L'Ermite porte l'Aube de toutes les espérances

Affaiblie par les traitements inhumains que l’on lui inflige, malgré ses grandes blessures et des souvenirs douloureux, Trisha reste aux marges de la vie. Son corps marqué par de multiples hématomes, sa peau abimé de nécroses et ses joues creusées par la faim. Une certaine résignation se lit dans son regard fatigué et noircis par sa maladie. Sa destinée n’a été qu’une suite d'événements cruels. Aeden, puis Kage Berg, du Gouvernement à la Piraterie, le monde est un ramassis de pourriture. Un part d’elle veut absolument tout brûler jusqu’aux entrailles de la terre. Le chagrin est suivi par la haine. Le désir de vengeance nourri par toutes ses douleurs a brisé son cœur brave. Des volontés destructrices traversent à présent sérieusement son esprit. Une nouvelle folie lui permettant de résister à son profond désir de quitter ce monde horrible. Accoutumé à son mal, la culpabilité la ronge. Il n’a pu protéger personne malgré son rang dans l’Armée Révolutionnaire. Ses camarades, des innocents et des enfants sont morts devant elle. Son impuissance lui est devenue impardonnable.

Traînés d’une groov à l’autre, l’ange mutilé dans son aspect le plus pitoyable est vendu au rabais par un autre esclavagiste de Shabondy. Il ne cache même pas les insignes de la grande famille qui le protège. Les Pahs, si sa tête fonctionne encore bien malgrè l’épuisement perpétuel des châtiments que l’on lui inflige. Trisha ne se laisse pas dompter. On dit même qu’elle cherche les punitions. L’ange se condamne pour sa faiblesse en provoquant ses tortionnaires. Un beau jour, la Cavalière esquive sa séance de coup de fouet matinale car le grand patron convoque sa marchandise d’indésirables juste devant sa tente.

“On aura un client spécial aujourd’hui, les vermines. Que des rats à fumer, c’est dégoûtant. Même moi, je ne vous touche même pas avec un bâton, alors un dragon céleste. Sainte Neetush va me raccourcir si j’ose lui proposer vos tronches de mécréant. Je vous est pas acheter pour cela, il faut dire. Ahaha !
-Qu’est ce que l’on en a à faire?
-Assistant ! Dressez-moi cette pute.”

Un de ses employés use d’un bâton avec beaucoup de zèle sur Trisha. Visant les jambes, il force à s’agenouiller avant de fracasser son dos. L’esclavagiste sourit fièrement.

“On m’a dit que l’ange mutilé poserait problème. La saignez pas trop, juste qu’il faut. Vous allez tous devenir de la chair pour nourrir un requin. Y a pas à dire, j’ai du flair, dire que les invendus des autres s'offriront une marge de malade. Quel bail, putain ! Je suis un génie ! Ahahah. Cela me rappelle ma première vente. Aaaah… nostalgie.
-Monsieur. Dante Makima est arrivé.
-Déjà?! Bordel, il est précoce. J’aime ça. Faites suivre la marchandise. Oh ! Attendez une seconde.”

Le regard noir de la Cavalière croise celui de cet homme abjecte. Elle ne baisse pas les yeux, ce qui l’insupporte au plus haut point. D’une pulsion nerveuse, il s’empare du bâton pour frapper brutalement l’arrière de sa tête. L’ange est sonné par le coup, la tête face contre terre. Du sang longe son crâne pendant que son agresseur se refagote.

“Oh que ça fait du bien. Cadeaux d’adieu. Allons-y !”

Un de ses hommes de mains prend la cavalière par l’épaule pour la contraindre à se mettre sur ses pieds. Elle en peine sévèrement, sa vision encore floue, Trisha subit encore les contrecoups de cet acte violent.

“Allez relève toi, l’esclave.”

Tant bien que mal, elle est traîné avec les autres esclaves indésirables vers le lieu de rendez-vous.

Après l’attaque impulsive de Bliss pour se venger de l’attaque sur ma base de Clock Work Island, il fallait reprendre la voie de la raison. Ou du moins de la réflexion. En effet, si ça c’était bien passé sur Bliss, il n’aurait pas fallu grand-chose pour que ça tourne mal. La mauvaise personne au mauvais endroit et cela aurait pu tourner au carnage.

La vengeance c’était fait, maintenant il fallait sauver ce qui pouvais l’être. Le matériel, c’était assez accessoire en vrai. Par contre, je connaissais pratiquement tous les gens de la base. Qui était mort ? qui était vivant ? Avaient-ils seulement fait des prisonniers ?

