Meurtriers, voleurs, mauvais payeurs, pirates, enfants mal élevés : toute la racaille qui avait eu le malheur de peupler un jour les geôles d'Union John avait été mobilisée de force dans les galères.
Considérant le passif du cafard auprès des mineurs d'Union John, il aurait dû s'estimer heureux d'être maintenu en vie en dépit de ses malversations commises sur l'île. Cependant, dépossédé de ses armes, les chaînes aux pieds, Joe avait bien du mal à relativiser sa situation présentement. Non pas que ladite situation était dégradante, il avait connu pire, mais simplement inconvenantes. L'ironie de la chose ne l'amusait guère. Un esclavagiste dans une galère, c'était un boulanger qui finissait au four, ou un tailleur dépecé à coups de ciseaux, inconvenant était un terme encore trop impropre pour qualifier pareilles circonstances. Inconvenant et éreintant.
La lumière du jour ne perçait pas à travers les épaisses planches de la coque, aussi, il était impossible de dire avec précision depuis combien de temps les rameurs avaient levé l'ancre.
- Journal de bord du capitaine Joe... Dixième jour... Je rame...
Amer, il murmurait pour exorciser sa hargne. Devis, son voisin, ne le supportait déjà plus.
- Joe, ça fait même pas trois heures qu'on a quitté Union John...
Si Devis avait raison, le cafard, paresseux par nature, avait la sensation d'avoir dépensé l'équivalent de dix jours de travail en à peine quelques heures. De tous à bord, il était celui qui se portait le mieux physiquement, et pourtant, personne n'aurait parié un berry sur sa survie à l'issue de la traversée tant il peinait à ramer. Jamais Joe ne se serait imaginé un jour mourir d'épuisement. Cette simple pensée le fatiguait d'ailleurs, aussi il fit une pause. La quatrième depuis leur départ.
Devis pestait. Encore une fois, il se retrouvait à devoir manoeuvrer l'épaisse rame du navire à la force de ses seuls bras. Et en cadence qui plus est.
- Quartier Maître !!!
Un robuste gaillard aux bras velus et aux joues rondes fusa du fond de la cale d'où il surveillait les esclaves pour se retrouver à proximité du geignard.
- Tu as intérêt à avoir une bonne raison pour me déranger !
- L'autre pourri à côté de moi ! Il refuse de ramer !
Lorsque Joe croisa le regard de ce quartier-maître, il comprit immédiatement pourquoi on l'avait chargé, lui, de mettre des coups de fouets aux récalcitrants. Il y avait dans ses yeux un mélange de cruauté et d'amusement, tout était prétexte à faire valser le fouet, et mieux valait ne pas le titiller tant il semblait prompt à démarrer au quart de tour.
- Je suppose que t'as une bonne raison pour ne rien glander BIU-TAG ?!
De tous les esclaves occupés à ramer, le cafard était de loin le plus réputé, personne à bord n'ignorait ses méfaits, et encore moins sa présence.
- D'accord d'accord ! Vous énervez pas ! J'avoue tout.... Il m'a demandé de faire diversion pour vous prendre les clés.
Puis tournant la tête, un air abattu, il ajouta à son voisin qu'il venait de pointer du doigt.
- Désolé de t'avoir balancé, j'aime pas les coups de fouets.
Désolé, il ne l'était pas le moins du monde. Avec brio, il avait su reporter la colère du quartier-maître à l'encontre de son voisin qui demandait justice. Avec Joe, il n'y avait pas de Justice, il y avait juste les coups bas et les fourberies. Le meilleur moyen d'y échapper était encore de ne pas le fréquenter. Tâche ardue pour Devis si on considérait le fait que ses chaînes étaient liées aux siennes.
- Peeeeeetit fuuuuumier va !
- Non mais atten...!
Très vite, le son strident du fouet creusant la chair de sa victime d'une lacération sèche se fit entendre. Ce bruit atroce, qui à lui seul maintenait en respect tous les galériens tentés par la mutinerie, se répéta à cinq reprises. Le dos en sang, Devis continua de ramer, aidé de Joe qui y mit du coeur à l'ouvrage jusqu'à ce que le quartier-maître ait le dos tourné.
- Bon, je sais pas toi, mais je me ferais bien une petite sieste, hinhin.
Le voisin du cafard savait qu'à la moindre complainte, il serait d'emblée suspecté de mutinerie et à nouveau sujet au fouet. Il était à présent partagé entre sa douleur dans le dos, dans les bras, et une féroce envie d'étrangler son camarade de galère qui ne faisait semblant de ramer que lorsque leur surveillant et bourreau regardait dans leur direction.
- Et dire que mes esclaves se plaignaient des corvées de galère... C'est pourtant pas si fatiguant.
Poussant le vice toujours plus loin, le cafard essaya de trouver une position confortable pour piquer un roupillon discrètement. Sur le pont, tous les matelots semblaient soudain avoir le diable aux trousses. Des bruits de pas multiples et rapprochés inquiétèrent les galériens pour qui pareille agitation ne pouvait être qu'un mauvais présage.
Curieux, et tout aussi intrigué que les esclaves qu'il gardait, le quartier-maître fit un tour à la surface pour venir aux nouvelles. S'étant endormi un instant, Joe émergea en colère d'avoir été ainsi réveillé par tant de chahut. Par réflexe, il ne manqua pas de brailler comme à son habitude.
- C'EST FINI CE BORDEL LÀ-HAUT ?! Y'EN A QUI ESSAIENT DE BOSSER BORDEL !
Aussitôt ces mots prononcés que le quartier-maître dévala les escaliers menant à la cale, fouet en main et yeux révulsés.
- Qui est le petit sal....
Il n'avait pas eu le temps de terminer sa phrase que son regard se porta sur le cafard, ou plus précisément, sur l'index de celui-ci qui pointait en direction de Devis. D'un tempérament pour le moins impulsif, le révolutionnaire équipé de son fouet ne chercha pas à vérifier s'il tenait le bon coupable, il se contenta de fouetter à nouveau.
Tandis que les oreilles du forban étaient écharpés par les bruits de fouet et les hurlements de son voisin qui commençait à l'indisposer, Joe crut entendre le bruit de la foudre. Ce n'est que lorsqu'un violent impact ébranla le vaisseau tout entier que tous à bord comprirent pourquoi l'on s'était soudain agité sur le pont.
- NAVIRE PIRATE À TRIBOOOOOOORD !!!
Dernière édition par Joe Biutag le Dim 9 Oct 2016 - 9:56, édité 5 fois