Je contactai les gens des renseignements pour savoir ce qu’il s’était passé. C’était le moyen le plus sûr et le plus rapide pour savoir quoi faire. Nous étions encore sur les Blues, je savais qu’ils pouvaient avoir des informations pour moi avant même que je n’atteigne Grand Line.

En effet, assez rapidement, les indiques revinrent vers moi. D’après leurs premières informations, la bataille n’avait pas totalement viré au bain de sang. Fort de leur supériorité numérique, ils avaient eu un avantage net et apparemment ils n’étaient pas encore tous pourris. Ils avaient accepté qu’ils se rendent quand la marine avaient pris clairement le dessus. Bien sûr, il y en avait qui avait tenté de fuir, mais c’était fait rattraper par le blocus de la marine. Tout ça pour dire qu’il y avait pas mal de prisonnier. Sans doute la plupart de ceux qui travaillaient dans les labos et dans à la construction de sous-marin avait dû se rendre. C’était avec ces informations que nous passâmes par Reverse Mountain. C’était plus rapide que de repasser par la flaque.

Nous fîmes route vers Clock Work grâce à l’Eternal que l’on possédait de l’ile en attendant de savoir où ils avaient été emmenés. Ils mirent un peu de temps à retrouver leurs traces. En effet, d’après les rapports officiels, les prisonniers avaient péri en mer. Cependant, des indiques avaient vu des esclaves ressemblant à mes amis arriver sur Shabondy. Après quelque contact avec eux, ils reconnurent formellement Thomas, mon amis le triton qui me suivait depuis un moment maintenant.

Nous prolongeâmes donc notre route vers Shabondy en suivant l’Eternal de l’ile des hommes poissons que je m’étais procuré récemment. En chemin, il sembla clair que la présence de plusieurs hommes poissons de la colonie de Clock Work avaient poussé des marines véreux à les vendre comme esclaves. Apparemment c’était ce qui rapportait le plus aux marchands. J’espérais juste retrouver tout le monde sur l’ile mangrove.


Finalement, nous arrivâmes sur cette ile qui était le centre du commerce d’esclave mondial. Les fois précédentes où j’étais venu, je n’étais pas vraiment resté très longtemps sur l’ile. Ça n’avait été qu’une étape vers le nouveau monde à chaque fois. Cette fois l’ile aux arbres géants était ma destination. Le fait d’être à la recherche des mes amis, changea complètement ma perception de l’ile. Elle me sembla plus grande, plus étendues, possédant plus de Groove que dans me souvenir. Plus lumineuse dans les beaux quartiers et plus sombres dans les bas quartiers. Mon enthousiasme disparut rapidement quand je me rendis compte de l’ampleur de la tâche.

En ligne, les esclaves sont guidés dans un espace ouvert de la groove. Trisha, un côté du visage en sang, le corps affaibli par les traitements et portant des haillons, traîne ses chaines jusqu’à la position. Droite, elle refuse de ployer l’échine dans cette situation abjecte. Ce n’est pas digne de toutes les vies qui se sont sacrifiées devant elle. L’esclavagiste se présente fièrement devant le groupe d’hommes-poissons venant d’arriver.

“Dante ! Mon grand collaborateur dans le tri des déchets ! Comment s'est passé le voyage ?”

La tête de requin qui semble être le client regarde les alentours avec prudence. Il est méfiant. Derrière lui, ses hommes gardent deux coffres de près. La Cavalière pense qu’il s’agit d’argent, mais le prix paraît bien élevé comparer à ce qu’on lui rabâche depuis qu’elle est sur cet archipel horrible. Toussotante, la douleur du poison qui la ronge l'interrompt dans sa réflexion. Dante, de sa stature, répond avec la diligence et la retenue d’un politique.

“Comme toujours.
-Ah ! Armada doit bien te faciliter le voyage n'est ce pas ? Ahah. Je devrais passer le bonjour à ce bon vieux Red un jour. Je suis sûr que l'on pourrait faire affaire avec ce loup de mer à succès.
-Je suis venue ici pour ton offre. Je ne fais pas dans le tourisme.
-Arum. Certes. Bon, bah, tu as la marchandise là. Tu peux jauger leur dégaine de minables.”

En silence, il contemple le troupe d’esclaves cassés, épuisés, faibles, hideux et malades. Tous ceux dont personne n’a voulu investir. Elle avait pourtant sit qu’elle était révolutionnaire mais, dans ce microcosme, personne n’a l’initiative de faire des recherches pour rafler une petite prime. L’information s’est ainsi perdue au fur à mesure que Trisha est passé d’une main à l’autre. Le regard droit et défiant, malgré son état, la Cavalière ne baisse pas son regard devant l’air hautain du requin humanoïde.

“Hum.
-Oh, ne fais pas trop attention à elle. C'est le genre à provoquer la merde. A croire qu'elle aime se faire frapper. Tu peux la buter… mais tu payes.
-Elle sera parfaite pour ce que je vais en faire. Les autres manquent de hargne.
-Tu veux les fonds de tiroirs, faut pas t'en plaindre. Ce sont des malades, des handicapés et des débiles mentaux. J’ai même eu des pertes dans la semaine à cause de leur état pitoyable.
-Très bien. Pouvons-nous négocier?
-Avec moi? Toujours, mais je dois rentrer dans mes fr…”

Un large groupe de minks accompagné d’un homme aux airs classieux débarquent soudainement avec une hostile détermination.

“Quelle diversité. Permettais que l’on se mette à l’aise.”

Un mink, à l'apparence féline sans pelage, s’avance en allumant un cigare avec nonchalance.

“Bordel ! Pas lui, putain ! Qu’est ce qui fout là !
-Teth Williams, 400 millions de berries sur sa tête, étonnante rencontre. Que nous vaut l’honneur de ta visite?
-J’espère que tu viens pas pourrir mes plates bandes. On sait tous les deux qui tiennent les reines de nos traffics. Il vaut mieux pas titiller nos employeurs.
-Tiens, cela tombe bien que tu en parles. Il me semble que cette transaction n’a rien à voir avec ta clientèle habituelle. Pas besoin de mettre de gants.”

L’esclavagiste se met d’un coup à rire jaune. Le regard intimidant du mink trafiquant crée en un instant un malaise ambiant.

“Ahah… attend une minute, qu’est ce que tu veux? Fais pas le bâtard. On est collègue en quelque sorte, non?”

Fermant un instant les yeux, Teth souffle la fumée de son tabac. L’air amusé, un rictus sur son visage apparaît quand il reluque le requin et ses hommes.

“Du calme. Je propose une contre-offre qui intéresserait notre maître d’arènes improvisé en chasseurs de fruit.”

Dante affiche de la stupéfaction rompant avec son calme du début. Il semble que le chat vient de percer le secret de l’homme-poisson, et l’homme au style extravagant n’est pas innocent dans cette affaire.

“Comment avez-vous eu cette information?!
-Après tout, le fameux Enfer de Dante a besoin de démons, n’est ce pas Morlet?
-Vous vous découvrez une âme de poète?
-Cette collaboration m’inspire. Alors mon offre?”

Trisha remarque bien que les minks derrière leur chef sont déjà prêts à combattre. Les poils hérissés, les babines salivantes, rien ne montre une quelconque négociation. Le mieux est donc de rester spectateur de la situation. Toujours méfiant, l’esclavagiste tente tout de même de défendre son prés carré.

“Ce sera jamais mieux que la mienne. Et tu n’aguichera personne en ne disant rien. Casse-toi d’ici, si c’est pour fanfaronner.
-Mon offre est très simple. Que dites-vous d’avoir le beurre, l’argent du beurre et la crémière?
-C'est-à-dire?
-D’avoir les esclaves, l’esclavagiste et les hommes-poissons. Les gars, c’est l’heure de la récolte !”

D’un seul geste, Teth brandit son bras pour lâcher ses hommes sur Dante et l’esclavagiste des Pah. Toujours en fumant, il regarde les combats faire rage. Totalement encerclé, les deux victimes sont prises de court.

“Espèce de vermine !
-Putain de merde ! Protégez-moi !”

Qu’est-ce que j’avais cru moi ? Que j’allais arriver et que j’allais trouver le bâtiment des esclavagistes ayant pignon sur rue ? Que j’y trouverais ceux que je voulais sauver et qu’après une bataille rangée je les aurais libérés ? Et bien ça aurait pu être le cas, si j’étais arrivé quelque temps plus tôt. En effet, la plus grosse boutique esclavagiste qui avait pignon sur rue avaient été détruite récemment. Du coup, les autres avait fait profil bas. Certains avaient déménagé, d’autres avaient retiré leurs enseignes. Seul le marché de vente aux enchères ne se cachait pas. Ils avaient opté pour une milice de protection et de dissuasion. Voilà les informations que j’avais glaner lors de ma première exploration de l’ile.

Le soir même, j’avais rendez-vous dans une auberge des grooves intermédiaires. En effet sur cette ile, les quartiers s’appelaient des grooves. Il y en avait des totalement pirates, des zones ou la marine ne mettait pas les pieds. Il y en avait d’autres totalement sécurisées avec une foule de soldat. Et entre les deux, il y avait des grooves pas trop mal famée, mais ou il n’y avait pas vraiment de fouineur du GM. C’était donc au milieu d’aventuriers et de pirates pas trop louches que des révolutionnaires des Shabondy m’avaient donné rendez-vous.


Ce fut une jeune fille à la longue tresse noire qui pris la parole. Elle s’appelait Elise Vandegroove. Elle était originaire du Groove 22 et faisait partie de la branche renseignement de l’AR. Elle surveillait constamment les mouvements des esclavagistes. Elle avait été mise en contact avec moi directement grâce à Raven. On m’avait toujours dit que l’AR était une organisation horizontale où il n’y a pas de frontière liée à la hiérarchie. Cependant quand j’étais en bas de l’échelle, je n’osais pas importuner les gens. Maintenant que j’étais en haut de l’échelle, on me forçait à utiliser tout notre réseau. Et je devais avouer que c’était quand même bien pratique. Elise me faisait gagner des semaines de planques barbantes et longues.

« Tu es sûr que l’on peut parler librement ici ? »
« Oui ne t’inquiètes pas. Cet endroit est tenu par des collègues. C’est notre planque principale ici. »
« Ok, qu’elle est la situation alors ? »
« Il faut que je te fasse un petit historique pour que tu comprennes mieux la situation. Il y a quelques mois une pirate à raser la boutique du corsaire Jack. C’était une des plus grosses boutiques d’esclavagiste. Depuis, ils font profils bas. Du coup, c’est nettement plus compliqué de les espionner. L’arrivée des hommes poissons, dont quelques tritons, n’est pas passée inaperçue. C’est à ce moment-là qu’on a repéré et reconnu ton ami Thomas Lancewood. Il y a eu pas mal d’agitation, car avec de la marchandise de cette qualité, ils voulaient attirer un maximum de gros bonnets. »
« De la marchandise ? »
« Oui, les tritons et les sirènes sont ce qui est vendu le plus cher. Pour protéger cette précieuse cargaison, ils les ont déplacés plusieurs fois. Je t’avoue qu’on avait perdu leur trace. Mais on sait où laissé trainer nos oreilles. On a repéré un marchand qui était fort agité et qui commençait à avoir peur qu’on le vol. Apparemment, il effectuera en mouvement demain midi. »
« Demain ? C’est court. Combien d’esclave y-a-t-il ? Comment allons-nous les évacuer ? »
« Je sais, mais tout est prêt ou presque. Il y a un peu plus d’une cinquantaine de personnes qui sont arrivés avec Thomas. On ne sait pas combien d’autre esclaves, ils ont rejoint. Nous avons prévu un navire capable de transporter deux cents prisonniers hors d’ici. »
« Tout ce que j’aurai à faire, ce sera de foncer dans le tas ? »
« Heu, non pas tout à fait. Il faudra d’abord filer notre cible. En effet, certains marchands utilisent des colliers qui explosent quand on essaie de les retirer de force. Il faudra retrouver la clé où ce qu’ils utilisent pour verrouiller les colliers de malheur. »

C’était bien d’avoir les informations facilement, mais il me semblait que je n’en savais pas encore assez. Il me manquait quelques subtilités mais on ferait avec. Je n’avais pas le choix.

Les combats sont d’une violence et brutalité inouïe. Les hommes de l’esclavagiste font pâle figure devant des minks aguerris et enragés. Seuls Dante et ses hommes-poissons parvenaient à résister aux assauts. Le collier pesant lourd sur son cou, Trisha en profite pour s'asseoir. Se frottant la tignasse, elle crée l’électricité statique grâce à ses compétences. Changeant le plus possible d'énergie, l’ange aux ailes minuscules empoigne le collier explosif à pleine main. Une tentative ô combien risquée pour griller le mécanisme. L’engin fumant, ses ailes frémissant de peur, elle prend la chaîne en main. Lâchant un profond soupir, elle s'apprête à tirer dessus. Une poigne féroce l'interrompt.

“En voilà une qui a du cran pour un ange. Cela te dirait de te venger de ceux qui t’ont rabaissé comme ça?”

Redressant la tête, le mink primé la fixe avec un certain intérêt. Teth rivalise en force, l'empêchant dans sa tentative. Jetant un coup d'œil autour d’elle, les minks ont déjà déferlé pour sortir tous les esclaves. Il ne reste que Dante est son équipage, cerné et harcelé par les meilleurs lieutenants du Capitaine de World Wild Company assisté par le mystérieux Morlet. Celui-ci semble sortir une montre à gousset de sa poche. Un étrange spectacle, que Trisha ne peut contempler car la main de Teth écrase ses joues. Ses yeux se croisent pendant que le mink. Ses petites s’agitent devant les grands yeux jaunes et jugeurs.

“Quand je te parle, tu me regardes. On appelle ça, le respect.”

Jaugeant ses contours de visage, il contraint Trisha de force. Celle-ci sent sa dangerosité et ne préfère pas réagir. Elle n’a pas la force. Il semble jauger les nécroses noires et grandissantes autour des yeux de l’ange. De son pouce, Teth lui ouvre la bouche pour jeter un œil à l'intérieur. Il y remarque tous les symptômes d’une grave maladie.

“Hum. Tu es mourante. On jurerait presque la gueule d’un cadavre ambulant. On va voir ce que l’on pourrait faire de toi.”

Une main gantelet apparaît soudain derrière le dos du félin se posant sur son épaule. Teth ne semble pas surpris. Il se tourne vers l’homme qui l’interpelle. La Cavalière remarque Morlet ajustant son haut de forme d’une main.

“C’est terminé. Les hommes-poissons sont enchaînés.
-Dis-moi, tous les non-humains subissent le même sort?
-Est-ce pour me tester? Si je devais y répondre, je prendrais les mots d’une ancienne connaissance qui a fréquenté le milieu : les sirènes font la déco, les hommes-poissons la vaisselle, les anges les serviteurs, les tontattas le ménage, les géants les porteurs et les minks les animaux de compagnie. Mais tous peuvent servir aux plus vils des perversions du maître.
-Cette ancienne connaissance à un humour particulier.
-Je lui dis souvent. Cependant, il en sait des choses.
-Il est temps de renflouer nos rangs. On va transformer ces esclaves bas de gamme en esclavagistes exemplaires. Et puis, il faut bien tester tout le travail de recherche du requin.
-Ce serait avisé, en effet. Néanmoins, l’encyclopédie des fruits du démon…
-Je ne fais pas confiance au vieux livre. Je préfère voir de mes propres yeux. Et puis, je doute que ce mec ait réussi à trouver un pouvoir ultime. Rien à craindre.
-Comme vous désirez. C’est votre prise, je ne suis que l’informateur.
-Sois pas modeste, tu fais parti de la WWC à présent. Tes infos vont ravir notre employeur.
-Ce fut un plaisir.
-Ecoutez-moi donc, les esclaves non-humains ! Aujourd’hui, nous pouvons vous offrir la liberté. Mais la liberté a un prix. Et le prix, c’est moi qui le donne. Aucune négociation possible.”

Le sphinx claque ses doigts en l’air. Ses minks dressent toutes leurs oreilles.

“Rassemblez les esclaves non-humains dans la tente. Remplissez un tonneau d’eau de mer et ramenez-moi le coffre de Dante avec une caisse de fruits. On va faire des expériences.
-Espèce de…
-Et cassez un peu plus de dents au requin, il n’a pas eu son compte on dirait.”

Pendant que Dante est une nouvelle fois passé à tabac, les truands sélectionnent parmi les esclaves mal en point, les minks passant en premier. Ils font aussi entrer quelques anges comme Trisha, et des tontattas. Les regards inquiets et perturbés, les esclaves sont passés d’un maître à l’autre. Et ils ne sont pas certains d’avoir gagné au change.

Le lendemain comme prévu, je me retrouve en planque avec Elise, Krishna et Gerrard. Tous les autres attendent en renfort plus loin. Faire une filature avec plus de personnes n’aurait vraiment pas été judicieux. Surtout que dans le tas, mon artificier est du genre hyperactif et attendre n’est pas trop dans ses cordes. C’était long, comme toute planque qui se doit. Mais on était plutôt bien installé. Assez rapidement, un petit homme nerveux sortit du bâtiment que l’on surveillait.

« Voilà, notre homme. Ça fait des semaines qu’on le suit. Normalement, il doit finaliser une vente d’esclave aujourd’hui. Suivons-le discrètement. »
« Krishna tu restes en positions. On se tient au courant via Den Den Mushi. Gerrard… »
« Oui, je sais. J’y vais. »

Il prit sa forme simiesque et entreprit de le filer de manière directe. Sa petite taille était un atout pour la tâche. Il passait facilement inaperçu et puis même s’il était vu, il n’était qu’un petit singe. C’était pourquoi, il le suivait au plus près, parfois en hauteur, parfois dans les hautes herbes…

Quant à moi, avec Elise, on le suivait à distance. Maintenant que j’avais assimilé son aura, je pouvais le suivre facilement à distance. Pour nous, il nous était inutile de prendre le risque de le suivre de trop près. Aucun risque qu’il nous échappe, donc pas besoin de le serrer.

« C’est moi, ou il file ventre à terre là. »
« Oui, je suppose qu’il est nerveux. »
« Nerveux ? Tu veux rire. Il est carrément paniqué. C’est croire qu’il a la mort aux trousses. Je vais d’ailleurs rester aux aguets pour voir si personne ne le poursuit. Ce serait dommage qu’on ait un concurrent. »

Je fis un peu plus attention aux autres auras qui nous entouraient. Il n’y en avait aucune qui avait l’air d’être focalisée sur lui. Si certaines personnes prenaient le même chemin que nous, à chaque détour fait par notre homme, personne ne semblait bifurquer avec nous. Nous étions seul à le suivre. A moins qu’on ait affaire à un professionnel plus doué que moi.

La filature ne dura pas si longtemps que ça. Notre homme fit quelque tours et détours, mais pas tant que ça. Il semblait vraiment pressé d’atteindre sa destination. S’il avait craint d’être suivi, il aurait fait plus attention. Alors qu’on changeait de groove quelque chose interpela mon alliée.

« Ce n’est pas normal ! »
Qu’est-ce qu’il y a ? »
« Ce n’est pas sur ce groove que je m’attendais à ce qu’ils stockent leurs esclaves. On revient dans une zone où la marine est présente. »
« Je suppose qu’il se servent de la protection de la marine, grâce à quelques officiers corrompus. »
« Oui, c’est culoté. Surtout que les gradés ici sont plutôt irréprochable. »
« Il n’y a jamais plus irréprochable qu’un corrompu qui veut garder sa couverture. Il ne faut pas généraliser, il y a des pommes pourries partout… Même chez nous. »

« Pulululu… Mochi ? »
« Il vient de rentrer dans un bâtiment. »
« En effet, il ne se déplace plus vraiment. Fait un tour rapide et cherche s’il y a des sorties de secours. On accélère et on intervient. »
« Parfait. »

Nous accélérâmes pour le rattraper. On enfila une ruelle. Puis nous tombâmes sur un bâtiment massif. Un escalier descendait vers une cave. Un autre montait à moitié masqué par l’angle de la bâtisse. Plusieurs portes s’ouvraient sur la façade.

« Merde, il est où ? Contact Gerrard ! »
« Pas besoin. Tu me fais confiance. »
« Hein ? Pourquoi ? »
Je l’attrapai par la ceinture et bandai les muscles. Ces pieds quittèrent le sol alors que je voulais la projeter comme un javelot.
« Non, mais tu es complètement con? Je suis infiltrée depuis plusieurs années dans le réseau esclavagiste de l’ile. Il ne faut pas que je participe aux actions de chocs. »
« Oups, désolé. Je ne savais pas. J’y vais alors. »
« Tu ne pouvais pas savoir. »

Notre homme était à l’étage, pas le temps de chercher par où monter. Je m’élançai dans les airs, pris appuis dans les airs et passai à travers de la fenêtre. L’homme était en train de fourrer des documents dans une mallette. Mon entrée fracassante le fit sursauter, mais sans me jeter un regard il se précipita vers une porte. Il l’ouvrit à la volée et se risqua à me jeter un regard. Alors qu’il voulut se précipiter dehors, il rebondit sur la poitrine de Gerrard. Il tomba sur ses fesses. Gerrad entra, et referma la porte derrière lui. Il souleva notre homme par le colback. Il se mit à gémir tout en agitant ces petites jambes.

« Je ne suis que le comptable. Ne me faites pas de mal ! Que me voulez-vous ? Vous volez déjà nos esclaves ? »

Très bonne question. La situation avait l’air plus complexe que prévue encore. Avoir des informations ne devrait pas être trop dur, mais encore fallait-il avoir celles qui nous intéressait.

Alignés devant les hommes de Teth, les esclaves sélectionnés baissent les yeux devant le mink. Celui-ci les jauge du regard tandis que ses hommes plongent un des esclaves bas de gamme dans une grande bassine. Ils lui font ensuite manger un des sois-disants fruits du démons. Teth se tourne vers ses hommes.

“Encore un faux? Noyer le un peu pour voir.”

Ses larbins forcent cruellement la tête de l’esclave maigrichon sous l’eau. Celui-ci se débat pour respirer en agitant ses bras. Haletant après plusieurs tentatives, les hommes de la WWC cesse leur torture.

“P…pitié…
-Il ne coule pas.
-Bordel, mais c’est un bon à rien ! Il s’est fait arnaqué en série, ce con.”

Le félin sans poil peste avant de contempler toute la brochette de malades et de cabossés qu’il a choisi pour ses tests.

“Ou alors c’est ce maigrichon qui porte malheur? Cela a beau être un mink, je ne le sens pas. Comme si l’odeur de l’humain se dégageait naturellement de sa peau. Prenons quelqu’un d'autre. Tiens un tontatta pourquoi pas !”

Subissant les mêmes épreuves que le précédent, le tontatta est cette fois-ci plus respectif. Collant comme un poid, le pauvre nain ne parvient pas à remonter la surface, totalement affaibli. Un faible rictus apparaît sur le visage du sphinx.

“Enfin ! Sortez le de là. Alors le nain, quel est ton nouveau pouvoir?
-ze… ze ne zais pas.
-Bah cherche ! On a pas toute la journée !”

Au sol, le tonttata s’enfonce subitement comme dans du sable mouvant. Le porteur est le premier surpris de cette sensation nouvelle. Le reste de l’assemblée observe le spectacle jusqu’à que le tontatta disparaisse entièrement dans le sol.

“Tiens tiens tiens. En voilà une capacité étrange. Sors maintenant.”

Quelques secondes passent sans que le tontatta ne réapparaisse. Les oreilles de Teth frémissent un instant. D’une vélocité extraordinaire, le mink se positionne dans un coin de la tente. La main noirci par son Haki s’enfonce dans la terre avec violence.

“Petite fouine !”

Brisant le sol, les griffes réussissent à transpercer le petit esclave qui tentait de s'enfuir. Du sang jaillit du cratère créé par le puissant coup du mink. Le corps de la petite fée, à demi enterré, reste inerte. Les autres esclaves détournent le regard. Trisha continue de fixer la scène.

“Il a été audacieux, dommage pour lui, nous aurions pu faire de formidables partenaires. On a le Fruit?
-Oui, chef !
-Parfait, on le vendra au plus offrant. Au suivant !”

Le regard de Teth croise le sien. La Cavalière fronce les sourcils. Elle accepte son impuissance en serrant les dents. La vision d’une telle démonstration d’injustice lui donne la nausée.

“L’ange malade, juste pour l’expérience.”

Libérée de ses chaînes et traînée par les minks, elle finit émergé dans la grande bassine. A peine pied, Trisha  maintient sa tête à la surface en observant les hauteurs de la tente. On lui tend un Fruit. Hésitante, ses mains attrapent cette nourriture. Depuis combien de temps n’a t’elle pas mangé un vrai repas? Son corps si affaibli pour contenir le venin qui la ronge demande de l’énergie. Croissant les yeux humides et désespérés des autres esclaves, la part altruiste de la révolutionnaire se réveille. Si elle doit mourir, c’est en offrant une ouverture pour la fuite des innocents. Sa bouche croque un morceau. Malgré l’amertume repoussante, l’ange continue d’avaler l'entièreté du fruit. Ses forces commencent déjà à la quitter comme si on la tiré vers le fond de la bassine.

“Alors?
-Elle coule.
-Deux fois de suite ! Le requin n’est pas si con au finale. Sortez là de là.”

Des mains lui agrippent les cheveux et la tirent sans aucune délicatesse pour la jeter à terre. Toussotante, la tête vers le sol, à genoux, encore dégoulinante, les ailes atrophiés de l’ange tremblotent. La Cavalière contemple ses mains. Sa peau est plus lumineuse. Elle sent au fond d’elle un changement profond. Son corps est plus léger, les douleurs permanentes de sa maladie s’estompent, une nouvelle énergie s’est logé en elle.

“Tu sens un truc?
-Oui.”

Fermant un instant les yeux pour se concentrer, sa chevelure subit une évolution spectaculaire. Tirant vers une blancheur immaculée, ses cheveux frisés, et grillés par l’usage répété de la foudre, s’ondulent et poussent imitant la douceur d’un nuage. Le mink comprend vite le potentiel de ce pouvoir.

“Eh eh ça c’est un pouvoir très intéressant. On viendrait pas de toucher le gros lot, les gars.”

Teth s’approche posant un genou sur le sol avec un sourire menaçant.

“Quel est ton nom? Tu fais parti de notre groupe maintenant, hein?
-Trisha.”

Pointant son index vers le torse du félin, son avant-bras devient étincelant. En moins d’un clignement de paupières, un laser explose et propulse le sphinx à plusieurs mètres déchirant la toile de la tente par la même occasion. La Cavalière se relève. Les mains jointes, elle les frottent d’une rapidité folle. Des éclairs blancs surgissent de son corps. Les minks voulant se jeter sur elle encaissent des charges électriques de toutes parts. Les esclaves paniqués commencent à fuire la tente. Teth se pointe par la même déchirure dans la toile de tente. Le costard en vrac, le regard haineux et bestiale, ses babines retroussées, le sphinx veut en faire qu’une bouchée.

“Bordel ! Sale ingrate ! Tu viens de signer ton arrêt de mort.”

«  Voler vos esclaves ? Non, pas encore. »
Sans réfléchir, j’avais répondu à l’esclavagiste. A posteriori la sincérité, n’étais peut-être pas la meilleure solution, mais trop tard.

« Mais vous êtes qui ? »
« Et vous vous êtes qui ? »
« Moi, je suis Luc le chanceux et je suis comptable pour un Dragon Céleste. »
« Un Dragon Céleste, c’est cela et moi, je suis la reine d’Alabasta. »
« Les Pah sont une puissante famille vous ne rigolerez pas impunément de moi. »

Haaa, l’égo, qu’est-ce que c’était pratique. Il venait de me balancer le nom de son patron comme ça, juste pour me faire peur.

« Les Pah ? Ça tombe bien, ce sont eux qui m’ont demandé de vous surveiller. Ils avaient peur que vous les doubliez. Qu’est-ce qu’il s’est passé pour que vous fuyez ainsi la queue entre les jambes ? »
Il écarquilla les yeux, mais il avait trop peur pour chercher à mentir.
« Ce Morlet de mes deux, il nous a trahi. Alors que la vente avait lieu avec Dante qui voulais des esclaves pour son arène de combat, on nous a attaqué. Heureusement j’ai pu fuir. Mais je n’ai pas pu récupérer l’argent par contre. »
« Où sont-ils ? »
« Sur le groove 14, dans un entrepôt au croisement de la rue de la Pente et de la ruelle du Bosquet. »
« Combien d’esclave est-ce qu’il y a ? »
« Et d’assaillants ? »
« Une bonne centaine d’esclave. Les assaillants ? Aucune idée, j’ai fui avant de compter moi. »

D’un revers de la main je l’assommai. Il fallait intervenir rapidement avant que les esclaves ne soient à nouveau déplacés. Alors que je sortais mon Den Den Mushi, Gerrad fouilla dans la mallette que Luc venait de préparer à la va vite.

« Moshi moshi ? Krishna ? »
« Oui, Yuki qu’est-ce qu’il y a ? »
« Les esclaves sont à deux pas de vous. Dans un entrepôt au croisement de la rue de la Pente et de la ruelle du Bosquet. Mais, la vente a été attaquée. Surveillez-moi le bâtiment et prépare l’attaque et l’évacuation. Je veux que tu me tiennes au courant de tous les mouvements que tu pourras repérer. »
« Bien reçu. On se déplace et on se prépare. Je vous attends. »
« On fait au plus vite. »

« Regarde ce que j’ai trouvé dans sa mallette, une liste avec des drapeau, une autre avec des initiales et des montants. Ça ressemble à un drôle de livre des comptes. »
« Prends-le ! Les choses s’accélèrent, on va passer à l’action. »

Alors que mon comparse prenait la mallette sous le bras, moi je pris le comptable et nous rejoignîmes rapidement Elise. Je lui laissai le dénommé Luc le pas si chanceux que ça et lui expliquai la situation. Je lui demandai d’utiliser ses contacts pour garder le captif et fouiller son bureau, bien sûr sans compromettre sa couverture.

Une fois cela fait, nous filâmes rejoindre Krishna et les autres. Tous mes alliés s’étaient rassemblés dans un bosquet qui nous permettait de voir l’arrière de l’entrepôt.
« Vous avez fait vite. Je ne sais pas si les autres seront prêt pour l’évacuation. En tout cas, nous on est prêt. »
« Ok, je vais m’infiltrer discrètement au moindre grabuge foncer, le but est de secourir les esclaves. »
« Je suis bouillant. »
« Attendez, je vais quand même sonder les lieux pour vous donner une idée de la situation à l’intérieur…
Ce sont bien des esclaves là-dedans. Il semblerait qu’il y ait deux groupes. Le plus gros se situent de ce côté-ci. Un deuxième un peu plus petit, mais mieux garder se situent de l’autre côté. Je vous laisse, vous répartir. »

Je partis directement. Affinant ma perception de la situation, je décollai dans les airs. Yukishiki Wing! Une sentinelle avait été postée sur le toit. Je lui atterris directement dessus et l’assommai. Alors que je m’introduisais discrètement dans le bâtiment et que j’avais me cible suivante en ligne de mire, un bruit d’explosion retentit. Mais je n’ai encore rien fait, moi ! Ils vont croire que c‘est le signal ça. Ho bordel. Je fonçai dans le tas, je fauchai le garde au passage puis je pulvérisai le mur et me laissai tomber là où le fracas avait retenti.